Clemenceau : « Je vous promets une de ces crises. » | L’Histoire en citations
Clemenceau Je vous promets une de ces crises
Citation du jour

« Je vous promets une de ces crises comme on n’en a pas encore vu dans le monde parlementaire ! »2489

Georges CLEMENCEAU (1841-1929)

L’Affaire Wilson et la chute du président Grévy (1936), Adrien Dansette.

Parole du célèbre « tombeur de ministères » sous la IIIe République. Le temps des crises parlementaires va de pair avec celui des sales affaires et le personnel politique est gravement déconsidéré.

Clemenceau le radical, qui incarne la gauche pure et dure, ne va pas rater cette occasion : l’affaire des décorations touche non seulement le gouvernement, mais encore le président de la République.

« Jadis on était décoré et content. Aujourd’hui on n’est décoré que comptant ! »2486

Alfred CAPUS (1857-1922), Le Gaulois, 7 octobre 1887

Ce journal, comme bien d’autres, dénonce le scandale de l’Élysée. La corruption, tant reprochée aux (républicains) opportunistes qui sont au pouvoir, atteint la famille du président Grévy. Son gendre, Daniel Wilson, est accusé d’avoir créé à l’Élysée un « ministère des Recommandations et Démarches ». Bien entendu, il fait payer ses services. Ce trafic des décorations, découvert en septembre 1887, porte notamment sur la Légion d’honneur.

Le gouvernement qui soutenait Wilson est renversé le 20 novembre. Le Figaro du lendemain vise plus haut : « La crise, c’est M. Grévy ; c’est par son obstination qu’elle s’est ouverte, c’est par sa démission qu’elle peut finir. »

« Ah ! quel malheur d’avoir un gendre […] / Avec lui, j’en ai vu de grises,
Fallait qu’j’emploie à chaque instant / Mon nom, mon crédit, mon argent
À réparer toutes ses sottises. »2487

Émile CARRÉ (1829-1892), Ah ! quel malheur d’avoir un gendre (1887), chanson

Jules Grévy, ou la République debout (1991), Pierre Jeambrun

Ainsi fait-on chanter le président octogénaire : « J’suis un honnête père de famille / Ma seule passion, c’est l’jeu de billard / Un blond barbu, joli gaillard / Une fois m’demande la main d’ma fille / Y sont mariés, mais c’que j’m’en repens ! / Ah ! quel malheur d’avoir un gendre ! »

Démission forcée de Grévy, le 2 décembre 1887 : « J’en appelle à la France ! Elle dira que, pendant neuf années, mon gouvernement a assuré la paix, l’ordre et la liberté. Elle dira qu’en retour, j’ai été enlevé du poste où sa confiance m’avait placé. »

« La plus grande flibusterie du siècle… De l’or, de la boue et du sang. »2505

Édouard DRUMONT (1844-1917), La Libre Parole, septembre 1892

PanamaJournaliste catholique, Drumont a déjà attaqué la finance juive dans un pamphlet, La France juive (1886). Il fonde ensuite ce journal nationaliste et antisémite, La Libre Parole (sous-titré « La France aux Français ») et dénonce le scandale de Panama. « De l’or, de la boue et du sang » : résumé de l’affaire et titre du livre à paraître (1896).

De Lesseps a créé en 1881 une compagnie pour le percement de l’isthme. Difficultés techniques et bancaires l’obligent à demander de nouveaux fonds. Pour se lancer sur le marché des obligations, il lui faut une loi – il achète les voix de parlementaires et de ministres. Trop tard. Sa compagnie est liquidée (février 1889), 800 000 souscripteurs sont touchés. On tente d’étouffer le scandale, mais une enquête pour abus de confiance et escroquerie est lancée contre de Lesseps, père et fils.

Dans la nuit du 19 au 20 novembre 1892, le suicide du baron Reinach, intermédiaire entre la Compagnie de Panama et le monde politique, met le feu aux poudres. Le député royaliste Jules Delahaye accuse à la tribune, sans les nommer, 150 députés d’avoir été achetés. La presse dénonce les « chéquards » et les « panamistes », dont Clemenceau. C’est le plus gros scandale financier de la IIIe République.

« Il n’y a pas d’affaire Dreyfus. »2516

Jules MÉLINE (1838-1925), président du Conseil, au vice-président du Sénat venu lui demander la révision du procès, séance du 4 décembre 1897

Mot malheureux, quand éclate au grand jour l’affaire Dreyfus, devenue l’« Affaire » et la plus grave crise pour le régime. Méline refuse la demande en révision du procès. Les dreyfusards (minoritaires) vont mobiliser l’opinion par une campagne de presse – une première, dans la vie politico-médiatique.

« J’accuse. »2517

Émile ZOLA (1840-1902), titre de son article en page un de L’Aurore, 13 janvier 1898

J'accuseL’Aurore est le journal de Clemenceau et le titre est de lui. Mais l’article en forme de lettre ouverte au président de la République Félix Faure est de Zola : il accuse deux ministres de la Guerre, les principaux officiers de l’état-major et les experts en écriture d’avoir « mené dans la presse une campagne abominable pour égarer l’opinion », et le Conseil de guerre qui a condamné Dreyfus, d’« avoir violé le droit en condamnant un accusé sur une pièce restée secrète ». Le ministre de la Guerre, général Billot, intente alors un procès en diffamation au célèbre écrivain.

« Un jour la France me remerciera d’avoir aidé à sauver son honneur. »2518

Émile ZOLA (1840-1902), La Vérité en marche, déclaration au jury

L’Aurore, 22 février 1898

Le procès Zola en cour d’assises (7-21 février 1898) dévoile l’Affaire au monde entier. Formidable tribune pour l’intellectuel converti aux doctrines socialistes et aux grandes idées humanitaires ! « Tout semble être contre moi, les deux Chambres, le pouvoir civil, le pouvoir militaire, les journaux à grand tirage, l’opinion publique qu’ils ont empoisonnée. Et je n’ai pour moi que l’idée, un idéal de vérité et de justice. Et je suis bien tranquille, je vaincrai. »

En attendant, conspué, harcelé, condamné à un an de prison et 3 000 francs d’amende, il s’exile à Londres.

« L’intervention d’un romancier, même fameux, dans une question de justice militaire m’a paru aussi déplacée que le serait, dans la question des origines du romantisme, l’intervention d’un colonel de gendarmerie. »2519

Ferdinand BRUNETIERE (1848-1906), Après le procès (1898)

Intellectuel type, historien de la littérature et critique français, professeur à l’École normale et à la Sorbonne, directeur de la Revue des Deux Mondes, Brunetière est antidreyfusard par respect des institutions, comme il est conservateur en littérature, par fidélité aux classiques.
 
Rejetant l’engagement dreyfusard de Zola, refusant de se prononcer sur la culpabilité du capitaine Dreyfus, il déclare que « porter atteinte à l’armée, c’est fragiliser la démocratie. » D’autres antidreyfusards vont plus loin.

« Au moral, la haine de l’esprit militaire, au matériel, un désarmement qui attire la guerre comme l’aimant le fer. »2525

Charles MAURRAS (1868-1952), Au signe de Flore : souvenirs de vie politique, l’affaire Dreyfus, la fondation de l’Action française, 1898-1900 (1931)

Le théoricien du nationalisme intégral sera hanté à vie par le souvenir de l’affaire Dreyfus.

Elle a de graves conséquences, militaires d’abord. L’armée en sort divisée (on se bat en duel dans les garnisons, dreyfusards contre « anti »), affaiblie, discréditée, épurée. Conséquences psychologiques ensuite. La France va vivre en guerre de religion, deux camps se lançant leurs invectives : haine raciale, violation des droits de l’homme, contre antipatriotisme, antimilitarisme. Politiquement enfin, les républicains modérés, divisés sur l’Affaire, vont s’appuyer sur la gauche et finalement perdre le pouvoir au profit des radicaux. Le centrisme n’est plus possible.

« Envions-le [Zola], sa destinée et son cœur lui firent le sort le plus grand : il fut un moment de la conscience humaine. »2536

Anatole FRANCE (1844-1924), Éloge funèbre d’Émile Zola, 5 octobre 1902

Discours prononcé au cimetière de Montmartre, à l’enterrement de Zola. Anatole France salue le combat mené par son confrère dans l’affaire Dreyfus. Lui-même fut de ces intellectuels engagés dans le camp des « révisionnistes ».

Second Empire et IIIe République

 

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