Citations référentielles : le miroir de l’Histoire (Révolution) | L’Histoire en citations
Édito de la semaine

Les citations « référentielles » (inspirées du système des coordonnées en physique) renvoient à un personnage, un événement, une théorie ou une opinion, voire une autre citation en effet miroir. Bref, à tout ce qui fait date et sens dans notre histoire où le récit national côtoie parfois le roman.

Elles se présentent sous diverses formes : slogans, appels, discours, chansons, épitaphes, textes de loi, presse (titres ou extraits d’articles), poèmes, chroniques, mémoires, lettres, pamphlets et autres sources. À la limite, toutes les bonnes citations ont vocation à devenir référentielles, si elles trouvent écho au-delà de leur époque pour devenir patrimoniales.

Elles démontrent que l’Histoire de France a vocation pour servir de référence - jamais assez, jamais trop - étant notre lien, notre identité, en même temps que l’indispensable recul pour juger de l’actualité politique.

Elles doivent être contextualisées, commentées – ça tombe bien, telle est la règle de notre Histoire en citations dont elles sont toutes tirées.

La chronologie s’impose au fil de cet édito en 10 épisodes (et 23 époques) qui renvoient aux Chroniques, de la Gaule à nos jours.

RÉVOLUTION : LES ACTEURS PRINCIPAUX

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« Si de Rousseau vint Robespierre, de Diderot jaillit Danton. »1300

Jules MICHELET (1798-1874), Histoire de France au dix-huitième siècle, Louis XV, citant Auguste COMTE (1798-1857)

L’historien démontre l’influence des philosophes du siècle des Lumières sur les révolutionnaires. Elle est évidente, mais chacun a son maître à penser. La richesse, la diversité, la complexité de Diderot, homme de tous les paradoxes, devaient naturellement plaire à Danton – et repousser l’intransigeant Robespierre. Mirabeau et Marat sont deux cas particuliers : le premier est secrètement monarchiste et le second devient terroriste… au point de terrifier ou révulser ses confrères.

MIRABEAU, DANTON, MARAT, ROBESPIERRE, chacun mérite un bref portrait, avant un invité surprise, premier personnage principal de la Révolution.

« On ne connaît pas la toute-puissance de ma laideur. Quand je secoue ma terrible hure, il n’y a personne qui osât m’interrompre. »1291

MIRABEAU (1749-1791). Mirabeau (1891), Edmond Rousse

Ce physique impressionne tous les contemporains. Mirabeau en joue, l’homme trouve belle cette laideur, avec ses traits marqués, criblés de petite vérole. Il soigne sa toilette, porte une énorme chevelure artistement arrangée qui grossit encore le volume de sa tête. Il se place face au miroir, se regarde parler, équarrit ses épaules. Il cultive son personnage. La puissance du verbe et la solidité de la pensée servent également le tribun.

« La nature semblait avoir moulé sa tête pour l’Empire ou pour le gibet, taillé ses bras pour étreindre une nation ou pour enlever une femme. »1292

François René de CHATEAUBRIAND (1768-1848), Mémoires d’outre-tombe (posthume)

Mirabeau connut la gloire et évita le gibet – c’est le seul grand acteur de la Révolution qui meurt dans son lit, épuisé par une vie d’excès. Il souleva le peuple par ses talents d’orateur et multiplia les conquêtes féminines.

« Voyez ce Mirabeau qui a tant marqué dans la Révolution : au fond, c’était le roi de la halle. »1293

Joseph de MAISTRE (1753-1821), Considérations sur la France (1797)

Rejeté de son ordre (la noblesse), élu député par le tiers état aux États généraux, Mirabeau mêle plus que quiconque les attributs de la naissance et de la bohème. Selon François Furet : « Du rejeton le plus méprisé de l’ancienne noblesse, la Révolution a fait le personnage le plus brillant de l’Assemblée constituante. »

« Mirabeau (le comte de). – Ce grand homme a senti de bonne heure que la moindre vertu pouvait l’arrêter sur le chemin de la gloire, et jusqu’à ce jour, il ne s’en est permis aucune. »1294

RIVAROL (1753-1801), Petit Dictionnaire des grands hommes de la Révolution (1790)

Dans le même savoureux petit livre et le même esprit : « Mirabeau est capable de tout pour de l’argent, même d’une bonne action. » Avant la Révolution, il vendait sa plume (et ses idées) comme publiciste à gages ; il vendra ensuite ses services - très cher - au roi et à la reine, accusé de trahison par certains députés au courant de cette vérité pourtant bien cachée (dans la fameuse « armoire de fer » ouverte le 20 novembre 1792, d’où la dépanthéonisation immédiate du grand homme. La Fayette, lui aussi « monarchiste républicain », lui trouvait une circonstance atténuante : « Il ne se fait payer que dans le sens de ses convictions. »

« Danton fut l’action dont Mirabeau avait été la parole. »1295

Victor HUGO (1802-1885), Quatre-vingt-treize (1874)

On l’appelait « le Mirabeau de la populace ». Comme Mirabeau, Danton, c’est une « gueule », un personnage théâtral. Mais contrairement à Mirabeau, « Danton, comme Robespierre et Marat, est une création de la Révolution. Il jaillit de l’immense événement sans aucun préavis » (Mona Ozouf). Plus qu’en aucune autre époque, la Révolution crée ses grands premiers rôles… qu’elle détruit aussi vite, comme Saturne dévorant ses enfants.

« Avec un tempérament de boucher, il a un cœur d’homme […] Avec les emportements d’un clubiste, il a la lucidité d’un politique. »1296

Hippolyte TAINE (1828-1893), Les Origines de la France contemporaine, tome III, La Révolution : la conquête jacobine (1881)

L’historien précise le portrait de Danton : « Il n’est pas dupe des phrases ronflantes qu’il débite, il sait ce que valent les coquins qu’il emploie ; il n’a d’illusion ni sur les hommes, ni sur les choses, ni sur autrui, ni sur lui-même. » Il n’y a pas moins idéaliste que lui, en cela il tranche sur nombre de ses confrères, girondins ou montagnards à venir.

« Tes formes robustes semblaient déguiser la faiblesse de tes conseils. »1297

SAINT-JUST (1767-1794), réquisitoire contre Danton. Œuvres de Saint-Just, représentant du peuple à la Convention nationale (posthume, 1834)

« Dans le même temps, tu te déclarais pour des principes modérés… » Après son rôle de premier plan dans les massacres de septembre (1792), la création du Tribunal révolutionnaire et du Comité de salut public, Danton prend ses distances avec cette Révolution déchaînée. Il fait donc figure d’« indulgent » aux yeux de Robespierre et de Saint-Just : un crime, sous la Terreur, et il en mourra sur l’échafaud, avec ses amis.

« Danton a cette qualité si précieuse que n’ont jamais les hommes ordinaires : il ne hait ou ne craint ni les lumières, ni les talents, ni la vertu. »1299

Marquis de CONDORCET (1743-1794). Œuvres de Condorcet (posthume), Fragments de justification (texte inachevé)

Autre façon de justifier l’indulgence de Danton, témoignage signé d’un confère girondin. En fait, Danton est difficile à cerner, très changeant, très humain. N’a-t-il pas dit : « Qui hait les vices hait les hommes » et n’est-ce pas une autre définition de l’indulgence qui l’oppose absolument à Robespierre ?

« Les siècles finissent par avoir une poche de fiel. Cette poche crève. C’est Marat. »1031

Victor HUGO (1802-1885), Quatre-vingt-treize (1874)

Dans la galerie de portraits révolutionnaires, c’est le méchant. Pas un ami de son vivant. Pas un historien pour en faire un héros. Pas un théoricien pour se dire « maratiste », comme on peut être dantoniste ou robespierriste ! Marat fut pourtant l’« ami du peuple », jouissant d’une popularité sans égale auprès des sans-culottes.

« Ce fanatique énergumène nous inspirait à nous-mêmes une sorte de répugnance et de stupeur […] Ses vêtements en désordre, sa figure livide, ses yeux hagards avaient je ne sais quoi de rebutant et d’épouvantable qui contristait l’âme. »1302

LEVASSEUR de la Sarthe (1747-1834). Mémoires de R. Levasseur de la Sarthe, ex-conventionnel (1829), René Levasseur, Francis Levasseur

Témoignage d’un montagnard robespierriste qui ajoute : « Lorsqu’on me le montra pour la première fois, s’agitant avec violence au sommet de la Montagne, je le considérai avec cette curiosité inquiète qu’on éprouve en contemplant certains insectes hideux. » Marat, à l’inverse de Mirabeau ou de Danton, est affligé d’une laideur irrémédiablement repoussante, en raison d’une dermatose chronique qui l’oblige à passer des heures dans son bain - c’est là qu’il sera surpris et assassiné par Charlotte Corday.

« L’aigle marche toujours seul, le dindon fait troupe ! »1303

MARAT (1743-1793) en réponse à Fréron et Desmoulins, septembre 1789. Le Petit Livre de la Révolution française (1989), Jean Vincent

Marat est un solitaire, il ne supporte pas la moindre objection. Quand il crée son journal, l’Ami du peuple (à partir du 12 septembre 1789), il refuse en ces termes aux deux journalistes révolutionnaires de participer à la rédaction.

La phrase explique aussi pourquoi cet éternel aigri, qui se pose en « ami du peuple », n’a pas d’ami. Marat est tout à la fois le grand malade, le grand persécuté, le grand visionnaire de son temps. Il se pose comme « le seul homme à avoir vu clair », l’éternel prophète de malheur. Rôle assumé, mais fatalement ingrat.

« J’ai deux passions dominantes qui, dès mon enfance, maîtrisent toutes les puissances de mon être : l’amour de la justice et l’amour de la gloire. »1304

MARAT (1743-1793). Histoire politique et littéraire de la presse en France (1860), Eugène Hatin

Côté gloire, l’Ancien Régime lui fit une petite réputation de scientifique auprès de Goethe et de Franklin. Mais c’est la Révolution qui en fait l’idole du peuple, dès 1789 et les premiers numéros de son journal, L’Ami du peuple. Quant à la justice, il écrit sur sa réforme un Plan de législation criminelle dès 1780 et certains historiens verront en Marat le précurseur du socialisme (Jaurès) ou du gauchisme (Mathiez).

« Au-delà de ce que propose Marat, il ne peut y avoir que délire et extravagance. »1305

Camille DESMOULINS (1760-1794). Le Vieux cordelier : journal politique (1825), Camille Desmoulins, Joachim Vlate

Lamartine écrira dans son Histoire des Girondins : « Marat personnifiait en lui ces rêves vagues et fiévreux de la multitude qui souffre […] Il introduisait sur la scène politique cette multitude jusque-là reléguée dans son impuissance. »

Marat joue le rôle du journaliste redresseur de torts et formateur de l’opinion publique, critiquant toujours tout et tous, voulant ouvrir les yeux, ne cessant de réclamer des têtes, inventant le langage de la Terreur et cherchant à détruire tous ses adversaires. Il incarne le révolutionnaire type jusqu’à la caricature. À sa mort, Hébert force encore le trait avec Le Père Duchesne, accusant les robespierristes d’être des « endormeurs » ! Hébertistes rime alors avec extrémistes – l’on parle aussi d’« Enragés ». L’échafaud mettra fin au mouvement, sous la dictature de Robespierre qui ne veut pas être dépassé sur sa gauche.

« Cet homme ira loin car il croit tout ce qu’il dit. »1306

MIRABEAU (1749-1791), Mémoires biographiques, littéraires et politiques de Mirabeau (posthume)

Mirabeau, dit « la torche de Provence », parle ainsi en 1789 de Robespierre, surnommé à ses débuts « la chandelle d’Arras » : bien qu’avocat, ce député du tiers état manque d’éloquence à la Constituante. Mais pour la conviction, il ne craint personne et sera un jour craint de tous ses adversaires peu à peu éliminés. Rousseau est son philosophe de chevet : il emprunte au Contrat social ce qui sera selon Jaurès sa seule idée, celle de la nation souveraine.

« Le correcteur d’épreuves de la Révolution, c’est Robespierre. Il revoyait tout, il rectifiait tout. »1307

Victor HUGO (1802-1885), Quatre-vingt-treize (1874)

Tout le contraire du génie de l’improvisation des Mirabeau et Danton. Il écrit et lit tous ses discours qui nous semblent laborieux, mais qui fascinaient l’auditoire. C’est un infatigable théoricien, comme son ami Saint-Just.

« Il aurait payé pour qu’on lui offrît de l’or, pour pouvoir dire qu’il l’avait refusé. »1308

Pierre Louis ROEDORER (1754-1835). Œuvres du comte P. L. Roederer : histoire contemporaine, 1789-1815 (1854), Pierre Louis Roederer

Ce député aux États généraux de 1789 n’apprécie pas vraiment « l’Incorruptible » (second surnom) avec ses mœurs au-dessus de tout soupçon et cette vertu érigée en système qu’il voudra imposer à tous.

« Le Ciel qui me donna une âme passionnée pour la liberté m’appelle peut-être à tracer de mon sang la route qui doit conduire mon pays au bonheur. J’accepte avec transport cette douce et glorieuse destinée. »1309

ROBESPIERRE (1758-1794). Réponse de M. Robespierre aux discours de MM. Brissot et Guadet du 23 avril 1792, prononcée à la Société des Amis de la Constitution le 27 du même mois, et imprimée par ordre de la Société (27 avril 1792)

Il lui reste deux ans à vivre : deux ans pour éliminer les « factions » et les « factieux » et marquer la Révolution de son empreinte.

« Nous sommes intraitables, comme la vérité, inflexibles, uniformes, j’ai presque dit insupportables comme les principes. »1311

ROBESPIERRE (1758-1794), Discours du 5 février 1794. Œuvres de Maximilien Robespierre (posthume, 1834), Discours

Cinq mois avant sa mort, c’est le dictateur détenteur de la vérité, le personnage dont l’histoire gardera le souvenir, inexorablement associé à la Terreur.

« Il y a ceux qui voient en Robespierre un autre Lénine et ceux qui pensent à Jaurès en prononçant son nom ; et il y a ceux qui haïssent le monstre et ceux qui révèrent le martyr. »1312

Albert MATHIEZ (1874-1932). Études d’histoire révolutionnaire : Girondins et Montagnards (1930), Albert Mathiez

Cet historien français s’est attaché à la réhabilitation de Robespierre par une étude objective. Avant lui, Proudhon dénonçait la propagande thermidorienne qui, l’ayant éliminé au coup d’État de Thermidor, en fit un dictateur sanguinaire : « D’infâmes scélérats l’ont couvert de leurs propres crimes, la calomnie en fait un monstre, un demi-siècle d’exécration pèse sur sa tombe. » Faut-il refaire le procès de Robespierre ? Aux historiens d’en juger, à chacun sa vérité. Laissons la parole aux faits, aux acteurs et aux témoins de cette Révolution.

Deux remarques pour finir cette galerie de portraits révolutionnaires.

« Il a été permis de craindre que la Révolution, comme Saturne, dévorât successivement tous ses enfants. »1269

Pierre Victurnien VERGNIAUD (1753-1793). Histoire des Girondins (1847), Alphonse de Lamartine

Son destin illustre ses paroles : avocat (comme nombre de révolutionnaires), député sous la Législative, prenant parti contre les émigrés, contre les prêtres réfractaires, Vergniaud est ensuite considéré comme trop modéré face à Robespierre et aux Montagnards. Il fait partie des Girondins guillotinés, fin octobre 1793. D’autres charrettes d’« enfants » de la Révolution suivront dans une logique mortifère : les Enragés (hébertistes) trop enragés, les Indulgents (dantonistes) trop indulgents, les robespierristes enfin, trop terroristes.

« De la première page à la dernière, elle [la Révolution] n’a qu’un héros : le peuple. »1273

Jules MICHELET (1798-1874), Le Peuple (1846)

Cette citation référentielle, signée de l’historien préféré des Français, rappelle le rôle tenu par le peuple (à commencer par les sans-culottes de Paris) qui manifeste, chante, proteste, crie, massacre et s’impose à tous les tournants d’une Révolution riche en rebondissements.

Fils d’un imprimeur ruiné par le régime de la presse sous le Consulat et l’Empire, Michelet connut la misère dans sa jeunesse. Il en garde un profond amour du peuple. Écrivain engagé dans les luttes de son temps riche en révolutions, manifestant contre la misère des ouvriers, il composera dans l’enthousiasme son Histoire de la Révolution française : dix ans et sept volumes pour une œuvre inspirée, remarquablement documentée.

RÉVOLUTION : CONSTITUANTE

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Liberté, Égalité, Fraternité.1266

Antoine François MOMORO (1756-1794), slogan révolutionnaire

Trilogie symbolique de la Révolution, avec sa vocation universaliste aussi souvent contestée que revendiquée. Bien au-delà de l’histoire de France, c’est un débat éternellement à suivre. L’actualité en fait foi, prouvant la force de ces valeurs qui touchent aux droits de tout être humain.

Libraire imprimeur à Paris, « premier imprimeur de la liberté », Momoro se prétend inventeur de cette devise. En tout cas, c’est lui qui obtient de Pache, maire de Paris, qu’elle figure sur les façades des édifices publics. Au fil de la Révolution, la liberté, revendication du siècle des Lumières, et l’égalité, celle des droits plus que des conditions, vont inspirer les révolutionnaires pour le meilleur et parfois le pire. La fraternité reste la parente pauvre jusqu’au socialisme du XIXe siècle. Le triptyque sera inscrit dans notre Constitution en 1848 (Deuxième République).

« Les grands ne sont grands que parce que nous sommes à genoux : levons-nous ! »1274

Pierre Victurnien VERGNIAUD (1753-1793) et Élisée (de) LOUSTALOT (1762-1790), devise en tête du journal de Louis-Marie Prudhomme, Les Révolutions de Paris, publié de juillet 1789 à février 1794

Le journal des Révolutions de Paris, quotidien né le 12 juillet 1789, séduit autant par son extrémisme que par la subtilité de ses analyses politiques. La liberté de la presse est l’un des principes affirmés dans la Déclaration des droits de 1789. La floraison des journaux marque un spectaculaire éveil de la conscience populaire : 42 titres paraissent entre mai et juillet 1789, plus de 250 à la fin de l’année. Certaines feuilles ont une diffusion confidentielle, d’autres dépassent les 200 000 exemplaires.

« La convocation des États généraux de 1789 est l’ère véritable de la naissance du peuple. Elle appela le peuple entier à l’exercice de ses droits. »1314

Jules MICHELET (1798-1874), Histoire de la Révolution française (1847-1853)

Convoqués le 5 juillet 1788, les États généraux se réunissent pour la première fois le 5 mai 1789 : 1 139 représentants, dont 578 du tiers état, dans la salle des Menus-Plaisirs à Versailles.

« Sire, il n’y a qu’un monarque dans votre royaume, c’est le fisc. Il ôte l’or de la couronne, l’argent de la crosse, le fer de l’épée et l’orgueil aux paysans. »1315

Cahier de doléances de la ville de Marseille. Cité par Marcel Jullian, invité à l’occasion du bicentenaire de la Révolution, matinale sur France Inter en 1989

Superbe style qui contraste avec le ton quotidien, terre à terre et souvent laborieux des quelque 50 000 cahiers rédigés en février-mars 1789, pour exprimer les revendications des Français –fiscalité en tête. Cette expression populaire et déjà « citoyenne » va prendre corps à une vitesse, une force, une violence imprévisibles.

« En politique, le nombre seul est respectable […] C’est pourquoi le tiers pose son droit comme incontestable et, à son tour, dit comme Louis XIV : « L’État, c’est moi ». »1318

Hippolyte TAINE (1828-1893), Les Origines de la France contemporaine, tome I, L’Ancien Régime (1875)

Référence à la fois paradoxale et pertinente  Le 17 juin, les députés du tiers état, constatant qu’ils représentent 97 % de la nation, décident de se proclamer « Assemblée nationale » – titre concis et précis, retenu après bien des débats et qui passera à la postérité. L’idée de nation est toute neuve et belle, en ce printemps 1789.

Les députés de la noblesse et du clergé siégeaient séparément dans deux autres salles. Quelques-uns, proches du peuple ou acquis aux idées nouvelles, ont choisi de se joindre aux députés du tiers. Ils vont aller plus loin, se donnant rendez-vous dans la salle des Menus-Plaisirs, lieu officiel de réunion des États généraux. Mais l’entrée leur en est refusée. Ils se réfugient alors dans la salle du Jeu de paume.

« Allez dire à votre maître que nous sommes ici par la volonté du peuple et qu’on ne nous en arrachera que par la puissance des baïonnettes. »1320

MIRABEAU (1749-1791), au marquis de Dreux-Brézé, salle du Jeu de paume, 23 juin 1789. Histoire de la Révolution française (1823-1827), Adolphe Thiers, Félix Bodin

Réponse au grand maître des cérémonies envoyé par Louis XVI pour faire évacuer la salle du Jeu de paume, suite au Serment du 20 juin : ne jamais se séparer jusqu’à ce que la Constitution du royaume soit établie.

Le comte de Mirabeau, renié par son ordre et élu par le tiers, se révèle dès les premières séances de l’Assemblée : « Mirabeau attirait tous les regards. Tout le monde pressentait en lui la grande voix de la France » (Michelet).

« Ils veulent rester ? Eh bien ! Foutre, qu’ils restent ! »1322

LOUIS XVI (1754-1793), au marquis de Dreux-Brézé, le soir du 23 juin 1789. Les Hommes de la liberté, tome 5, Le Sang de la Bastille (1987), Claude Manceron

Réponse sans cérémonie du roi à son grand maître des cérémonies venu lui rendre compte du refus des députés. Un pas en avant, un pas en arrière. Le roi recule à l’idée du « sang versé » – une obsession, chez lui. Plus généralement, par sa faiblesse de caractère, sa naïveté politique, ses scrupules maladifs et ses perpétuels changements d’avis, c’est le roi le moins armé pour affronter la Révolution !

« La famille est complète. »1323

Jean-Sylvain BAILLY (1736-1793), à la tribune de l’Assemblée nationale, 27 juin 1789. Histoire de la Révolution française (1823-1827), Adolphe Thiers, Félix Bodin

Satisfaction du président de l’Assemblée, doyen du tiers état et premier à prêter le serment du Jeu de paume : le roi a ordonné aux députés de la noblesse et du clergé de se joindre au tiers état. L’Assemblée nationale mérite enfin son nom et devient une notion juridique : « Nous pourrons maintenant nous occuper sans relâche et sans distraction de la régénération du royaume et du bonheur public » conclut Bailly.

Paris et Versailles illuminent. Tout le pays est désormais représenté par ces 1 196 députés. Les votes se feront par tête et non par ordre – noblesse et clergé, unis contre le tiers, l’emportaient presque toujours.

« L’histoire n’a trop souvent raconté les actions que de bêtes féroces parmi lesquelles on distingue de loin en loin des héros. Il nous est permis d’espérer que nous commençons l’histoire des hommes, celle de frères nés pour se rendre mutuellement heureux. »1324

MIRABEAU (1749-1791), Assemblée nationale, 27 juin 1789. Discours et opinions de Mirabeau, précédés d’une notice sur sa vie (1820)

L’Orateur du peuple fait de la fraternité l’invention majeure de la Révolution – priorité sera plus souvent donnée à la liberté et l’égalité. À cela s’ajoute la conscience de vivre un moment historique et un formidable optimisme – le bonheur est à l’ordre du jour.

« L’Assemblée nationale n’avait pas été députée pour faire une révolution, mais pour nous donner une constitution. »1326

RIVAROL (1753-1801), Journal politique national des États généraux et de la Révolution de 1789, publié cette même année

Après le serment solennel du Jeu de paume, forte de la noblesse et du clergé venus rejoindre le tiers, l’Assemblée nationale née des États généraux se proclame « Constituante », le 9 juillet 1789.

De fait, les députés se donnent pour but de rédiger une Constitution et de réformer l’organisation politique et sociale du royaume. Il n’est pas question de révolution, moins encore de république ! Les patriotes radicaux sont minoritaires. La majorité de l’Assemblée, modérée, souhaite une monarchie constitutionnelle. La Constituante va siéger jusqu’au 30 septembre 1791 pour laisser place à la Législative, précédant la troisième assemblée, nommée Convention.

Le travail législatif sera intense, jusque dans la tourmente révolutionnaire et la guerre. C’est l’un des faits les plus remarquables de ces six années regroupées sous le nom de Révolution.

« La Révolution m’aurait entraîné, si elle n’eût débuté par des crimes : je vis la première tête portée au bout d’une pique et je reculai. »1329

François René de CHATEAUBRIAND (1768-1848), Mémoires d’outre-tombe (posthume)

La tête « au bout d’une pique » est un classique de l’horreur révolutionnaire. La « première tête » peut être celle du gouverneur de la Bastille, de Launay massacré par le peuple le 14 juillet, lors de la prise du fort. Chateaubriand, 21 ans, réformé de l’armée, hésitant sur sa vocation, s’est essayé à la vie politique au début de l’année en participant aux États de Bretagne (assemblée provinciale). Présent à Paris au début de la Révolution, il est choqué par cette violence « cannibale ».

« 14, rien. »1331

LOUIS XVI (1754-1793), note ces deux mots dans son carnet avant de se coucher, château de Versailles ,14 juillet 1789. Histoire des Français, volume XVII (1847), Simonde de Sismondi

L’histoire lui a reproché cette indifférence à l’événement - il faut préciser à sa décharge que le fameux carnet consigne surtout ses tableaux de chasse.

Le roi a été prévenu de l’agitation à Paris par une députation de l’Assemblée. Le 11 juillet, il a renvoyé Necker, ministre des Finances jugé trop libéral, l’homme le plus populaire du royaume qu’il rappellera le 16. En attendant, le mal est fait : manifestations le 12 juillet, municipalité insurrectionnelle à l’Hôtel de Ville, milice et foule armées le 13 (avec 28 000 fusils et 20 canons pris aux Invalides). À la Bastille, on est allé chercher la poudre et les munitions. La forteresse est surtout le symbole historique de l’absolutisme royal : la révolution parlementaire est devenue soudain populaire et parisienne, en ce 14 juillet 1789. Mais contrairement à ce que l’on croit, ce jour n’est pas à l’origine de notre fête nationale. Il faut attendre l’année suivante, la Fête de la Fédération.

« En temps de révolution, prenez garde à la première tête qui tombe. Elle met le peuple en appétit. »1332

Victor HUGO (1802-1885), Le Dernier Jour d’un condamné (1829)

Bilan du 14 juillet 1789 : une centaine de morts et un peu plus de blessés. Mais Hugo a raison : le peuple est parti dans une escalade de la violence et les meneurs parlent toujours plus fort que les modérateurs.

« Mais c’est une révolte ? — Non, Sire, c’est une révolution ! »1333

Réponse du duc de la ROCHEFOUCAULD-LIANCOURT (1747-1827), à Louis XVI (1754-1793), soir du 14 juillet à Versailles. Petite histoire de France depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours (1883), Victor Duruy

Le grand maître de la garde-robe s’est manifesté dans la nuit pour informer le roi que la Bastille est prise et le gouverneur assassiné. Mieux que son maître, il a compris l’importance symbolique du fait.

« Voici une cocarde qui fera le tour du monde. »1336

LA FAYETTE (1757-1834), 17 juillet 1789. Petite histoire de France depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours (1883), Victor Duruy

Geste et objet symbolique en cette période où tout fait symbole ! Nommé le 15 juillet commandant de la garde nationale, le jeune Héros des Deux-mondes qui s’est illustré dans la guerre d’Indépendance des Etats-Unis d’Amérique contre l’Angleterre prend la cocarde bleue et rouge aux couleurs de Paris, y joint le blanc, couleur du roi, et présente cette cocarde tricolore à Louis XVI venu « faire amende honorable » à l’Hôtel de Ville de Paris. Le roi met la cocarde à son chapeau et, par ce geste, reconnaît la Révolution.

« Messieurs, qu’est-ce que nous avons fait ? »1340

Armand de GONTAUT, duc de Biron (1747-1793), 5 août 1789. Histoire et dictionnaire de la Révolution française, 1789-1799 (1998), Jean Tulard, Jean-François Fayard, Alfred Fierro

Cri du cœur d’un aristocrate apostrophant à l’aube ses pairs, après la fameuse « nuit du 4 août » à l’Assemblée.

Jacques Bainville décrit la scène : « Dans une sorte de vertige, ce fut à qui proposerait d’immoler un privilège. Après les droits seigneuriaux, la dîme, qui avait cependant pour contrepartie les charges de l’assistance publique. » (Histoire de France)

« La liberté, l’égalité, l’humanité venaient de faire un grand abattis dans la forêt des abus. »1342

Abbé GRÉGOIRE (1750-1831). Le Clergé de quatre-vingt-neuf (1876), Jean Wallon

Ce membre du clergé résume l’œuvre de la Constituante avec les décisions de la nuit du 4 août, sanctionnées par les décrets du 5 et du 11 août 1789.

« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. »1344

Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, article 1er

Autre formule ô combien symbolique ! L’article énonce la liberté et l’égalité en termes généraux. Les définitions sont complétées par les articles 4 – « La liberté consiste à faire tout ce qui ne nuit pas à autrui » – et 6 – « La loi […] doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. »

La Déclaration énonce d’abord les « droits naturels et imprescriptibles » de l’homme : liberté, égalité devant la loi, propriété. Elle ajoute ceux de la nation : séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire ; souveraineté nationale. Selon Alphonse Aulard : « 1 200 députés, incapables d’aboutir à une expression concise et lumineuse, quand ils travaillaient soit isolément, soit par petits groupes, trouvèrent les vraies formules, courtes et nobles, dans le tumulte d’une discussion publique […] À lire cette discussion, on a l’impression que c’est la nation, devenue souveraine par des actes spontanés, qui dicte la Déclaration à ses représentants » (Histoire politique de la Révolution française : origines et développement de la démocratie et de la République, 1789-1804).

« La Déclaration des droits de l’homme apprit au monde entier que la Révolution française était faite pour lui. »1347

Jules SIMON (1814-1896), La Liberté (1859)

Par son exigence de rationalité et d’universalité, la Déclaration française dépasse les précédentes déclarations anglaise et américaine. Elle porte surtout la marque d’une bourgeoisie libérale nourrie de la philosophie des Lumières. Deux autres Déclarations suivront, en 1793 et 1795.

Au XXIe siècle, le monde a perdu beaucoup de ses repères et de ses utopies, les Français sont souvent critiques et critiqués, mais la France reste dans la mémoire collective comme « la patrie des droits de l’homme ».

« Nous ne manquerons plus de pain ! Nous ramenons le boulanger, la boulangère et le petit mitron. »1356

Cri et chant de victoire des femmes du peuple ramenant le roi, la reine et le dauphin, sur le chemin de Versailles à Paris, 6 octobre 1789. Histoire de la Révolution française (1847), Louis Blanc

Épilogue des deux journées révolutionnaires, 5 et 6 octobre. 6 000 à 7 000 femmes venues la veille de Paris crient aujourd’hui victoire : le roi a promis le pain aux Parisiens. « Père du peuple », il doit assurer la subsistance et le pain tient une grande part dans le budget des petites gens, d’où l’expression : boulanger, boulangère, petit mitron.

« Tant que les femmes ne s’en mêlent pas, il n’y a pas de véritable révolution » écrit Choderlos de Laclos en 1783 dans L’Éducation des femmes. Cela dit, la très symbolique marche des femmes fut encadrée par des meneurs ayant participé à la prise de la Bastille, trois mois plus tôt. On a vu des hommes armés de piques et de fourches, certains travestis en femmes et trahis par leur voix. Le soir, à 20 heures, le maire de Paris accueille le carrosse royal de retour sous les vivats et les bravos du peuple. Louis XVI peut enfin s’installer aux Tuileries - il n’imagine pas qu’il est désormais prisonnier du peuple parisien.

« Moi, roi des Français, je jure […] de maintenir la Constitution. »1369

LOUIS XVI (1754-1793), Fête de la Fédération sur le Champ de Mars, 14 juillet 1790. Histoire de France depuis 1789 jusqu’à nos jours (1878), Henri Martin

Jour anniversaire de la prise de la Bastille, toutes les provinces sont représentées à Paris par les délégations des gardes nationales venues de la France entière : c’est la Fête de la Fédération, origine de notre fête nationale. Une messe est célébrée par l’évêque d’Autun, Talleyrand qui a répété la scène, d’autant plus qu’il ne célèbre pas souvent. Heure solennelle, devant 300 000 personnes, alors qu’il murmure à l’abbé Louis (ou à La Fayette, selon les sources) : « Pitié, ne me faites pas rire ! » Mot apocryphe, selon Chateaubriand.

Quoi qu’il en soit de ces coulisses et des intentions réelles du roi, le pays peut encore rêver à une monarchie constitutionnelle. Tous ces provinciaux qui voient Louis XVI pour la première fois oublient ce qu’on a pu dire du « tyran ». Le peuple est le plus sincère de tous les participants à ce grand spectacle, criant spontanément : « Vive le roi, vive la reine, vive le dauphin ! »

« Ah ! ça ira, ça ira, ça ira / Le peuple en ce jour sans cesse répète,
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira. / Malgré les mutins tout réussira […]
Pierre et Margot chantent à la guinguette :
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira. / Réjouissons-nous le bon temps viendra. »1371

LADRÉ (XVIIIe siècle), paroles, et BÉCOURT (XVIIIe siècle), musique, Le Carillon national, chanson. Chansons nationales et populaires de France (1846), Théophile Marion Dumersan

Le chant est plus connu sous le nom de son refrain : « Ah ! ça ira ». Ladré, chanteur des rues, en a écrit les paroles sur Le Carillon national, musique de contredanse signée Bécourt, violoniste de l’orchestre au théâtre des Beaujolais. La reine Marie-Antoinette la jouait volontiers sur son clavecin.

Le texte, innocent à l’origine, reprend l’expression de Benjamin Franklin résolument optimiste, répétant au plus fort de la guerre d’Indépendance en Amérique : « Ça ira, ça ira. » Le mot est connu, le personnage populaire et dans l’enthousiasme des préparatifs de la fête, le peuple chante gaiement : « Ça ira, ça ira. »

« Ce sont les femmes qui ont ramené le roi à Paris, et ce sont les hommes qui l’ont laissé échapper ! »1387

Cri de protestation des femmes de Paris, 21 juin 1791. Les 50 mots clefs de la Révolution française (1983), Michel Péronnet

Allusion aux journées révolutionnaires des 5 et 6 octobre 1789… Le 21 juin au matin, on constate la disparition de la famille royale au palais des Tuileries. L’alerte est donnée, La Fayette, commandant de la garde nationale, envoie des courriers tous azimuts pour faire arrêter les fuyards. Paris est en émoi.

Le 20 juin, à minuit, la famille royale a donc fui, avec la complicité du comte suédois Axel de Fersen, amant passionné de la reine. Leur but : rejoindre à Metz la garnison royaliste du marquis de Bouillé pour se placer sous sa protection. Mais la berline royale est trop imposante, l’opération mal organisée, et le roi, déguisé en valet, est reconnu le 21 à Sainte-Ménehould (en Champagne) par le fils du maître des postes.

La berline royale est reconduite à Paris sous escorte. Le peuple crie à la trahison. Le plan de Louis XVI n’est que trop clair. Il voulait marcher sur Paris avec les troupes royalistes, renverser l’Assemblée, mettre fin à la Révolution et restaurer la monarchie absolue. Il faut éviter l’émeute. Toute manifestation est interdite, pour ou contre le roi.

« Maman, est-ce qu’hier n’est pas fini ? »1388

Le dauphin LOUIS, futur « LOUIS XVII » (1785-1795), à Marie-Antoinette, fin juin 1791. Bibliographie moderne ou Galerie historique, civile, militaire, politique, littéraire et judiciaire (1816), Étienne Psaume

Un joli mot de l’enfant qui mourra quatre ans plus tard, à la prison du Temple. L’épreuve de la fuite à Varennes blanchit (dit-on) les cheveux de la reine : de blond cendré, ils devinrent « comme ceux d’une vieille femme de soixante-dix ans ». Marie-Antoinette a une part de responsabilité dans ce projet d’évasion mal préparé. Elle dit un jour à Fersen : « Je porte malheur à tous ceux que j’aime. »

« Ah ! ça ira, ça ira, ça ira, / Les aristocrates à la lanterne,
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira, / Les aristocrates on les pendra. »1381

Ah ! ça ira, couplet anonyme, sur une musique de BÉCOURT (XVIIIe siècle), chanson

Le plus célèbre « refrain de la Révolution française », né bon enfant, se durcit et se radicalise quand une main anonyme ajoute ce couplet vengeur - toujours sur le même air de contredanse populaire du Carillon national.

« Couple perfide, réservez vos larmes / Pour arroser le prix de vos forfaits […]
Un peuple libre reconnaît les charmes / De n’être plus au rang de vos sujets. »1389

Poursuite et retour de la famille ci-devant royale (juin 1791), chanson anonyme. Histoire de France par les chansons (1982), France Vernillat, Pierre Barbier

Le peuple a perdu toute confiance en Louis XVI. « Un roi avait en fuyant abandonné sa souveraineté. Un autre roi, le peuple, assistait gravement au spectacle. » Denis Richet, Dictionnaire critique de la Révolution française.

La foule accueille le cortège à son retour, le 25 juin. La Constituante a suspendu Louis XVI de ses fonctions, dès le 21. Ces cinq jours de vacance du trône prouvent que la France peut vivre sans roi et la République devient un régime possible. Pour l’historienne Mona Ozouf, c’est « la mort de la royauté ». La foule enragée menace de tuer « le roi traître » et son « Autrichienne ». « Plus de monarchie ! Plus de tyrans ! »

« Le Royaume est un et indivisible. »1396

Constitution de septembre 1791, article 1er

La Constitution, votée le 3 septembre 1791, crée une monarchie constitutionnelle. Dans un an, la formule sera reprise pour la République : une et indivisible.

Le 14 septembre, Louis XVI doit prêter serment d’être fidèle à la nation et de maintenir la Constitution : roi de France de droit divin, il est devenu roi héréditaire des Français. Il joue le rôle de chef de l’exécutif, il gouvernera avec six ministres responsables devant l’assemblée dite Législative, élue pour deux ans au suffrage censitaire (par une minorité de bourgeois et de propriétaires terriens). « Le terme de la Révolution est arrivé » dit le roi.

« Sire… Votre Majesté a fini la Révolution. »1399

Jacques-Guillaume THOURET (1746-1794), Proclamation du 30 septembre 1791 à la Constituante. Histoire de France pendant la République, le Consulat, l’Empire et la Restauration jusqu’à la Révolution de 1830 (1839), Jacques Marquet Norvins

Avocat et député du tiers état, il est allé présenter au roi la nouvelle Constitution le 3 septembre, à la tête d’une députation de 60 membres. À présent, il le remercie solennellement d’avoir accepté le texte, de manière « si franche et si loyale ».

En fait, le roi ne l’a signé que dans l’espoir de s’en affranchir bientôt et l’affaiblissement du pouvoir royal est tel que Thouret, sans le vouloir, prépare l’avènement de la République. La Révolution n’est donc pas finie, dans une France plus que jamais révolutionnaire et divisée.

RÉVOLUTION : LÉGISLATIVE

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« Tout condamné à mort aura la tête tranchée. »1402

Loi du 6 octobre 1791. Archives parlementaires de 1787 à 1860 (1862), Assemblée nationale

C’est l’une des premières mesures votées par les 745 députés. Sous la Constituante, le député Guillotin demandait l’abolition des peines infamantes, proposant le 20 janvier 1790 que la peine capitale soit la décapitation égalitaire pour tous, par le moyen d’un mécanisme simple qu’on met à l’étude. Motion ajournée, puis reprise.

La loi de 1791 marque un progrès de la justice. Sous l’Ancien Régime, le noble était décapité, le voleur de grand chemin roué de coups en place publique, le régicide et le criminel d’État écartelés, le faux-monnayeur bouilli vif dans un chaudron, l’hérétique brûlé sur un bûcher, le domestique voleur de son maître pendu. La Révolution créée l’unification des peines qui est une forme d’égalité. La guillotine pourra bientôt fonctionner.

« Guillotin – Médecin – Politique, / Imagine un beau matin
Que pendre est inhumain / Et peu patriotique.
Aussitôt – Il lui faut – Un supplice / Qui, sans corde ni poteau,
Supprime du bourreau / L’office. »1413

La Guillotine, chanson. Les Actes des Apôtres (1789-1791), Un journal royaliste en 1789 (1873), Marcellin Pellet

Dansés sur un air de menuet, ces vers prouvent que tout fut bon à chansonner par le peuple, grand premier rôle sous la Révolution ! Mais c’est contre l’avis de Guillotin qu’on baptisa guillotine ces « bois de justice ».

Premier condamné à mort guillotiné, un voleur de grand chemin, Nicolas Pelletier exécuté en place de Grève à Paris (aujourd’hui place de l’Hôtel-de-Ville), le 25 avril 1792.

« La patrie est en danger. »1418

Législative, Proclamation par décret du 11 juillet 1792. Histoire de France contemporaine depuis la Révolution jusqu’à la paix de 1919 (1920), Ernest Lavisse, Philippe Sagnac

Depuis la déclaration de guerre à l’Autriche en avril, les défaites se succèdent aux frontières de l’Est. Ce contexte guerrier explique en partie la flambée révolutionnaire, dans un climat de surexcitation patriotique.

L’armée de 80 000 hommes est insuffisante, mal dirigée par des officiers surnommés les « vaincre ou courir », face aux Prussiens commandés par Brunswick et aux émigrés français emmenés par Condé, cependant que la menace d’un complot aristocratique plane sur la France. Chacun se prépare à l’invasion étrangère et l’on soupçonne le roi d’être de connivence avec l’empereur d’Allemagne François II, neveu de Marie-Antoinette.

Votée le 12 juillet, une loi appelle aux armes 50 000 soldats et 46 bataillons de volontaires, soit 33 600 hommes.

« Aux armes, citoyens ! / Formez vos bataillons !
Marchez, marchez, / Qu’un sang impur / Abreuve nos sillons ! »1417

ROUGET de l’ISLE (1760-1836), Le Chant de guerre pour l’armée du Rhin, refrain (1792), devenue bientôt La Marseillaise

« Trouvé à Strasbourg […] il ne lui fallut pas deux mois pour pénétrer toute la France. Il alla frapper au fond du Midi, comme par un violent écho, et Marseille répondit au Rhin. Sublime destinée de ce chant ! » écrit Michelet, lyrique et romantique dans son Histoire de la Révolution française.

Mystérieusement arrivé à Marseille, le chant plaît au bataillon des Marseillais qui l’adopte comme hymne de ralliement et le chante le 29 juin 1792, en plantant dans la ville un arbre de la Liberté. Son histoire ne fait que commencer. La Marseillaise deviendra « chant national » par décret de 1795.

« Le tocsin qui sonne n’est point un signal d’alarme, c’est la charge contre les ennemis de la patrie. Pour les vaincre, Messieurs, il nous faut de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace, et la France est sauvée. »1428

DANTON (1759-1794), Législative, 2 septembre 1792. Discours de Danton, édition critique (1910), André Fribourg

« De l’audace… » La fin du discours est célébrissime, propre à galvaniser le peuple et ses élus : « Danton fut l’action dont Mirabeau avait été la parole » écrit Hugo (Quatre-vingt-treize).

Ce 2 septembre, la patrie est plus que jamais en danger. La Fayette est passé à l’ennemi. Le général Dumouriez qui a démissionné de son poste de ministre l’a remplacé à la tête de l’armée du Nord, sans pouvoir établir la jonction avec Kellermann à Metz. Verdun vient de capituler, après seulement deux jours de siège : les Prussiens sont accueillis avec des fleurs par la population royaliste. C’est dire l’émotion chez les révolutionnaires à Paris !

La rumeur court d’un complot des prisonniers, prêts à massacrer les patriotes à l’arrivée des Austro-Prussiens qui serait imminente. On arrête 600 suspects qui rejoignent 2 000 détenus en prison.

« Il faut purger les prisons et ne pas laisser de traîtres derrière nous en partant pour les frontières. »1429

Mot d’ordre de la presse révolutionnaire. Histoire des Girondins (1847), Alphonse de Lamartine

Mot d’ordre repris par L’Ami du peuple de Marat et Le Père Duchesne d’Hébert, début septembre 1792. Marat entre le 2 septembre dans le Comité de surveillance créé par la Commune. Ce « fanatique énergumène » (selon le mot du Montagnard Levasseur) sera l’un des responsables des massacres de septembre.

« De ce jour et de ce lieu date une ère nouvelle de l’histoire du monde et vous pourrez dire : j’y étais. »1435

GOETHE (1749-1832), Aus meinem Lebe : Dichtung und Warheit - De ma vie : Poésie et Vérité (1811-1833), autobiographie

Le plus grand écrivain allemand, présent à la bataille de Valmy (commune de la Marne), côté Prussiens, est conscient de vivre un événement majeur. Notons que la retraite des troupes du duc de Brunswick, supérieures en nombre, reste à jamais une énigme. Il aurait dit : « Nous ne combattrons pas ici. »

« Vive la Nation ! »1436

Cri des troupes de Kellermann et Dumouriez à Valmy, 20 septembre 1792. Histoire de la Révolution française (1823-1827), Adolphe Thiers, Félix Bodin

Ce cri nouveau poussé contre l’armée prussienne est chargé d’un triple symbole : triomphe de l’idée de Nation, déchéance du roi, victoire de la République. La victoire de Valmy arrête l’invasion de la France révolutionnaire.

Autre première historique, les femmes se sont engagées pour défendre la patrie proclamée en danger. Vivandières ou cantinières, elles suivront toutes les guerres de la Révolution et de l’Empire.

RÉVOLUTION : CONVENTION

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« La royauté est abolie en France. »1439

Convention, Décret du 21 septembre 1792. Archives parlementaires de 1787 à 1860 (1900), Assemblée nationale.

C’est la fin de la monarchie millénaire, votée à l’unanimité des 749 députés.

Dans la nouvelle assemblée, la disposition des députés a une signification qui n’est pas que formelle. Les Girondins prennent place à droite, alors qu’ils étaient à gauche à la Législative, et les Montagnards à gauche – ils siégeaient sur les bancs les plus élevés (la Montagne) dans la précédente assemblée. Il existe une extrême gauche minoritaire et une masse de centristes qui forment la Plaine (ou Marais) se rallieront à la Montagne. Mais la Convention est majoritairement girondine, jusqu’au 2 juin 1793.

« Nous ne pouvons plus compter les années où les rois nous opprimaient comme un temps où nous avons vécu. »1440

FABRE d’Églantine (1750-1794), défendant l’idée du calendrier révolutionnaire. Dictionnaire critique de la Révolution française (1992), François Furet, Mona Ozouf

Encore un symbole ! Le 22 septembre 1792 devient le premier jour de l’an I de la République. C’est l’équinoxe d’automne, heureux présage : « L’égalité des jours et des nuits était marquée dans le ciel [le même jour où] l’égalité civile et morale était proclamée par les représentants du peuple » note Gilbert Romme, député montagnard. Fait curieux, rien n’est daté de l’an I, tout commence en l’an II, le 5 octobre 1793 (14 vendémiaire an II), quand le calendrier révolutionnaire est adopté par la Convention. Il tombe en désuétude après la Révolution et Napoléon y met fin, le 9 septembre 1805.

« La République française est une et indivisible. »1442

Convention, Déclaration du 25 septembre 1792. Constitution de la République française (1799), Imprimerie nationale

À l’instigation des Montagnards, la nouvelle formule remplace celle du « royaume un et indivisible » qui aura vécu un an, sous la brève Législative. Cette Première République ne vivra que cinq ans, mais l’idée-force s’inscrit dans toutes les Constitutions à venir.

« Il faut que Paris soit réduit à un quatre-vingt-troisième d’influence comme chacun des autres départements. »1443

Marie David Albin LASOURCE (1762-1793), député du Tarn, Convention, 25 septembre 1792. Histoire politique de la Révolution française (1913), François-Alphonse Aulard

La France a été divisée en 83 départements par la Constituante, le 15 janvier 1790. L’orateur parle au nom des Girondins et c’est une riposte aux Montagnards.

Députés venus assez nombreux de la Gironde et en majorité de la province, les Girondins sont partisans d’un régime fédéraliste. Ils s’opposent aux tendances centralisatrices des Montagnards : les chefs de ce parti mettent leurs espoirs sur les éléments révolutionnaires les plus avancés qu’on trouve naturellement à Paris, dans la Commune insurrectionnelle et les sections des sans-culottes.

Lasource, élu à la Législative et réélu à la Convention, ancien pasteur protestant, est fidèle à ses principes plus qu’à un meneur ou un parti. Du côté des Montagnards partisans de la guerre, il refuse ensuite leur dictature, se rallie aux Girondins et mourra avec eux.

« Nous avons le droit de dire aux peuples : vous n’aurez plus de rois. »1444

DANTON (1759-1794), Convention, 28 septembre 1792. L’Invention de la guerre totale : XVIIe XXe siècles (2004), Jean-Yves Guiomar

Belle phrase « à la Danton », superbe idée révolutionnaire. L’orateur ajoute, pour être plus clair encore, que « la Convention doit être un comité d’insurrection générale contre tous les rois de l’univers », ce qui suscite quelques murmures dans l’assemblée. Cela fait beaucoup d’ennemis en puissance aux nouveaux maîtres de la France.

Sitôt la République proclamée, la guerre de défense va se transformer en guerre d’idéologie et bientôt de conquête. D’où la riposte des rois et empereurs voisins, coalisés contre la France. Avec le recul de l’histoire, on peut dire que cette Révolution, forte de ses bonnes intentions, va inventer la « guerre totale » visant la destruction complète de l’ennemi avec recours à la mobilisation en masse, entraînant le peuple dans une spirale infernale.

« Que la pique du peuple brise le sceptre des rois ! »1447

DANTON (1759-1794), Convention, 4 octobre 1792. Les Grands orateurs de la Révolution (1914), François-Alphonse Aulard

La pique a beaucoup servi sous la Révolution et pas seulement de façon métaphorique. Le peuple y a planté des têtes coupées, dès la prise de la Bastille. Quant à Danton, avocat révolutionnaire et agitateur dans l’âme, il ne recule devant aucune violence, ni physique, ni verbale. Face aux ennemis du dehors, aux rois étrangers menaçant les frontières, il dit dans ce même discours : « Jetons-leur en défi une tête de roi. » La Convention va donc décider de mettre Louis XVI en jugement, après une longue discussion qui oppose les Girondins aux Montagnards. Danton s’est rangé du côté de la Montagne qui l’emportera.

« Louis sera-t-il donc le seul Français pour lequel on ne suive nulle loi, nulle forme ? Louis ne jouit ni du droit de citoyen, ni de la prérogative des rois : il ne jouira ni de son ancienne condition, ni de la nouvelle ! Quelle étrange exception. »1468

Romain DESÈZE (1748-1828), Plaidoirie pour Louis XVI, 26 décembre 1792. Histoire de France depuis la Révolution de 1789 (1803), François-Emmanuel Toulongeon

L’avocat (comte Desèze ou De Sèze) témoignera plus tard du grand œuvre de sa vie : « Trois jours et quatre nuits, j’ai lutté pied à pied avec les documents pour édifier avec Malesherbes et Tronchet, et surtout avec mon Roi, la défense de celui qui était déjà condamné par la Convention. J’ai voulu plaider avec la justice, le cœur, le talent que l’on me reconnaissait alors. Mon maître ne me laissa combattre que sur le terrain du droit : il se souciait de balayer les accusations dont il était l’objet, non d’apitoyer. Pendant plus d’une heure, je lui ai donné ma voix. En vain… »

« Louis doit mourir pour que la patrie vive. »1476

ROBESPIERRE (1758-1794), « célèbre sentence ». Dictionnaire critique de la Révolution française (1992), François Furet, Mona Ozouf

Ces mots furent prononcés au début du procès, le 3 décembre. « Je n’ai pour Louis ni amour ni haine : je ne hais que ses forfaits… » En fait, le roi était jugé d’avance. La Révolution, c’est la souveraineté du peuple et elle ne peut composer avec la souveraineté du roi. Ce n’est pas l’homme Capet qui est en cause, aux yeux des théoriciens tels que Robespierre et Saint-Just, c’est l’extravagante condition du monarque.

On peut seulement s’étonner de l’hypocrite humanité de Robespierre, déclarant dans le même discours : « J’abhorre la peine de mort prodiguée par vos lois. » La suite des événements et la Terreur apportent un démenti sanglant. Au terme de la procédure et après de longs débats, l’exécution aura lieu le 21 janvier 1793.

« Fils de Saint Louis, montez au ciel. »1478

Abbé EDGEWORTH de FIRMONT (1745-1807), confesseur de Louis XVI, au roi montant à l’échafaud, 21 janvier 1793. Collection des mémoires relatifs à la Révolution française (1822), Saint-Albin Berville, François Barrière

La piété de Louis XVI est notoire et en cela, il est fils de Saint Louis. C’est aussi le dernier roi de France appartenant à la dynastie des Capétiens, d’où le nom de Louis Capet sous lequel il fut accusé et jugé.

« Peuple, je meurs innocent ! »1479

LOUIS XVI (1754-1793), à la foule, place de la Révolution à Paris (aujourd’hui place de la Concorde), 21 janvier 1793. Mémoires d’outre-tombe (posthume), François René de Chateaubriand

« Premier mot de la fin » du roi. L’importance de l’événement est telle que l’imagination populaire ou historienne se donne libre cours. Le roulement de tambours de la garde nationale interrompt la suite de sa proclamation, entendue seulement par le bourreau Sanson et ses aides. La scène sera maintes fois reproduite en gravures et tableaux, avec le bourreau qui brandit la tête du roi, face au peuple amassé.

Autre mot attribué au roi : « Je pardonne aux auteurs de ma mort. Je prie Dieu que mon sang ne retombe pas sur la France. » Et encore : « Dieu veuille que ce sang ne retombe pas sur la France. » Cela relève de la « belle mort » pour alimenter la légende. Reste un fait avéré. Louis XVI, tout au long de sa vie, eut une obsession louable et rare chez un roi : ne pas faire couler le sang des Français.

« Louis ne sut qu’aimer, pardonner et mourir ! / Il aurait su régner s’il avait su punir. »1481

Comte de TILLY (1764-1816). Biographie universelle, ancienne et moderne (1826), Joseph Michaud, Louis Gabriel Michaud

Dans ce célèbre distique (deux vers), le comte de Tilly, défenseur du roi au palais des Tuileries (le 10 août 1792) et auteur de Mémoires (surtout galants), témoigne de cette horreur de la violence, dans une époque où elle fait loi.

« Si j’avance, suivez-moi ; si je meurs, vengez-moi ; si je recule, tuez-moi. »1487

Henri de la ROCHEJAQUELEIN (1772-1794), aux milliers de paysans qui le proclament leur chef, 13 avril 1793. Le Dernier des Chouans : Louis Stanislas Sortant (2007), Bernard Coquet, préface de Jean Tulard

Comte, membre de la garde de Louis XVI, ayant perdu son roi (emprisonné), il regagne ses terres de Vendée. C’est l’un des chefs de l’insurrection vendéenne qui commence le 10 mars 1793. L’origine en est moins politique que religieuse. Le peuple, très catholique, est choqué par la politique révolutionnaire et hostile aux « patriotes » qui veulent imposer la Constitution civile du clergé, la loi du serment des prêtres.

Les nobles, dans cette région sans jacqueries paysannes, n’ont guère émigré. La mort du roi, exécuté le 21 janvier, les décide à prendre les armes et à encadrer militairement leurs paysans et les métayers, révoltés par le décret sur la levée de 300 000 hommes rendu par la Convention le 24 février. Les prêtres réfractaires se joindront à cette contre-révolution armée. Les Anglais vont apporter une aide en argent, puis en hommes à cette guerre civile contre une Révolution devenue trop conquérante.

Les insurgés vendéens (les Blancs) vont réunir jusqu’à 40 000 hommes et remporter plusieurs victoires contre les patriotes (les Bleus), au  printemps 1793. La Convention envoie des troupes républicaines dès juillet, les grands combats suivis de massacres seront organisés sous la Terreur, à partir d’octobre. Au total, la guerre de Vendée et la guerre des Chouans (mêmes causes, mêmes effets, en Bretagne et Normandie) feront quelque 600 000 morts, dont 210 000 civils exécutés, 300 000 morts de faim et de froid (100 000 enfants). Ce génocide (mot employé par certains historiens) est, sans conteste, le plus lourd bilan à porter au passif de la Révolution.

« Donnez un verre de sang à ce cannibale : il a soif ! »1496

Pierre Victurnien VERGNIAUD (1753-1793), à Marat vitupérant à la tribune de la Convention, 13 avril 1793. Procès fameux extraits de l’Essai sur l’histoire générale des tribunaux des peuples tant anciens que modernes (1796), Nicolas Toussaint Le Moyne Des Essarts

Le sang, mot et symbole, est très présent dans cette histoire. Depuis l’insurrection du 10 août 1792 et les massacres de septembre qu’il encouragea, Marat attise la haine dans son journal (l’Ami du peuple) et à l’Assemblée. Élu député, siégeant au sommet de la Montagne, président du club des Jacobins depuis le 5 avril 1793, il devient chaque jour plus redoutable, accusant, calomniant, injuriant, éructant. Nul ne semble pouvoir l’interrompre.

« Celui qui a des culottes dorées est l’ennemi de tous les sans-culottes. Il n’existe que deux partis, celui des hommes corrompus et celui des hommes vertueux. »1502

ROBESPIERRE (1758-1794), au club des Jacobins, 8 mai 1793. Œuvres de Maximilien Robespierre (posthume)

Sans les nommer, l’Incorruptible dénonce ici les Girondins. Rappelons qu’ils sont issus de la même classe bourgeoise que les amis de Robespierre et que celui-ci est toujours très élégamment vêtu. Ce manichéisme est donc simpliste, mais efficace. Il oppose les riches aux pauvres.

« Dis à ton f… président que je me f… de lui et de son Assemblée et que si dans une heure elle ne me livre pas les vingt-deux, je le fais foudroyer. »1506

François HANRIOT (1761-1794), à l’huissier de la Convention, 2 juin 1793. Les Origines de la France contemporaine (1878), Hippolyte Taine

Hanriot, chef de la section des sans-culottes lors de l’émeute du 10 août et des massacres de septembre 1792, a été promu commandant général provisoire de la garde nationale en mai 1793. L’insurrection populaire du 2 juin fut bien programmée, Marat y a veillé personnellement : c’est le Paris des sans-culottes et les Montagnards, contre les Girondins et la France modérée.

Une foule de 80 000 hommes armés de 150 canons investit la Convention. Un cortège de députés qui sort pour parler à la foule se heurte à Hanriot qui menace de faire tirer les canonniers sur eux.

« Nous voulons les traîtres ! À la guillotine, les Brissotins ! »1507

Cris des gardes nationaux, 2 juin 1793. La Révolution française (1928), Pierre Gaxotte

La Convention est assiégée par les sections parisiennes de sans-culottes, encerclée par la garde nationale. Les députés, sortis pour adjurer les manifestants de rentrer dans leurs sections, renoncent. Ils reprennent place dans les travées de l’Assemblée et votent la mise en état d’arrestation de 29 des leurs, ainsi que l’exige l’insurrection parisienne. C’est le tournant de la Convention - et de la Révolution.

« Oui, la Gironde était républicaine […] Oui, sa proscription a été un malheur. »1508

LEVASSEUR de la Sarthe (1747-1834), Mémoires (1830)

Ce député montagnard reconnaîtra plus tard l’évidence, ajoutant pour sa défense que « c’est par un égarement de bonne foi » que la Montagne l’a consommé.

Bilan : 29 députés et deux ministres girondins décrétés d’accusation. Certains s’échapperont, quelques-uns, réfugiés en province, susciteront une révolte fédéraliste sans lendemain contre la dictature de la Montagne. Deux se suicideront (Buzot et Pétion). 21 seront jugés, guillotinés. Les Montagnards ont les mains libres, ce sera bientôt la Terreur, la vraie, voire la Grande Terreur, sous la dictature du Comité de salut public dirigé par Robespierre.

« Le brigand qui persécute, l’homme exalté qui injurie, le peuple trompé qui assassine suivent leur instinct et font leur métier. Mais l’homme en place qui les tolère, sous quelque prétexte que ce soit, est à jamais déshonoré ! »1513

Mme ROLAND (1754-1793), Lettre au ministre de l’Intérieur, 20 juin 1793, prison de l’Abbaye. Lettres de Madame Roland de 1780 à 1793 (1902), publiées par Claude Perroud

Le ministre s’appelle Garat, il a remplacé Roland, son mari. Elle le connaît et le juge ainsi : « aimable homme de société, homme de lettres médiocre et détestable administrateur ». Il l’a laissé arrêter et emprisonner à l’Abbaye. Jean-Marie Roland a réussi à fuir, avec quelques Girondins. Manon Roland écrit aussi à la Convention, au ministre de la Justice, des lettres cinglantes, superbes. Cette héroïne de la Révolution n’a pas peur de la mort.

« Ici repose Marat, l’Ami du Peuple, assassiné par les ennemis du peuple, le 13 juillet 1793. »1520

Épitaphe sur la tombe de Marat. Marat, l’ami du peuple (1865), Alfred Bougeart

Rappelons que son journal s’intitulait L’Ami du peuple et que l’homme haï (et redouté) de ses confrères était idolâtré des sans-culottes de Paris.

« Marat pervertissait la France. J’ai tué un homme pour en sauver cent mille, un scélérat pour sauver des innocents, une bête féroce pour donner le repos à mon pays. J’étais républicaine bien avant la Révolution. »1522

Charlotte CORDAY (1768-1793), à son procès devant le Tribunal révolutionnaire, 17 juillet 1793. Les Grands Procès de l’histoire (1924), Me Henri-Robert

En un jour, la jeune fille devient une héroïne et reste l’une des figures de la Révolution. Le poète André Chénier la salue par ces mots : « Seule, tu fus un homme », ce qui contribuera à le perdre. Le député de Mayence, Adam Lux, qui la vit dans la charrette l’emmenant à l’échafaud, s’écria : « Plus grande que Brutus », et ce mot lui coûta la vie.

Lamartine la baptise « l’Ange de l’assassinat » et Michelet retrouve les accents qu’il eut pour Jeanne d’Arc : « Dans le fil d’une vie, elle crut couper celui de nos mauvaises destinées, nettement, simplement, comme elle coupait, fille laborieuse, celui de son fuseau. »

Mais rien ni personne ne pouvait plus freiner cette marche programmée vers la Terreur. D’autant que les Girondins, « légion de penseurs », ne sont plus là pour contrer les Montagnards, ce « groupe d’athlètes » (Hugo).

« La Terreur est à l’ordre du jour. »1532

Convention, Décret du 5 septembre 1793. Mouvement populaire et gouvernement révolutionnaire en l’An II, 1793-1794 (1973), Albert Soboul

La pression populaire est impressionnante. Une députation du club des Jacobins soutient les sans-culottes à l’Assemblée. Pour éviter d’être débordée, la Convention cède en se plaçant sur le plan du droit. Une Première Terreur (six semaines) avait succédé au 10 août 1792. Cette fois, elle va prendre une autre ampleur et mériter bientôt le nom de Grande Terreur.

« Ainsi se répandit sur la France cet inexplicable vertige qu’on a nommé le règne de la Terreur. »1534

Benjamin CONSTANT (1767-1830), De l’esprit de conquête et de l’usurpation dans leurs rapports avec la civilisation européenne (1814)

Suisse d’origine, futur amant de Mme de Staël et futur grand écrivain, il regarde la Révolution de France des quatre coins de l’Europe où il mène « une vie errante et décousue ».

« Le citoyen Jésus-Christ a été le premier sans-culotte du monde. »1536

François CHABOT (1756-1794), Discours, 7 septembre 1793. Dictionnaire de la bêtise et des erreurs de jugement (1998), Guy Bechtel et Jean-Claude Carrière

Capucin défroqué, il a écrit le Catéchisme des Sans-culotte. La métaphore christique sera reprise, notamment par Camille Desmoulins à l’heure prochaine de sa mort.

« Nous aurons le temps d’être humains lorsque nous serons vainqueurs. »1537

Marie Jean HÉRAULT de SÉCHELLES (1759-1794), Circulaire du Comité de salut public. « À Carrier », 29 septembre 1793. Histoire de la Révolution française (1853), Jules Michelet

Jean-Baptiste Carrier, envoyé en mission en Normandie et en Bretagne, y fait régner la terreur de façon exemplaire. Dans cette circulaire, c’est la ville de Nantes qui est visée, avec ses habitants.

Jeune avocat sous l’Ancien Régime et apprécié de Marie-Antoinette, député Montagnard, rédacteur de la nouvelle Constitution et de la nouvelle Déclaration des droits de l’homme (1793), président de la Convention le jour où elle abandonna les Girondins à la proscription (2 juin), Robespierre ne lui laissera pas le temps de redevenir humain. Il comparaît devant le Tribunal révolutionnaire avec Danton et ses amis, guillotiné comme eux en avril 1794.

« Une femme, la honte de l’humanité et de son sexe, la veuve Capet, doit enfin expier ses forfaits sur l’échafaud. »1538

Jean-Nicolas BILLAUD-VARENNE (1756-1819), Convention, 3 octobre 1793. L’Agonie de Marie-Antoinette (1907), Gustave Gautherot

Un parmi d’autres conventionnels à réclamer la mise en jugement de la « Panthère autrichienne ». Marie-Antoinette en prison depuis près d’un an, attendait son sort au Temple avant son transfert à la Conciergerie, le 1er août 1793.

La Convention ayant décrété le 3 octobre que les Girondins seront traduits devant le Tribunal révolutionnaire, Billaud-Varenne parle en ces termes : « Il reste encore un décret à rendre : une femme, la honte de l’humanité et de son sexe, la veuve Capet, doit enfin expier ses forfaits sur l’échafaud. On publie qu’elle a été jugée secrètement et blanchie par le Tribunal révolutionnaire, comme si une femme qui a fait couler le sang de plusieurs milliers de Français pouvait être absoute par un jury français. Je demande que le Tribunal révolutionnaire prononce cette semaine sur son sort. » La Convention adopte cette proposition.

« Immorale sous tous les rapports et nouvelle Agrippine, elle est si perverse et si familière avec tous les crimes qu’oubliant sa qualité de mère, la veuve Capet n’a pas craint de se livrer à des indécences dont l’idée et le nom seul font frémir d’horreur. »1541

FOUQUIER-TINVILLE (1746-1795), Acte d’accusation de Marie-Antoinette, Tribunal révolutionnaire, 14 octobre 1793. Histoire du Tribunal révolutionnaire de Paris (1862), Émile Campardon

« Marie-Antoinette de Lorraine d’Autriche, âgée de 37 ans, veuve du roi de France », a répondu le 12 octobre à un interrogatoire (secret) portant sur des questions politiques et sur le rôle qu’elle a joué auprès du roi, au cours de divers événements, avant et après 1789. Elle nie pratiquement toute responsabilité.

Au procès et devant la foule, elle répond à nouveau et sa dignité impressionne. L’émotion est au comble quand Fouquier-Tinville aborde ce sujet intime des relations avec son fils. L’accusateur public ne fait d’ailleurs que reprendre les rumeurs qui ont moralement et politiquement assassiné la reine en quelque 3 000 pamphlets, à la fin de l’Ancien Régime. L’inceste (avec un enfant âgé alors de moins de 4 ans) fut l’une des plus monstrueuses.

« Enfants de la Patrie, vous vengerez ma mort. »1552

Olympe de GOUGES (1755-1793), guillotinée le 3 novembre 1793. Son mot de la fin. Histoire du Tribunal révolutionnaire de Paris, avec le Journal de ses actes (1880), Henri Alexandre Wallon

Féministe coupable d’avoir écrit en 1791 une Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, d’avoir défendu le roi, puis courageusement attaqué Robespierre, elle a été arrêtée en juillet 1793. Femme de lettres, femme libre jusqu’à la provocation, la reconnaissance espérée par la condamnée sera tardive.

« Liberté, que de crimes on commet en ton nom ! »1554

Mme ROLAND (1754-1793), montant à l’échafaud et s’inclinant devant la statue de la Liberté (sur la place de la Révolution), 8 novembre 1793. Mot de la fin. Le Nouveau Tableau de Paris (1799), Louis Sébastien Mercier

Son mari, poursuivi comme Girondin et réfugié à Rouen, apprenant la mort de sa femme, se tuera deux jours après.

Manon Roland fit preuve d’une belle énergie et d’une plume infatigable, dans sa prison (l’Abbaye, puis la Conciergerie). Elle écrit pour se défendre devant le Tribunal révolutionnaire, même sans espoir. Elle écrit ses Mémoires destinées à sa fille Eudora. Elle écrit des lettres à son ami Buzot qui a fui comme son mari pour échapper au sort des Girondins. Il se suicidera lui aussi, apprenant, quelques mois plus tard, la mort de Manon Roland.

« Y a-t-il guillotine aujourd’hui ? — Oui, lui répliqua un franc patriote, car il y a toujours trahison. »1572

Reflet de l’état d’esprit du sans-culotte et du terrorisme légal. Dictionnaire critique de la Révolution française (1992), François Furet, Mona Ozouf

La guillotine est un spectacle, les tricoteuses s’installent au pied des bois de justice, les patriotes voient les ennemis du peuple bel et bien punis et Robespierre multiplie les discours à la Convention, justifiant toujours la Terreur.

« Ceux qui font les révolutions à moitié n’ont fait que se creuser un tombeau. »1577

SAINT-JUST (1767-1794), Convention, Rapport du 26 février 1794 (premier décret de ventôse). Œuvres de Saint-Just, représentant du peuple à la Convention nationale (posthume, 1834), Saint-Just

Le mot (repris en slogan et graffiti, par les étudiants de Mai 68) est lourd de menaces pour les enfants de la Patrie, en 1794. Particulièrement visés par Saint-Just, les opposants à son ami Robespierre qui s’apprête à frapper sur sa gauche, puis sur sa droite.

« Est-ce qu’on emporte la patrie à la semelle de ses souliers ? »1579

DANTON (1759-1794), à son ami Legendre qui le prévient du danger et l’exhorte à s’enfuir à l’étranger, mars 1794. Histoire de la Révolution française, 1789-1799 (1883), Alfred Rambaud

Danton ne se dérobe pas : « Mieux vaut être guillotiné que guillotineur », dit-il. Suspect d’indulgence, il va braver Robespierre jusqu’à la fin. D’autres réclament la tête du tribun : « Nous viderons ce gros turbot farci » s’écrie le Montagnard Vadier. Danton, averti du terrible rapport que Saint-Just prépare contre lui, refuse de fuir. Par cette phrase, il condamne aussi l’attitude des émigrés. Le 30 mars 1794, il est arrêté comme ennemi de la République.

« Ma demeure sera bientôt dans le néant ; quant à mon nom, vous le trouverez dans le panthéon de l’Histoire. »1582

DANTON (1759-1794), réponse au Tribunal révolutionnaire, 2 avril 1794. Procès historiques, Le procès de Danton, Histoire et patrimoine [en ligne], ministère de la Justice

Le Tribunal procède à l’interrogatoire habituel, lui demandant son nom et ses qualités. Il existe plusieurs versions de la réponse, selon les sources. La plus courte, fréquemment citée : « Ma demeure ? Demain, dans le néant. » Danton a toujours le sens de l’improvisation – quoique cette réplique ait pu être préparée.

« Tu montreras ma tête au peuple, elle en vaut bien la peine. »1584

DANTON (1759-1794), mot de la fin au bourreau, avant de poser sa tête sous le couperet de la guillotine, 5 avril 1794. Histoire du Tribunal révolutionnaire de Paris (1862), Émile Campardon

C’est « une gueule » et il en a bien joué ! Personnage théâtral, orateur né, il a suscité des haines farouches, mais fasciné le peuple et l’Assemblée. Son sens de la formule est remarquable, jusqu’à la fin.

« Échafaud. S’arranger quand on y monte pour prononcer quelques mots éloquents avant de mourir. »1585

Gustave FLAUBERT (1821-1880), Dictionnaire des idées reçues (posthume, 1913)

Le mot de Flaubert pourrait s’appliquer à bien des « mots de la fin » attribués aux personnages de la Révolution. Quels que soient leur âge, leur sexe, leur condition, leurs convictions, la plupart sont morts en héros, dignes de cette époque héroïque.

« Il faut raccourcir les géants / Et rendre les petits plus grands,
Tout à la même hauteur / Voilà le vrai bonheur. »1597

Portrait du sans-culotte, chanson anonyme. Les Sans-culottes parisiens en l’an II (1968), Albert Soboul

C’est l’homme nouveau, vu par la sans-culotterie. C’est le règne de l’égalité prise au pied de la lettre ! C’est aussi la négation du grand homme, du héros en tant qu’individu, au bénéfice du héros collectif, le peuple, incarné par le sans-culotte. Et c’est toujours l’histoire de France, contée par les chansons.

« Demain, de Robespierre ou de moi, l’un des deux sera mort. »1601

Joseph CAMBON (1756-1820), se croyant sur la liste des « fripons » dénoncés et condamnés par Robespierre, Convention, 26 juillet 1794. Cambon et la Révolution française (1905), Félix Bornarel

Député de la Plaine rallié aux Montagnards, il est devenu l’un des opposants à Robespierre. Il n’est plus seul. La loi de Prairial qui rend la justice plus expéditive fut la loi de trop, menaçant pratiquement tout le personnel politique.

Depuis la mi-juin, on cherche à ridiculiser Robespierre – une façon de tuer politiquement le dictateur. On associe son nom à ceux d’illuminés, on accrédite la version d’une mégalomanie de pseudo-messie et de vrai tyran, cumulant pouvoir politique et religieux, se plaisant à immoler ses adversaires. Lui ignore le danger.

« C’est le sang de Danton qui t’étouffe. »1606

GARNIER de l’AUBE (1742-1805), à Robespierre suffoquant sous la chaleur torride, Convention, 27 juillet 1794. Histoire de la Révolution française (1823-1827), Adolphe Thiers, Félix Bodin

Robespierre monte à la tribune à 11 heures du matin pour donner la liste des « épurés ». Tallien et les modérés lui coupent la parole à onze reprises et Saint-Just ne réagit plus (nerveusement épuisé). Deux modérés demandent la mise en accusation de Robespierre, Couthon, Saint-Just, Lebas.

Augustin Robespierre (son frère) réclame la sienne : « Je partage ses vertus, je veux partager son sort. » L’arrestation des cinq députés est décrétée aux voix.

Le 28 juillet (10 thermidor), Robespierre, Couthon, Saint-Just et 19 de leurs alliés sont guillotinés sans jugement. Puis 71 le lendemain et quelques autres encore, les jours suivants. Au total, une centaine.

« L’histoire du neuf Thermidor n’est pas longue : quelques scélérats firent périr quelques scélérats. »1607

Joseph de MASITRE (1753-1821), Considérations sur la France (1796)

Véritable écrivain politique avec un style et de l’humour, théoricien majeur de la pensée contre-révolutionnaire, connu sous l’Ancien Régime pour son combat contre la philosophie des Lumières, émigré en 1793 à Lausanne, monarchiste attaché au pouvoir papal, il rejette en bloc la Révolution. Mais pour les Français en France, tout va changer après le 9 Thermidor et le règlement de comptes sanglant, sinon « scélérat », qui punit les plus coupables.

« La Révolution française est le plus puissant pas du genre humain depuis l’avènement du Christ. »1631

Victor HUGO (1802-1885), Les Misérables (1862)

Conscience politique de son siècle, homme de cœur et sensibilité de gauche, il aime d’autant plus la Révolution (et l’Empire) qu’il est déçu par les princes qui gouvernent au XIXe siècle et par les révolutions qui l’agitent.

« Par devant l’Europe, la France, sachez-le, n’aura jamais qu’un seul nom, inexpiable, qui est son vrai nom éternel : la Révolution. »1632

Jules MICHELET (1798-1874), Le Peuple (1846)

Jugement à nuancer : pour cet historien de gauche, la Révolution de 1789 devrait finir en 1790 sur le Champ de Mars, en son point culminant, le jour de la Fête de la Fédération.

« Les Français ont fait, en 1789, le plus grand effort auquel se soit jamais livré aucun peuple afin de couper, pour ainsi dire, en deux, leur destinée et de séparer par un abîme ce qu’ils avaient été jusque-là de ce qu’ils voulaient être désormais. »1633

Alexis de TOCQUEVILLE (1805-1859), L’Ancien Régime et la Révolution (1856)

Avis d’historien, par ailleurs magistrat (sous la Restauration), député et ministre (sous la Deuxième République), inclassable (comparé en cela à Montesquieu) et donc équilibré dans ses jugements. Encore faut-il nuancer sa pensée qui évolue. Dans cette dernière œuvre, Tocqueville démontre que si la Révolution de 1789 a pu dérouter bien des esprits et faire perdre leur sang-froid aux hommes au pouvoir, elle doit être historiquement analysée comme l’aboutissement logique de l’Ancien Régime, et non comme une rupture d’ordre politique, social et administratif.

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