Alphonse Karr : « Plus ça change, plus c'est la même chose. »

Sixième République, solution radicale ou fausse bonne idée ? Elle a ses défenseurs, Mélenchon en tête d’affiche, mais aussi Benoit Hamon, Montebourg (quand il faisait de la politique). Certains sondages disent les Français majoritairement favorables. Avec ses 15 Constitutions depuis 1789, notre pays a prouvé sa fibre, voire sa fièvre constitutionnelle. Désir de changement, aspiration au monde nouveau ? Ou politique du pire, populisme, démagogie, dégagisme, jeu dangereux des extrêmes ?

Voici quelques citations à méditer, tirées de l’Histoire en citations, depuis la Deuxième République.

Feuilletez la Chronique sur la Ve République pour en savoir plus.

« Plus ça change, plus c’est la même chose. »2193

Alphonse KARR (1808-1890), titre de deux recueils d’articles, Les Guêpes, janvier 1849

Le journaliste multiplie les pamphlets dans sa revue de satire politique, sans savoir à quel point l’avenir va lui donner raison. « L’histoire, comme une idiote, mécaniquement se répète », écrira Paul Morand (Fermé la nuit).

« Au lieu de treize régimes en quatre-vingts ans, il n’y a eu depuis 1871 qu’un seul régime en soixante-cinq ans […] Tandis que les régimes antérieurs tombaient avant de vieillir, le régime actuel a vieilli avant de tomber. »2623

André TARDIEU (1876-1945), Le Souverain captif (1936)

L’instabilité ministérielle frappe les contemporains de l’entre-deux-guerres : 42 gouvernements en 21 ans ! Le parlementarisme avec tous ses excès entraîne la dépendance d’un exécutif faible vis-à-vis d’un législatif souverain. Une certaine continuité est heureusement assurée par l’administration et par le « roulement professionnel » du personnel politique, surtout chez les radicaux – Queuille fut vingt fois ministre, Daladier dix-sept.

« La Quatrième République doit, pour une large part, la suite ininterrompue de ses désastres et sa ridicule fin à un personnel politique mal préparé qui n’avait pas fait ses classes. »2843

François MAURIAC (1885-1970), Le Nouveau Bloc-notes, II, 1958-1960

Chroniqueur politique, il fait le même constat d’échec que de Gaulle, avec un autre diagnostic : « J’ai toujours eu l’idée que ce ne sont pas les institutions qui corrompent les hommes, ce sont, au contraire, les hommes qui corrompent les institutions. »

« On prend les mêmes et on recommence. »2841

Formule habituelle pour saluer les changements de gouvernement

Clemenceau dénonçait déjà ces gouvernements qui se ressemblent tous, faisant appel au même personnel politique, dans la « République des camarades ». Journaliste, créateur de Marianne, Jean-François Kahn en fait un pamphlet : On prend les mêmes et on recommence ? comme si la Cinquième République reproduisait les défauts des deux précédentes.

« C’est une vieille, très vieille République qui boitille encore sous nos yeux, une République monarchique qui s’illusionne elle-même en ses anciens atours, avec ses escortes de motards, ses huissiers à chaîne, ses complaisances de cour, et ses arrogances technocrates. »3280

Claude IMBERT (1929-2016), L’Événement du jeudi, 2 février 1989

Le directeur du Point s’exprime dans un article titré : « Faut-il croire au déclin de la politique ? » La dépolitisation semblait une évolution inéluctable. Les années 2000 vont démentir cette prédiction. Il suffit d’un événement inattendu, un personnage nouveau, une cause à défendre… et le Français se passionne pour la Politique, s’enthousiasme ou s’indigne.

« Qu’ils s’en aillent tous ! Vite, la Révolution citoyenne. »3442

Jean-Luc MÉLENCHON (né en 1951), titre et sous-titre de son essai (Flammarion, 2010)

Le nouveau tribun de la gauche fourbit ses arguments, pour la prochaine présidentielle contre Sarkozy. « La consigne, « Qu’ils s’en aillent tous », ne visera pas seulement ce président, roi des accointances, et ses ministres, ce conseil d’administration gouvernemental de la clique du Fouquet’s ! Elle concernera toute l’oligarchie bénéficiaire du gâchis actuel. « Qu’ils s’en aillent tous ! » : les patrons hors de prix, les sorciers du fric qui transforment tout ce qui est humain en marchandise, les émigrés fiscaux, les financiers dont les exigences cancérisent les entreprises. Qu’ils s’en aillent aussi, les griots du prétendu « déclin de la France » avec leurs sales refrains qui injectent le poison de la résignation. Et pendant que j’y suis, « Qu’ils s’en aillent tous » aussi ces antihéros du sport, gorgés d’argent, planqués du fisc, blindés d’ingratitude. Du balai ! Ouste ! De l’air ! » Il va se référer à Robespierre et Saint-Just, symboles de la Terreur révolutionnaire, mais ce sont toujours des liaisons dangereuses, voire vertigineuses.

« Génie de la Bastille qui culmine sur cette place, nous voici de retour, le peuple des révolutions et des rébellions en France. Nous sommes le drapeau rouge ! »3474

Jean-Luc MÉLENCHON (né en 1951), Discours du 18 mars 2012 à Paris, place de la Bastille

Le tribun fait place comble ce dimanche et défie le temps à la pluie. Plus de 120 000 personnes ont défilé, entre Nation et Bastille, avant d’écouter le candidat du Front de gauche. Il appelle à prendre le pouvoir et donc à reprendre la Bastille. Ce jour doit marquer le début de « l’insurrection civique » et populariser sa « VIe République sociale, laïque et écologique ».