Les attentats et assassinats de l'histoire (de la Troisième République à nos jours) | L’Histoire en citations
Édito de la semaine

 

« L’air est plein de poignards. »

Joseph FOUCHÉ (1759-1820), ex-ministre de la Police, mi-janvier 1804

La Politique, un métier à risque extrême !

Entre attentats (« tentatives criminelles ») et assassinats (« meurtres avec préméditation »), l’Histoire est violente, des origines à nos jours et dans le monde.

Rappelons quelques noms de victimes politiques célèbres à divers titres : César et Cicéron dans l’Antiquité. Plus proches de nous, Abraham Lincoln (1865), Élisabeth d’Autriche dite Sissi (1898), François-Ferdinand d’Autriche (attentat de Sarajevo, 1914), Trotsky (1940), Mahatma Gandhi (1948), JFK (1963), Robert Kennedy (1968), Martin Luther King (1968), Enrico Mattei (1978), Indira Gandhi (1984)… et le dernier en date, Evgueni Prigojine (« crash » d’avion en Russie, 2023).

Pour s’en tenir à l’Histoire de France, cet édito en deux parties recense 20 victimes sur des centaines de cas… et nombre de rescapés.

Napoléon et de Gaulle ont échappé par miracle à deux attentats fameux : la « machine infernale » (bombe qui détruit une partie du quartier St-Honoré, Noël 1800) et le Petit-Clamart (DS 19 présidentielle criblée de 150 balles, 22 août 1962). Particulièrement exposé, Henri IV avait échappé à quelque 25 tentatives avant Ravaillac !

Assassinat ou exécution ? La question concerne la mort de Louis XVI et celle du duc d’Enghien, tous deux jugés, mais par un tribunal peu conforme aux critères de la justice.

Certaines époques sont particulièrement violentes : guerres de Religion, Révolution, Seconde guerre mondiale. Les attentats anarchistes à la fin du XIXe siècle frappent au-delà de notre pays et jusqu’au début de la Grande guerre de 14-18. Des cas restent non élucidés – le jour-même de son assassinat en 1942, l’Amiral Darlan parlait de quatre pistes possibles. 

Bref ! Voici un long roman policier national plus vrai que nature.

Retrouvez le premier épisode cet édito, qui traite des assassinats de la Renaissance à l’Empire.

De la Troisième République à nos jours

1/ 1894 - Sadi Carnot

Président de la République sous la Troisième, assassiné par Caserio, jeune anarchiste italien illuminé. 

« Votons pour Carnot, c’est le plus bête, mais il porte un nom républicain ! »2491

Georges CLEMENCEAU (1841-1929). Histoire de la France et des Français (1972), André Castelot, Alain Decaux

C’est Marie François Sadi Carnot (1837-1894) : petit-fils de Lazare Carnot (le Grand Carnot, célèbre révolutionnaire), fils de Lazare Hippolyte Carnot (député, ministre, sénateur), neveu de Nicolas Léonard Sadi Carnot (physicien qui laisse son nom à un théorème), il est lui-même polytechnicien, ingénieur des ponts et chaussées, préfet, puis député républicain modéré et plusieurs fois ministre.

« Bête » n’est sans doute pas le qualificatif le plus approprié, mais le Tigre (l’un des surnoms de Clemenceau) a la dent dure et l’humour féroce. À qui lui reproche de ne s’entourer que de personnages falots dans son gouvernement, il répond : « Ce sont les oies qui ont sauvé le Capitole. »

François Mauriac a donné une autre explication à cet argument d’ailleurs repris en 1912 : « Je vote pour le plus bête, la boutade fameuse de Clemenceau, n’est cruelle qu’en apparence. Elle signifiait : Je vote pour le plus inoffensif » (Bloc-notes, I). Quoi qu’il en soit, élu le 3 décembre 1887, Sadi Carnot aura une présidence mouvementée – interrompue par son assassinat.

« Avec un geste cynique
Il prépare son poignard,
Puis il frappe sans retard
Le chef de la République. »2512

Léo LELIÈVRE (1872-1956), Le Crime de Lyon, chanson. Cent ans de chanson française, 1880-1980 (1996), Chantal Brunschwig, Louis-Jean Calvet, Jean-Claude Klein

Chanson écrite et interprétée par le chansonnier qui relate l’assassinat de Sadi Carnot. Le 24 juin 1894, visitant l’Exposition de Lyon, le président est poignardé par Caserio, un illuminé, jeune anarchiste italien.

Carnot devient aussitôt un « martyr de la République », incarnation d’une République modérée et respectable.

« ll n’y a rien de changé en moi, et je referais encore s’il était à refaire l’acte pour lequel je vais être jugé. »

Sante Geronimo CASERIO (1873-1894). Thierry Lévy, Plutôt la mort que l’injustice. Au temps des procès anarchistes (2009)

Le jeune homme ne demande pas la pitié du jury. Il pourrait aussi plaider la maladie mentale, mais il devrait livrer les noms de ses complices, et il refuse.

La flambée anarchiste qui frappe la France, inspirée de Proudhon et Bakounine en rupture de socialisme, va parcourir l’Europe, tuer l’impératrice Élisabeth d’Autriche (célèbre Sissi), le roi d’Italie Humbert Ier, et franchir l’Atlantique pour atteindre le 25e président des États-Unis d’Amérique, William McKinley. Le terrorisme est une force de frappe récurrente, et le monde occidental devra affronter le terrorisme rouge dans les années 1970, le terrorisme islamique au début du XXIe siècle.

« Que mon enterrement soit superbe et farouche,
Que les bourgeois glaireux bâillent d’étonnement
Et que Sadi Carnot, ouvrant sa large bouche,
Se dise : « Nom-de-Dieu! le bel enterrement ! »

Georges FOUREST (1864-1945), La Négresse blonde

Ce recueil de poèmes fit l’objet d’un véritable culte en son temps. Anarchiste de la rime, Fourest parodie Hugo ou Corneille, faisant dire à Chimène : « Qu’il est joli garçon l’assassin de Papa ! » Acrobate de la langue, il nous invite dans son cirque de mots rares et crus, de métaphores précieuses ou bouffonnes, sous le fouet de délires sexuels hilarants. Rien n’est sacré, pas plus dans la Littérature que dans l’Histoire !

2/ 1914 - Jean Jaurès

Député socialiste, internationaliste et pacifiste, assassiné à la veille de la Grande Guerre par un nationaliste, Raoul Villain… acquitté après-guerre et finalement assassiné.

« Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage. »2411

Jean JAURÈS (1859-1914). Le Socialisme selon Léon Blum (2003), David Frapet

Socialiste à la fois internationaliste et pacifiste, il va vivre dramatiquement l’approche de la guerre de 1914, cherchant appui auprès du mouvement ouvrier pour l’éviter, avant d’être assassiné le 31 juillet 1914 par un nationaliste.

« Un peu d’internationalisme écarte de la patrie, beaucoup d’internationalisme y ramène. »2539

Jean JAURÈS (1859-1914), L’Armée nouvelle (1911)

Pour lui, le socialisme ne s’oppose pas au patriotisme et peut être considéré comme un enrichissement de l’internationalisme. Il se distingue en cela de Marx pour qui « les ouvriers n’ont pas de patrie ».

Député socialiste de Carmaux en 1893, Jaurès adhère au parti ouvrier français de Jules Guesde, avant de devenir l’un des chefs de la Section française de l’Internationale ouvrière, ou SFIO. On l’appelle aussi le Parti socialiste unifié, pour rappeler à la fois le socialisme et l’unification de tous les courants jadis dispersés.

« Le capitalisme n’est pas éternel, et en suscitant un prolétariat toujours plus vaste et plus groupé, il prépare lui-même la force qui le remplacera. »2557

Jean JAURÈS (1859-1914), L’Armée nouvelle (1911)

Idée-force dans la pensée de Jaurès, très sensible à la société en train de se faire sous ses yeux. Il parle aussi en historien visionnaire : « L’ouvrier n’est plus l’ouvrier d’un village ou d’un bourg […] Il est une force de travail sur le vaste marché, associé à des forces mécaniques colossales et exigeantes […] Par sa mobilité ardente et brutale, par sa fougue révolutionnaire du profit, le capitalisme a fait entrer jusque dans les fibres, jusque dans la chair de la classe ouvrière, la loi de la grande production moderne, le rythme ample, rapide du travail toujours transformé. »

L’œuvre fait scandale. L’auteur suscite des haines au sein de la droite nationaliste. Il en mourra, assassiné trois ans plus tard.

« Jaurès est tué ! Ils ont tué Jaurès. »2569

Mme POISSON (fin XIXe-début XXe siècle.), Café-restaurant du Croissant, 31 juillet 1914 à 21 h 40. Arrêté du 18 novembre 1999 relatif à la frappe et à la mise en circulation de pièces commémoratives de 500 francs

Le texte : « Jean Jaurès est représenté de trois quarts, portant la barbe. À l’arrière-plan, des étendards flottant au vent et un assemblage de poulies évoquent les débuts de l’ère industrielle et le destin du militant politique tout à la fois attaché à la République et porteur d’idées sociales novatrices et généreuses. En légende, la phrase prononcée par un des témoins ayant assisté à l’assassinat : Jaurès est tué ! Ils ont tué Jaurès ! »

Les faits : Jaurès dînait rue Montmartre, près du siège de son journal, L’Humanité. Raoul Villain, étudiant de 24 ans, a tiré au revolver sur le dirigeant socialiste. Exalté par les campagnes nationalistes qui, en pleine crise antiallemande, appelaient au meurtre contre l’homme incarnant le pacifisme, il explique : « J’ai voulu faire justice à cet antipatriote. » Le monde ouvrier reprend le mot : « Ils ont tué Jaurès ! C’est la guerre. »

L’Allemagne va déclarer la guerre à la France Trois jours après, le conflit va devenir mondial et le pays, si divisé dans la paix, se retrouvera uni dans l’épreuve.

« Travailleurs, Jaurès a vécu pour vous, il est mort pour vous. Un verdict monstrueux proclame que son assassinat n’est pas un crime. Ce verdict vous met hors la loi, vous et tous ceux qui défendent votre cause. Travailleurs, veillez ! »

Anatole FRANCE (1844-1924), réaction indignée à la fin du procès de Raoul Villain, lettre publiée le 4 juillet 1919 dans l’Humanité

Épilogues à l’assassinat de Jaurès.

Raoul Villain est détenu en attente de son procès pendant toute la Première Guerre mondiale. Il est acquitté en 1919 dans un contexte de ferveur nationaliste, alors même qu’il a reconnu son geste. La veuve de Jaurès est condamnée aux dépens (paiement des frais du procès).

Après une vie chaotique et une tentative de suicide, il s’installe à Ibiza en Espagne. Il meurt assassiné par des anarchistes durant la guerre civile, le 14 septembre 1936.

Le 23 novembre 1924, la dépouille de Jaurès fut conduite au Panthéon lors d’une cérémonie grandiose. Tous les mouvements politiques de gauche participent, sauf le Parti communiste français qui organise sa propre manifestation et proteste contre la « récupération » de Jaurès.

3/ 1932 - Paul Doumer

Très patriote et populaire, second président de la République assassiné sous la Troisième par un immigré soviétique aux motivations confuses, Paul Gorgulov.

« Du jour où les fils de France cesseraient d’être de vaillants soldats, ils pourraient s’attendre à voir leur pays rayé de la carte du monde. »3

Paul DOUMER (1857-1932), Une ascension en République : Paul Doumer (1857-1932), d’Aurillac à l’Élysée (2013), Amaury Lorin

Fait capital dans son parcours : il perdra quatre de ses cinq fils dans la Grande Guerre !

Spécialiste des questions de défense, Doumer considère la puissance militaire comme le seul moyen de sauvegarder la sécurité nationale. Il vénère Jeanne d’Arc qui participe du roman national plus que du récit. Patriote au sens plein du mot, il ne cessera de le dire et de le prouver de toutes les manières.

Entré en politique comme radical socialiste, plusieurs fois élu député entre 1888 et 1910, il est nommé gouverneur général de l’Indochine française en 1896, dans le cadre de la politique coloniale menée par la Troisième République. Cinq ans à ce poste, il se rend sur le terrain, administre sans chercher à gouverner et gagne son surnom (flatteur) : « Colbert de l’Indochine ». Pour comprendre l’autre surnom, « Barbe en zinc », il suffit de regarder ses photos : la barbe est à la mode dans la galerie présidentielle, mais la sienne est spectaculairement sculptée.

« Un homme n’est grand que s’il a vu la mort de près et l’a regardée en face, froid et impassible. »

Paul DOUMER (1857-1932), Livre de mes fils (1906)

Père de huit enfants, il présente cet essai qui lui tient très à cœur : « Ce ne doit pas être un nouveau traité de morale et de civisme, mais simplement le résumé du langage tenu par les pères à leurs enfants, sous mille formes, à tout instant, au hasard des conversations familiales. Ce sera le livre de mes fils, le livre des jeunes gens qui arrivent à l’âge d’homme et que la vie appelle (…) Je souhaite qu’ils se forment une idée élevée de l’homme du vingtième siècle, du bon Français, du citoyen de notre République, et que, les yeux fixés sur ce modèle, ils s’attachent à l’imiter, à réaliser en eux-mêmes les qualités et les vertus qu’ils auront mise en lui. »

Résumé des multiples préceptes à donner pour règles de la vie : « Sache vouloir ; fais ce que dois ! Fais ton devoir ! Sois en tout et toujours homme de devoir ! » C’est là le commandement supérieur, la prescription morale qui dominera la conduite de l’homme. Mais pour s’y conformer, il ne faut pas seulement désirer le faire ; il faut être capable de le faire ; il faut avoir la volonté et la force ; il faut être maître de soi. Doumer sera en cela aussi un président exemplaire.

« Je veillerai au maintien et au perfectionnement de nos institutions démocratiques, auxquelles le pays est ardemment attaché. L’instruction, libéralement dispensée, doit permettre aux travailleurs sans distinction de gravir l’échelle sociale, suivant leurs mérites et leurs aptitudes. La démocratie n’admet ni privilèges, ni castes, et elle a le devoir d’assurer à tous les citoyens une égale liberté. »

Paul DOUMER (1857-1932), Message du Président de la République aux Chambres, le jour de son arrivée à l’Élysée. Le Figaro, 17 juin 1931

Personnage atypique se présentant comme indépendant des partis bien qu’il ne puisse totalement s’en écarter, radical ayant évolué à droite, c’est plus un technicien et un pragmatique qu’un politique ou un théoricien. Le radical s’est quand même éloigné de la gauche pour rejoindre le centre et la droite.

Doumer est élu au second tour de scrutin, ayant devancé au premier tour Aristide Briand, candidat de gauche et figure emblématique du pacifisme. Durant son mandat tragiquement écourté, Doumer sera très populaire, appelant à l’union nationale, critiquant l’attitude partisane des partis politiques et défendant le renforcement de la puissance militaire française. Rappelons le contexte géopolitique de l’entre-deux-guerres : la « montée des périls » (fascismes allemand, espagnol et italien) provoque une tension internationale croissante, également ressentie au niveau national. 

« À mon âge, ce serait une belle fin de mourir assassiné. »15

Paul DOUMER (1857-1932) à Léon Noël, avril 1932. Un « régicide républicain » : Paul Doumer, le président assassiné (6 mai 1932) (2011), Amaury Lorin

À 75 ans, inaugurant une exposition sur l’aviation en Seine-et-Marne, il s’étonne de l’importance du dispositif de sécurité qui l’entoure. Négligeant les mises en garde du service d’ordre, le chef de l’État continue de se mêler aux foules lors des manifestations auxquelles il participe – de Gaulle président popularisera ces fameux « bains de foule ».

Moins d’un an après le début de son septennat, inaugurant à Paris un salon d’écrivains anciens combattants, le président est assassiné à coup de pistolet par Paul Gorgulov, immigré soviétique aux motivations confuses. Émotion considérable, en France et à l’étranger. Qualifié à la fois de « régicide républicain » et de « Sarajevo de la Seconde Guerre mondiale » par les contemporains, le 6 mai 1932 est un événement charnière : quatorze ans après la « der des ders », la France passe de l’après-guerre à un nouvel avant-guerre, en pleine et inexorable montée des fascismes.

« Pour la seconde fois en soixante-et-un ans, la République a la douleur de conduire au tombeau son chef assassiné. Crime odieux crime absurde, et par la fonction qu’il vise, et par l’homme qu’il atteint car la fonction est d’arbitrage et de conciliation ; l’homme était de paix, de sagesse et de bonté. »

André TARDIEU (1876-1945), Discours du président du Conseil aux funérailles nationale du Président de la République. Le Figaro, 13 mai 1932

Le discours résume parfaitement le personnage, son parcours et son image : « Paul Doumer, pour trois quarts de siècle, fut le vivant témoignage de ce qu’est et de ce que peut la démocratie. Fils du peuple, c’est le peuple entier qu’il représentait. Et c’est aussi le peuple entier qu’ont frappé les balles qui l’ont tué. Des rigueurs, que la vie inflige à tous les hommes, et celles aussi qu’elle réserve aux humbles, il n’a rien ignoré. […] Patriote au sens plein du mot, il l’était dans les fibres de son être. Son intimité de jeunesse avec ce grand historien de la France que fut Henri Martin suffirait à le prouver, si l’histoire de sa vie n’en apportait l’éclatante démonstration. […] Pour assurer le succès des solutions qu’il croyait sages, il n’hésitait pas à sortir des traditions et des rites. »

Les autorités proposent à Blanche Doumer d’inhumer son mari au Panthéon, la veuve s’y oppose.

« Ils me l’ont pris toute sa vie, ils me l’ont tué. Je veux au moins être avec lui dans la mort. »

Blanche DOUMER (1859-1933) refusant que son mari repose au Panthéon. Une ascension en République : Paul Doumer, 1857-1932 (2013), Amaury Lorin

Elle a perdu quatre de ses cinq fils « morts pour la France » pendant la Grande Guerre et l’une de ses trois filles, Lucile, en mourra de chagrin. Femme austère, elle se réfugie au foyer. Quand son époux septuagénaire accède à la présidence, plus ascète et travailleur que jamais, le couple se retrouve le soir avec leurs filles Hélène et Germaine, dans les appartements privés du palais de l’Élysée. Ils continuent de mener une vie simple, se promènent souvent avec leurs filles et petits-enfants dans le parc de Saint-Cloud ou au bois de Boulogne.

Après les funérailles et l’inhumation dans le caveau familial du cimetière de Vaugirard, Blanche Doumer se retire dans son appartement du 16e arrondissement de Paris. Elle survit moins d’un an à Paul Doumer. La presse rend un hommage unanime à « une grande Française, une mère admirable, dont les services rendus à la patrie se comptent par autant de deuils » (Le Figaro). Elle est inhumée avec son époux et ses enfants au cimetière de Vaugirard.

4/ 1941 - Marx Dormoy

Cible de l’antisémitisme, incarcéré sous le régime de Vichy, victime d’une bombe sous son lit, médaillé de la Résistance en 1947.

« Marx Dormoy fut le maire exemplaire d’une ville industrielle [Montluçon], pratiquant une politique sociale et sanitaire d’avant-garde. Il eut également un destin national, d’abord sous-secrétaire d’État à la présidence du conseil du ministère Blum, puis ministre de l’Intérieur… Avec lui, le Front Populaire et les accords de Matignon de 1936, la lutte contre la Cagoule, le refus des pleins pouvoirs au maréchal Pétain le 10 juillet 1940, font partie de notre histoire nationale. »4

André TOURET (1929-2018), Marx Dormoy (1998)

La guerre et l’entre-deux-guerres, autant d’époques propices à créer ce qu’on appelle un destin national, quand la fin est tragique. « Homme de conviction, de courage et d’une rare clairvoyance, il s’opposa aux régimes totalitaires et comme Léon Blum avec qui il se lia d’une solide amitié, il ne désespéra pas de la victoire des Alliés. Mais au bout du chemin, un crime abominable, aujourd’hui en partie élucidé, fit de lui un martyr. »

« Bande de salauds. Et d’abord un Juif vaut bien un Breton ! »

Marx DORMOY (1888-1941), 5 avril 1938, Chambre des débutés. Laurent Joly (né en 1976), « Antisémites et antisémitisme à la Chambre des députés sous la IIIe République », Revue d’histoire moderne et contemporaine (2007)

Ministre de l’Intérieur du Front populaire depuis 1936, il intensifia la lutte contre Jacques Doriot et la Cagoule, d’où un pilonnage en règle de la part de cette presse d’extrême droite visant à le criminaliser et le diaboliser.  Caricaturistes et journalistes trouvèrent matière à exprimer leur anticommunisme, leur antisémitisme, leur antirépublicanisme contre Léon Blum et son ministre. Ils s’efforcèrent de le « fictionnaliser », l’associant à des figures telles que Fantômas ou le docteur Caligari pour le fragiliser. Durant cinq ans, Marx Dormoy endura les pires calomnies, les menaces des Doriotistes et des Cagoulards.

Lors d’une séance particulièrement houleuse qui dégénère en bagarre, les cris « À bas les Juifs ! » se font entendre. Dormoy rétorque en ces termes à un député breton antisémite : « Bande de salauds. Et d’abord un Juif vaut bien un Breton ! »

« C’est sous le triple signe du Travail, de la Famille et de la Patrie que nous devons aller vers l’ordre nouveau. »2763

Pierre LAVAL (1883-1945), « Réunion d’information » des députés, 8 juillet 1940. Soixante jours qui ébranlèrent l’Occident (1956), Jacques Benoist-Méchin

Après un long parcours politique, Laval est entré dans le gouvernement Pétain installé à Vichy depuis le 3 juillet. Il a provisoirement le portefeuille de la Justice et manœuvre pour que Pétain obtienne les pleins pouvoirs.

Après une lutte acharnée contre la capitulation, Marx Dormoy s’est rendu à Vichy le 4 juillet 1940 et participe à l’ensemble des conférences préliminaires à la réunion de l’Assemblée nationale. Il propose une résolution de soutien à la République, rejetée par Laval.

Le 10 juillet, l’Assemblée nationale (Sénat et Chambre des députés) tient une séance exceptionnelle dans le casino de Vichy. Elle vote la loi constitutionnelle qui permet d’attribuer les pleins pouvoir au Maréchal Pétain et fera de Vichy la capitale de l’État Français jusqu’en août 1944. Trop républicain, le slogan trinitaire hérité de la Révolution de 1789 – Liberté, Égalité, Fraternité – est remplacé par « Travail, Famille, Patrie ». Tout l’esprit de révolution nationale du régime de Vichy est dans ces mots et la nouvelle loi constitutionnelle en prend acte : « Cette Constitution doit garantir les droits du travail, de la famille et de la patrie. »

Avec Marx Dormoy, 80 parlementaires – 23 sénateurs et 57 députés - refusèrent cette révision constitutionnelle, voyant en elle la fin de la République.
Le 20 septembre, en raison de son action dans la lutte contre le fascisme et de son opposition au nouveau régime, Dormoy est suspendu de ses fonctions de maire de Montluçon (depuis 15 ans). Prenant acte de cette décision, il réunit une dernière fois son conseil municipal.

« Je quitterai cet hôtel de ville quand la notification officielle m’en sera faite, la tête haute et la conscience tranquille, avec la certitude d’avoir accompli, en toutes occasions, mon devoir. En ce moment, je ne veux penser qu’à la France meurtrie, envahie. J’ai foi en la délivrance de mon pays. J’y aspire de toute ma raison, de toute mon âme, de tout mon cœur : c’est là ma seule pensée. »

Marx DORMOY (1888-1941), 20 septembre 1940, à son conseil municipal. Site du Sénat. Marx-dormoy-1888-1941

Le 25 septembre, arrêté à son domicile, il est incarcéré à Pellevoisin (Indre) dans un hôtel transformé en prison, puis transféré à Vals-les-Bains (Ardèche) le 31 décembre. Soumis au secret et à l’isolement, il écrit pour demander sa mise en liberté ou à défaut le bénéfice du régime politique de détention applicable à toute personne détenue en raison de ses opinions.

Le 20 mars, placé en résidence surveillée à Montélimar, il prend pension à l’hôtel « Le relais de l’empereur » où il bénéficie d’une liberté toute relative. Il est assassiné dans la nuit du 25 juillet au 26 juillet 1941: une bombe à retardement placée sous son lit par trois anciens cagoulards (extrême droite), avec la complicité d’une comédienne qui sert d›« appât ».

Les coupables sont arrêtés et emprisonnés, mais qui sont les commanditaires ? Des cagoulards pour se venger du démantèlement de leur organisation, Jacques Doriot animé d’une haine tenace contre Dormoy ou les Allemands pour faire pression sur le maréchal Pétain ? Les prévenus, jamais jugés, sont libérés de prison le 23 janvier 1943  par des militaires allemands.

Pour empêcher toute manifestation de soutien, le gouvernement de Vichy imposa une inhumation discrète de Marx Dormoy et censura l’annonce de son assassinat dans la presse.

Des funérailles solennelles seront organisées en son honneur à Montluçon le 9 décembre 1945. Marx Dormoy sera cité à l’ordre de la Nation en 1946 et médaillé de la Résistance française avec rosette en 1947.

5/ 1942 - François Darlan

Amiral assassiné par Bonnier de la Chapelle fusillé à 20 ans et réhabilité comme résistant en 1945. Mais on ignore le(s) commanditaire(s) de l’assassinat.

« Ils ont leur conception du patriotisme. Moi j’ai la mienne et je ne suis pas sûr d’avoir raison. »2793

Pierre LAVAL (1883-1945). Les Grands Dossiers de l’histoire contemporaine (1962), Robert Aron

Le chef du gouvernement de Vichy répond en ces termes à qui stigmatise comme une trahison le ralliement aux Alliés de l’amiral Darlan avec les Forces françaises d’Afrique du Nord, après le débarquement du 8 novembre 1942. C’est une histoire complexe qui se joue en deux mois.
Darlan cumulait quatre portefeuilles (Marine, Affaires étrangères, Intérieur et Information) dans le gouvernement Pétain dont il est le dauphin assuré. Mais Laval l’a remplacé à la tête du gouvernement vichyste.

Il se trouve fortuitement à Alger en novembre 1942, lors du débarquement allié en Afrique du Nord et se rallie avec réticences et hésitations aux Alliés ; Giraud qui aurait dû y être en tant que responsable militaire choisi par les Américains n’y est pas ; les Américains qui n’ont pas informé de Gaulle du débarquement profitent de la présence de Darlan, trop heureux d’en profiter lui aussi pour prendre la place qui aurait dû revenir à de Gaulle ou à Giraud.

24 décembre. Dernier coup de théâtre : l’assassinat de Darlan touché par deux balles de pistolet tirées par un étudiant de 20 ans, Fernand Bonnier de La Chapelle, dans l’antichambre de son bureau du Haut-commissariat de France en Afrique du Nord. Pris sur le fait, il déclare avoir agi seul. Arrêté, jugé de manière expéditive par le tribunal militaire d’Alger et condamné à mort le 25 décembre, le coupable est fusillé à l’aube du 26 décembre.

Pas de mystère sur l’assassinat lui-même. Mais pourquoi Darlan fut-il assassiné ?

« Darlan se comporte comme le successeur de Pétain ; si les choses continuent à aller mal pour nous, il changera de camp à nouveau. »

EISENHOWER (1890-1969), Lettre du 8 décembre 1942 au général Marshall à Washington. « Les Britanniques premiers intéressés », Le Monde.fr,‎ 29 décembre 1986. Anthony Verrier

Malgré le soutien personnel du président américain Roosevelt à Darlan (datant du début de 1941 et confirmé en octobre 1942), ses représentants à Alger n’étaient pas unanimes. L’émissaire personnel de Roosevelt, Robert Murphy, militait logiquement en sa faveur. Mais Eisenhower, Major General nommé en juin 1942 commandant en chef des forces américaines en Europe, doutait de cet homme visiblement indécis. Et pour cause…

Déjeunant le jour même de sa mort avec l’amiral britannique Andrew Cunningham, Darlan parla de quatre complots contre lui. Cependant que circulent quatre théories : les « agents de l’Axe » (histoire répandue sur instruction d’Eisenhower par le service de presse anglo-américain à Alger) ; l’Intelligence Service, selon les radios de Berlin et de Rome (information jamais démentie, ni par la BBC ni par les autorités britanniques à Alger) ; un complot gaulliste ; un complot monarchiste.

« Je savais que les Anglais m’auraient. »

Amiral François DARLAN  (1881-1942), ses derniers mots. « Les Britanniques premiers intéressés », Le Monde.fr,‎ 29 décembre 1986. Anthony Verrier

De fait, son assassin Bonnier de La Chapelle fut recruté dans le corps franc d’Afrique par le SOE britannique (Special Operations Executive), entraîné au sabotage et aux techniques annexes par ses officiers et armé par une « source » britannique. Churchill aurait manipulé les exécutants, sans qu’ils en aient conscience. C’est une piste parmi d’autres.

Le général Giraud qui succède à Darlan soupçonne un complot et redoute d’en être la prochaine victime.

Le 9 janvier 1943, il désigne un nouveau juge d’instruction, le commandant Albert-Jean Voituriez, appelé du Maroc, qui commence le jour-même son enquête en interrogeant le commissaire André Achiary, chef de la brigade de surveillance du territoire à Alger.

« J’accuse deux personnes d’être les instigateurs directs du meurtre de l’amiral Darlan. Ces deux personnes sont :  l’abbé Cordier, demeurant à Alger, 2 rue La Fayette, et Henri d’Astier de La Vigerie demeurant au même endroit, secrétaire adjoint aux Affaires politiques au Haut-Commissariat en Afrique française. Ces deux personnes ont fait assassiner l’amiral Darlan pour le compte et au profit du Comte de Paris. »

André ACHIARY(1909-1983 ), chef de la brigade de surveillance du territoire à Alger, Geoffroy d’Astier de La Vigerie, L’Exécution de Darlan, La Fin d’une énigme (2022)

Dans les heures précédant son exécution, Fernand Bonnier de la Chapelle avait fait des révélations aux deux officiers de la garde mobile chargés de sa surveillance. Consignées dans un rapport, les déclarations de Bonnier mettent en évidence ses liens personnels avec Henri d’Astier et son fils Jean-Bernard, et évoquent la mission de François d’Astier à Alger.

« J’ai tué l’amiral Darlan parce que c’est un traître, il vendait la France à l’Allemagne à son profit […]. J’ai appris qu’une personne [François d’Astier] venant de la part du général de Gaulle avait demandé à être reçue par l’Amiral. […] L’Amiral a refusé de recevoir l’envoyé du général de Gaulle, marquant sa volonté de garder pour lui le pouvoir. Certaines personnalités ont parlé devant moi de cette démarche infructueuse et ont dit : ‘Il faut que Darlan disparaisse.’ »

Fernand BONNIER DE LA CHAPELLE (1922-1942).  Geoffroy d’Astier de La Vigerie, L’Exécution de Darlan, La Fin d’une énigme (2022)

En quelques jours, le commandant Albert-Jean Voituriez a donc mis au jour un complot monarchiste imaginé par le comte de Paris, persuadé que de Gaulle (catholique et homme de droite) rétablirait la monarchie en France – une des versions fournies par les historiens pour expliquer cet acte.

Quatre fidèles ont organisé l’attentat : Henri d’Astier de La Vigerie et l’abbé Cordier font neuf mois de prison et sont libérés le 13 septembre 1943. Le général Giraud demande au juge de ne pas inquiéter Alfred Pose et Marc Jacquet qui soutiennent financièrement son gouvernement…

Quant à l’exécutant… Fernand Bonnier de la Chapelle aurait tiré à la courte paille avec trois de ses camarades étudiants (Othon Gross, Robert Tournier et Philippe Ragueneau) pour désigner celui qui « aurait le privilège d’exécuter le traître Darlan ». Fusillé à 20 ans, il sera réhabilité comme résistant français le 21 décembre 1945 par un arrêt de la Chambre des révisions de la cour d’appel d’Alger jugeant qu’il avait agi « dans l’intérêt de la libération de la France ».

Aujourd’hui encore, le mystère demeure : qui a réellement commandité le meurtre ? Les gaullistes, les monarchistes ou quelque service secret manipulateur des uns et des autres ? L’assassin est connu, exécuté en moins de quarante-huit heures. Mais cette exécution ressemble beaucoup à un second assassinat.

6/ 1944 - Georges Mandel

Juif victime de l’antisémitisme, arrêté, assassiné d’une rafale de mitraillette dans la forêt de Fontainebleau par la Milice deux mois avant la Libération.

« Les démocraties ne préparent la guerre qu’après l’avoir déclarée. »6

Georges MANDEL (1885-1944). La Guerre et la démocratie, Gustave Belot. Revue de Métaphysique et de Morale (septembre 1914)

Né Louis Rothschild sous la Troisième République, élevé dans une famille d’Alsaciens ayant opté pour la France après l’annexion allemande de 1871, journaliste et homme politique très tôt passionné, ardent dreyfusard, il va vivre la Grande Guerre en compagnon de route et « Bébé Titre » de son idole Clemenceau, s’engager dans le camp conservateur comme maire, ministre et député, opposant lucide et farouche aux accords de Munich (1938), se rapprocher d’un de Gaulle encore inconnu et s’engager comme « premier résistant » (Blum) au début de la Seconde Guerre mondiale, bientôt arrêté, « interné administratif », déporté, stigmatisé comme juif, pour finir assassiné par la Milice (organisation politique et paramilitaire française créée le 30 janvier 1943 par le régime de Vichy, en réponse à une exigence formulée par Hitler à Pierre Laval le 19 décembre 1942).

« Il n’a pas d’idées, mais il les défendrait jusqu’à la mort. »

Georges CLEMENCEAU (1841-1929), à propos de Georges Mandel. Gilbert Prouteau, Le Dernier Défi de Georges Clemenceau (1979)

Mandel est longtemps resté cet écolier sérieux qui à 13 ans demandait à son père pour récompense d’un succès scolaire un abonnement au Journal officiel, collectionnant les articles de journaux à commencer par ceux portant la griffe de Clemenceau. Le « Tigre » est son idole. Il le restera jusqu’à la fin.

Collaborant à ses journaux L’Aurore, puis L’Homme libre, il le suit sur les chemins de la politique, d’abord comme l’un de ses attachés de cabinet en 1908. Clemenceau appelé à Matignon en 1917, il devient son « chef de cabinet », autrement dit son principal collaborateur.

Âgé de 76 ans et plus combatif que jamais, le futur Père la Victoire se consacre à la poursuite de la guerre avec tous ses prolongements diplomatiques, son jeune chef de cabinet s’occupant de tout le reste. D’où une grande notoriété pour le « Bébé Tigre » et beaucoup de jalousies dans le monde politique. Son fort caractère y contribue. Il défendra toujours envers et contre tout et jusqu’à la mort ses idées – il en a beaucoup, malgré la boutade du Tigre qui adore malmener les gens qu’il aime : « Il est bien ce petit Mandel, il me rend service. Quand je pète, c’est lui qui pue. » Mais Clemenceau l’estime et saura le reconnaître.

« Jamais je n’aurais pu faire ce que j’ai fait si je ne l’avais pas eu auprès de moi. »

Georges CLEMENCEAU (1841-1929), à propos de Georges Mandel, Au soir de la pensée (1927)

Les rapports qui se nouent entre Mandel et son patron relèvent de la « petite histoire » dans la grande. L’amitié grondeuse, traversée d’orages et d’éclaircies, ponctuée de faveurs et de rebuffades, n’affecte en rien le dévouement de son bras droit et Clemenceau le sait bien. Il pourra toujours le rabrouer, le traiter de gringalet, l’inviter à espacer ses visites, impossible de se passer de lui. En lui adressant son livre Au soir de la pensée, le Tigre résume leurs trente ans de collaboration presque ininterrompue par une juste dédicace…

« À Georges Mandel, en souvenir de nos désaccords cordiaux. »

Georges CLEMENCEAU (1841-1929), dédicace de son dernier livre, Au soir de la pensée (1927)

C’est à lui qu’il confia, en prenant la tête du gouvernement, le rôle ingrat de la censure, un poste de confiance aussi envié que redouté. Cela lui vaudra plus tard de solides inimitiés, de la part de journalistes sermonnés ou censurés.

« S’ils s’obstinent, ces cannibales, à faire de nous des héros, il faut que nos premières balles soient pour Mandel, Blum et Reynaud. »2697

« À bas la guerre », l’Action Française, numéro saisi le 27 septembre 1938. La Vie politique sous la IIIe République : 1870-1940 (1984), Jean-Marie Mayeur

Le numéro paraît en pleine crise de Munich, avec l’article ainsi titré. Les termes disent la violence de l’opposition d’extrême droite : antisémitisme et appel (nominatif !) au meurtre, ce qui a déjà tué Jaurès à la veille de la guerre en 1914. Mandel est en tête d’affiche, avec deux autres juifs qui sont naturellement ses amis – Blum n’étant d’ailleurs pas du même bord politique, au Front populaire.

La situation internationale s’aggrave. Le 12 mars 1938, Hitler a envahi l’Autriche : l’Anschluss est une annexion pure et simple. En septembre, il récidive, prenant prétexte de la minorité allemande des Sudètes pour exiger le rattachement à l’Allemagne de ce territoire de Tchécoslovaquie. La guerre va devenir inévitable, mais la France n’est pas prête, face à l’Allemagne surarmée.

« Ayez l’armée de votre politique ou la politique de votre armée. »2707

Paul REYNAUD (1878-1966). La Vie en plus (1981), Alfred Sauvy

Ministre des Finances du gouvernement Daladier en novembre 1938, il s’adresse en ces termes aux députés à la Chambre. Dès 1935, devant la montée des périls, Reynaud voulait renforcer notre armée, adoptant les idées du lieutenant-colonel de Gaulle sur les blindés – qui font la force de l’Allemagne. Mais il était très isolé, et de Gaulle inconnu… sauf de Mandel.

L’Allemagne envahit la Pologne, le 1er septembre 1939. Le 2, la Chambre et le Sénat vont voter à mains levées et à l’unanimité (selon le Journal officiel) un crédit extraordinaire de 69 milliards pour « faire face aux obligations résultant de la Défense nationale » : cela signifie que la guerre va être déclarée.

« Ne pensez qu’à ce qui doit être fait pour la France et songez que, le cas échéant, votre fonction actuelle pourra vous faciliter les choses. »

Georges MANDEL (1885-1944) à de Gaulle, cité dans ses Mémoires de guerre, tome II, L’unité, 1942-1944

Réflexion véritablement prémonitoire… « Mandel me parla sur un ton de gravité et de résolution dont je fus impressionné. Il était, tout autant que moi, convaincu que l’indépendance et l’honneur de la France ne pouvaient être sauvegardés qu’en continuant la guerre… Il m’annonça que, dans l’instant, les premiers éléments allemands entraient à Paris. Puis, évoquant l’avenir, il ajouta : ‘ De toute façon, nous ne sommes qu’au début de la guerre mondiale. Vous aurez de grands devoirs à remplir, Général ! Mais avec l’avantage d’être, au milieu de nous tous, un homme intact.’ Je dois dire que cet argument me convainquit d’attendre avant de me démettre. C’est à cela qu’a peut-être tenu, physiquement parlant, ce que j’ai pu faire par la suite. » Bel hommage posthume du Général.

« Vous craignez pour moi parce que je suis juif. Eh bien, c’est justement parce que je suis juif que je ne partirai pas demain, cela aurait l’air de dire que j’ai peur et que je m’enfuis. »

Georges MANDEL (1885-1944), sollicité par le général Spears, représentant de Churchill, 16 juin 1940. Jean-Noël Jeanneney, Georges Mandel, l’Homme qu’on attendait (2009)

Argument plausible, vu la suite des événements. Autre raison plus politique, Georges Mandel préférait tenter de poursuivre la guerre par un soulèvement en Afrique du Nord, seul espoir de continuer le combat en France.

La suite est connue… Le camp de l’armistice l’emporte. De Gaulle part à Londres saisir la main tendue par l’allié anglais, tandis que le parlementaire Mandel reste en France pour tenter de contrecarrer la prise du pouvoir par Pétain, après le renoncement de Reynaud.

Pétain le fait arrêter, puis le laisse embarquer à bord du paquebot Massilia qui emporte une trentaine de députés désireux de continuer la lutte en Afrique du Nord. Arrêtés par les autorités vichystes, ils sont renvoyés en France sous l’inculpation de désertion.

Mandel est emprisonné à Riom comme Léon Blum, condamné à la prison à vie, puis enfermé dans le fort pyrénéen du Portalet avec Reynaud, enfin livré aux Allemands et déporté à Buchenwald avec Blum… Il aura moins de chance que lui, rapatrié en France à la prison de la Santé pour être finalement livré à la Milice.

« Saisissant l’occasion de faire tuer Mandel par l’un de leurs agents introduits dans la Milice, ils persuadent tout le monde, miliciens et responsables miliciens compris, que le crime a été commis sur ordre de la Milice. »

Jean-Marc BERLIERE et François LE GOARANT DE TROMELIN, Liaisons dangereuses : miliciens, truands, résistants. Paris, 1944 (2013)

« … Tout en restant dans l’ombre, ils font d’une pierre plusieurs coups : ils mouillent Laval, forcent la main à Joseph Darnand (secrétaire général de la Milice), compromettent encore davantage la Milice pour s’assurer de sa fidélité dans la lutte qui fait rage depuis le printemps… »

Selon ces deux historiens, les Allemands auraient préféré que le gouvernement français fasse fusiller lui-même Mandel, Blum et Reynaud. Ils devaient être ramenés à Paris pour être exécutés. Mais pourquoi les dirigeants nazis auraient-ils eu besoin de mettre en place un scénario compliqué à seule fin de « mouiller » la Milice (organisation politique et paramilitaire française en janvier créée 1943 par le régime de Vichy). Elle l’était chaque jour davantage par les assassinats et exactions commises au vu et au su de tous…

Selon d’autres sources, cet assassinat aurait été commandité par Hitler lui-même, qui aurait repéré Mandel dès les années 1930 comme l’un des opposants les plus résolus à l’Allemagne nazie.

Quoiqu’il en soit, Mandel est assassiné d’une rafale de mitraillette dans la forêt de Fontainebleau le 7 juillet 1944, moins de deux mois avant la Libération – sorti d’une voiture faussement en panne à l’occasion d’un transfert, le milicien Mansuy l’abat de seize balles dans le dos, en représailles à l’exécution par la Résistance du ministre de l’Information Philippe Henriot dix jours avant.

« Dans les lettres, comme en tout, le talent est un titre de responsabilité. »2821

Charles de GAULLE (1890-1970), refusant la grâce de Robert Brasillach. Mémoires de Guerre, tome III, Le Salut, 1944-1946 (1959), Charles de Gaulle

Condamné à mort pour intelligence avec les Allemands, Brasillach est fusillé le 6 février 1945. Ses convictions hitlériennes ne font aucun doute et son journal (Je suis partout) en témoigne abondamment. Le procès est bâclé, de nombreux confrères tentent de le sauver. Mais le Parti communiste voulait la tête de l’homme responsable de la mort de nombreux camarades… et de Gaulle ne lui pardonnait pas celle de Mandel, résistant exécuté par la Milice, après les appels au meurtre signés entre autres par Brasillach.

« Collaborateur direct et confident de Georges Clemenceau, il contribua à galvaniser, à ses côtés, de 1914 à 1918, le moral et l’énergie de la Nation. Ministre de l’Intérieur aux heures les plus critiques de 1940, il mena contre les défaitistes et les collaborateurs de l’ennemi le plus courageux et le plus clairvoyant des combats. Se refusant à accepter l’idée de la capitulation, il ne tarda pas à être arrêté puis déporté. Remis par les nazis à la milice, il fut lâchement assassiné le 7 juillet 1944. Par son patriotisme indomptable, Georges Mandel a bien mérité de la Nation. »

Citation à l’ordre de la nation en 1947

 

7/ 1944 - Jean Zay

Juif, dreyfusard, franc-maçon, anti-munichois, anti-hitlérien et ministre du Front populaire, condamné, assassiné par la Milice, réhabilité, panthéonisé en 2015.

« Malheur à celui sur lequel se referme la porte d’une prison et qui n’a point de vie intérieure, qui ne saura s’en créer ! »7

Jean ZAY (1904-1944), Souvenirs et solitude (posthume, 1945)

De 1940 à 1944 et malgré la dureté de sa détention, il consacre l’essentiel de ses forces à cette œuvre : méditation intensément personnelle et grand essai historico-politique tourné vers le passé récent autant que vers l’avenir. Réflexions sur la justice ou l’emprisonnement, souvenirs de son entre-deux-guerres et projets pour la France de la Libération qu’il imagine.

« Terrible morceau de drap coulé à ta hampe, je te hais férocement,
Oui, je te hais dans l’âme, je te hais pour toutes les misères que tu représentes. »

Jean ZAY (1904-1944), Le Drapeau, poème antimilitariste daté du 6 mars 1924 et dédié à Paul Dreux

Il a 19 ans. Horrifié par les massacres de la Première Guerre mondiale, il compose ce pastiche littéraire des productions de Gustave Hervé (socialiste antimilitariste devenu fasciste). Pastiche utilisé par ses ennemis, volé et monnayé par des activistes d’extrême droite et publié en 1932 contre le député du Loiret élu à 27 ans sous l’étiquette radical-socialiste, battant Maurice Berger, député sortant du Parti démocrate populaire.

L’histoire du drapeau le poursuivra jusqu’en 2014, lorsque sera proposé le transfert de ses cendres au Panthéon !

« L’intellectuel ne peut pas ne pas prendre parti dans la controverse qui chaque jour sur le forum dresse les citoyens les uns contre les autres. »

Jean ZAY (1904-1944) à 20 ans, cité par Nicole Debrand, « Jean Zay écrivain », fascicule de l’Association « Jean Zay au Panthéon » (2007)

Déclaration tirée d’une chronique publiée dans Le Grenier, revue mensuelle d’art, de littérature et de critique fondée par Jean Zay en mars 1925 et disparue en mai 1926. Mais le jeune intellectuel qu’il est assurément va se lancer avec passion dans la vie politique.

« Les écoles doivent rester l’asile inviolable où les querelles des hommes ne pénètrent pas. »

Jean ZAY (1904-1944), ministre de l’ Éducation nationale du Front populaire, Circulaire du 31 décembre 1936

Cette déclaration reste d’une actualité brûlante. Mais l’une des qualités de Jean Zay, c’est que ses paroles sont toujours suivies par des actes. Exemples ? Pendant ses quarante-quatre mois au gouvernement, il institue au titre de l’Éducation nationale : les trois degrés d’enseignement, l’unification des programmes, la prolongation de l’obligation scolaire à quatorze ans, les classes d’orientation, les activités dirigées, les enseignements interdisciplinaires, la reconnaissance de l’apprentissage, le sport à l’école, les œuvres universitaires, le CNRS.

Et au titre des Beaux-Arts : le Musée national des arts et traditions populaires, le Musée d’Art moderne, la Réunion des théâtres lyriques nationaux, le festival de Cannes – dont la première édition devra attendre septembre 1946.

« Volontaire pour les missions les plus périlleuses et les plus délicates. »

Jugement de réhabilitation, rendu le 5 juillet 1945 par la cour d’appel de Riom

Au début de la Seconde Guerre mondiale, Jean Zay démissionne du gouvernement pour rejoindre l’armée française, alors que sa fonction ministérielle l’en dispensait. Son courage et son dévouement seront attestés par ses chefs militaires. Malgré tout ce qu’il pense de l’armée, en intellectuel et politique…

« 14 Mai 1940 : La guerre a pris l’aspect de la dernière fois, mais les tirs d’aujourd’hui mettent un village en quelques heures dans l’état où il se trouvait naguère après plusieurs mois de bombardement. »

Jean ZAY (1904-1944), Lettres de la drôle de Guerre (1939-1940)

Ce livre réunit des extraits (et quelques lettres intégrales) des 170 lettres écrites à sa femme.

« La paperasserie militaire a pour caractéristique de faire coïncider des principes immuables et sacro-saints avec des données pratiques et mouvantes. Elle additionne des parapluies et des masques à gaz. Elle comporte des opérations compliquées et mystérieuses qui impliquent des données préalables et techniques qu’on ne vous donne jamais… C’est d’ailleurs la marque de toute bureaucratie militaire, même en guerre, que d’étaler sur une interminable journée un travail effectif qui, partout ailleurs, demanderait une heure ou deux. »

Et plus tard (Souvenirs et solitude) « L’armée française était devenue une immense administration, uniquement préoccupée d’avancement, de décorations, de prises d’armes, de paperasseries diverses. Elle avait cessé d’être un moyen pour devenir une fin en soi. »

En juin 1940,  il a rejoint Bordeaux pour participer à la dernière session du Parlement, le 19. Jean Zay et Pierre Mendès France ainsi que vingt-cinq autres parlementaires embarquent à bord du Massilia. Arrivés à Casablanca au  Maroc, les passagers du Massilia sont consignés dans un grand hôtel. Mais quatre d’entre eux, dont Jean Zay, sont arrêtés pour désertion devant l’ennemi. Renvoyé en métropole, Jean Zay est interné à la prison militaire de Clermont-Ferrand. Pendant des mois, une violente campagne de presse réclame la condamnation à mort du « juif Jean Zay » comme franc-maçon, antihitlérien et ministre du Front populaire.

« Jean Zay, bouc émissaire idéal, est condamné par le tribunal militaire de Clermont-Ferrand à une peine qui vise à rappeler celle de Dreyfus : la dégradation et la déportation pour une durée indéterminée. »

Olivier LOUBES (né en 1963), Jean Zay, Vichy et la Résistance, Revue d’histoire moderne et contemporaine, janvier-mars 1996

Le tribunal militaire siégeant à Clermont-Ferrand le condamne pour désertion en présence de l’ennemi, à la déportation à vie et à la dégradation militaire. Le 7 janvier 1941, il est incarcéré au quartier spécial de la maison d’arrêt de Riom.

« Les hommes qui ne rêvent point la nuit perdent un tiers de leur existence. »

Jean ZAY (1904-1944), Souvenirs et solitude (posthume, 1945)

Il continue à travailler, préparant les réformes qu’il doit mettre en œuvre après la Libération… Mais sa vie sera trop brève.

20 juin 1944, trois miliciens du collaborateur Darnand viennent le chercher à la prison de Riom. Se faisant passer pour des résistants, ils présentent un ordre de transfert pour Melun. Il sera abattu d’une rafale de Sten (mitraillette) par Charles Develle, dans un bois près de Molles (département de l’Allier).

« Vive la France ! »

Jean ZAY (1904-1944), mot de la fin, Marcel Hasquenoph, « La vérité sur la mort de Jean Zay », Histoire pour tous,‎ août 1968

Afin qu’il ne soit pas identifié, les tueurs le déshabillent, lui ôtent son alliance, jettent sa dépouille dans la crevasse du Puits-du-Diable et lancent quelques grenades pour cacher le corps par des éboulis.

« Les poursuites intentées contre le sous-lieutenant Jean Zay ne peuvent s’expliquer que par le désir qu’a eu le gouvernement d’atteindre un parlementaire dont les opinions politiques lui étaient opposées et qu’il importait de discréditer en raison de la haute autorité attachée à sa personnalité. »

Quel prisonnier au fond de la cour… Le procès Jean Zay, Anne Simonin (CNRS, Université́ de Paris I et de Paris IV)

5 juillet 1945. La cour d’appel de Riom réexamine les faits reprochés au sous-lieutenant Jean Zay, constate qu’à aucun moment il ne s’est soustrait à l’autorité militaire. Elle annule donc le jugement du 4 octobre 1940. Jean Zay est pleinement réhabilité à titre posthume.

Exhumés fin 1947, les restes de Jean Zay sont identifiés grâce à sa fiche dentaire et aux mensurations données par son tailleur. Il est inhumé au grand cimetière d’Orléans le 15 mai 1948. Jusqu’en 2015, année de son transfert au Panthéon, avec Pierre Brossolette, Geneviève de Gaulle-Anthonioz et Germaine Tillion en tant que « grandes figures qui évoquent l’esprit de résistance. »

8/ 1961 - Camille Blanc

Maire d’Évian victime de l’OAS, assassiné par deux charges de plastic parce que sa ville accueillait les négociateurs (français et FLN) pour la paix en Algérie.

« L’OAS frappe où elle veut, quand elle veut, comme elle veut. »2998

Slogan de la nouvelle « Organisation Armée secrète ». L’OAS et la fin de la guerre d’Algérie (1985), M’Hamed Yousfi

Premiers tracts lancés début février 1961. L’armée fait son métier en Algérie, avec 400 000 hommes qui se battent sur le terrain. La pacification progresse (excepté dans les Aurès), mais le terrorisme fait rage et le FLN multiplie les attentats. Les Européens d’Algérie vivent aussi dans la terreur de la négociation qui conduira inévitablement à l’indépendance. Et l’OAS, choisissant la politique du désespoir, recourt également aux attentats.

« M. Camille Blanc, maire d’Évian, est mort des suites de ses blessures. Deux puissantes charges de plastic ont éclaté à 02H35, à 15 secondes d’intervalle, dans l’impasse séparant la mairie de l’hôtel Beau Rivage, propriété et résidence de M. Blanc. »

Flash de l’AFP, 31 mars 1961

Seule raison à cet assassinat, sa ville a été choisie pour accueillir les négociations. Cela n’infléchit en rien la politique du président de Gaulle : « Cet État sera ce que les Algériens voudront. Pour ma part, je suis persuadé qu’il sera souverain au-dedans et au-dehors. Et, encore une fois, la France n’y fait aucun obstacle. » Conférence de presse, 11 avril 1961

Mais l’élégante cité thermale est sous le choc. « C’était un cœur d’or » pleurent les habitants. Socialiste, grand résistant, ce militant de la paix avait œuvré pour accueillir dans sa ville les pourparlers qui déboucheront un an plus tard sur un cessez-le-feu destiné à mettre fin à la guerre d’Algérie.
Les Évianais vont décider de tourner la page après l’assassinat, d’autant que dans cette ville d’eau proche de la Suisse, les Accords ont été « associés à deux saisons touristiques catastrophiques en 1962 et 1963 » résume l’ancien adjoint municipal PS Serge Dupessey, 78 ans. Il se rappelle aussi que « c’est un Evianais de l’OAS qui a assassiné, avec des complices évianais… la famille de l’assassin habite encore ici. » Ce qui, selon lui, a pu entretenir une « atmosphère de guerre civile »

« Camille Blanc voulait la paix en Algérie, il l’a payée de sa vie. »

Le Dauphiné Libéré, 31 mars 2011. « C’était le 31 mars 1961. » Il y a 50 ans, le maire d’Évian était victime de l’OAS

Rappel des faits. « Les fenêtres des immeubles qui cernent la mairie s’éclairent une à une, la ville se réveille pétrifiée d’angoisses. Aux interrogations, succèdent très vite des bribes d’information. Oui, c’est un attentat. Oui le maire était visé, il est blessé… Au petit matin, les Évianais apprendront sa mort. Camille Blanc avait 60 ans. Généreux, affable et ambitieux pour sa ville, il était très apprécié de ses administrés. Depuis 1945, ils lui renouvelaient à une très confortable majorité leur confiance. Il était socialiste (SFIO).

Dans la torpeur qui saisit la ville, une évidence émerge en forme d’épitaphe : Camille Blanc voulait la paix en Algérie, il l’a payée de sa vie. En ce printemps 1961, la ville d’eau se préparait à accueillir les délégations françaises et algériennes qui depuis quatre ans planchaient en secret à l’écriture des conditions d’un cessez-le-feu d’une guerre qui ne dit pas son nom. Une page d’Histoire à laquelle le maire a accepté d’associer le nom de sa ville pour lui redonner du lustre. »

« Il n’y a pas d’endroit, pas de lieu de commémoration, on sent encore cette blessure » de l’assassinat et la guerre d’Algérie demeure « un épisode sensible » selon la maire d’Évian Josiane Lei. L’hôtel Beau rivage est aujourd’hui à l’abandon. Sur sa façade décrépie, une plaque rend hommage au maire assassiné. Sans mention de l’implication de l’OAS, organisation clandestine opposée à l’indépendance algérienne. Pour le 60e anniversaire, on a fait le choix, en accord avec la préfecture, d’une « cérémonie comme d’habitude, aux monuments aux morts » avec porte-drapeaux, anciens combattants et harkis, explique la maire Josiane Lei. 

9/ 1975 - François Renaud

Juge emblématique pour sa lutte contre la pègre lyonnaise, abattu de plusieurs balles… Cas d’école d’une affaire jamais élucidée.

« En huit ans de magistrature à Lyon, le juge Renaud a traité 1 500 affaires de droit commun : braquages du gang des Lyonnais, hold-up du gang de Guy Reynaud dit le Dingue, enlèvement d’Yves Marin-Laflèche (riche hôtelier lyonnais), plusieurs règlements de comptes qui valent à Lyon à l’époque la triste appellation de Chicago-sur-Rhône. »9

Roland PASSEVANT (1928-2002), Les Flammes de l’exclusion : insécurité urbaine, Temps des cerises (1999)

C’est le bilan de carrière du premier magistrat français assassiné depuis l’Occupation.

Deux ans après sa mort, sa vie a inspiré le réalisateur Yves Boisset : Le Juge Fayard dit « le Shériff » (1977), incarné par Patrick Dewaere qui présente une évidente ressemblance avec le « petit juge ».

Lors du tournage du film, Yves Boisset observe l’acteur qui, selon lui, n’interprète pas le rôle mais l’incarne : « Ce jour-là, j’ai compris qu’il ne jouait pas, mais qu’il vivait la scène et je me suis dit, mon Dieu, il est en danger ! » Il mesure à quel point ses rôles peuvent influencer la vie de Dewaere. Le réalisateur se jure alors de ne lui proposer que des personnages et des histoires positives, mais Dewaere mit fin à ses jours quelques mois avant le début du prochain tournage.

« Je n’ai pas voulu remuer la merde. »

Olivier MARCHAL (né en 1958), ex policier, devenu acteur, réalisateur et scénariste

Le vrai du faux. Le film mêle fiction totale et réalités historiques, avec justesse et prudence, Le Progrès, 24 septembre 2011.

Il justifie ainsi l’absence totale de référence au juge François Renaud. C’est le droit absolu de l’auteur, fut-il ex-policier. C’est peut-être à ce titre qu’il s’est empressé d’en tirer un film bénéficiant d’un grand succès critique et public. Mais l’affaire non résolue reste très sensible pour diverses raisons tenant au personnage, au lieu, aux circonstances et à la « leçon de l’histoire ». C’est ce qu’on appelle un « cas d’école », avec cette particularité notable : Lyon l’emporte ici sur Marseille.

« Engagé dans une guerre sans merci contre la montée d’une criminalité des plus violentes, propre à la région lyonnaise depuis une douzaine d’années, l’intrépide magistrat est tombé dans une sorte d’embuscade tendue par ceux qu’il considérait moins comme des justiciables que comme des ennemis du peuple et de la loi. Si le mobile du crime n’a rien, apparemment, de politique, le scandale de son impunité l’est, au sens profond du terme. »

Jacques DEROGY (1925-1997), Enquête sur un juge assassiné. Vie et mort du magistrat lyonnais François Renaud (1978)

Pionnier en France du journalisme d’investigation, sa conclusion ne donne pas de nom, mais une accusation de principe. Au milieu d’une foule de faits divers qui font la une des médias et tombent bientôt dans l’oubli, l’affaire reste aujourd’hui encore un cas d’école d’autant plus passionnant.

« L’assassinat du juge Renaud n’a jamais été totalement éclairci malgré de nombreuses enquêtes publiées, entre autre dans l’Express sous la plume de Jacques Derogy. La volonté d’étouffer, voire d’enterrer ces affaires a-t-elle effectivement existé ? L’affaire du juge Renaud a été instruite pas six magistrats successifs et 23 ans après les faits, le 17 septembre 1992, elle a été classée sans suite. Depuis les faits ont été prescrits. »

Jean-Luc PINOL ( né en 1949) Lumières sur Rhône-Alpes, l’Affaire du juge Renaud de Lyon, 9 mars 1976, site de l’INA

Il parle en historien spécialiste d’histoire urbaine, professeur à l’ENS Lyon. Et Le Monde, en date du 1er juillet 2015, revient sur l’affaire qui fascine toujours : « Les mystères de l’assassinat du juge Renaud. Quarante après les faits, le fils du magistrat est retourné voir les différents acteurs d’une affaire dans laquelle la République ne sort pas grandie. » Ce sera la seule conclusion de cette histoire.

10/ 1998 - Claude Érignac

Préfet de Corse, assassiné à Ajaccio par le nationaliste Yvan Colonna – lui-même agressé par un codétenu fondamentaliste musulman et mort en 2022.

« La première des solidarités est celle qui relie les citoyens entre eux au travers de l’État. C’est la solidarité nationale. L’administration qui la met en œuvre est faite pour servir. »10

Claude ÉRIGNAC (1937-1998), inscription sur un banc, place du Préfet Claude Érignac, XVIe arrondissement de Paris

Préfet de Corse, assassiné à Ajaccio par le nationaliste corse Yvan Colonna – lui-même agressé par un codétenu fondamentaliste musulman et mort en 2022 à l’hôpital nord de Marseille.

Inaugurée en 2024, la place du préfet Claude Érignac se situe à Auteuil, dans le XVIe arrondissement de Paris. Signe particulier : sur les bancs sont inscrites des citations empruntées à son carnet. Une seule est signée de lui. À travers ces mots empruntés aux sources les plus diverses se dessine la personnalité de ce haut fonctionnaire.

« L’avenir m’intéresse parce que c’est là que j’ai l’intention de passer mes prochaines années. »

Woody Allen

« Étonnons-nous les soirs, mais vivons les matins. »

Guillaume APOLLINAIRE

« Regarder l’avenir, c’est déjà̀ le changer. »

Gaston BERGER

« Aucune grande œuvre n’a jamais été vraiment fondée sur la haine et le mépris. »

Albert CAMUS

« Si l’homme échoue à concilier la justice et la liberté, alors il échoue à tout. »

Albert CAMUS

« Il faut d’abord se montrer juste avant d’être généreux. »

Nicolas CHAMFORT

« Les animaux qui se recouvrent de carapaces sont ceux qui n’ont pas de squelette. »

René CHAR

« Il faut savoir ce que l’on veut. Quand on le sait, il faut avoir le courage de le dire. Quand on l’a dit, il faut avoir le courage de le faire. »

Georges CLEMENCEAU

« Il faut savoir que tout est perdu et faire comme si tout pouvait être gagné. »

Francis Scott FITZGERALD

« C’est à la poésie et à elle seule que seront toujours réservées la navigation et la découverte. »

Jean GIRAUDOUX

« Faire confiance est une preuve de courage, être fidèle un signe de force. »

GOETHE

« Il n’est pas besoin d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer. »

GUILLAUME D’ORANGE

« Rien de grand ne se fait sans passion. »

Victor HUGO

« Si vous trouvez que la formation coûte cher, essayez l’ignorance. »

Abraham LINCOLN

« Si j’apprenais que la fin du monde est pour demain, je planterai encore un arbre dans mon jardin. »

Martin LUTHER

« La liberté appartient à ceux qui l’ont conquise. »

André MALRAUX

« Les hommes construisent un mur plus facilement qu’un pont. »

André MALRAUX

« Une nation sans passé n’a pas d’avenir. »

André MALRAUX

« Soyez réalistes, demandez l’impossible. »

Herbert MARCUSE (slogan de Mai 68)

« Bien écouter, c’est presque répondre. »

MARIVAUX

« Il y a pour le responsable un devoir primordial de vérité : il en coûte parfois de le remplir, mais il est sans prix d’avoir la conscience nette. »

Pierre MENDES FRANCE

« Servir l’État sans s’asservir au pouvoir. »

Mathieu MOLLÉ

« La justice sans la force est impuissante, la force sans la justice est tyrannique. »

Blaise PASCAL

« S’il n’existait qu’une seule vérité, on ne pourrait peindre des centaines de tableaux sur le même sujet. »

Pablo PICASSO

« Les pieds ne vont pas là où ne va pas le cœur. »

Proverbe dogon

« Chacun est seul responsable de tous. »

Antoine de SAINT-EXUPÉRY

« La vérité de demain se nourrit de l’erreur d’hier. »

Antoine de SAINT-EXUPÉRY

« Nous n’héritons pas la terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants. »

Antoine de SAINT-EXUPÉRY

« Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas. C’est si nous n’osons pas qu’elles seront difficiles. »

SÉNÈQUE

« Comme les notes de musique ne sommes-nous pas créés pour nous accorder malgré́ nos différences. »

Percy SHELLEY

« Les véritables intérêts de l’homme ne doivent pas être confondus avec ses vœux. »

Paul VALÉRY

« Je combats ce que vous dites, mais je me battrais jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire. »

VOLTAIRE

« Les meilleures choses ont une fin ; les autres aussi. »

Oscar WILDE

« Savoir où l’on veut aller est très bien, mais il faut encore montrer que l’on y va. »

Émile ZOLA

« Tuer un homme, ce n’est pas défendre une doctrine, c’est tuer un homme. »

Stefan ZWEIG

« Oublier un crime est un crime. »

MÉMORIAL JUIF DE NANCY

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