« Je me rends, parce que je veux mourir, mais je ne suis pas vaincu. » | L’Histoire en citations
Marquis de Cinq-Mars Je me rends, parce que je veux mourir, mais je ne suis pas vaincu
Citation du jour

« Je me rends, parce que je veux mourir, mais je ne suis pas vaincu. »730

Marquis de CINQ-MARS (1620-1642)

Les Grands Procès de l’histoire (1924), Me Henri Robert.

Le règne de Louis XIII est riche en complots, comploteurs et affaires. Voici la dernière, la plus dramatique. Le héros, revu et corrigé, fut immortalisé par Alfred de Vigny dans Cinq-Mars, ou une conjuration sous Louis XIII (1826), roman historique inspiré de Walter Scott.

Le comte de Vigny, jeune officier et poète romantique, fait de Cinq-Mars le symbole de la noblesse humiliée par la monarchie absolue : grand écuyer, favori de la Reine, passionnément attaché aux prérogatives de sa caste, bravant les édits de Richelieu (comme témoin à un duel interdit), il s’apprête à écarter le puissant cardinal qui a tout pouvoir sur un roi trop faible, avec la complicité des Espagnols et l’appui de la reine Anne d’Autriche. La conjuration est dénoncée. Le cardinal triomphe. « Cinq-Mars sourit avec tristesse et sans amertume, parce qu’il n’appartenait déjà plus à la terre. Ensuite, regardant Richelieu avec mépris », il a ce joli « mot de la fin ».

La réalité est quelque peu différente du roman, mais pas moins théâtrale.

« Je voudrais bien voir la grimace que Monsieur le Grand doit faire à cette heure. »731

LOUIS XIII (1601-1643), à Paris, apprenant l’exécution de son favori à Lyon

Historiettes : mémoires pour servir à l’histoire du XVIIe siècle (posthume, 1834), Tallemant des Réaux

Monsieur le Grand, c’est Cinq-Mars. Il a 22 ans. Condamné à mort, il est décapité à Lyon, le 12 septembre 1642.

Le marquis de Cinq-Mars était le dernier favori du roi, Richelieu ayant organisé la rencontre trois ans plus tôt, pour distraire un souverain fatigué, malade de tuberculose. Le jeune homme est comblé d’honneurs par le roi, mais ce n’est jamais assez. Louis XIII s’en plaint  au cardinal : « Tant plus on témoigne l’aimer et le flatter, tant plus il se hausse et s’emporte. »

L’ingrat cède alors à la tentation du complot, soutenu par Philippe IV d’Espagne en guerre contre la France. En échange, les conjurés promettent à l’ennemi la restitution de toutes les villes conquises et la victoire ! On projette aussi de s’emparer du cardinal et même de le tuer. Cinq-Mars recule au dernier moment – voyant Richelieu avec son capitaine des gardes. Mais une copie du traité félon l’accuse. Louis XIII ne peut pardonner une telle traîtrise à son favori. L’affaire Cinq-Mars attriste les derniers mois du cardinal, épuisé à la tâche, rongé par un ulcère.

« La duchesse de Bouillon alla demander à la Voisin un peu de poison pour faire mourir un vieux mari qu’elle avait qui la faisait mourir d’ennui. »884

Marquise de SÉVIGNÉ (1626-1696), Lettre, 31 janvier 1680 (posthume)

Au siècle de Louis XIV, les affaires sont souvent étouffées par la monarchie absolue. Cette fois, le fait divers criminel va devenir affaire d’État – c’est l’affaire des Poisons, première ombre portée au règne du Roi-Soleil. Et l’infatigable épistolière nous met dans la confidence, avec gourmandise.

Tout commence quatre ans plus tôt : la marquise de Brinvilliers est accusée d’avoir empoisonné père, frère et autres « gêneurs » de la famille pour hériter. Elle reconnaît ses crimes, mais déclare qu’« il y avait beaucoup de personnes engagées dans ce misérable commerce de poison, et des personnes de condition. » Sans donner les noms. Jugée, condamnée, elle est décapitée, puis brûlée le 17 juillet 1676.

Suite aux aveux de la marquise, La Reynie, lieutenant général de la police, est chargé d’enquêter en 1677. Dans le milieu des diseuses de bonne aventure, devins et autres sorciers, on découvre tout un réseau de fabricants et marchands de drogues - dites « poudres de succession », l’arsenic étant la plus efficace.

Panique dans la population : on voit l’œuvre des empoisonneuses dans le moindre décès prématuré ! On apprend aussi la pratique des avortements et des messes noires. Et cela concerne tous les milieux, à Paris comme en province. Le scandale grandit, le nombre des inculpés aussi. Le roi institue une cour extraordinaire de justice pour juger de ces crimes : Chambre ardente, tendue de draps noirs, éclairée par des flambeaux, nommée « cour des poisons ». Le scandale éclabousse la cour : duchesse de Bouillon (la plus jeune des nièces de Mazarin), comtesse de Soissons (autre « mazarinette »), vicomtesse de Polignac, duc de Vendôme, maréchal de Luxembourg (jadis alchimiste amateur), Racine (soupçonné d’avoir empoisonné par jalousie sa maîtresse et comédienne, la Du Parc)… et jusqu’à la favorite en titre du roi.

« Toutes les fois qu’elle [Mme de Montespan] craignait quelque diminution aux bonnes grâces du Roi, elle donnait avis à ma mère afin qu’elle y apportât quelque remède. »885

Marie-Marguerite MONVOISIN (1658- ??), belle-fille (et complice) de la Voisin

Le Drame des poisons (1900), Frantz Funck-Brentano

MontespanLa Voisin (du nom de son mari, le sieur Monvoisin) est connue quartier Saint-Denis comme marchande de beaux effets et avorteuse. Accusée d’avoir pratiqué la sorcellerie et fourni des poisons, elle tait le nom de la maîtresse royale, mais sa belle-fille met en cause Mme de Montespan. Elle aurait donné au roi des « remèdes », en fait des aphrodisiaques peu ragoûtants (fœtus séchés, sperme de bouc, bave de crapaud, poussière de taupes desséchées, sang de chauve-souris, semence humaine et sang menstruel) qui ont ébranlé sa santé pourtant robuste.

On parle aussi de messes noires où, dit-on, des enfants sont égorgés sur l’autel du diable. La Voisin, main coupée, subit la question, avant d’être brûlée en place de Grève, le 22 février 1680, et la « fille Monvoisin » sera enfermée à la citadelle Vauban de Belle-Isle.

« S’il est périlleux de tremper dans une affaire suspecte, il l’est encore davantage de s’y trouver complice d’un grand : il s’en tire et vous laisse payer doublement, pour lui et pour vous. »886

Jean de LA BRUYÈRE (1645-1696), Les Caractères (1688)

Moraliste et observateur des Mœurs du siècle (sous-titre des Caractères), il doit son succès à cette seule œuvre.

L’affaire des Poisons allait compromettre trop de monde à la cour. Et Louis XIV est horrifié : sa maîtresse lui aurait donc fait absorber des philtres d’amour, manigancé la mort de Mme de Fontanges (sa nouvelle favorite) et la stérilité de la reine !… Il suspend les interrogatoires. L’enquête publique est fermée, le roi fait brûler les dossiers, jetant lui-même au feu de la cheminée les pages compromettant son ex-favorite. La Chambre ardente aura siégé trois ans. Au final, 36 condamnations à mort, prononcées et appliquées.

« Nous avons plus grand besoin d’un vaisseau que d’un collier. »1238

MARIE-ANTOINETTE (1755-1793), aux joailliers de la couronne, Boehmer et Bassenge

Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette (1823), Madame Campan

RohanLa reine, quoique coquette et dépensière, a refusé une parure de 540 diamants valant 1 600 000 livres – le prix de deux vaisseaux de guerre. Étonnante réaction de l’« étrangère » accusée de ruiner la France ! Boehmer a acheté le collier, certain qu’elle changera d’avis, mais elle réitère son refus et il ne sait plus comment vendre un tel bijou !

L’intrigante comtesse de La Motte et l’aventurier italien Cagliostro vont persuader le cardinal de Rohan (image) de l’acheter, pour s’attirer les faveurs de Marie-Antoinette. Début d’une escroquerie dont Dumas tirera un roman, Le Collier de la reine. Affaire bel et bien historique, qui éclate en juillet 1785. Rohan ne pouvant couvrir une échéance, les bijoutiers adressent la facture à la reine qui n’a jamais touché aux diamants – revendus au détail par les deux escrocs. Louis XVI, poussé par sa femme et (mal) conseillé, porte l’affaire devant le Parlement de Paris. Le cardinal, plus naïf que coupable, est acquitté le 31 mai 1786, mais exilé par le roi. La comtesse de la Motte, condamnée à être flagellée, marquée au fer, est enfermée à perpétuité à la Salpêtrière. Elle s’en évade en 1787.

La reine, innocente dans cette affaire, est déconsidérée, sa vie privée étalée au grand jour et ses fastueuses dépenses dénoncées. La police doit empêcher Paris d’illuminer pour acclamer le cardinal et se réjouir de voir l’« Autrichienne » humiliée. Elle devient « Madame Déficit ».

« Plus scélérate qu’Agrippine / Dont les crimes sont inouïs,
Plus lubrique que Messaline, / Plus barbare que Médicis. »1242

Pamphlet contre la reine. Vers 1785

Dictionnaire critique de la Révolution française (1992), François Furet, Mona Ozouf

Dauphine adorée, la reine est devenue terriblement impopulaire en dix ans, pour sa légèreté de mœurs, ses intrigues et son ascendant sur un roi faible jusqu’à la soumission. L’affaire du Collier va renforcer ce sentiment.

La Révolution héritera certes de l’œuvre de Voltaire et de Rousseau, mais aussi des « basses Lumières », masse de libelles et de pamphlets à scandale où le mauvais goût rivalise avec la violence verbale, inondant le marché clandestin du livre et sapant les fondements du régime. Après les maîtresses de Louis XV et le clergé, Marie-Antoinette devient la cible privilégiée : quelque 3 000 pamphlets la visant relèvent, selon la plupart des historiens, de l’assassinat politique.

« Grande et heureuse affaire ! Que de fange sur la crosse et sur le sceptre ! Quel triomphe pour les idées de la liberté. »1243

Emmanuel Marie FRÉTEAU de SAINT-JUST (1745-1794), conseiller au Parlement

Les Grands Procès de l’histoire (1924), Me Henri-Robert

Et Mirabeau dira plus tard : « Le procès du Collier a été le prélude de la Révolution. » La royauté déjà malade sort encore affaiblie de cette affaire. Et Marie-Antoinette le paiera cher, lors de son procès.

Renaissance et guerres de Religion, Naissance de la monarchie absolue

 

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