Louise Michel : « On aura besoin du socialisme pour faire un monde nouveau. » | L’Histoire en citations
Chronique du jour

 

Troisième République

Paradoxe d’une République née d’une assemblée monarchiste

Avec le recul de l’histoire, il faut rendre justice à Mac-Mahon. Maréchal et improbable président de la République, populaire par sa prestance, sa loyauté et sa franchise, il va assister ou participer à la mise en place de beaucoup d’institutions durables, malgré les contestations et les équilibres précaires.

Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.

« On aura besoin du socialisme pour faire un monde nouveau. »2434

Louise MICHEL (1830-1905), Lettre à la Commission des grâces, mai 1873

Je vous écris de ma nuit : correspondance générale de Louise Michel, 1850-1904 (1999), Louise Michel, Xavière Gauthier.

La Vierge rouge de la Commune, des barricades et des quartiers populaires, est condamnée à la déportation en Nouvelle-Calédonie. Elle se mettra au service des indigènes, avant de revenir en France (amnistie de 1880) pour militer de nouveau (…)

Rappelons que le drame de la Commune reste présent dans la vie de la France : des Conseils de guerre se tiennent jusqu’en 1875 pour juger les communards, et l’état de siège est maintenu à Paris jusqu’en 1876 (…)

« Ce gazon que le soleil dore
Quand mai sort des bois réveillés,
Ce mur que l’Histoire décore
Qui saigne encore,
C’est le tombeau des fusillés. »2435

Jules JOUY (1855-1897), Le Tombeau des fusillés, chanson. La Chanson de la Commune : chansons et poèmes inspirés par la Commune de 1871 (1991), Robert Brécy

Ce chant d’un poète montmartrois résonne comme une menace : que le bon bourgeois tremble, car le peuple tout entier s’assemble et pleure ceux qu’on croit oublier. Mais jusqu’à la Première Guerre mondiale, toute apologie de la Commune reste interdite. Devant le mur des Fédérés au cimetière du Père-Lachaise, la cérémonie du 28 mai, dernier jour de la Semaine sanglante, deviendra ensuite tradition.

« Que pouvais-je faire ? Les devoirs militaires ne sont stricts que quand il y a un gouvernement légal, mais non pas quand on est en face d’un gouvernement insurrectionnel. Il ne restait plus rien.
— Il restait la France, monsieur le maréchal ! »2436

Réponse du duc d’AUMALE (1822-1897), au maréchal BAZAINE (1811-1888), octobre 1873. L’Évasion du maréchal Bazaine de l’île Sainte-Marguerite (1973), Henry Léon Willette

Henri d’Orléans, prince du sang, duc d’Aumale, quatrième fils de Louis-Philippe, exilé volontaire en Angleterre sous l’Empire, offrit en vain ses services à la France, à la guerre de 1870. Il rentre cependant en 1871, est élu député, réintégré dans ses fonctions militaires. À ce titre, il préside le Conseil de guerre qui juge Bazaine, maréchal de France accusé d’avoir livré Metz aux Prussiens, sans combattre. Condamné à mort pour trahison le 6 octobre 1873, il voit sa peine commuée en vingt ans de prison. Enfermé au fort de Sainte-Marguerite, il réussit à s’échapper pour passer en Espagne, où il finira sa vie.

« Je suis le pilote nécessaire, le seul capable de conduire le navire au port, parce que j’ai mission et autorité pour cela. »2437

Comte de CHAMBORD (1820-1883), 30 octobre 1873. Histoire de la révolution de 1870-71 (1877), Jules Claretie

Les monarchistes se sont enfin mis d’accord sur son nom : Henri de Bourbon, prétendant légitimiste, est le plus âgé, sans descendant. Le comte de Paris et les orléanistes attendront leur tour quelques années.

Mais que serait cette restauration ? Monarchie parlementaire de modèle anglais, ou monarchie de type Ancien Régime. Chambord est intransigeant sur ce point : « Ma personne n’est rien, mon principe est tout. » Dans son journal L’Union, il agite à nouveau le drapeau blanc : il le veut, pour lui et pour la France. Querelle symbolique, mais c’est un symbole que les orléanistes ne peuvent admettre (…)

« Je croyais avoir affaire à un Connétable de France, je n’ai trouvé qu’un capitaine de gendarmerie. »2438

Comte de CHAMBORD (1820-1883), apprenant le refus de Mac-Mahon qui se récuse, le 12 novembre 1873. L’Échec de la restauration monarchique en 1873 (1910), Arthur Loth

Sa cour d’aristocrates, durant son long exil autrichien, habitua le prétendant à plus d’égards que n’en a le maréchal ! Mac-Mahon devait introduire le monarque à la Chambre, appuyé à son bras, venant se faire acclamer par la majorité monarchiste. Mais le maréchal est choqué par cette affaire de drapeau blanc que le comte entend rétablir, et certain que l’armée, son armée, n’acceptera jamais. Bref, en son âme et conscience, il dit non à ce « roi », et il garde sa présidence.

« Premier magistrat du pays,
L’honneur me met, je vous l’atteste,
Au-dessus de tous les partis.
Aussi, Messieurs, j’y suis, j’y reste. »2439

Paul AVENEL (1823-1902), J’y suis, j’y reste (1873), chanson. Histoire de France par les chansons (1982), France Vernillat, Pierre Barbier

Le vieux maréchal, pourtant royaliste, a compris que la restauration est chose impossible avec ce « Henri V » qui serait funeste à la France : « La Chambre à mon honnêteté / A confié la République / Je dois garder sa liberté / Et protéger sa politique. »

Le 20 novembre 1873, la loi du septennat lui garde son poste pour sept ans encore – entre-temps, le vieux comte de Chambord ne sera peut-être plus de ce monde, et le comte de Paris aura ses chances. Mais l’histoire déjoue ce genre de calculs politiques : la France, sous le régime provisoire qui dure, va devenir de plus en plus républicaine.

« Il est assez difficile que Monsieur Mac-Mahon nous dise ce qu’il veut, puisqu’il ne peut même pas nous apprendre ce qu’il est. C’est ce qu’on appelle en photographie un négatif, et en histoire naturelle un mulet. »2440

Henri ROCHEFORT (1831-1913), La Lanterne, 1874

Plus républicain que jamais, le journaliste, déporté à Nouméa (en même temps que Louise Michel), réussit la seule évasion du bagne de Nouvelle-Calédonie, avec quelques camarades. Il rejoint à Londres un groupe de communards exilés. La Lanterne reparaît de juillet 1874 à octobre 1876, diffusée clandestinement en France, mariant humour et opposition, et régalant les amateurs (…)

« La politique est l’art du possible. »2441

Léon GAMBETTA (1838-1882). La Politique en citations : de Babylone à Michel Serres (2006), Sylvère Christophe

Formule fameuse, expression du pragmatisme. Mais qui l’eut crue signée du pur et dur républicain, à la fois idéologue tranchant et démagogue bruyant ? C’est un autre homme qui se révèle en 1874 et parle à ses contemporains : un tempérament foncièrement modéré, doué d’une saine appréciation des réalités.

Cette formule de Gambetta fera bientôt qualifier ses partisans d’« opportunistes ».

« La république, c’est l’inévitable et vous devriez l’accepter. Vous devriez prendre votre parti de l’existence dans le pays d’une démocratie invincible à qui restera certainement le dernier mot. »2442

Léon GAMBETTA (1838-1882), Chambre des députés, 5 août 1874. Les Partis politiques sous la IIIe République (1913), Léon Jacques

Le « commis voyageur de la République » propose une constitution républicaine. Légitimistes et conservateurs n’en veulent toujours pas, mais Gambetta va rallier une partie de la gauche à la cause du seul régime possible dans la France de cette époque : une république modérée, qui n’effraie pas le pays (bourgeois et paysans). Un renouveau bonapartiste aux élections partielles et le spectre du jeune prince impérial (fils de Napoléon III) effraient les députés, qui préfèrent encore la République à l’Empire ! (…)

« Le président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages par le Sénat et par la Chambre des députés réunis en Assemblée nationale. »2443

Henri Alexandre WALLON (1812-1904), amendement du 30 janvier 1875

Sans effet oratoire, sans tambour ni trompette d’aucune sorte, c’est bien discrètement que la République s’installe en France. « Le 30 janvier 1875, à une seule voix de majorité (353 contre 352), l’amendement Wallon, qui prononçait le nom de République, qui l’inscrivait officiellement dans les lois, était adopté » (Jacques Bainville, Histoire de France).

Henri Wallon, député catholique tolérant, devient célèbre comme « Père de la République » : « Un homme dont l’aspect vaudrait un passeport pour le gendarme le plus soupçonneux (…)

« À reculons, nous entrons dans la République ! »2444

Léon GAMBETTA (1838-1882), La République française. La Troisième République (1968), Maurice Baumont

Il ironise dans son journal. Mais il l’a voulue, il l’a eue, et son opportunisme (mot lancé en 1880) permet que la Constitution passe, sous forme de trois lois constitutionnelles, du 25 mai au 16 juillet 1875.

Paradoxe de cette république votée par une assemblée monarchiste, grâce à l’union des centres qui regroupe une partie des républicains (radicaux exclus) et des conservateurs (légitimistes exclus). On va donc pouvoir gouverner entre « honnêtes gens ».

Le texte est plein de compromis et d’incertitudes. Son imprécision et sa concision feront d’ailleurs sa force, l’usage permettant de résoudre les problèmes à mesure qu’ils se posent et de choisir entre régime présidentiel ou parlementaire (…)

« Que d’eau, que d’eau ! »2445

MAC-MAHON (1808-1893) à la vue des inondations catastrophiques, Toulouse, 26 juin 1875. Mac-Mahon (1895), abbé Berry

Le maire de la ville sinistrée, voulant recevoir dignement le président de la République, s’est lancé dans un long discours.

Le maréchal, pour couper court à ce déluge de paroles, regardant les plaines envahies par les eaux, a ce mot pour lequel il sera mal à propos plaisanté. Son militaire « J’y suis, j’y reste » avait plus fière allure.

« La gentilhommerie du pair de France [Hugo] subsistait sous le poil broussailleux du radical-socialisant. »2446

Maurice BARRÈS (1862-1923), Mes cahiers, 1896-1898 (1929)

Hugo, nommé pair de France en 1845, est élu sénateur à presque 74 ans, le 30 janvier 1876. Idole de la gauche républicaine, il se bat pour l’amnistie des communards : « Ô juges, vous jugez les crimes de l’aurore. » Il faut attendre 1880 pour que la France pardonne, avec la loi d’amnistie.

Vous avez aimé ces citations commentées ?

Vous allez adorer notre Histoire en citations, de la Gaule à nos jours, en numérique ou en papier.

L'Histoire en citations -

L'Histoire en citations -

L'Histoire en citations -

L'Histoire en citations -

L'Histoire en citations -

L'Histoire en citations -

L'Histoire en citations -

L'Histoire en citations -

L'Histoire en citations -

L'Histoire en citations -

Partager cet article

L'Histoire en citations - Gaule et Moyen Âge

L'Histoire en citations - Renaissance et guerres de Religion, Naissance de la monarchie absolue

L'Histoire en citations - Siècle de Louis XIV

L'Histoire en citations - Siècle des Lumières

L'Histoire en citations - Révolution

L'Histoire en citations - Directoire, Consulat et Empire

L'Histoire en citations - Restauration, Monarchie de Juillet, Deuxième République

L'Histoire en citations - Second Empire et Troisième République

L'Histoire en citations - Seconde Guerre mondiale et Quatrième République

L'Histoire en citations - Cinquième République

L'Histoire en citations - Dictionnaire