Directoire
Chronique
L’irrésistible ascension de Napoléon Bonaparte commence.
Nommé à 26 ans général en chef de l’armée d’Italie, il a l’art de galvaniser ces vagabonds en guenilles et d’en faire des soldats, multipliant les victoires et se procurant sur le terrain ennemi, à la pointe des baïonnettes, tout ce qui manque à ses troupes. Au soir de Lodi (10 mai 1796), ayant triomphé des Autrichiens, il se voit déjà dans l’Histoire.
Babeuf, révolutionnaire attardé ou communiste avant l’heure, tente en vain de renverser le régime.
Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.
« Vous n’avez ni souliers, ni habits, ni chemises, presque pas de pain, et nos magasins sont vides ; ceux de l’ennemi regorgent de tout. C’est à vous de les conquérir. Vous le voulez, vous le pouvez, partons ! »1656
Napoléon BONAPARTE (1769-1821), à ses soldats, Toulon, 29 mars 1796 (…)
Nommé général en chef de l’armée d’Italie par le Directoire, il tient ce langage le jour même de son arrivée devant Toulon. C’est le début de la (première) campagne d’Italie (…) Ce général en chef de 26 ans a déjà l’art de galvaniser ses troupes, vagabonds en guenilles dont il va faire des soldats victorieux face à des armées supérieures en nombre (…)
« Soldats, vous avez en quinze jours remporté six victoires, pris vingt et un drapeaux, cinquante-cinq pièces de canon, plusieurs places fortes, conquis la partie la plus riche du Piémont ; vous avez fait quinze mille prisonniers, tué ou blessé plus de dix mille hommes. […] Mais soldats vous n’avez rien fait puisque […] ni Turin, ni Milan ne sont à vous. »1657
Napoléon BONAPARTE (1769-1821), à l’armée d’Italie, Proclamation de Cherasco, 26 avril 1796 (7 floréal an IV). Histoire de la Révolution française (1823-1827), Adolphe Thiers, Félix Bodin
Le jeune général réussit à imposer son autorité sur l’armée française, 38 000 hommes mal vêtus, mal nourris, qui vont voler de victoire en victoire. Bonaparte en Italie, c’est le prélude de l’épopée napoléonienne (…) Avec ces mots forts et vrais qui galvanisent les hommes, parce qu’ils se sentent compris de ce chef qui partage leur sort (…)
« Peuples de l’Italie, l’armée française vient rompre vos chaînes ; le peuple français est l’ami de tous les peuples […] et nous n’en voulons qu’aux tyrans qui vous asservissent. »1658
Napoléon BONAPARTE (1769-1821), à l’armée d’Italie, Proclamation de Cherasco, 26 avril 1796 (7 floréal an IV) (…)
Derniers mots du général à ses soldats de l’armée d’Italie, de son quartier général. Mais la fin du message est destinée aux Italiens. C’est encore le langage des révolutionnaires appelant les peuples voisins à l’indépendance et à la liberté. C’est aussi celui du nouveau héros qui se donne pour mission d’être le bienfaiteur de l’humanité, avec ces 38 000 hommes mal vêtus, mal nourris, soudain métamorphosés. L’offensive rapide a réussi (…)
« Chacun de ses pas désormais est marqué par une parole, par un de ces mots historiques qu’on retient parce qu’il est éclairé de gloire. »1659
Charles-Augustin SAINTE-BEUVE (1804-1869), Causeries du lundi, volume I (1857), 17 décembre 1849
Sainte-Beuve juge ici de Napoléon Bonaparte en critique littéraire, même s’il replace le discours en situation historique (…) « Il fallait une éloquence à la hauteur nouvelle des grandes opérations, à la mesure de ces armées sorties du peuple, la harangue brève, grave, familière, monumentale (…) » Relisant ses proclamations, exilé à Sainte-Hélène, l’empereur a murmuré devant Las Cases : « Et ils ont osé dire que je ne savais pas écrire ! »
« Le Directoire est persuadé, citoyen général, que vous regardez la gloire des beaux-arts comme attachée à celle de l’armée que vous commandez. L’Italie leur doit en grande partie ses richesses et son illustration ; mais le temps est arrivé où leur règne doit passer en France pour affermir et embellir celui de la liberté. »1660
Le Directoire exécutif au Général en chef Bonaparte, Lettre du 7 mai 1796, 18 floréal an IV (…)
Cette campagne d’Italie rapporte beaucoup d’œuvres d’art à la France. Tableaux de Vinci, Corrège, Michel-Ange, Rubens, vases sacrés, trésors de paroisses et de couvents, madones et saints emballés, déballés… admirés ! Le bourgeois trouve « très convenable et très économique de ne pas être obligé de faire le voyage d’Italie pour voir des monuments qui ne seront nullement déplacés à Paris » (Albert Sorel, Bonaparte en Italie).
« Disparaissez enfin, révoltantes distinctions de riches et de pauvres, de grands et de petits, de maîtres et de valets, de gouvernement et de gouvernés. »1661
Sylvain MARÉCHAL (1750-1803), Manifeste des Égaux, programme rédigé fin 1795, et devenu la Charte de la conspiration des Égaux (…)
Babeuf, Buonarroti et quelques autres conjurés forment un « Directoire secret » pour renverser l’autre, le vrai… qui est au courant de tout. Barras (le plus influent des Directeurs) a de bons indicateurs et Carnot monnaie la trahison d’un des conjurés, Grisel. Il faut faire un exemple, effrayer le bon peuple et surtout le bourgeois, avec cette affaire. L’âme en est Gracchus Babeuf, rescapé de la Terreur, communiste avant l’heure (…)
« Je me regardai pour la première fois non plus comme un simple général, mais comme un homme appelé à influer sur le sort des peuples. Je me vis dans l’histoire. »1662
Napoléon BONAPARTE (1769-1821), au soir de Lodi, 10 mai 1796 (…)
Première victoire décisive sur les Autrichiens : « C’est le succès qui fait les grands hommes ! », dira Napoléon Ier. À Lodi, le tacticien prend les dimensions d’un stratège. Et le Petit Caporal corse, ce « bâtard de Mandrin », brocardé, utilisé par les politiques (Barras en tête), a soudain conscience de son destin. La métamorphose est frappante (…)
« Les armées victorieuses […] reculent nos limites jusqu’aux barrières que la nature nous a données. »1663
Lazare CARNOT (1753-1823), après la victoire de Lodi du 10 mai 1796. Réimpression de l’ancien Moniteur : Directoire exécutif (1863), A. Ray
Ainsi parle l’« Organisateur de la victoire » qui est encore membre du Directoire, avant d’être éliminé – puis rappelé par Bonaparte comme ministre de la Guerre en 1800. Lodi est une date pour Bonaparte, mais aussi pour la France, dans une campagne d’Italie mémorable (…) Les conquêtes napoléoniennes montreront que la victoire rend malheureusement irrésistible la tentation de franchir les limites de nos « frontières naturelles » (…)
« Nous prétendons désormais vivre et mourir égaux comme nous sommes nés ; nous voulons l’égalité réelle ou la mort : voilà ce qu’il nous faut. »1664
Sylvain MARÉCHAL (1750-1803), Manifeste des Égaux (1801). Gracchus Babeuf et la Conjuration des Égaux (1869), Philippe Buonarroti, Arthur Ranc
La police cueille les conspirateurs, le 11 mai 1796. Pour l’opinion, c’est la chute d’une nouvelle faction terroriste, dernier sursaut du jacobinisme dont il faut débarrasser le pays (…) Babeuf va inspirer le socialisme au XIXe siècle, Karl Marx et Friedrich Engels reconnaissent en lui le précurseur du communisme (…) Rosa Luxembourg le salue comme l’initiateur des soulèvements révolutionnaires du prolétariat.
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