Clemenceau et le régime parlementaire de la IIIe République : duo et duels.
Clemenceau reste dans l’histoire comme le Tigre, tombeur de ministères, pourfendeur du régime. Mais c’est avant tout un Républicain : il a vu naître dans la douleur cette forme de démocratie, il en sait les vices et les vertus. Même s’il l’attaque en détail, il la défend globalement. C’est LA leçon à retenir. Avec cette superbe citation à méditer plus que jamais…
« Gloire aux pays où l’on parle, honte aux pays où l’on se tait. »2387
(1841-1929), Chambre des députés, 4 juin 1888
Histoire de France contemporaine depuis la Révolution jusqu’à la paix de 1919 (1920-1922), Ernest Lavisse, Philippe Sagnac.
Cette belle citation a un contexte précis, mais une portée très générale.
Député aux accents hugoliens, il s’oppose au général Boulanger (qu’il a d’abord soutenu), voyant poindre en lui un nouveau Bonaparte, accusé de « faire disparaître la politique de parti et le parlementarisme ». Ce sera une crise, une « affaire », parmi toutes celles qui illustrent le régime parlementaire de la IIIe République.
Clemenceau, Tombeur de ministères redouté, dévoile ici un visage moins connu : se déclarant solidaire de l’histoire du parti républicain et de ses luttes depuis un siècle, il proclame son attachement à un régime de libre discussion : « L’honneur de la République est dans la libre parole avec ses risques et ses inconvénients. »
C’est rendre hommage à ce régime si souvent décrié, y compris par Clemenceau. Vingt ans après, devenu président du Conseil, il se plaindra des débats sans fin à la Chambre : « On perd trop de temps en de trop longs discours. »
Ce dilemme est inhérent au régime parlementaire : comment assurer la libre expression des forces politiques représentées dans les assemblées sans paralyser le fonctionnement de l’institution parlementaire ? Le Parlement, lieu où l’on vote, est aussi et par définition celui où l’on parle.
« Le Parlement est le plus grand organisme qu’on ait inventé pour commettre des erreurs politiques, mais elles ont l’avantage supérieur d’être réparables, et ce, dès que le pays en a la volonté. »2603
Georges CLEMENCEAU (1841-1929), Sénat, 22 juillet 1917
Discours de guerre : contexte précis (la Grande Guerre de 1914-1918), mais une fois encore, portée générale de cette parole.
Toujours dans l’opposition, il met en cause Malvy, ministre de l’Intérieur depuis le début de la guerre, accusé de « défaitisme », en l’occurrence trop de mollesse et de négligence pour réprimer des affaires de trahison caractérisées, tout comme des menées pacifistes. Clemenceau se pose en recours. Poincaré, président de la République, devra se résoudre à appeler à la tête du gouvernement l’homme de la dernière chance, pour une France épuisée, à bout de nerfs et de guerre.
« Je vous promets une de ces crises comme on n’en a pas encore vu dans le monde parlementaire ! »2489
Georges CLEMENCEAU (1841-1929)
L’Affaire Wilson et la chute du président Grévy (1936), Adrien Dansette
C’est l’autre visage de Clemenceau, le « tombeur de ministères » qui se ressemblent tous – « il s’agit toujours du même », dira-t-il, puisque les mêmes hommes reviennent toujours, changeant seulement de portefeuille.
Clemenceau le radical (incarnant la gauche pure et dure, comme jadis Gambetta, mort prématurément) ne rate pas une occasion. Le temps des crises parlementaires va de pair avec celui des sales affaires et le personnel politique est gravement déconsidéré.
Ici, le scandale remonte à l’Élysée : la corruption, tant reprochée aux (républicains) opportunistes qui sont au pouvoir, atteint la famille du président Grévy. Son gendre, Daniel Wilson, est accusé d’avoir créé à l’Élysée un « ministère des Recommandations et Démarches ». Bien entendu, il fait payer ses services. Ce trafic des décorations, découvert en septembre 1887, porte notamment sur la Légion d’honneur.
Le gouvernement, qui a soutenu Daniel Wilson, est renversé le 20 novembre 1887. Le Figaro du 21 novembre vise plus haut : « La crise, c’est M. Grévy ; c’est par son obstination qu’elle s’est ouverte, c’est par sa démission qu’elle peut finir. » Et le président Grévy sera forcé de démissionner, le 2 décembre. Remplacé par Carnot.
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