Une exception à la règle… Citer Valéry, oui, son pessimisme plaît autant que son sens de la formule. Mais éviter d’expliquer et contextualiser. Trop intelligent, trop intellectuel ! On risque de se perdre dans la profondeur de sa pensée. D’autres auteurs tout aussi classe vous invitent à penser, écrire, parler clair et juste.
« Le temps du monde fini commence. »2693
(1871-1945), inscription au fronton du Palais de Chaillot en 1937
Regards sur le monde actuel (1931), Paul Valéry.
Nommé en 1937 professeur au Collège de France – un honneur entre tant d’autres –, ce « poète d’État » est chargé la même année des inscriptions qui ornent le nouveau Palais de Chaillot, ouvert pour l’Exposition internationale « Arts et Techniques dans la vie moderne », et renfermant, outre un théâtre, trois musées (des Monuments français, de la Marine et de l’Homme).
Cette réflexion sur le destin de notre civilisation et le devenir de la science figure en bonne place sur le fronton.
« On ne fait rien de sérieux si on se soumet aux chimères, mais que faire de grand sans elles ? »2729
Charles de GAULLE (1890-1970). Les Chênes qu’on abat (1979), André Malraux
On peut évoquer cette « chimère » de 1940 : refus de la défaite d’un homme seul et volonté de forcer le destin, jusqu’à la victoire. Il y a bien d’autres chimères, chacun a les siennes et c’est assez clair.
De Gaulle s’oppose à Valéry au moins sur ce point : « Les choses capitales qui ont été dites à l’humanité ont toujours été des choses simples. » Grand communicateur qui sut utiliser la radio et plus tard la télévision, il respecte cette règle de fond et de forme trop souvent oubliée, qui fait de lui une véritable « mine de citations », juste après Napoléon. Rien, sans doute, n’est plus difficile que de faire simple.
« À la fin, il n’y a que la mort qui gagne. »2980
Charles de GAULLE (1890-1970), citant volontiers ce mot de Staline dans ses Mémoires de guerre
Malraux reprend cette phrase dans ses Antimémoires. La mort fut certainement omniprésente dans ce dialogue au sommet de l’intelligence, qui réunit les deux hommes. Jusqu’à la mort du général.
Cette citation de citation, cette mise en abyme sur un thème éternel, c’est très, très classe.
« Le cadavre bafouille. »2918
Hubert BEUVE-MÉRY (1902-1989) citant Maurice Barrès (1862-1923). Le Suicide de la Quatrième République (1958)
La guerre (encore sans nom) divise les Français et les consciences. La France vit à l’heure algérienne. Le pouvoir, donc le régime, se trouve dans une situation sans issue : aucune majorité stable possible, ni à gauche, ni au centre, ni à droite, face au drame national.
La formule est un peu excessive pour notre actualité, mais citer n’est pas signer ni adhérer totalement.
« Le XXIe siècle sera spirituel ou ne sera pas. »2970
André MALRAUX (1901-1976), La Légende du siècle (1972)
Peut-être la citation la plus souvent reprise dans tous les médias, avec nombre d’erreurs et de contresens. Bonne occasion de rétablir la vérité, sur la prophétie de cet homme né avec le siècle dernier (1901), qu’il parcourut à la fois en acteur et témoin de l’Histoire, tour à tour romancier, combattant et résistant, compagnon de route et ministre de la Culture du général de Gaulle.
Malraux tenait au mot « spirituel » – et non pas « religieux », voire « mystique », deux qualificatifs trahissant sa pensée. Cette phrase ne figure dans aucune de ses œuvres publiées, mais il l’a effectivement prononcée, dans la série télévisée La Légende du siècle (Claude Santelli et Françoise Verny).
Reste à savoir de quelle spiritualité il s’agira. Entre le retour du religieux et la montée de l’Islam, la vogue des sectes, l’attrait pour la philosophie, la quête de sens et d’éternité, l’aspiration à un ailleurs ou autrement, toutes les voies, individuelles ou collectives, sont possibles comme antidote au matérialisme sous toutes ses formes.
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