Autre forme de Faux, l’erreur d’interprétation, involontaire et fréquente en Histoire. Ça relève du contresens et du malentendu. Nous allons rétablir ici quelques vérités, toujours tirées de notre Histoire en citations, pour mieux comprendre le récit national.
« Ces bombardes menaient si grand bruit qu’il semblait que Dieu tonnât, avec grand massacre de gens et renversement de chevaux. »283
(vers 1337-vers 1404), Chroniques, bataille de Crécy, 26 août 1346
« Grand massacre », autrement dit carnage : la notion doit être grandement relativisée. Nous sommes au début de la guerre de Cent Ans. Les canons anglais, même rudimentaires et tirant au jugé, impressionnent les troupes françaises, avec leurs boulets de pierre. L’artillerie anglaise, jointe à la piétaille des archers gallois, décime la cavalerie française réputée la meilleure du monde, mais trop pesamment cuirassée pour lutter contre ces armes nouvelles. À cela s’ajoutent un manque d’organisation total, l’incohérence dans le commandement, la panique dans les rangs.
Cette première bataille met fin à la chevalerie en tant qu’ordre militaire. C’est aussi une révolution dans l’art de combattre. Malheureusement, les Français n’ont pas compris la leçon des Anglais, à cette première défaite.
Bilan de Crécy difficile à faire, les chiffres variant de 1 à 10 selon les sources (cas banal…) ! Et Froissart exagère toujours, comme la plupart des témoins ou contemporains d’un fait. Il y a vraisemblablement quelque 1 500 chevaliers français tués, dont 11 de haute noblesse. Dans la mémoire nationale, Crécy reste un massacre, un carnage, comme Azincourt (1415).
Bonne occasion de rappeler que les « grandes batailles » du Moyen Âge se livraient entre quelques milliers d’hommes. Très loin des 400 000 soldats de Louis XIV, des soldats de l’An II qui atteindront le million sous la Révolution, du million de morts rien que dans la Grande Armée de Napoléon. Au XXe siècle, on dénombre 4 millions de mobilisés en 1914 (pour un pays seulement deux fois plus peuplé), 1 300 000 soldats morts au final en 1918 - rien que dans la « saignée de Verdun » (1916), 162 000 morts et 216 000 blessés, côté français, chiffres équivalents chez les Allemands.
« À cœur vaillant, rien d’impossible. »360
Jacques CŒUR (vers 1395-1456), sa devise
Fin du Moyen Âge. Cette belle devise fait référence au nom de son auteur, bien oublié quand on la reprend en proverbe, pour ne plus penser qu’au mot synonyme alors de courage. Un détail, certes. Mais un détail signifiant.
La devise illustre l’esprit d’entreprise sans limite de cet homme d’affaires aux multiples activités (banque, change, mines, métaux précieux, épices, sel, blé, draps, laine, pelleterie, orfèvrerie), banquier de Charles VII finançant sa reconquête de la Normandie. Maître des monnaies en 1436, argentier du roi en 1440, puis conseiller en 1442, chargé de missions diplomatiques à Rome, Gênes, il aide aussi le roi à rétablir une monnaie saine et à redonner vie au commerce français.
Soupçonné de malversations et crimes vrais ou supposés, arrêté en 1451, condamné par une commission extraordinaire en 1453 : confiscation de ses biens et amende de 400 000 écus. En 1454, il s’évade de prison, se fait innocenter par le pape Calixte III, qui lui confie le commandement d’une flotte pour guerroyer contre les Turcs. Il meurt en croisade à Chios en 1456. Son éphémère fortune symbolise la génération des nouveaux riches, issue de la guerre de Cent Ans. Mais cette vie en forme de roman d’aventures, qui frappa ses contemporains, fait déjà de lui un personnage de la proche Renaissance.
« Car tel est notre plaisir. »378
LOUIS XI (1423-1483), édit du 31 octobre 1472, forme des placets royaux
Le mot « plaisir » a souvent été mal compris. Il ne renvoie pas à une forme d’arbitraire royal, ni de caprice du souverain. Il exprime la volonté, la détermination d’un homme d’État. C’est beaucoup plus qu’un détail ! Cela donne sens au système monarchique propre à l’Ancien Régime.
Vers 1470, le pouvoir royal ne cesse de s’affermir et pèse de plus en plus lourd sur le clergé, l’Université, l’économie, la justice. « Tout dépendait du Conseil du roi : diverse, tempérée par ses propres agents, la monarchie tendait vers la centralisation ; elle devint autoritaire sous Louis XI, absolue sous ses successeurs. » (Georges Duby)
Charles VIII, François Ier, Louis XIV reprendront la formule. À la fin du règne de Louis XVI, l’expression devient « Car tel est notre bon plaisir », adoptée par Napoléon et maintenue jusqu’à la fin de la Restauration.
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