Fontenelle : « Sommes-nous trente-neuf, on est à nos genoux, Sommes-nous quarante, on se moque de nous. »

L’humour, 11e épisode : Siècle de Louis XIV (suite).

Seconde partie du règne plus sombre, plus difficile aussi - guerres de plus en plus coûteuses, protestants persécutés. C’en est fini des grandes fêtes à la cour, le roi ne danse plus… Mais les sources d’humour ne manquent pas, avec les épigrammes, les chansons, le théâtre… et le roi lui-même fait un effort pour honorer l’esprit d’un bon militaire.

« Sommes-nous trente-neuf, on est à nos genoux, Sommes-nous quarante, on se moque de nous. »910

FONTENELLE (1657-1757), Épigramme sur l’Académie française

Poète et philosophe, élu en 1691. Il ne libérera son fauteuil que soixante-six ans après, mourant centenaire - record de longévité, à l’époque.

L’Académie est une institution qui met parfois en verve les académiciens eux-mêmes. Mais l’humour de Fontenelle, c’est déjà l’esprit du siècle des Lumières où il se trouve en bonne compagnie.

Toutes les citations ci-dessous sont commentées dans nos Chroniques en 10 volumes, qui racontent l’histoire de France de la Gaule à nos jours, en 3 500 citations numérotées, sourcées, replacées dans leur contexte, et signées par près de 1 200 auteurs.

« Marquis, vous avez défendu la place en homme de cœur et vous avez capitulé en homme d’esprit. »909

LOUIS XIV au marquis d’Huxelles

Nouveau siège et fait de guerre. Le marquis a honte d’avoir rendu Mayence après plus de cinquante jours (1689). Mais pour sa belle conduite et sa consolation, le roi le fait gouverneur d’Alsace. Épisode de la guerre de la Ligue d’Augsbourg - toute l’Europe (sauf la Suisse) contre la France, jusqu’en 1697.

« Bon mariage, mon fils […] Il faut bien que vous preniez du fumier pour engraisser vos terres ! »837

Duchesse de chaulnes à son fils, le duc de Picquigny

On dirait une réplique de théâtre, citée par Saint-Simon qui croque la dame : « La duchesse de Chaulnes avait beaucoup de dignité, une politesse choisie, un sens et un désir d’obliger qui tenaient lieu d’esprit ». Son fils vient d’épouser la fille du financier Bonnier, septième fortune du royaume : ce qui s’appelle un « bon mariage ».

« J’aime un amour fondé sur un bon coffre-fort […]
Cette veuve, je crois, ne serait point cruelle ;
Ce serait une éponge à presser au besoin. »838

REGNARD, Le Joueur (1696)

Il y a un théâtre comique, après Molière. L’argent occupe une place croissante dans la société et la littérature reflète ce changement dans les mœurs. Regnard, riche bourgeois, traite le fait avec un mélange de cynisme et d’amoralité.

« Le bout de Monsieur d’Argenson
Se raccourcit avec la lune.
Il deviendra colimaçon,
Le bout de Monsieur d’Argenson ! »918

Le Bout de Monsieur d’Argenson (1698), chanson

La France sort ruinée de la guerre de la Ligue d’Augsbourg. À Paris, le nouveau lieutenant général de police décide de faire des économies : les nuits de pleine lune, les lanternes publiques n’auront que des petits « bouts de chandelles ». D’où les plaisanteries grivoises sur le bout de M. d’Argenson : « Mais il est plus gros et plus long / Quand il voit paraître la brune. »

« En France et sous nos rois, la chanson fut longtemps la seule opposition possible ; on définissait le gouvernement d’alors comme une monarchie absolue tempérée par des chansons. »815

SCRIBE, Discours de réception à l’Académie française (1834)

Analyse ex post signée d’un maître du vaudeville - comédie à couplets qui fera (sa) fortune.

« Le Français est surtout jaloux de la liberté de se choisir son maître. »814

SAINT-ÉVREMOND

Exilé à Londres en raison d’écrits frondeurs contre Mazarin, il refusa la grâce octroyée par Louis XIV, mais ses œuvres circulent en France comme en Angleterre. Ce trait de caractère d’un peuple par ailleurs réputé ingouvernable, ce besoin du « père », revient souvent dans l’histoire. Prochain épisode, l’Empire avec Napoléon.

Tous les commentaires de ces citations se trouvent dans la série des 10 Chroniques :

Les Chroniques, en 10 volumes, racontent l’histoire de France de la Gaule à nos jours, en 3 500 citations numérotées, sourcées, replacées dans leur contexte, et signées par près de 1 200 auteurs.

L’Histoire apparaît comme un scénario de film à grand spectacle, alternant avec une pièce de théâtre intime, toujours entre comédie et tragédie.

Elle s’incarne à travers toutes sortes de personnages. Les noms célèbres côtoient des inconnus, et le peuple, anonyme, occupe constamment la scène, prenant le premier rôle, de Révolution en Commune.

Toute époque tragique abonde en mots épiques et mots de la fin, mais l’esprit à la française résiste, même aux pires moments de la Terreur, des massacres ou des guerres.

Au fil des citations, l’action avance et rebondit, cependant que toutes les opinions et les passions s’expriment. Au final, il s’en dégage une réalité, voire une vérité historique, humaine et multiforme.