Lecture recommandée en temps de vacances : les Mémoires, du XVIe siècle à la Monarchie de Juillet
Catégorie littéraire importante dans un pays qui conjugue plaisir d’écrire et passion de l’histoire, c’est surtout une autre manière de la raconter.
Les Mémoires (souvent posthumes), textes plus ou moins intimes, anecdotiques et factuels ou très personnels, sont diversement titrés : Commentaires, Confidences, Confessions, Pensées, Cahiers, Carnets, Notes, Souvenirs, Témoignages, Journal, Essais, Antimémoires… Cette vision de l’histoire complète celle des historiens en plus libre : infinie variété de ton, feu d’artifice de talent et d’intelligence.
Outre le trio de tête de l’Histoire en citations (Napoléon, de Gaulle, Hugo), nous retrouvons des noms et des œuvres connues, à commencer par Les Essais de Montaigne, petit chef d’œuvre inlassablement remanié par l’auteur qui fera école. Les Caractères de la Bruyère sont aussi un modèle du genre. Voltaire disserte au fil de ses Lettres anglaises en historien original et Montesquieu se confie dans ses Cahiers. Les récits autobiographiques de Rousseau annoncent le romantisme du siècle suivant, d’autres mémorialistes témoignant d’un Ancien Régime finissant.
Avant et pendant la Révolution, Rivarol nous régale de son humour (de droite, mais irrésistiblement intelligent). D’autres témoins ont d’autres formes de courage.
Le prince de Talleyrand fait carrière de l’Ancien Régime à la Monarchie de Juillet, au service de la France et de ses intérêts personnels, ministre (malheureusement) éphémère de Napoléon qu’il juge à sa juste valeur dans ses Mémoires. L’empereur se dévoile dans son Mémorial de Sainte-Hélène (avec la complicité de Las Cases), comme dans ses Maximes et Pensées.
Chateaubriand, notre plus grand mémorialiste, écrit ses Mémoires d’outre-tombe (posthumes par définition), tentative superbement avortée d’une histoire de France projetée. Autre témoin et acteur de premier plan, Victor Hugo nous livre ses Choses vues, son Année terrible et autres pages d’un génie aux prises avec l’Histoire.
L’Extinction du paupérisme de Louis-Napoléon Bonaparte reflète l’homme, ses idées et son temps. Les poètes romantiques déchantent, déçus par l’histoire et la politique (Musset, Vigny, bientôt Lamartine). Les socialistes français (le comte de Saint-Simon, Proudhon, Louis Blanc, Auguste Blanqui, Georges Sorel) multiplient les essais exprimant leur foi politique. De grands romanciers nous étonnent et nous régalent : Stendhal, Dumas, Flaubert (Dictionnaire des idées reçues).
Au XXe siècle, Malraux nous offre ses Antimémoires et de Gaulle entre à la Pléiade avec ses Mémoires en trois tomes. Tous les « intellectuels engagés » à divers titres, parfois aussi romanciers et poètes, ont témoigné dans des essais très personnels : Péguy, Blum, Valéry, Mauriac, Maurras, Vailland, Brasillach, Sartre (Situations I, II, III) et Camus (Actuels I, II, III), Saint-Ex, Duhamel, Bernanos, Gide, Montherlant, Giraudoux, Aron, Sauvy, Jean Rostand et d’autres, cependant que Mitterrand, Chirac et Sarkozy délivrent leur message plus ou moins présidentiel.
Au fil de l’histoire, combien d’autres découvertes ! Militaires de tous rangs (simple soldat ou grognard, général ou maréchal), courtisans et cardinaux, ministres et députés, économistes et savants, croyants déchirés (Lamennais), révolutionnaires et anarchistes.
Des femmes témoignent, souvent en relation avec un homme célèbre : Marie Mancini, la comtesse du Barry, Mme Campan, Mme Roland, Mme de Staël, Mme de Genlis, la duchesse de Berry, Louise Michel, Simone de Beauvoir.
Et Casanova, Goldoni, Goethe, Metternich : quand leur destin croise celui de la France.