VGE : « Il faut laisser les choses basses mourir de leur propre poison. » | L’Histoire en citations
Valéry Giscard d'Estaing Il faut laisser les choses basses mourir de leur propre poison
Citation du jour

« Il faut laisser les choses basses mourir de leur propre poison. »3193

Valéry GISCARD D’ESTAING (1926-2020), interrogé sur l’« affaire des diamants », Antenne 2, 27 novembre 1979

10 octobre 1979, Le Canard enchaîné publie que Bokassa, président déchu de la République centrafricaine, fit cadeau de diamants à Giscard d’Estaing, ministre des Finances, en 1973. Valeur, un million de francs, selon une note de Bokassa. « C’est grotesque », selon VGE. Les diamants, oubliés dans un tiroir, ont été estimés entre 4 000 et 7 000 francs. La note est un faux grossier.

Mais Le Monde reprend l’information et dénonce le silence de l’Élysée. La semaine suivante, Le Canard publie une nouvelle note de Bokassa sur des diamants remis à Giscard devenu président. La presse internationale se déchaîne sur ce « Watergate parisien ». VGE ne change pas de ligne de défense, autrement dit, il ne se défend même pas.

Le Point publiera une contre-enquête infirmant la plupart des accusations. La DST révélera qu’on a aidé Bokassa dans cette manipulation. Trop tard, le mépris silencieux de VGE l’a rendu suspect : « J’imaginais que les Français écarteraient d’eux-mêmes l’hypothèse d’une telle médiocrité. » Le Pouvoir et la vie, tome II, L’Affrontement (1991).

« Sublime, forcément sublime. »3254

Marguerite DURAS (1914-1996), tribune dans Libération, 17 juillet 1985

Serge July, patron de Libé, a envoyé la romancière sur le lieu du drame qui bouleverse la France, depuis le 16 octobre 1984. À Lépanges-sur-Vologne, on a retrouvé dans la Vologne le corps du petit Grégory assassiné. Duras demande à rencontrer la mère, qui refuse. Christine Villemin subit un harcèlement médiatique qui se nourrit du mystère et des rebondissements de l’affaire.

Fascinée par les faits divers, Duras adopte une méthode « d’imprégnation du réel ». Sans preuves, au mépris de la présomption d’innocence, elle se fait médium pour accéder à la vérité : « Dès que je vois la maison, je crie que le crime a existé. Je le crois. Au-delà de toute raison […] On l’a tué dans la douceur ou dans un amour devenu fou. » Et le « sublime, forcément sublime » devient « coupable, forcément coupable. »

Fort embarrassé, July rédige un avertissement sur « la transgression de l’écriture », rappelant la liberté inhérente au travail de l’artiste. Mais vu sa notoriété et la médiatisation de l’affaire, une énorme polémique s’ensuit.

« La thèse de l’ignorance scandalisée tient lieu de ligne de défense officielle. »3255

Serge JULY (né en 1942), directeur de Libération

La Vie politique sous la Ve République (1987), Jacques Chapsal

Avatar de la raison d’État dans la sphère des services secrets, l’affaire Greenpeace fait la une de tous les journaux, dans l’été 1985. Elle n’est connue que le 8 août et ne sera jamais tout à fait claire.

Le 10 juillet, le Rainbow Warrior, navire du mouvement international écologiste Greenpeace prêt à repartir en campagne contre les expériences nucléaires françaises dans le Pacifique, est coulé dans le port d’Auckland, en Nouvelle-Zélande. Un photographe portugais, appartenant à l’expédition et venu rechercher des documents sur le bateau que l’on croyait vide, est tué. C’est la DGSE qui a « fait le coup » : grosse bavure qui va prendre une ampleur internationale, avec répercussions politiques internes.

Tactique du gouvernement socialiste et du président Mitterrand, en dire le moins possible. Et ça se sait de plus en plus. Le bouc émissaire sera finalement Charles Hernu, ministre de la Défense qui a couvert les militaires.

« Je suis responsable, mais pas coupable. »3296

Georgina DUFOIX (née en 1943), résumant sa position de ministre des Affaires sociales dans l’affaire du sang contaminé, TF1, 4 novembre 1991

Plus de 6 000 hémophiles ont été contaminés par le virus du sida, entre 1982 et 1985. Le scandale éclate en avril 1991 : un article dans L’Événement du jeudi incrimine le CNTS (Centre national de transfusion sanguine) qui savait le danger, dès 1984. Le dernier procès des trois anciens ministres impliqués date de 1999. Affaire complexe et tragique. L’opinion publique, sensible aux problèmes de santé, est choquée par ce long feuilleton.

La « petite phrase » résumant le système de défense de la ministre a suscité beaucoup de réactions : incompréhension, indignation, injures et diffamation. Pourtant, en droit, il peut y avoir responsabilité sans culpabilité, droit civil et droit pénal ne devant pas être confondus.

« Tout le monde a menti dans ce procès, mais moi j’ai menti de bonne foi. »3314

Bernard TAPIE (né en 1943), lors du procès OM-Valenciennes, mars 1995

Le Spectacle du monde, nos 394 à 397 (1995)

TapieDiversion dans la campagne présidentielle, épilogue du feuilleton médiatico-juridico-sportif qui passionne le public avec deux stars à l’affiche : le foot et « Nanard », empêtré dans une sale affaire, au tribunal de Valenciennes.

Le mot, qui vaut aveu, définit ce personnage atypique, cynique, talentueux dans son genre, popu et bling-bling à la fois, hyperactif touchant à tous les métiers, présent dans tous les milieux : chanson, télévision, sport, économie et politique. De 1988 à 1992, député des Bouches-du-Rhône, député européen, ministre de la Ville, conseiller régional, il a dirigé avec brio l’Olympique de Marseille jusqu’en 1993, date où commencent les ennuis judiciaires.

Accusé d’abus de biens sociaux et de fraude fiscale, le présent procès l’implique dans une tentative de corruption, lors du match OM-VA (Olympique de Marseille contre Valenciennes). Voulant protéger ses joueurs qui vont affronter le Milan AC dans la Coupe des clubs champions, le patron de l’OM a payé des joueurs de Valenciennes pour qu’ils « lèvent le pied ». L’OM a gagné sur les deux tableaux en 1993 (Coupe d’Europe et Coupe de France), mais des joueurs ont parlé. Tapie a démenti, avant de céder : « J’ai menti, mais… » Condamné à deux ans de prison, dont un an ferme, pour corruption active et subornation de témoin, il fait appel. Condamnation définitive en 1996. Et résurrection médiatique et financière, sous le quinquennat de Sarkozy.

« Pschitt. »3362

Jacques CHIRAC (1932-2019), une onomatopée, dans la traditionnelle interview du 14 juillet 2001

ChiracLe mot le plus court de l’histoire (avec le « Merde » de Cambronne aux Anglais, peut-être apocryphe).

Face à la presse, le président s’explique sur les accusations portées contre lui quelques jours plus tôt, à propos de billets d’avion payés en liquide : « Ces polémiques sur les voyages présidentiels se dégonflent et font pschitt. »

Plus graves, les aveux posthumes de Jean-Claude Méry, homme-clé des finances secrètes au RPR, détaillant (sur cassette) un système de financement occulte et les valises de billets reçues pour financer les campagnes de Chirac. Toutes ces accusations divulguées par Le Monde, le 20 septembre 2000, il les qualifie d’« abracadabrantesque », mot créé par Rimbaud en 1871, dans son poème Le Cœur supplicié.

Toujours empêtré dans la cohabitation, voilà le président rattrapé par les « affaires ». Dans tout autre pays démocratique, et d’abord aux États-Unis, ce genre d’esquive n’aurait pas suffi.

« Quand on paye 15 euros des expertises au tarif d’une femme de ménage, on a des expertises de femme de ménage. »3381

Jean-Luc Viaux (né en 1949), procès d’Outreau, mai-juillet 2004

Outreau et après ? : La justice bousculée par la Commission d’enquête (2006), Florence Samson

Parole d’expert, au sortir d’une audience où il a été mis en cause pour ses expertises. Cette phrase, détachée de son contexte, exploitée par la presse, poursuivra l’homme qui défendra son travail, validé par la cour d’appel de Rouen.

Dans cette longue mésaventure judiciaire, faut-il invoquer la grande misère de la justice en France, maintes fois dénoncée par les magistrats, ou reconnaître l’erreur toujours possible, dans les rapports des experts en psychiatrie, toxicologie, graphologie, balistique ? La pédophilie reste un sujet extrêmement sensible et l’affaire d’Outreau (commune du Pas-de-Calais, lieu des faits présumés) aura défrayé la chronique durant six ans. On parle de « Tchernobyl judiciaire » ! Ça reste la plus grave bavure judiciaire depuis un demi-siècle.

« Un jour, je finirai par retrouver le salopard qui a monté cette affaire et il finira sur un croc de boucher. »3398

Nicolas SARKOZY (né en 1955), ministre de l’Intérieur, citation authentifiée après coup par « le salopard » visé, Dominique de Villepin

La Tragédie du Président (2006), Franz-Olivier Giesbert

Dans la série « duels fratricides », voici la séquence Villepin-Sarkozy et l’affaire Clearstream, obscure histoire de corbeaux et de manipulations, feuilleton financier, politique et judiciaire qui débute en 2004 et trouve son épilogue juridique en 2010.

Un petit groupe de politiciens et d’industriels tente de manipuler la justice pour évincer des concurrents, en les impliquant dans le scandale des frégates de Taïwan. Ils auraient touché des commissions sur la vente de ces navires de guerre et l’argent se trouverait sur des comptes occultes. Parmi les dizaines de noms cités, Sarkozy, alors ministre de l’Économie, mais aussi Chevènement, Strauss-Kahn, Madelin.

La presse dévoile un rapport de la DST sur l’affaire et ces listings falsifiés. Une fausse rumeur peut toujours nuire, et Sarkozy accuse Villepin de dissimuler à la justice les conclusions de l’enquête qui l’innocenterait. Il se constitue partie civile. Villepin mis en examen le 27 juillet 2007, pour « complicité de dénonciation calomnieuse, recel de vol et d’abus de confiance, complicité d’usage de faux », condamné comme complice de dénonciation calomnieuse, sera finalement relaxé en janvier 2010.

« Je veux une République irréprochable. »3417

Nicolas SARKOZY (né en 1955), 13 avril 2007

Formule mémorable, prononcée au congrès de l’UMP en janvier, reprise à Épinal, déclinée en diverses versions : « Je veux être le Président qui va remettre la morale au cœur de la politique » ; « Je veux une démocratie irréprochable »… « Une République exemplaire, caractérisée notamment par des nominations irréprochables », etc.

Après les années Mitterrand et les années Chirac, riches en « affaires », le quinquennat  de Sarkozy sera loin d’être irréprochable ! Cinq ministres devront démissionner, dont Michèle Alliot-Marie et Éric Woerth. Deux ex-ministres ont maille à partir avec la Cour de justice de la République : Éric Woerth, pour la vente de l’hippodrome de Compiègne, Christine Lagarde pour l’affaire Adidas-Tapie. Dans l’affaire Woerth-Bettencourt, Sarkozy a finalement bénéficié d’un non-lieu, Éric Woerth a été relaxé.

Mais les proches du président sont mis en examen, sur fond de mallettes, ventes d’armes et financement politique. Face aux soupçons de népotisme, Jean Sarkozy, 23 ans, renonce à diriger l’EPAD (Établissement public pour l’aménagement de la défense) - seule erreur reconnue par son père.

Les sondages se suivent et se ressemblent, les Français trouvent les hommes politiques « plutôt corrompus », sinon « tous pourris ». Cela conforte les populistes de gauche et surtout de droite (Le Pen, père et fille).

Nous avons déjà évoqué l’affaire DSK, retentissement mondial et conséquences nationales : Hollande lui doit son quinquennat. Période relativement irréprochable, si l’on fait du procès Cahuzac l’affaire la plus marquante.

Cinquième République

 

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Commentaires (1)

  • anon

    Vertigineuse revue de presse historique et contemporaine.
    Et ça remet les choses à leur place. L'histoire nous apprend toujours à relativiser ce que nous vivons au jour le jour.

    Mais demain, c'est la Saint Valentin. Ce serait sympa, lundi, si l'on parlait un peu d'amour, dans cette histoire de France.

    13 février 2016

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