Série très particulière de vrai-faux-vrai. La rumeur : « nouvelle, bruit qui se répand dans le public, dont l’origine est inconnue ou incertaine, et la véracité douteuse » (Larousse).
La rumeur est à l’origine de la plupart des affaires judiciaires (cf. indexation sur le site) et de quelques autres touchant aux « égouts » de l’histoire. Souvent anonyme, parfois assassine ou tragique, elle fait les beaux et les mauvais jours de la Chronique.
« Boire comme un Templier. » « Jurer comme un Templier. »249
Expressions populaires, au début du XIVe siècle
Le Livre des proverbes français, tome I (1842), Antoine-Jean-Victor Le Roux de Lincy.
Dictons toujours en cours, même si l’on en oublie l’origine. Ils donnent une faible idée des vices, crimes et péchés que la rumeur publique prête aux chevaliers. « Le Temple avait pour les imaginations un attrait de mystère et de vague terreur. Les réceptions avaient lieu, dans les églises de l’ordre, la nuit et portes fermées. On disait que si le roi de France lui-même y eût pénétré, il n’en serait pas sorti » (Jules Michelet, Histoire de France).
Rumeur entretenue par le chancelier Nogaret, le roi ayant décidé d’éliminer cet « État dans l’État » - les Templiers ne dépendent que du pape. Philippe le Bel veut aussi récupérer une part de leur fortune – le fameux « trésor ». Il accuse : « Cette engeance comparable aux bêtes privées de raison, que dis-je ? dépassant la brutalité des bêtes elles-mêmes, commet les crimes les plus abominables. Elle a abandonné son Créateur, sacrifié aux démons. » L’opération secrète sera vite et bien menée. Les chevaliers du Temple seront livrés à l’Inquisition. Beaucoup avouent (tout) sous la torture, avant de se rétracter. Une trentaine seront brûlés dans l’île de la Cité, 19 mars 1314.
« Je voudrais bien étrangler / Notre pute de Reine ! / Ô gué, notre pute de Reine. »761
Mazarin, ce bougeron, mazarinade anonyme
L’attaque directe contre la vie privée est une constante au XVIIe s. La règle de cet art pamphlétaire et chansonnier est de ne rien respecter, cependant que les reines pas plus que les rois n’ont de « vie privée », au sens moderne du mot.
« Je plains le sort de la Reine ; / Son rang la contraint en tout ; / La pauvre femme ose à peine / Remuer quand on la f… ». Le Frondeur compatissant, autre mazarinade. Michelet rapporte qu’à la mort de Louis XIII, « Mazarin commença dès lors l’éducation de la reine, enfermé toutes les soirées avec elle pour lui apprendre les affaires. La cour, la ville ne jasaient d’autre chose. » On parla même d’un mariage secret - rumeur, rumeur. Attaqué lui aussi, et même premier visé, le cardinal détesté, « Mazarin, ce bougeron. » On fait d’une pierre deux coups. Et la Fronde va frapper dur, au risque de déséquilibrer la monarchie, alors que Louis XIV n’est encore qu’un enfant.
« La duchesse de Bouillon alla demander à la Voisin un peu de poison pour faire mourir un vieux mari qu’elle avait qui la faisait mourir d’ennui. »884
Marquise de SÉVIGNÉ (1626-1696), Lettre, 31 janvier 1680 (posthume)
Le fait divers va devenir affaire d’État - l’affaire des Poisons, première ombre portée au règne du Roi-Soleil. Le scandale grandit, le nombre des inculpés aussi. Le roi institue la Chambre ardente, nommée « cour des poisons ». Mais le scandale atteint la cour : la plus jeune des nièces de Mazarin, la duchesse de Bouillon. Et la comtesse de Soissons (autre « mazarinette »), la comtesse de Gramont, la vicomtesse de Polignac, le duc de Vendôme, Racine (soupçonné d’avoir empoisonné par jalousie sa maîtresse, la comédienne Du Parc)… et jusqu’à la favorite en titre du roi, Mme de Montespan.
Louis XIV est horrifié : sa maîtresse lui aurait fait absorber des philtres d’amour, manigancé la mort de la Fontanges (sa nouvelle favorite) et la stérilité de la reine ! Il suspend les interrogatoires, fait brûler les dossiers. L’enquête publique est fermée. La Chambre ardente aura siégé trois ans. Au final, 36 condamnations à mort prononcées et appliquées.
« Sans esprit, sans caractère / L’âme vile et mercenaire,
Le propos d’une commère / Tout est bas chez la Poisson – son – son. »1127Poissonnade brocardant la marquise de Pompadour
Propos injuste, mais le peuple déteste cette fille de financier, née Jeanne Antoinette Poisson, femme d’un fermier général, bourgeoise dans l’âme et dépensière, influente en politique, distribuant les faveurs, plaçant ses amis. Louis XV lui doit une part de son impopularité. Le peuple a loué le roi pour ses premiers exploits extraconjugaux, il va bientôt le haïr, pour sa longue liaison avec la Pompadour.
Favorite royale, un métier ingrat. Il faut être perpétuellement en représentation, souriante, séduisante, esclave. L’amour a fait place à l’amitié après 1750 et la marquise fournit au roi de très jeunes personnes, logées à Versailles, dans le Parc-aux-Cerfs. On a beaucoup fantasmé sur ce lieu de débauche, il s’agit surtout de rumeurs. L’impopularité, la haine de la cour, les cabales incessantes épuisent la Pompadour. Elle écrit à son frère, en 1750 : « Excepté le bonheur d’être avec le roi qui assurément me console de tout, le reste n’est qu’un tissu de méchancetés, de platitudes, enfin de toutes les misères dont les pauvres humains sont capables. » Le règne de Louis XV est celui de toutes les rumeurs et la vie amoureuse de ce roi très sensuel et à présent haï est un sujet de choix, au siècle des Lumières.
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