Napoléon : « Vous n'avez ni souliers, ni habits, ni chemises... »

À peine sortie de la Révolution, la France va vivre une autre époque héroïque et par définition historique. Cette fois, un seul homme a la parole - Napoléon a le génie du Verbe autant que de l’action, et la censure impériale ne favorise pas les autres acteurs de l’Histoire. Ils vont se rattraper, lors de la révolution de 1848.

À feuilleter pour tout savoir

« Vous n’avez ni souliers, ni habits, ni chemises, presque pas de pain, et nos magasins sont vides ; ceux de l’ennemi regorgent de tout. C’est à vous de les conquérir. Vous le voulez, vous le pouvez, partons ! »1656

Napoléon BONAPARTE (1769-1821), à ses soldats, Toulon, 29 mars 1796

L’Europe et la Révolution française, Cinquième partie, Bonaparte et le Directoire (1903), Albert Sorel.

Nommé général en chef de l’armée d’Italie par le Directoire, il tient ce langage le jour de son arrivée devant Toulon. Début de la (première) campagne d’Italie et d’une irrésistible ascension. À 26 ans, Bonaparte a déjà l’art de galvaniser ses troupes – vagabonds en guenilles dont il va faire des soldats victorieux face à des armées supérieures en nombre – avec les mots dictés par les circonstances : « Votre patience à supporter toutes les privations, votre bravoure à affronter tous les dangers excitent l’admiration de la France ; elle a les yeux tournés sur vos misères… »

Il va ensuite multiplier les appels qui commencent presque toujours par « Soldats ! ». « Soldats, vous avez en quinze jours remporté six victoires, pris vingt et un drapeaux, cinquante-cinq pièces de canon, plusieurs places fortes, conquis la partie la plus riche du Piémont ; vous avez fait quinze mille prisonniers, tué ou blessé plus de dix mille hommes. […] Mais soldats vous n’avez rien fait puisque […] ni Turin, ni Milan ne sont à vous. » (26 avril 1796).

« Français ! […] j’arrive parmi vous reprendre mes droits qui sont les vôtres. »1924

NAPOLÉON Ier (1769-1821), Golfe Juan, Proclamation du 1er mars 1815

Come-back stupéfiant, après l’Empire et l’abdication (numéro un), voici l’épopée des Cent-Jours. Une partie des Français croit au miracle, Napoléon fait encore peur aux autres… et au reste de l’Europe. L’aventure se termine par le désastre de Waterloo (18 juin), Napoléon entre alors dans la légende.

« Par la voix du canon d’alarme, / La France appelle ses enfants.
« Allons, dit le soldat, Aux armes ! / C’est ma mère, je la défends. »
Mourir pour la patrie, / C’est le sort le plus beau, / Le plus digne d’envie. »2128

MAQUET (1813-1888), paroles, et VARNEY (1811-1879), musique, Chant des Girondins (1847), entonné le 22 février 1848 au matin, place de la Concorde

Chœur tiré du Chevalier de Maison-Rouge, version théâtrale du roman historico-héroïco-révolutionnaire signé Dumas et Maquet. Succès populaire au soir de la première, il va devenir « la Marseillaise de la Révolution de 1848 », repris au matin du 22 février, à la Concorde. La foule crie : « À bas Guizot ! » et conspue les gardes municipaux. Les pavés, les barricades, les manifestations s’improvisent ici et là, avec les habitants des faubourgs et des banlieues venus pour la bagarre, jusqu’à la nuit tombante.

Notons le triomphe inattendu de ce chant parfaitement mis en situation. C’est le secret de toute bonne citation historique.

« Puissent les classes dirigeantes trembler à l’idée d’une révolution communiste ! Les prolétaires n’ont rien à perdre que leurs chaînes. Ils ont un monde à gagner. Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! »2136

Karl MARX (1818-1883) et Friedrich ENGELS (1820-1895), Manifeste du parti communiste (1848)

Les derniers mots, les plus célèbres du Manifeste, ont fait l’Histoire et changé la face du monde au XXe siècle. Cette théorie de la lutte des classes se survit au XXIe siècle, dans un contexte malgré tout très différent.