Charles Maurras | L’Histoire en citations
Citation du jour

« Au moral, la haine de l’esprit militaire, au matériel, un désarmement qui attire la guerre comme l’aimant le fer. »

Charles MAURRAS (1868-1952), Au signe de Flore : souvenirs de vie politique, l’affaire Dreyfus, la fondation de l’Action française, 1898-1900 (1931)

Le théoricien du nationalisme intégral sera hanté à vie par le souvenir de l’affaire Dreyfus. Elle a de graves conséquences.

Militaires d’abord. L’armée en sort divisée (on se bat en duel dans les garnisons, dreyfusards contre « anti »), affaiblie, discréditée, épurée, et le Service de renseignements est remplacé par la police civile qui ne sera pas de taille face au SR allemand.

Conséquences psychologiques ensuite. La France va vivre en guerre de religion, deux camps se lançant leurs invectives : haine raciale, violation des droits de l’homme, contre antipatriotisme, antimilitarisme.

Politiquement enfin, les républicains, modérés, gravement divisés sur l’Affaire, vont s’appuyer sur la gauche et finalement perdre le pouvoir au profit des radicaux. Le centrisme n’est plus possible, il faut être à gauche ou à droite, et le gouvernement en fait vite l’expérience.

« Si vous avez résolu d’être patriote, vous serez obligatoirement royaliste, la raison le veut. »

Charles MAURRAS (1868-1952), L’Enquête sur la monarchie (1900)

Venant après l’affaire Dreyfus, annonçant le renouveau du mouvement et la création du journal de l’Action Française (1908-1944) dont il sera le principal animateur, Maurras défend le « nationalisme intégral » et acquiert une considérable influence sur la partie la plus conservatrice de la bourgeoisie française. Maurras et Barrès, bientôt Péguy et Claudel, vont inspirer un renouveau des valeurs nationales et traditionnelles. Les excès du syndicalisme révolutionnaire et d’un socialisme qui tombe souvent dans l’antimilitarisme provocateur auront, par réaction, le même effet.

« Il n’est pas une idée née d’un esprit humain qui n’ait fait couler du sang sur la terre. »

Charles MAURRAS (1868-1952), La Dentelle du rempart (1937)

Une des leçons de l’histoire, de France, d’ailleurs et de toujours, mais qui prend une vérité plus dramatique au coeur du XXe siècle, où la guerre des idéologies l’emporte sur la guerre des patries.

Les statistiques ne comptent plus par milliers, mais par millions les victimes des « ismes » : hitlérisme, fascisme, stalinisme, communisme.

« Oui ou non, l’institution d’une monarchie traditionnelle, héréditaire, antiparlementaire et décentralisée n’est-elle pas de salut public ? »

Charles MAURRAS (1868-1952), Enquête sur la monarchie, Discours préliminaire (1924)

L’écrivain se situe clairement à l’extrême droite, sur l’échiquier politique. La République a trouvé grâce à ses yeux, au lendemain de la victoire. Puis le combat reprend contre le régime et la démocratie, synonyme de « mort politique ».

La France étant devenue profondément républicaine, les royalistes ne sont plus qu’une secte – qui séduit des intellectuels aussi prestigieux que Gide, Proust, le jeune Malraux. Et Mauriac confie à Roger Stéphane (cité dans Tout est bien) : « On ne pouvait pas ne pas lire L’Action Française, c’était le journal le mieux écrit et le plus intelligent. » Sa mise à l’Index par le Vatican (1926) réduira son audience dans les milieux catholiques.

« L’ennemi numéro un […] est l’Allemagne. Après Hitler, ou, qui sait ? avant lui, sur un tout autre plan, il y a un autre ennemi. C’est la République démocratique, le régime électif et parlementaire légalement superposé comme un masque grotesque et répugnant à l’être réel du pays français. »

Charles MAURRAS (1868-1952), L’Action Française, 11 janvier 1937. L’Action française (1964), Eugen Weber

Front populaire et situation internationale exacerbent les divisions et renforcent les partis de droite : 2 millions d’adhérents au Parti social français, le PSF du colonel de La Rocque, 200 000 membres au Parti populaire français, le PPF de Doriot, communiste repenti, devenu fasciste.

Et Maurras influence toujours une classe dont il est à la fois « l’enfant terrible et la mauvaise conscience » (Roger Stéphane). À l’égard d’Hitler, sa position est simple à dire, sinon à vivre : il n’est pas contre lui en tant que dictateur ni contre le fascisme en tant que doctrine – il serait même plutôt pour un régime d’« ordre » et une puissance susceptible de contrer l’URSS . Mais il est contre Hitler menaçant la France, l’intégrité de son territoire. Un an plus tard, il écrira : « Rien pour une guerre de doctrine, tout pour la défense de notre sol sacré. »

« Que voulez-vous, Monsieur le préfet, soixante-dix ans de démocratie, ça se paie. »

Charles MAURRAS (1868-1952), au préfet de la Vienne, juin 1940. Encyclopædia Universalis, article « Action française »

Cette défaite de la France est une amère victoire pour l’homme de l’Action française : a-t-il assez dit que la démocratie, c’est la mort politique d’un pays ! Aussi a-t-il soutenu Mussolini, Franco. Mais pas Hitler, ennemi parce qu’envahisseur du sol sacré – le maître du Reich a proclamé son intention de prendre sa revanche, après la honte du traité de Versailles, et Maurras y a cru ! Pétain va lui apparaître comme le dernier recours.

« Avec Pétain, nous sortions du tunnel de 1789. »

Charles MAURRAS (1868-1952). L’Action française et l’étranger (2002), Claude Hauser, Catherine Pomeyrols

Il est de ces Français, nombreux en 1940, que le régime de Vichy rassure. Les pleins pouvoirs à Pétain, c’est la fin de la démocratie et l’avènement de la « révolution nationale », avec la Légion française des combattants instituée pour la faire triompher (loi du 29 août 1940), l’anglophobie proclamée, l’antisémitisme triomphant avec un statut pour les juifs, ou plutôt contre eux, premiers visés par la doctrine nazie, une série de messages « Travail, Famille, Patrie », un fascisme plus ou moins bien tempéré.

Être pétainiste est dans la logique de ce théoricien d’extrême droite, fondateur du « nationalisme intégral ». Et la France, de façon plus ou moins convaincue ou contrainte, affichée, résignée, pratique, naïve, demeure majoritairement vichyste et rassurée par le Maréchal.

« C’est la revanche de Dreyfus. »

Charles MAURRAS (1868-1952), à l’énoncé du verdict, dernier jour de son procès à Lyon, 27 janvier 1945. Alfred Dreyfus : l’honneur d’un patriote (2006), Vincent Duclert

L’inspirateur de L’Action Française, antidreyfusard et antisémite affiché, qui soutint Mussolini, Franco et Pétain, est condamné à la réclusion à perpétuité pour avoir mené une campagne contre la France, et radié de l’Académie française. Il sera gracié peu de temps avant sa mort (1952). Drieu La Rochelle, longtemps hésitant entre communisme et fascisme, s’engagea à corps perdu dans la collaboration et se suicida, devançant une condamnation qu’il savait certaine.

De nombreux écrivains seront mis à l’index : Marcel Aymé, René Barjavel, Pierre Benoit, Henry Bordeaux, Alexis Carrel, Céline, André Demaison, Maurice Donnay, Paul Fort, Jean Giono, Sacha Guitry, Marcel Jouhandeau, Henry de Montherlant, Paul Morand, Jean de La Varende… Seul crime de la plupart d’entre eux : ils ont continué d’écrire sous l’occupation ; certains se sont rendus en Allemagne ; aucun ne fut antipétainiste. Paulhan et Camus protestent contre ces « listes noires » et les peines trop sévères.

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