Napoléon : « Je préférerais qu'on égorgeât mon fils ou... »

Après l’histoire, la légende. Les Cent-Jours vont la nourrir. Faut-il vraiment s’en étonner ?

Premier héros national, Vercingétorix est le grand vaincu de César, empereur romain. Jeanne d’Arc, notre première héroïne, est la plus illustre victime des Anglais dans la Guerre de Cent Ans.

Napoléon, star de l’Histoire (en citations), complète ce tiercé historique et légendaire. Cependant que l’Aiglon a sa part - privilège des destins tragiques.

À feuilleter pour tout savoir.

« Je préférerais qu’on égorgeât mon fils ou qu’il fût noyé dans la Seine plutôt que de le voir jamais élevé à Vienne comme prince autrichien. »1960

NAPOLÉON I^er (1769-1821)

Les Errants de la gloire (1933), princesse Lucien Murat (comtesse Marie de Rohan-Chabot).

L’empereur définitivement déchu et vaincu ignore encore, en cette fin d’année 1815, que l’Aiglon sera précisément élevé à Vienne comme un prince autrichien, sous le nom de duc de Reichstadt - « assassinat moral » tant redouté par le père pour son fils.

Officiellement titré « roi de Rome » par sénatus-consulte à sa naissance, il sera bien traité et même aimé par François Ier d’Autriche, son grand-père maternel. Mais on fait tout pour lui faire oublier son identité française et jusqu’au nom de son père - appelé le « souverain usurpateur » à la cour autrichienne.

L’enfant, puis l’adolescent, est attiré par la carrière militaire et encouragé par son entourage autrichien, alors qu’en France, les bonapartistes crient « Vive Napoléon II ! » lors de la Révolution de juillet 1830. La Belgique et la Pologne le verraient bien roi en leur royaume.

Le destin en décide autrement. La tuberculose, ce « mal du siècle », aura raison du jeune homme fragile, mort à 21 ans, le 22 juillet 1832. Edmond Rostand, notre dernier poète romantique, assure à l’Aiglon une gloire posthume.

« L’Angleterre prit l’aigle et l’Autriche l’aiglon. »1961

Victor HUGO (1802-1885), Les Chants du crépuscule (1835). Les destins tragiques inspirent les poètes. Rostand romancera l’histoire de l’Aiglon, créé en travesti par la star de la scène, Sarah Bernhardt (1900). À plus de 50 ans, elle triomphe en incarnant ce jeune prince.

« Quand j’étais tout-puissant, [les rois] briguèrent ma protection et l’honneur de mon alliance, ils léchèrent la poussière dessous mes pieds ; maintenant, dans mon vieil âge, ils m’oppriment et m’enlèvent ma femme et mon fils. »1962

NAPOLÉON Ier (1769-1821), Mémorial de Sainte-Hélène (1823), Las Cases. S’il entre vivant dans l’histoire et la légende, c’est qu’il s’en charge le premier, confiant souvenirs et pensées à Emmanuel de Las Cases. Mémorial plusieurs fois réédité et complété, vu son succès.

« Tous deux sont morts. Seigneur, votre droite est terrible. »2079

Victor HUGO (1802-1885), Poème d’août 1832 (Napoléon II, Les Chants du crépuscule). Napoléon mourut à 51 ans, le 5 mai 1821, après cinq ans de captivité à Sainte-Hélène. La légende napoléonienne doit beaucoup au génie d’Hugo et à la comparaison avec le prochain maître de la France, Napoléon III, le Petit.

« On parlera de sa gloire, / Sous le chaume bien longtemps […]
Bien, dit-on, qu’il nous ait nui, / Le peuple encore le révère, oui, le révère,
Parlez-nous de lui, Grand-mère, / Parlez-nous de lui. »1984

BÉRANGER (1780-1857), Les Souvenirs du peuple (1828). L’une des plus belles chansons de ce parolier populaire, salué par Chateaubriand comme « l’un des plus grands poètes que la France ait jamais produits ». Le souvenir de l’empereur sera bientôt lié à l’opposition au roi. La dynastie au pouvoir n’était pas si solide, sous la Restauration. En cela, Napoléon avait raison.