Louis XIV : « J'ai toujours ouï dire qu'il est difficile de mourir... »

Mots de la fin en florilège de citations, pour cette semaine où l’on fête les morts. Une manière d’évoquer quelques Noms, au Panthéon de l’Histoire en citations : « Aux grand hommes, la Patrie reconnaissante. »

L’art et la manière de mourir se jouent en six thématiques dominantes, en relation avec le contexte politique, religieux, intellectuel de l’époque. Le « bien mourir » dépend également de la condition sociale : un roi a des devoirs, un chrétien aussi, jusque dans cette dernière scène de sa vie.

Mourir en (se) POSANT face à l’Histoire, en tant que roi, philosophe, martyr sur l’échafaud de la Révolution. Ils mériteraient tous le Panthéon (virtuel et symbolique)… et ils le savent.

« J’ai toujours ouï dire qu’il est difficile de mourir ; pour moi qui suis sur le point de ce moment si redoutable aux hommes, je ne trouve pas que cela soit difficile. »946

LOUIS XIV (1638-1715), à Mme de Maintenon, 28 août 1715. Son mot de la fin

Archives curieuses de l’histoire de France depuis Louis XI jusqu’à Louis XVIII (1840), L. Cimber.

La grandeur du roi face à l’adversité dans les dernières années et la dignité de l’homme devant la mort jusqu’aux dernières heures frappent jusqu’à ses ennemis intimes : Saint-Simon saluera « cette fermeté d’âme, cette égalité extérieure, cette espérance contre toute espérance, par courage, par sagesse, non par aveuglement ».

Toute sa vie, Louis XIV « fait le spectacle », du lever au coucher du roi, en passant par les soupers, les ballets où il se produit en excellent danseur… jusqu’à la « chaise percée » sur laquelle il reçoit des visiteurs. Sa longue agonie devait fatalement être publique. Il meurt comme il a vécu, en roi, mais aussi en chrétien, sa foi l’aidant plus que d’autres tout aussi croyants, mais terrifiés par la mort - Louis XI, Louis XV.

« Je meurs en adorant Dieu, en aimant mes amis, en ne haïssant pas mes ennemis, en détestant la superstition. »1229

VOLTAIRE (1694-1778), profession de foi manuscrite, 18 février 1778

Ses derniers mots, écrits de sa plume, sont pour la tolérance, le combat de sa vie. Fort âgé et malade, il ne voulait pas rater son mot de la fin, autrement dit sa sortie. Il meurt le 30 mai 1778 - après que la Comédie Française ait rendu hommage à l’auteur tragique, statufié de son vivant - et aujourd’hui injouable. Les cendres du plus célèbre philosophe des Lumières seront transférées au Panthéon sous la Révolution - honneur partagé avec Rousseau, son plus cher ennemi.

« Je pardonne aux auteurs de ma mort. Je prie Dieu que mon sang ne retombe pas sur la France. »1480

LOUIS XVI (1754-1793), au bourreau Sanson et à ses aides, 21 janvier 1793

Autre mot de la fin attribué au roi : « Je souhaite que mon sang puisse cimenter le bonheur des Français. » Et encore : « Dieu veuille que ce sang ne retombe pas sur la France. » Cela relève de la « belle mort » pour nourrir la légende, réécrite en une citation apocryphe et conforme à l’esprit de cet acte à jamais mémorable. Dans la réalité, on lui a coupé la parole avant de lui couper la tête et le roi n’a pu dire que quatre mots : « Peuple, je meurs innocent. »

Reste un fait avéré. Louis XVI, tout au long de sa vie, eut une obsession louable et rare chez un roi : ne pas faire couler le sang des Français.

« Tu montreras ma tête au peuple, elle en vaut bien la peine. »1584

DANTON (1759-1794), au bourreau, avant de poser sa tête sous le couperet de la guillotine, 5 avril 1794

C’est « une gueule » et il en a bien joué ! Personnage éminemment théâtral, orateur né, il a suscité des haines farouches, mais fasciné le peuple et l’Assemblée nationale. Son sens de la formule est remarquable, littéralement jusqu’à la fin. Son adversaire, Robespierre, n’aura pas cette chance.

Parions que ce mot de la fin fut préparé par ce redoutable improvisateur de discours, en rappelant la définition de Flaubert : « Échafaud. – S’arranger quand on y monte pour prononcer quelques mots éloquents avant de mourir. »

« Enfants de la Patrie, vous vengerez ma mort. »1552

Olympe de GOUGES (1755-1793), guillotinée le 3 novembre 1793

Féministe passionnée, coupable d’avoir écrit en 1791 une Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne dédiée à la reine, d’avoir défendu le roi, puis courageusement attaqué Robespierre en « brissotine » (synonyme de girondine), elle a été arrêtée en juillet 1793. Elle paraphrase la Marseillaise et lance l’un des plus beaux mots de la fin, dans cette Révolution qui dévore ses enfants, à la manière de Saturne.

Ridiculisée par les Jacobins, tardivement reconnue, elle rate de peu la dernière fournée de panthéonisation, réservée à quatre Résistants et Résistantes, en 2015. Ce sera peut-être pour la prochaine fois.

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