1958. L’épilogue approche. C’est encore une guerre qui va faire tomber le régime et ramener l’homme providentiel. L’Histoire se répète. Mais c’est une guerre civile qui ne dit pas encore son nom et déchire les Français, la guerre d’Algérie.
« Le cadavre bafouille. »2918
Hubert BEUVE-MÉRY (1902-1989) citant Maurice Barrès (1862-1923)
Le Suicide de la Quatrième République (1958), Hubert Beuve-Méry
Citation référentielle, indexée à ce titre sur le site de l’Histoire en citations. Le fondateur du Monde (quotidien de gauche) fait référence au maître à penser de la droite nationaliste, dans l’Entre-deux-guerres - Barrès, ami de Charles Maurras et participant à l’Action française (mouvement et journal d’extrême-droite).
La France vit à l’heure algérienne. Le pouvoir, donc le régime, se trouve dans une situation sans issue : aucune majorité stable possible, ni à gauche, ni au centre, ni à droite, face au drame national. La guerre divise les Français et les consciences - même si on la nomme encore « lutte contre la rébellion » dans les départements français d’Algérie. À Paris, on parle de « bons offices » anglo-américains en vue de la paix. Valse des présidents du Conseil : Félix Gaillard tombe, Pflimlin arrive, Alger craint d’être lâchée.
Toutes les citations qui suivent
sont commentées dans nos Chroniques.
« La Quatrième République doit, pour une large part, la suite ininterrompue de ses désastres et sa ridicule fin à un personnel politique mal préparé qui n’avait pas fait ses classes. »2843
François MAURIAC, Le Nouveau Bloc-notes, II, 1958-1960
Diagnostic différent du général qui incrimine d’abord les institutions : « Le régime des partis, c’est la pagaille ». Mauriac, gaulliste fervent mais jamais « godillot », s’investit en journaliste dans le drame algérien, convaincu que seul de Gaulle peut dénouer la situation. « J’ai toujours eu l’idée que ce ne sont pas les institutions qui corrompent les hommes, que ce sont, au contraire, les hommes qui corrompent les institutions. »
« Pourquoi voulez-vous qu’à soixante-sept ans je commence une carrière de dictateur ? »2923
Charles de GAULLE, conférence de presse, 19 mai 1958
Le général tient à tranquilliser une opinion émue par sa déclaration du 15 mai à Alger, « prêt à assumer les pouvoirs de la République ». Et de conclure : « J’ai dit ce que j’avais à dire. À présent, je vais rentrer dans mon village et m’y tiendrai à la disposition du pays. » Pays divisé, bouleversé, par ailleurs sensible à toutes les rumeurs - une dictature militaire en France, des parachutistes venus d’Algérie prêts à débarquer…
« Tout le plaisir et l’honneur que j’ai de me trouver parmi vous… »2928
Charles de GAULLE, premiers mots de sa déclaration, Assemblée nationale, séance de nuit du 1er au 2 juin 1958
Le nouveau président du Conseil a obtenu ce qu’il demandait : investiture votée par 329 voix contre 224, pleins pouvoirs en métropole et pouvoirs spéciaux en Algérie, droit de réformer la Constitution. Dans la nuit, il revient entouré de ses ministres et les présente aux parlementaires - faveur d’autant plus étonnante qu’il n’a cessé de vilipender le régime et son « personnel ».
« Vous verrez, après la musique de chambre, ce sera la musique militaire. »2929
Georges BIDAULT, dans les couloirs du Parlement, après la séance de nuit du 1er au 2 juin 1958
Et les communistes résument : « Après l’opération sédition, c’est l’opération séduction. » Le 4 juin, au Forum d’Alger, de Gaulle s’adresse à la foule : « Je vous ai compris ! » Malentendu historique, prémédité par le général : « Imaginez, qu’en 1958, quand je suis revenu au pouvoir, je disais qu’il fallait que les Algériens prennent eux-mêmes leur gouvernement, il n’y aurait plus eu de De Gaulle immédiatement ! »
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