Un tour de France historique et inédit (de la Seconde Guerre Mondiale à nos jours) | L’Histoire en citations
Édito de la semaine

 

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Voici le pari d’une Histoire de France où l’on ne parle pas de Paris.
Cela semble aussi fou que d’écrire un roman de 300 pages sans « e », lettre la plus utilisée - mais Georges Perec a relevé le défi avec La Disparition (1969) !

Notre défi n’est d’ailleurs pas si fou. Il part d’une bonne raison : rendre justice à toutes les autres villes et régions de notre Histoire. Nombre de faits s’imposent aussitôt.
Presque toutes les (grandes) batailles et les sièges les plus connus se situent hors Paris. La majorité des Noms cités sont natifs de province. Les monuments plus ou moins célèbres se trouvent partout sur le territoire. Toute la gastronomie française (avec ses vins) renvoie aux régions, tandis que la France est essentiellement agricole et paysanne jusqu’au XIXe siècle. Au XXe, l’écologie relance l’idée de terroir ou territoire avec les ZAD et autres combats d’avenir.
Même sous la Révolution où le peuple de notre capitale tient le premier rôle, les Girondins font face aux Montagnards, cependant que la guerre de Vendée et celle des Chouans de Bretagne tuent cent fois plus que la Terreur… qui sévit aussi en diverses régions.  

Notre tour de France qui passe aussi par les ex-colonies et territoires d’Outre-mer se déroule en une Chronique de la Gaule à nos jours : quatre semaines et quelque 300 villes, départements ou régions classés ici par ordre alphabétique.

VILLES citées : Abbeville – Agde - Aix en Provence – Alger -  Alésia – Ambleteuse  - Amboise - Amiens – Angers – Arcis - Argenteuil – Arras – Artois – Avignon -  Bar-le-Duc - Barrême - Beauvais – Belfort - Besançon – Béthune - Béziers – Billancourt - Blois - Bois le Prêtre - Bordeaux –  Boulogne - Bourges – Bouvines – Brazzaville - Brest – Brienne - Caen – Calais - Cannes – Carcassonne - Carhaix-Plouguer - Castellane - Cayenne - Chambord - Champaubert - Châteauneuf-de-Randon - Château-Thierry – Chenonceau – Cherbourg – Chinon – Cholet - Clermont-Ferrand – Clichy – Collioure - Colmar – Colombey –  Compiègne – Condé-sur-l’Escaut – Craonne - Crécy - Créteil – Digne-les-Bains - Dijon –Domrémy – Douaumont – Douai - Dunkerque -  Éparges - Ferney – Ferrières - Florange - Fontainebleau – Fort-Lamy - Fréjus – Gandrange - Gap - Golfe-Juan – Grasse - Grenoble – Guinegatte – Île de Ré - Juan-les-Pins - La Courneuve - La Rochelle – Laffrey – Lascaux - Le Havre – Le Mans – Lépanges-sur-Vologne - Lille – Limoges – Lorient - Lyon -  Machecoul – Mâcon - Malijai – Marciac - Marseille – Metz - Montereau - Montmartre - Montmirail - Montpellier  – Mostaganem – Nancy –  Nangis - Nanterre – Nantes -  Narbonne – Nérac - Nice -  Nîmes – Notre-Dame-des Landes – Orange - Orléans - Pau – Parthenay - Penthièvre - Perpignan – Phalsbourg - Plombières - Poitiers – Port-Royal - Quiberon - Rambouillet - Reims – Rennes – Rethondes - Rouen -  Rueil –Saint-Cloud – Saint-Dié - Saumur - Savenay - Sedan - Sèvres - Soissons – Saint-Jean-de-Luz  - Saint-Germain - Sainte-Marie-du-Pont (Utah Beach) - Sainte-Ménehould - Sainte-Mère-l’Église - Sisteron - Strasbourg – Tamanrasset  - Toulon - Toulouse - Tours – Troyes – Turckheim  - Valenciennes - Valmy - Varennes – Vaux-le-Vicomte - Verdun  - Versailles – Vichy - Villers-Cotterêts – Villeroy – Vincennes.

RÉGIONS et départements : Afrique noire - Algérie - Alsace – Anjou - Aquitaine – Ardèche - Argonne - Béarn - Bourgogne – Bretagne – Cameroun - Comtat Venaissin - Congo - Cotentin – Corrèze - Corse – Côte d’Ivoire - Dauphiné – Dordogne – Finistère - Franche-Comté – Gabon - Gironde – Grand Est - Guyenne – Haut-Rhin - Indochine - Languedoc - Larzac – Limousin - Lorraine – Madagascar – Maine - Marne - Maroc – Marquises (les) – Massif central - Midi-Pyrénées – Loire-Atlantique - Moselle - Nord-Pas-de-Calais - Normandie - Oise - Oubangui-Chari - Pays de la Loire - Périgord  - Picardie - Provence – Rhin (Bas) - Rhin (Haut) – Roussillon - Savoie – Somme - Tahiti - Tchad - Tonkin – Touraine – Tunisie – Vendée – Yvelines – Zambèze.

Revivez toute l’Histoire en citations dans nos Chroniques, livres électroniques qui racontent l’histoire de France de la Gaule à nos jours, en 3 500 citations numérotées, sourcées, replacées dans leur contexte, et signées par près de 1 200 auteurs.

SECONDE GUERRE MONDIALE

« Je survole donc des routes noires de l’interminable sirop qui n’en finit plus de couler. On évacue, dit-on, les populations. Ce n’est déjà plus vrai. Elles s’évacuent d’elles-mêmes. Il est une contagion démente dans cet exode. Car où vont-ils, ces vagabonds ? Ils se mettent en marche vers le sud, comme s’il était là-bas des logements et des aliments […] L’ennemi progresse plus vite que l’exode. »2743

Antoine de SAINT-EXUPÉRY (1900-1944), Pilote de guerre (1942)

Ils seront près de 12 millions, réfugiés de tous âges, toutes conditions, fuyant l’invasion venue du nord, mais qui les rattrape, qui est maintenant partout. Ces flots, ces fleuves humains gênent les dernières résistances et paralysent les voies de communication du pays – le commandement allemand, en semant la panique, a encouragé l’exode.

« Nous lutterons en avant de Paris, nous lutterons en arrière de Paris, nous nous enfermerons dans une de nos provinces et, si nous en sommes chassés, nous irons en Afrique du Nord et, au besoin, dans nos possessions d’Amérique. »2747

Paul REYNAUD (1878-1966), Message à F.D. Roosevelt, 10 juin 1940. Franklin Roosevelt et la France, 1939-1945 (1988), André Béziat

Le jour où le gouvernement quitte la capitale pour se replier sur Tours, puis Bordeaux, bientôt Vichy. Paris, déclarée ville ouverte par Weygand, tombe aux mains des Allemands le 14 juin.

Le gouvernement tombera le 16 juin : cette résistance voulue par Paul Reynaud (et que seul de Gaulle pourra imposer), la majorité du cabinet la refuse à l’image du pays matraqué par la catastrophe. Laval et Darlan, hors ministère, font pression sur les ministres en faveur de la capitulation. Deux grands militaires de la Première Guerre mondiale, Pétain et Weygand, l’un maréchal et l’autre général, la souhaitent aussi.

« Cette guerre n’est pas limitée au territoire malheureux de notre pays. Cette guerre n’est pas tranchée par la bataille de France. Cette guerre est une guerre mondiale. »2754

Charles de GAULLE (1890-1970), Appel du 18 juin 1940 à la BBC de Londres. Mémoires de guerre, tome I, L’Appel, 1940-1942 (1954), Charles de Gaulle

L’Appel du 18 juin et ses arguments simple et forts seront repris. Ils marquent l’acte de naissance de la France libre (et bientôt combattante) qui, à côté de l’autre France envahie et vaincue, incarnée par le Maréchal, va renaître et d’abord dans les terres lointaines de son empire colonial, en Afrique équatoriale française : Gabon, Congo, Tchad et Oubangui-Chari (futur République centrafricaine). La superficie de l’AEF représente quatre fois la France avec son chef-lieu à Brazzaville (République du Congo), résidence du gouverneur général.

« J’ai été avec vous dans les jours glorieux. Chef du gouvernement, je suis et je resterai avec vous dans les jours sombres. Soyez à mes côtés. Le combat reste le même. Il s’agit de la France, de son sol, de ses fils. »2757

Maréchal PÉTAIN (1856-1951), Conclusion de l’appel lancé à la radio, 20 juin 1940. Pétain et les Allemands (1997), Jacques Le Groignec

L’autre voix de la France parle aux Français pas encore vraiment déchirés entre les deux : cette radio-là est bien plus écoutée. Pétain est alors à Bordeaux, avant de rejoindre Vichy.

Il dénonce les causes de la défaite et son constat n’est pas discutable : « Trop peu d’enfants, trop peu d’armes, trop peu d’alliés. » Tel un père sévère, le vieux maréchal fait aussi la morale : « Depuis la victoire [de 1918], l’esprit de jouissance l’a emporté sur l’esprit de sacrifice. On a revendiqué plus qu’on a servi. On a voulu épargner l’effort. »

L’armistice sera signé le 22 juin à Rethondes (village de l’Oise), très symboliquement dans le wagon où le maréchal Foch imposa à l’Allemagne vaincue les clauses de l’armistice du 11 novembre 1918. Il prend effet le 25.

« Autour de M. le maréchal Pétain, dans la vénération que son nom inspire à tous, notre nation est groupée dans sa détresse. Prenons garde de ne pas troubler l’accord qui s’est ainsi établi sous son autorité. »2764

Édouard HERRIOT (1872-1957), Assemblée nationale, Casino de Vichy, 10 juillet 1940. Pétain, face à l’histoire (2000), Jacques Le Groignec

Le président de la Chambre des députés parle solennellement devant l’Assemblée nationale - Chambre et Sénat réunis désormais à Vichy. La révision de la Constitution est votée par 569 voix contre 80 et 18 abstentions. On liquide la Troisième République pour donner les pleins pouvoirs exécutifs et législatifs au maréchal Pétain. Comme en 1815, comme en 1871, la défaite a entraîné l’écroulement du régime.

Pétain constitue son ministère le 12 juillet, avec Laval vice-président du Conseil et secrétaire d’État aux Affaires étrangères. Une Cour suprême de justice instituée le 30 s’empresse de condamner à mort de Gaulle par contumace, le 2 août.

« Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine
Et malgré tout nous resterons Français,
Vous avez pu germaniser la plaine,
Mais notre cœur, vous ne l’aurez jamais. »2768

Gaston VILLEMER (1840-1892), paroles, et BEN TAYOUX (1840-1918), musique, Alsace-Lorraine, chanson. Mémoires et Antimémoires littéraires au XXe siècle (2008), Annamaria Laserra, Nicole Leclercq, Marc Quaghebeur

Cette chanson, créée en 1873 et dédiée aux villes de Strasbourg et de Metz, est reprise par les patriotes français en 1940, quand les Allemands annexent les trois départements martyrs (Haut-Rhin, Bas-Rhin, Moselle) - en fait le 24 juillet 1940 et officiellement le 30 novembre.

« Nous ne nous arrêterons que quand le drapeau français flottera aussi sur Metz et Strasbourg. »2776

Colonel LECLERC (1902-1947), Serment de Koufra, 2 mars 1941. Leclerc et le serment de Koufra (1965), Raymond Dronne

Philippe Marie de Hautecloque, dit Leclerc, sera élevé à la dignité de maréchal de France à titre posthume, en 1952. Deux fois prisonnier, deux fois évadé en mai-juin 1940 (pendant la guerre éclair), il a rejoint de Gaulle à Londres. Il obtient le ralliement du Cameroun à la France libre dès la fin août 1940, et en devient le gouverneur.

Devenu commandant militaire de l’Afrique équatoriale française (AEF), parti de Fort-Lamy (Tchad) avec une pauvre colonne des Forces françaises libres, il franchit 1 600 km de désert et prend le fort de Koufra (Libye), tenu par une garnison italienne.

Libérateur de Paris avec sa fameuse 2e DB (division blindée) le 25 août 1944, il sera aussi le libérateur de Strasbourg, le 23 novembre : le serment de Koufra sera tenu.

« Les sanglots longs / Des violons / De l’automne
Bercent mon cœur / D’une langueur / Monotone. »2807

Paul VERLAINE (1844-1896), vers entendus à la BBC le 5 juin 1944. Extrait de « Chanson d’automne », Poèmes saturniens (1866)

C’est le code choisi pour annoncer sur la radio anglaise le jour J du débarquement en France, autrement dit l’opération Overlord (Suzerain, en anglais) sous le commandement suprême du général Eisenhower. Ces mots tant attendus sont enfin entendus le soir du 5 juin : le débarquement en Normandie est donc pour le lendemain.

« Bien entendu, c’est la bataille de France et c’est la bataille de la France. »2808

Charles de GAULLE (1890-1970), Déclaration radiodiffusée du 6 juin 1944 à Londres, jour du débarquement en Normandie. Mémoires de guerre, tome II, L’Unité, 1942-1944 (1956), Charles de Gaulle

Il annonce aux Français le début des opérations. « Bien entendu », les résistants de l’intérieur vont y participer, avec les soldats de la France libre venus du monde entier. Le premier jour, 90 000 Américains, Britanniques, Canadiens et 177 Français (commandos, fusiliers marins du capitaine Kieffer) dans les forces d’assaut, seront suivis de 200 000 hommes les jours suivants. Avec 9 000 navires, 3 200 avions.

« Le jour le plus long » a commencé la veille à 23 heures, par un parachutage dans la région de Sainte-Mère-l ’Église. La première unité débarque le 6 juin à 6 heures du matin à Sainte-Marie-du-Pont, sur une plage rebaptisée pour l’éternité Utah Beach. Les pertes de cette gigantesque opération Overlord dirigée par le général Eisenhower seront de 30 000 à 40 000 hommes chez les Alliés, 150 000 du côté allemand (et 70 000 prisonniers).

Au total, c’est une armée de 2 millions d’hommes qui débarque en Normandie pour livrer cette nouvelle bataille de France.

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QUATRIÈME RÉPUBLIQUE

« Cannes, c’est un endroit bizarre où l’on montre des films qui ne sont pas sûrs de sortir à des gens qui ne sont pas sûrs d’y aller. »2876

Gilles JACOB (né en 1930), Interview à la Tribune du délégué général du Festival élu en 1977, puis président en 2001

Le premier Festival international du film de Cannes devait s’ouvrir le 1er septembre 1939 à l’initiative de Jean Zay, ministre de l’Éducation nationale et des Beaux-Arts : une réponse à la fois culturelle et diplomatique des «  nations libres  » à la Mostra de Venise dont la programmation devenait un outil de propagande fasciste. La célébration joyeuse et populaire du cinéma mondial s’affichait en même temps que l’affirmation militante de valeurs culturelles et démocratiques opposées aux dictatures naissantes.

Les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’URSS, la Tchécoslovaquie, la Belgique, la Suède, les Pays-Bas, la Pologne envoyèrent leurs films sélectionnés (17 pour les seuls États-Unis, dont Mister Smith au Sénat de Frank Capra, Le Magicien d’Oz de Victor Flemming, Pacific Express de Cecil B. De Mille. Un paquebot affrété par la MGM (Metro-Goldwyn-Mayer) devait croiser au large de Cannes avec à son bord Gary Cooper, Cary Grant, Tyrone Power, Norma Shearer, Spencer Tracy. Mais le 1er septembre 1939, l’entrée des troupes allemandes en Pologne déclenchait la Deuxième Guerre mondiale.

La première édition du Festival se déroule un an après la fin de guerre, du 20 septembre au 5 octobre 1946, dans les salles du Casino municipal de Cannes et sur les volontés de Philippe Erlanger, chef du service des Échanges artistiques au ministère des Affaires étrangères et de la confédération générale du travail (CGT). Le ministère des Affaires étrangères et la ville de Cannes prennent en charge le financement. C’est aujourd’hui un Festival international très médiatisé, mêlant l’art, l’argent et les « paillettes ». Au final, « Cannes reste le festival le plus important au monde » selon le réalisateur anglo-américain Ridley Scott (Le Figaro).

« Je suis né deux fois : la première, le 4 décembre 1922, la seconde en juillet 1951, en Avignon, où j’ai eu, grâce à Jean Vilar, la révélation du vrai théâtre. »2878

Gérard PHILIPE (1922-1959), Après la première du Cid, Festival d’Avignon, 18 juillet 1951. La France de Vincent Auriol, 1947-1953 (1968), Gilbert Guilleminault

Comme les critiques unanimes devant ce « prince en Avignon », le public du Palais des Papes et bientôt toute la France, Jean Vilar sous le charme dira : « Après ce Cid-là, aucun metteur en scène n’osera en faire un autre avant vingt-cinq ans. »

C’est aussi la naissance d’un fait culturel unique dans l’histoire du théâtre et exemplaire pour le monde : le festival d’Avignon voulu par Vilar en 1947. Une aventure devenue aujourd’hui une institution, peut-être victime de son succès : le théâtre est un art très différent du cinéma et les 1500 spectacles du festival off (en 2022) ne sont pas forcément un signe de santé.

Deux autres grands festivals français sont dédiés au théâtre lyrique en été : les Chorégies d’Orange créées en 1869 par Berlioz (avant le Bayreuth de Wagner), premier festival au monde, recréé en 1971 dans le théâtre antique de la ville et Aix-en-Provence créé en 1948 à la gloire de Mozart.

La France est particulièrement riche en festivals (musique classique, variétés, rock, littérature, BD, gastronomie, spectacles de rue, etc.) ± 6 000 attirant près de 20% des Français. Toutes les régions en bénéficient, notamment le sud de la France – pour des raisons climatiques et touristiques – et la Bretagne. Bien placés dans le « top 10 » des plus grands festivals de musique, citons les Francofolies de La Rochelle, les Vieilles Charrues (Carhaix-Plouguer dans le Finistère), les Eurokéennes de Belfort, le Printemps de Bourges, Jazz in Marciac (dans le Gers), le Festival de Carcassonne, le Festival interceltique de Lorient.

« L’Algérie, c’est la France. »2895

François MITTERRAND (1916-1996), ministre de l’Intérieur du gouvernement Mendès France, 5 novembre 1954. Pierre Mendès France (1981), Jean Lacouture

Dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre, une insurrection éclate en Algérie. Mitterrand s’associe à la position du président du Conseil Mendès France : « Qu’on n’attende de nous aucun aménagement avec la sédition, aucun compromis avec elle […] Les départements de l’Algérie font partie de la République, ils sont français depuis longtemps […] Entre la population algérienne et la métropole, il n’est pas de sécession concevable […] Jamais la France, jamais aucun Parlement, jamais aucun gouvernement ne cédera sur ce principe fondamental. » Nul n’imagine à cette date la suite du conflit algérien.

« Faire accéder le Maroc au statut d’État indépendant uni à la France par les liens d’une interdépendance librement consentie. »2901

Antoine PINAY (1891-1994), ministre des Affaires étrangères, et MOHAMMED V (1909-1961), sultan du Maroc, Déclaration de la Celle Saint-Cloud, 6 novembre 1955. Histoire du continent africain, de 1939 à nos jours (1996), Jean Jolly

Cette formule de « l’indépendance dans l’interdépendance » qui mariait les contraires reste l’un des symboles des contradictions de la Quatrième République. Le Maroc obtiendra son indépendance totale le 3 mars 1956.

« Maintenir et renforcer l’union indissoluble entre l’Algérie et la France métropolitaine […], en même temps reconnaître et respecter la personnalité algérienne et réaliser l’égalité politique totale de tous les habitants de l’Algérie. »2904

Guy MOLLET (1905-1975), Déclaration d’investiture, Assemblée nationale, 31 janvier 1956. La Constitution de la IVe République à l’épreuve de la guerre (1963), Jean Barale

Le gouvernement de Guy Mollet, laborieusement constitué, est investi triomphalement : 420 voix pour, face à 83 abstentions (les modérés) et 71 voix contre (droite et extrême droite). C’est un beau succès et ce sera le record de longévité sous cette République (seize mois). On attend de lui qu’il en finisse avec le cauchemar algérien.

Le 6 février, Guy Mollet se rend sur place : les Français d’Algérie le bombardent de tomates à Alger. Il prend conscience du drame et de l’extrême difficulté à en sortir. Pacification, élections, négociations, tel est le programme. Mais le rétablissement de l’ordre va se révéler impossible, malgré l’envoi de 400 000 soldats. Pour la première fois depuis la dernière guerre, toutes les familles françaises se sentent concernées.

« Il ne faut pas désespérer Billancourt. »2907

Jean-Paul SARTRE (1905-1980), « d’après » Nekrassov, créé au Théâtre Antoine, 1955

Billancourt (avec sa fameuse usine Renault) symbolisait naturellement la classe ouvrière.

Mot apocryphe ou, plus exactement, tour de passe-passe. Nekrassov est un malentendu : pièce à message, jugée communiste par les anticommunistes et anticommuniste par les communistes, c’est un échec théâtral. Le mot est aussi un bel exemple de « récupération », ce que Sartre déteste et nomme « le baiser de la mort ». Mais c’est une manipulation, donc la preuve de l’importance du texte. Il a écrit deux répliques : « Il ne faut pas désespérer les pauvres » et « Désespérons Billancourt ». La contraction des deux donne cette fameuse phrase. Qu’il n’aurait jamais dite, même si le mot lui a été prêté en mai 1968.

« La France conduisant elle-même la Tunisie vers l’indépendance réalisera une conquête des cœurs plus efficace que celle qui résulte du traité du Bardo. »2910

Habib Ben Ali BOURGUIBA (1903-2000). Habib Bourguiba (1969), Jean Rous

L’indépendance de la Tunisie, le 20 mars 1956, suit de peu celle du Maroc. Et ce militant nationaliste qui a choisi de négocier avec la Quatrième République française devient le premier président de la toute jeune République tunisienne – de 1957 à 1987.

C’est une longue histoire. Le bey de Tunis avait été contraint de signer le traité du Bardo le 12 mai 1881 : la Tunisie passait sous protectorat français. Résistance nationale immédiate. Plusieurs fois brisée, toujours renaissante, elle poursuit son combat jusqu’à la formation du Néo-Destour, parti composé de jeunes intellectuels occidentalisés et dirigés par Bourguiba, leader du mouvement nationaliste en 1934. Reprise de la lutte en 1951, arrestation de Bourguiba. Devant l’ampleur du terrorisme, Mendès France a reconnu en 1954 l’autonomie interne, et débloqué la situation.

« L’Occident qui, en dix ans, a donné l’autonomie à une dizaine de colonies, mérite à cet égard plus de respect et, surtout, de patience que la Russie qui, dans le même temps, a colonisé ou placé sous un protectorat implacable une douzaine de pays de grande et ancienne civilisation. »2911

Albert CAMUS (1913-1960), Actuelles III : Chroniques 1939-1958, sous titrées Chroniques algériennes (1958), Avant-propos

L’exposé des motifs de la loi-cadre du 23 juin 1956 sur les territoires d’outre-mer, appelée loi Defferre, annonce clairement la couleur : « Il ne faut pas se laisser devancer et dominer par les événements pour ensuite céder aux revendications lorsqu’elles s’expriment sous une forme violente. Il importe de prendre en temps utile les dispositions qui permettent d’éviter des conflits graves. »

Cette loi facilitera une évolution rapide et paisible, passant par la Communauté de 1958 pour aboutir en 1960 à « l’année de l’indépendance de l’Afrique ». Cette décolonisation amorcée doit être portée à l’actif de la Quatrième République. Mais l’Algérie reste un cas très particulier – et sensible.

« Il est difficile de garder l’Algérie, il est difficile de la perdre, il est encore plus difficile de la donner. »2916

Félix GAILLARD (1919-1970), président du Conseil, début 1958. Vie politique sous la Cinquième République (1981), Jacques Chapsal

Ce mot traduit à la fois l’indécision du pouvoir et l’incertitude de l’opinion publique métropolitaine dans sa grande majorité.

« L’Armée au pouvoir ! Tous au GG ! »2920

Cris de la foule, Alger, manifestation du 13 mai 1958. L’Appel au père : de Clemenceau à de Gaulle (1992), Jean-Pierre Guichard

Le GG, c’est le palais du gouverneur général, devenu, depuis 1956 celui du ministre résident. Il est le symbole du pouvoir et, en tant que tel, pris d’assaut, pillé. Un Comité de salut public se constitue, mêlant Français et musulmans, civils et militaires, en une coalition très hétéroclite, présidée par le général Massu : c’est le putsch d’Alger ou coup d’État du 13 mai (1958).

« Deux pouvoirs s’instaurent : le pouvoir légal à Paris et le pouvoir militaire à Alger. Un troisième, le pouvoir moral, celui du général de Gaulle, est encore à Colombey. »2921

Jacques FAUVET (1914-2002), La Quatrième République (1959)

De Gaulle, retiré de la scène politique peu après la guerre (20 janvier 1946), très hostile au régime des partis de la Quatrième, se tient en réserve de la République et sent son heure enfin revenue : oui, la France a besoin de lui ! On imagine comme il a dû peser chaque mot de son premier communiqué à la presse : « Naguère, le pays, dans ses profondeurs, m’a fait confiance pour le conduire tout entier jusqu’à son salut. Aujourd’hui, devant les épreuves qui montent de nouveau vers lui, qu’il sache que je me tiens prêt à assumer les pouvoirs de la République. »

« Je vous ai compris ! »2930

Charles de GAULLE (1890-1970), Discours au balcon du gouvernement général à Alger, 4 juin 1958. Mémoires d’espoir, tome I, Le Renouveau, 1958-1962 (1970), Charles de Gaulle

Que n’a-t-on dit sur ces quatre mots ! Dans ses Mémoires, le Général explique : « Mots apparemment spontanés dans la forme, mais au fond bien calculés, dont je veux qu’elle [la foule] s’enthousiasme, sans qu’ils m’emportent plus loin que je n’ai résolu d’aller. »

Et il poursuit, face à la foule : « Je vois que la route que vous avez ouverte en Algérie, c’est celle de la rénovation et de la fraternité […] Jamais plus qu’ici et jamais plus que ce soir, je n’ai compris combien c’est beau, combien c’est grand, combien c’est généreux, la France. »

Au journaliste du Monde André Passeron, il confiera le 6 mai 1966 : « J’ai toujours su et décidé qu’il faudrait donner à l’Algérie son indépendance. Mais imaginez, qu’en 1958, quand je suis revenu au pouvoir, je disais sur le Forum d’Alger qu’il fallait que les Algériens prennent eux-mêmes leur gouvernement, il n’y aurait plus eu de De Gaulle immédiatement ! »

« Il n’y a plus ici, je le proclame en son nom [la France] et je vous en donne ma parole, que des Français à part entière, des compatriotes, des concitoyens, des frères qui marcheront désormais dans la vie en se tenant la main […] Vive l’Algérie française. »2931

Charles de GAULLE (1890-1970), Discours de Mostaganem, 6 juin 1958. De Gaulle, 1958-1969 (1972), André Passeron

À Mostaganem, il confirme le fameux discours d’Alger. De Gaulle fera cinq fois le voyage Paris-Algérie, en 1958. Il joue de son charisme qui est immense. Il veut montrer qu’il prend l’affaire algérienne en main, qu’il y a un pouvoir et qu’il l’incarne. Bref, que c’en est fini des mœurs de la Quatrième République.

« L’homme de l’espace dont c’est le jour natal sera un milliard de fois moins lumineux et révélera un milliard de fois moins de choses cachées que l’homme granité, reclus et recouché de Lascaux, au dur membre débourbé de la mort. »

René CHAR (1907-1988), texte rédigé pour l’affiche et placardé par le poète en 1959, à l’époque des premiers spoutniks

La grotte de Lascaux dans le Périgord fut découverte pendant la guerre, le 8 septembre 1940. Le poète écrit ce texte l’année du saut dans l’espace des premiers satellites lancés par l’URSS, au tout début de la conquête de l’espace qui fit entrer l’Homme dans l’ère spatiale.

Picasso le génie du siècle lui aussi fasciné par la grotte de Lascaux, avec cet art préhistorique monumental, ces figurations pariétales peintes et gravées, cheval, aurochs, bison, cerf et bouquetin dominant, suivis d’animaux plus rares comme l’ours, le rhinocéros et les grands félins, sans oublier l’étonnante Salle des taureaux, aurait dit : « Nous n’avons rien inventé. » Lascaux avec ses 4 sites est la grotte la plus connue au monde.

Le Périgord est particulièrement riche en grottes de la préhistoire, mais la grotte de Chauvet découverte en Ardèche en 1994 est à ce jour la plus ancienne (plus de 40 000 ans). Visite interdite, d’où sa réplique exacte, la grotte du Pont d’Arc.

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CINQUIÈME RÉPUBLIQUE

« La décolonisation est notre intérêt et par conséquent notre politique. Pourquoi resterions-nous accrochés à des dominations coûteuses, sanglantes et sans issue, alors que notre pays est à renouveler de fond en comble ? »2939

Charles de GAULLE (1890-1970), Conférence de presse, 11 avril 1961. Paroles de chefs, 1940-1962 (1963), Claude Cy, Charles de Gaulle

Le président a reconnu auparavant que la France a réalisé outre-mer une grande œuvre humaine qui, malgré des abus ou des erreurs, lui fait pour toujours honneur. La Quatrième République qui a commencé la décolonisation (Indochine, Maroc, Tunisie, Afrique noire en cours) a rappelé de Gaulle au pouvoir pour résoudre l’« affaire algérienne ». Ce qu’il a fait, donnant à l’Algérie l’indépendance inscrite dans le cours de l’histoire.

« L’Algérie de papa est morte. Si on ne le comprend pas, on mourra avec elle. »2984

Charles de GAULLE (1890-1970), Déclaration à Pierre Laffont, directeur de L’Écho d’Oran, 29 avril 1959. Algérie 1962, la guerre est finie (2002), Jean Lacouture

Mais que sera l’Algérie de l’avenir ? Le président est trop pragmatique, l’Algérie trop déchirée par la guerre et les événements trop incertains pour que soit fixée une ligne politique.

De Gaulle attend la mi-septembre pour lancer le mot, l’idée d’« autodétermination », d’où trois solutions possibles : sécession pure et simple, francisation complète dans l’égalité des droits « de Dunkerque à Tamanrasset  », ou gouvernement des Algériens par les Algériens en union étroite avec la France. En France, la droite qui veut l’Algérie française commence à se diviser ; en Algérie, le GPRA veut des négociations préalables et l’armée va vivre bien des déchirements.

« Je puis vous assurer que la Loire continuera à couler dans son lit. »2986

Charles de GAULLE (1890-1970), Aux maires du Loiret, à Orléans, mai 1959. De Gaulle parle : des institutions, de l’Algérie, de l’armée, des affaires étrangères, de la Communauté, de l’économie et des questions sociales (1962), André Passeron

Mot qualifié d’« infrahistorique » par son biographe Jean Lacouture. De Gaulle, pour être lui-même, a besoin de circonstances exceptionnelles et tout président de la République doit prononcer « au quotidien » d’innombrables discours sur tout et sur rien. Ici à Orléans. Voir le « Que d’eau, que d’eau ! » de Mac-Mahon devant les inondations de Toulouse.

Dans le même esprit, de Gaulle à Fécamp : « Je salue Fécamp, port de mer et qui entend le rester » et à Lyon : « Lyon n’a jamais été aussi lyonnaise. »

« Le général de Gaulle est-il donc si seul, si peu informé, si mal conseillé ? La Moselle n’est pas l’Algérie, les mineurs ne sont pas l’OAS. »3015

Jean-Jacques SERVAN-SCHREIBER (1924-2006), L’Express, 7 mars 1963. Chronique des années soixante (1990), Michel Winock

L’Express, créé en 1953 par « JJSS » (29 ans) pour soutenir la candidature de Mendès France et très politisé durant toute la guerre d’Algérie, est encore un hebdo résolument de gauche, partant pour toutes les croisades et fier de ses grandes signatures.

Dans un climat de paix sociale relative (deux fois moins de jours de grève en 1958-1967 qu’en 1948-1957), éclate le 1er mars 1963 la grève totale des mineurs de Lorraine et du Nord-Pas-de-Calais. Le décret de réquisition, signé le 2 mars à Colombey-les-Deux-Églises, n’arrange rien ! Les syndicats appellent à une grève générale d’un quart d’heure pour protester contre l’atteinte au droit de grève. Même la presse de droite est critique, ainsi Jean Grandmougin dans L’Aurore : « On ne s’adresse pas à des mineurs comme à des enfants de troupe. »

La cote de popularité du président tombe, les mineurs sont très populaires en France et leur grève aussi, qui ne gêne personne. Ils gagneront début avril : hausse de salaires, quatrième semaine de congés payés. Mais le charbon perdra bientôt la bataille de l’énergie, contre d’autres sources moins coûteuses – et plus écologiques.

« La Corrèze plutôt que le Zambèze. »3019

Raymond CARTIER (1904-1975), slogan symbolisant une volonté de désengagement. L’Afrique : un continent en réserve de développement (2004), Sylvie Brunel

On donne à cette tendance isolationniste le nom de cartiérisme, du nom de Raymond Cartier : « Attention, la France dilapide son argent […] Nous compromettons notre avenir en prenant une part excessive dans l’aide aux pays sous-développés » (Paris Match, 29 février 1964).

« Bal tragique à Colombey : un mort. »3128

Hara-Kiri, Hebdo satirique, titre pleine page du lundi 16 novembre 1970, n° 94

1er novembre, l’incendie d’un dancing a fait 146 morts et les journaux ont titré sur ce bal tragique. Le titre est détourné, dans l’esprit « bête et méchant » du journal. L’équipe a planché sur le problème, mais pour une fois, aucun dessin ne pouvait rivaliser avec ces simples mots : « Bal tragique à Colombey : un mort ». Rappelons la mort du général de Gaulle à Colombey, le 9 novembre.

Interdiction à l’affichage le jour même. Hari-Kiri est mort, vive Charlie Hebdo qui paraît dès la semaine suivante, dans le même esprit, avec les mêmes journalistes : Cavanna, Reiser, Wolinski et Cie.

« C’est possible : on fabrique, on vend, on se paie ! »3145

Banderole déployée devant l’usine Lip de Besançon, août 1973. De Mai 68 à Lip : un Dominicain au cœur des luttes (2008), Jean Raguénès

L’affaire Lip commence le 17 avril à Besançon : grève contre la menace de dépôt de bilan. Lip, marque populaire, est à la pointe du progrès, produisant des montres électriques et les premières montres à quartz. Mais la production asiatique exerce déjà une rude concurrence en ce secteur.

Le 18 juin, les salariés abandonnés par les patrons occupent l’usine. Le stock de montres est placé en lieu sûr : c’est le « trésor de guerre » estimé à plusieurs dizaines de millions (de francs). Les machines sont entretenues par les salariés qui continuent la production. Un ouvrier syndicaliste CFDT (Charles Piaget) prend la tête de l’affaire, un élan de solidarité gagne la France, cependant que la presse titre sur cette usine qui prétend se passer de PDG et même de directeurs : « C’est Piaget qui mène la danse » (Paris Match), « Plus jamais comme avant » (Le Nouvel Observateur), « On est avec eux » (Tribune socialiste), « Un rêve devenu réalité » (Libération), « Un prototype périlleux » (Le Figaro).

Le président Pompidou dira en août à son entourage : « Lip, ça n’intéresse que les intellectuels de gauche ». Et Messmer, chef du gouvernement en janvier 1974 et après neuf mois de conflit : « Lip, c’est fini. »

Mais Lip va revivre, et d’abord susciter au PSU de Michel Rocard et à la CFDT d’Edmond Maire un espoir d’autogestion ouvrière. L’entreprise se révèle non viable en coopérative de production, dans les années 1980. Reprise en 1990 par Jean-Claude Sensemat (un homme d’affaires partant pour l’aventure), Lip France redevient prospère à Besançon à partir des années 2000.

Paysans, ouvriers, tous unis, nous garderons le Larzac.3146

Slogan de la manifestation du Larzac, 24 et 25 août 1973. L’Histoire au jour le jour, 1944-1985 (1985), Daniel Junqua, Marc Lazar, Bernard Féron

Autre affaire et mouvement frère de Lip, d’où manifestation commune et slogan qui unit « Paysans, ouvriers… »

Le plus grand causse du sud du Massif Central abrite un camp militaire de 3 000 hectares. Le ministre de la Défense, Michel Debré, a décidé de l’agrandir jusqu’à 13 700 hectares : protestations des agriculteurs menacés d’expropriation et des défenseurs de l’environnement. Certains voient dans ce rassemblement un gentil feu de camp d’amateurs de roquefort authentique. Pour d’autres, cette rencontre entre les ouvriers-producteurs de Lip et les paysans-travailleurs du Larzac marque l’ébauche d’une nouvelle culture politique, et la naissance de l’altermondialisme à la française. Les militants s’organisent en collectif, la résistance non violente multiple les actions de « désobéissance civile », quelque 150 Comités Larzac multiplient les défilés, meetings, grèves de la faim et mobilisent des dizaines de milliers de sympathisants, derrière des slogans à la Mai 68 : Faites labour, pas la guerre – Des moutons, pas des canons – Debré ou de force, nous garderons le Larzac – Le BLÉ fait vivre, les armes font mourir – Ouvriers et paysans, mÊme combat.

José Bové prend goût à l’écologie avec cette forme de révolte médiatique, et Sartre solidaire, deux ans avant sa mort, exprime son soutien : « Je vous salue paysans du Larzac et je salue votre lutte pour la justice, la liberté et pour la paix, la plus belle lutte de notre vingtième siècle » (lettre du 28 octobre 1978).

L’histoire finit bien : François Mitterrand, élu président de la République le 10 mai 1981, renoncera au projet d’extension du camp militaire du Larzac.

« La décentralisation sera au cœur de l’expérience du gouvernement de la gauche. La République se sera enfin libérée de la monarchie. »3226

Pierre MAUROY (1928-2013), Héritiers de l’avenir (1977)

Grande idée de la gauche et réforme de structure non remise en question plus tard. Selon Mitterrand : « C’est la centralisation qui a contribué à l’unité française ; c’est la décentralisation qui empêchera que cette unité se défasse. » Les lois Defferre (du nom du ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation) seront prises de mars 1982 à juillet 1983. La tutelle pesant sur les collectivités territoriales est remplacée par un contrôle a posteriori confié au juge administratif, la fonction exécutive revenant aux présidents de conseil général et régional.

Quant au transfert des compétences de l’État vers les collectivités territoriales, il s’applique à de nombreux domaines : urbanisme, action sociale, formation professionnelle, gestion des collèges et lycées. Mais les transferts financiers seront insuffisants pour faire face à un tel élargissement des pouvoirs. Et une réforme mal financée est difficile à bien appliquer.

« Sublime, forcément sublime. »3254

Marguerite DURAS (1914-1996), tribune dans Libération, 17 juillet 1985

Les faits divers se passent presque toujours en province et c’est l’un des plus marquant et médiatisés, surtout que l’énigme reste entière et refait la une des journaux – en mars 2023, suite à de nouvelles expertises.

Serge July, patron de Libé, a envoyé Marguerite Duras sur le lieu du drame qui bouleverse la France, depuis le 16 octobre 1984. À Lépanges-sur-Vologne (département des Vosges), on a retrouvé dans la Vologne le corps du petit Grégory assassiné. Duras demande à rencontrer la mère, qui refuse. Christine Villemin subit un harcèlement médiatique qui se nourrit du mystère et des rebondissements de l’affaire.

Duras, auteur obsessionnellement fascinée par les faits divers, adopte une méthode « d’imprégnation du réel ». Sans preuves, au mépris de la présomption d’innocence, elle se fait médium pour accéder à la vérité : « Dès que je vois la maison, je crie que le crime a existé. Je le crois. Au-delà de toute raison […] On l’a tué dans la douceur ou dans un amour devenu fou. » Et le « sublime, forcément sublime » devient « coupable, forcément coupable. »

Embarrassé, July rédige un avertissement sur « la transgression de l’écriture », rappelant la liberté inhérente à l’écriture de l’artiste. Mais vu la notoriété de l’artiste et la médiatisation de l’affaire, une polémique s’ensuit. Selon Laure Adler sa biographe, « Marguerite Duras se défendra toujours de ce « sublime, forcément sublime » ; elle dira l’avoir barré avant de remettre son texte au journal et reprochera à Serge July de l’avoir rétabli sans l’avoir consultée. Mais, pour le reste, elle confirmera ce qu’elle a alors, sous le coup de l’émotion, écrit, relu sous forme manuscrite, puis corrigé sur les épreuves d’imprimerie. »

En 2006, Denis Robert qui suivait en 1985 l’affaire Grégory pour Libération, donne une version contraire : le texte est en réalité une « version allégée » d’une première tribune, refusée par la rédaction du journal, et dans laquelle Duras « développait l’idée qu’une mère qui donne la vie a le droit de la retirer ».

Que les pollueurs soient les payeurs.3355

Slogan écologiste devenu principe juridique, lors des marées noires

12 décembre 1999, en pleine tempête sur le Finistère, l’Erika, pétrolier battant pavillon maltais, coule. 31 000 tonnes de fuel dérivent et vont polluer 400 kilomètres de côtes, tuant plus de 150 000 oiseaux…

Première marée noire en 1967 : le Torrey Canyon, pétrolier du Koweït, 120 000 tonnes de brut qui vont souiller les côtes de Cornouailles (anglaises) et de Bretagne. La consommation de pétrole a explosé depuis 1950 et cette catastrophe contribue à l’éclosion d’une écologie politique. L’Europe découvre un risque jusqu’alors négligé, les pays menacés prennent des mesures de prévention. Mais la série noire continue. Amoco Cadiz, Erika, Exxon Valdez, en un demi-siècle, les marées noires se succèdent au rythme des dégazages, naufrages de navires ou explosions de plateformes pétrolières : désastres aux coûts exorbitants.

Après sept ans d’enquête, le procès de l’Erika commence, le 12 février 2007 : quatre mois d’audience, quinze inculpés, quarante-neuf témoins et experts, une cinquantaine d’avocats. Le tribunal correctionnel de Paris rend son jugement le 16 janvier 2008 : 300 pages retracent l’historique et les fautes commises, le groupe Total étant reconnu coupable de pollution maritime et condamné à verser 192 millions d’euros. L’armateur, le gestionnaire et l’organisme de certification du navire sont déclarés coupables de faute caractérisée. Le principe du pollueur payeur est clairement validé et, pour la première fois, le droit reconnaît le préjudice écologique en tant que tel. Le 25 septembre 2012, la Cour de cassation confirme toutes les condamnations déjà prononcées depuis treize ans, et ajoute à la responsabilité pénale une responsabilité civile pour le groupe Total. Pour Corinne Lepage, avocate de dix communes du littoral, « c’est un très grand jour pour tous les défenseurs de l’environnement. »

« Un autre fait divers inquiétant à Orléans. C’est un septuagénaire qui a été agressé par deux jeunes qui voulaient lui prendre de l’argent. Ayant refusé de se faire racketter, lui-même a été roué de coups, sa maison a été incendiée. »3371

Claire CHAZAL (née en 1956), Journal de 20 heures, TF1, 19 avril 2002

Après la tuerie de Nanterre (folie meurtrière de Richard Dunn, 8 morts et 10 blessés par balle au conseil municipal, le 27 mars), voici un fait divers tristement banal, en date du 18 avril. Le lendemain, la première chaîne de France diffuse les images d’un vieillard au visage tuméfié. Paul Voise, de son lit d’hôpital, détaille l’agression. Deux voyous auraient tenté de le rançonner, avant de mettre le feu à son pavillon.

À deux jours des élections, la délinquance et l’insécurité sont au cœur de la campagne. L’émotion est d’autant plus vive. Des gens proposent de participer à la reconstruction du pavillon. C’est donc un bon sujet.

Le lendemain, TF1 revient longuement sur « cette terrible histoire » et l’élan de solidarité des Français. Sorti de l’hôpital, voici « Papy Voise », gouaille de vieux titi et bouille sympathique, entouré de voisines qui commentent : « Le monsieur, ça faisait la troisième fois qu’il était agressé […] Ici dans le quartier, c’est de pire en pire. » Claire Chazal compatit. Il soupire : « De tout cœur, de tout son amour, M. Voise vous dit merci. »

France 2 qui a raté l’information la veille se rattrape en forçant le trait, évoquant, dans une surenchère d’adjectifs, « la violence stupide et révoltante à Orléans… » À la veille des élections, 30 % des gens ne savaient pas encore pour qui voter. Cette fois, l’émotion, portée à son comble, va naturellement l’emporter sur la raison. En 24 heures chrono, la France est passée de l’inquiétude à la révolte. L’agression de Paul Voise n’est plus un simple fait divers, c’est une affaire, un emblème.

« On va nettoyer au Kärcher la Cité des 4000. »3392

Nicolas SARKOZY (né en 1955), ministre de l’Intérieur, 20 juin 2005, à la Courneuve

Le 19 juin, dans l’après-midi, Sid-Ahmed Hammache, 11 ans, a été mortellement blessé au cœur par une balle perdue, alors qu’il l’avait tranquillement la voiture de son père, au pied de son immeuble, dans la Cité des 4000.

Le garçon est victime d’un conflit entre deux clans. Les frères Ben Faiza accusent Mhamoudou Mhadjou d’avoir sali l’honneur de leur sœur Nadia, en entretenant une relation amoureuse avec elle. Ce jour-là, l’affrontement a dégénéré. Après une altercation à mains nues, les accusés règlent leurs comptes avec des armes à feu.

Sarkozy se rend à la Courneuve dans la Cité pour rencontrer la famille : visite très médiatisée, déclaration appuyée : « Dès demain, on va nettoyer au Kärcher la Cité des 4000. On y mettra les effectifs nécessaires et le temps qu’il faudra, mais ça sera nettoyé […] Dans un second temps seulement, on parlera de prévention. La police de proximité sera renforcée, avec 20 ou 30 policiers […] J’imagine que vous n’avez plus envie de vivre là. On va vous reloger ailleurs, vous serez mieux. »

Certains médias soulignent l’indécence de ces déclarations faites sur les lieux du deuil. Mais Sarkozy persiste et signe, selon un système et sur un ton qui deviendront sa marque présidentielle : « Le terme « nettoyer au Kärcher » est le terme qui s’impose, parce qu’il faut nettoyer cela » (Journal télévisé de France 2, 29 juin 2005). Épisode de la crise des banlieues et du mal des « quartiers ».

« Il faut traverser le périphérique, aller chez les indigènes là-bas, les descendants de Vercingétorix […] Il faut casser les portes, et si elles ne veulent pas s’ouvrir, il faut y aller aux forceps. Partout où la diversité n’existe pas, ça doit être comme une invasion de criquets, dans les concours de la fonction publique, dans la police nationale […] Partout de manière à ce qu’on ne puisse plus revenir en arrière. »3393

Azouz BEGAG (né en 1957), octobre 2005, Entretien, Respect Magazine, octobre-décembre 2005. Lectures françaises, volume XVIX (2006)

Ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé de la Promotion de l’égalité des chances dans le gouvernement Dominique de Villepin, il fait entendre sa différence : pas de langue de bois et il sait de quoi il parle.

D’origine algérienne, né en France dans la banlieue lyonnaise en 1957, il passe son doctorat d’économie à l’Université de Lyon et mène de front trois carrières. Chercheur au CNRS, spécialiste en socio-économie urbaine, il étudie la mobilité des populations immigrées dans les espaces urbains. Romancier, il publie une vingtaine de titres traitant des problèmes auxquels se heurtent les jeunes d’origine maghrébine, pris entre deux cultures, entre tradition et modernisme : pauvreté, racisme, chômage, autodestruction, désespoir. Enfin, il entre en politique et slalome littéralement entre les partis. Ayant échoué à gauche, il a trouvé sa place à droite, ministre de juin 2005 à avril 2007 (et premier arabe), mais le conflit va éclater face à Sarkozy.

« Vous en avez assez de cette bande de racailles ? Eh bien, on va vous en débarrasser. »3394

Nicolas SARKOZY (né en 1955), ministre de l’Intérieur, 25 octobre 2005, en déplacement officiel à Argenteuil, reportage sur France 2, le 26 octobre

C’est une habitante d’une tour HLM d’Argenteuil qui l’interpelle du haut de son balcon : « Quand nous débarrasserez-vous de cette racaille ? » Le ministre lui répond. Et il reprend, en insistant : « Le mot racaille était peut-être un peu faible. »

Les médias s’empressent de relever ces provocations verbales du ministre de l’Intérieur qui s’empresse à son tour de les répéter : « Ce sont des voyous, des racailles, je persiste et je signe » déclare-t-il le 10 novembre sur France 2, lors d’une émission spéciale « À vous de juger », consacrée à la crise des banlieues. Et le ministre de l’Intérieur promet d’en débarrasser le pays, au nom des « braves gens qui veulent avoir la paix ».

« Moi et mes amis, on n’est pas la jet-society, on est la tractor-society. »3411

François BAYROU (né en 1951), Le Point, 8 mars 2007

C’est de bonne guerre médiatique et le natif du Béarn (devenu maire de Pau en 2014) a une belle cote de popularité auprès des Français. On ne vote pas pour le candidat le plus « sympa », mais il va réussir sa campagne et placer quelques idées ni de gauche, ni de droite, juste de bon sens, de facture bien française et républicaine. C’est l’homme à suivre qui peut créer la surprise…

« Il est hors de question de laisser un kyste s’organiser. »3491

Manuel VALLS (né en 1962), ministre de l’Intérieur, 23 novembre 2012, pour justifier l’opération d’expulsion des squatteurs à Notre-Dame-des Landes (NDDL). Presse-Océan et de nombreux journaux

Depuis déjà quatre ans, militants et paysans occupent le terrain du futur aéroport à Notre-Dame-des Landes : projet lancé dans les années 1960, en pleine euphorie des Trente glorieuses, plusieurs fois différé en raison de son coût financier et environnemental, mais périodiquement repris par la gauche au pouvoir. Le gouvernement veut en finir et doit faire preuve d’autorité.

Manuel Valls bénéficie de la meilleure cote de popularité dans l’équipe gouvernementale et c’est à peine si l’on conteste cette réaffirmation d’un engagement pris : « Il est hors de question de laisser un kyste s’organiser, nous mettrons tout en œuvre pour que la loi soit respectée […] pour que les travaux puissent avoir lieu. » Le ministre déplore cette « drôle de conception » qui consiste à « vouloir empêcher des régions de se doter des infrastructures qui leur permettent d’être particulièrement compétitives. »

Il se rend à Lorient, avec le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian (ex-président du conseil régional de Bretagne) qui reprend l’argument : « Je ne comprends pas au nom de quoi on voudrait priver les habitants de Bretagne et des Pays de la Loire et d’autres régions de l’accessibilité aérienne ? » Cependant que Valls répète : « Force doit revenir à la loi […] L’État de droit, ce n’est pas l’état de faiblesse, l’État de droit, c’est le respect des décisions de justice. » Moins d’une semaine après une manifestation géante de « réoccupation » de la zone (13 000 à 40 000 participants, selon les sources), quelque 500 gendarmes procèdent à la nouvelle expulsion des squatteurs.

Au cœur des bois et des champs du bocage nantais, la ZAD (zone d’aménagement différé, devenue « zone à défendre ») est le nouveau symbole d’une lutte écologique, altermondialiste et territoriale. Cela rappelle l’affaire du Larzac dans les années 1970 et les manifestations contre l’extension du camp militaire dans le Massif central. C’est aussi une épine dans le pied du Premier ministre, ex-maire de Nantes qui a soutenu ce projet rebaptisé l’Ayraultport. Projet finalement abandonné.

« Le problème des hauts fourneaux de Florange, ce n’est pas les hauts fourneaux de Florange, c’est Mittal […] Nous ne voulons plus de Mittal en France, parce qu’ils n’ont pas respecté la France. »3492

Arnaud MONTEBOURG (né en 1962), ministre du Redressement productif, Le Monde, 26 novembre 2012

Autre ministre populaire, autre dossier sensible, ArcelorMittal concernant l’emploi et l’avenir de l’industrie française dans l’important secteur de la sidérurgie (75 000 emplois), ici dans le Grand Est à Florange (département de la Moselle).

Le dossier devient explosif quand Montebourg monte au créneau dans un bras de fer médiatique avec le milliardaire indien Lakshmi Mittal, premier sidérurgiste mondial qui a repris Arcelor (très endetté) en 2006. La crise économique et la production d’acier chinois rendent le site lorrain de moins en moins rentable, notamment les hauts fourneaux (filière « chaude ») que Mittal veut fermer, tout en maintenant la transformation de l’acier (filière « froide »).

Le gouvernement aurait un repreneur, mais Mittal refuse de céder le secteur rentable. Montebourg accuse Mittal de mensonge, se référant à la fermeture de Gandrange, autre site lorrain où les accords n’ont pas été respectés. Mittal se défend avec des arguments chiffrés, dont ses 20 000 emplois dans la sidérurgie en France. Le ministre brandit l’arme de la nationalisation, le temps de trouver un repreneur pour les hauts fourneaux de Moselle. L’intersyndicale approuve cette solution miracle et Montebourg renforce sa popularité. Mais il est publiquement désavoué par le

Premier ministre, début décembre : pas question de nationalisation coûteuse ni d’autre repreneur. Après trois mois de négociations, un accord avec Mittal qualifié de « juste » doit clore toute polémique : aucun licenciement, 180 millions d’euros investis avec l’avenir de la filière froide assuré pour cinq ans. Montebourg semble prêt à démissionner, sauvé par le président Hollande qui lui renouvelle sa confiance - impossible de se séparer d’un ministre populaire et servant de caution, face à la gauche de la gauche qui conteste ce socialisme trop libéral.

« J’ai adressé à Monsieur le préfet de Loire-Atlantique un courrier informant ce dernier de mon souhait de démissionner de mon mandat de maire de Saint-Brévin-les-Pins. »

Yannick MOREZ (né en 1961) maire de la commune de Saint-Brévin-les-Pins (Loire-Atlantique) depuis 2017, 10 mai 2023

« J’ai pris cette décision pour des raisons personnelles, notamment suite à l’incendie criminel perpétré à mon domicile et au manque de soutien de l’État, et après une longue réflexion menée avec ma famille » explique l’élu. Le domicile du maire avait été visé le 22 mars par un incendie détruisant deux véhicules et endommageant une partie du bâtiment, sans faire de blessé. Enquête criminelle ouverte par le parquet…

Harcelé pendant des mois par un collectif d’extrême droite opposée à l’installation d’un centre d’accueil de demandeurs d’asile, le maire démissionnaire finalement reçu à Matignon par la Première ministre Élisabeth Borne a méthodiquement détaillé l’absence de soutien des différents services de l’État. Parlant au nom des quelque 35 000 maires de France, le maire de Saint-Brévin-les-Pins déclare : « Être élu local est le plus beau rôle, il faut le défendre au mieux. »

« J’ai l’impression de visiter des pays sans passer de frontières. »

Stéphane BERN (né en 1963) fêtant les 10 ans du Village préféré des Français, Le Parisien, fin juin 2022

Présentateur médiatique sur France 3 du « Village préféré des Français », il défend ces petites communes où « on prend le temps de parler, le sens de la solidarité et du vivre ensemble sont réels. » Cette émission où les téléspectateurs votent pour le plus beau village crée toujours un afflux de touristes dans les communes gagnantes. En 11 éditions, c’est un village alsacien qui gagne quatre fois : Eguisheim en 2013, Kaysersberg en 2017, Hunspach en 2020, Bergheim en 2022, la région Grand Est étant la plus primée. Le département du Haut-Rhin est le seul département à détenir trois titres avec Eguisheim, Kaysersberg et Bergheim.

Les régions Midi-Pyrénées (avec Saint-Cirq-Lapopie en 2012 et Cordes-sur-Ciel en 2014) et Bretagne (avec Ploumanac’h en 2015 et Rochefort-en-Terre en 2016) viennent ensuite sur le podium. Six villages gagnants figurent également dans la liste de l’association « Les Plus Beaux Villages de France » : Saint-Cirq-Lapopie, Eguisheim, Cordes-sur-Ciel, Rochefort-en-Terre, Hunspach et Bergheim – décidément grand gagnant : « À une quinzaine de kilomètres au nord de Colmar, sur La Route des Vins d’Alsace, Bergheim se dévoile derrière une enceinte médiévale magnifiquement préservée. » Sa page d’accueil est bien faite pour attirer le touriste.

Notons que le Concours de Miss France avec ses trente Miss régionales a moins bien vieilli : crée en 1920, la formule s’essouffle, malgré l’assouplissement des critères. La porte-parole d’ « Osez le féminisme » dénonce « un coup de peinture blanche sur un mur moisi », mais tant qu’il reste un public pour apprécier le kitsch au premier ou au 36eme degré… TF1 retransmettra la cérémonie qui trouvera sn financement. Le Tour de France cycliste est une tout autre affaire !

« Aucun spectacle ne saurait être comparé à celui que le Tour de France offre chaque été aux populations de nos belles provinces. Le Tour de France c’est une croisade, un pèlerinage, un enseignement, un exemple. »3500

Henri DESGRANGE (1865-1940), sportif, journaliste et créateur du Tour en 1903

Né en 1903, le Tour a connu bien des déboires, des combines (dénoncées par Desgrange dès 1904), des affaires de dopage (toujours plus perfectionné, sinon indétectable) et quelques drames. Mais cela fait partie du « jeu » et le Tour avec sa caravane reste très populaire pour de bonnes raisons : feuilleton sportif de juillet, suspense pimenté de chauvinisme, il attire la foule sur les routes et se déroule en direct à la télé, dans un décor naturel et sans cesse renouvelé, admiré bien au-delà de nos frontières : un milliard de téléspectateurs (3 fois plus selon les organisateurs). Avec la publicité, l’association avec la presse (l’Auto, l’Équipe) et la télévision, le financement est toujours gagnant comme la formule. Son histoire mérite d’être contée en quelques citations.

« J’ai eu de nombreux rêves sportifs, mais jamais je n’ai entrevu quelque chose d’aussi merveilleux que le Tour, cette réalité. » Parole d’Henri Desgrange (1865-1940), fier de sa réussite et améliorant sans fin « sa formule » pendant trente ans. Jacques Goddet (1905-2000) son successeur pendant un demi-siècle, le décrit : « Rude dans son comportement, rude dans ses expressions, rude envers lui-même plus encore qu’envers ses collaborateurs, Henri Desgrange a considéré la vie comme un combat permanent. »

Parmi nombre de témoignages sur le Tour, un président du Conseil dit à ses ministres, années 1930 : « Le Tour de France démarre, nous allons être tranquilles pendant un mois. » Parmi ses fans, on compte beaucoup d’intellectuels. Henri Troyat : « En vérité, il y a deux espèces de Français, ceux qui avouent aimer le Tour de France et ceux qui l’aiment sans l’avouer. » Régis Debray : « Le Tour de France, une crise annuelle de bonne humeur qui fait oublier les amertumes du moment et nous évite de nous prendre trop au sérieux. » Éric Orsenna : « C’est grâce au Tour de France que j’ai appris la géographie et découvert le visage de mon pays. Je ressens toujours une grande tristesse quand on approche du 23 juillet car le Tour va s’achever. » Et Antoine Blondin, génial commentateur du Tour : « Le Général De Gaulle est le président des Français onze mois sur douze. En juillet, c’est Jacques Goddet. »

Après le rêve qui met réellement la province en vedette et à la fête, retour à la réalité de la violence quotidienne qui fait aussi la une de l’actualité, phénomène d’ailleurs historique, mais prenant des formes sans fin renouvelées.

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