De Gaulle : « L’année 1968, je la salue avec sérénité. » | L’Histoire en citations
Chronique du jour

 

Cinquième République sous de Gaulle

Mai 68

Mai 1968, d’abord révolte étudiante, puis grève générale, se révèle la plus grave crise de société connue par la France depuis la guerre. Les « événements », très diversement jugés, trahissent une incontestable évolution des mentalités, d’où un besoin de changement dans les structures sociales, surtout chez la jeunesse.

Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.

« L’année 1968, je la salue avec sérénité. »3038

Charles de GAULLE (1890-1970), Allocution radiotélévisée, 31 décembre 1967. Année politique (1968)

Les vœux de l’Élysée sont de tradition, en fin d’année. Mais l’année 1968 va véritablement ébranler le régime, et la société.

« Quand la France s’ennuie. »3039

Pierre VIANSSON-PONTÉ (1920-1979), titre de son article, Le Monde, 15 mars 1968

(Inspiré du mot de Lamartine en 1839, député sous la Monarchie de Juillet : « La France est une nation qui s’ennuie. »)

(…) A Paris, tout commence par Nanterre, donc en banlieue. Cette université créée en 1964 se voulait modèle, mais le campus ouvert aux émigrés des alentours tourne au bidonville. Après diverses manifestations contre la réforme (signée Fouchet, ministre de l’Intérieur), le 22 mars, des étudiants révolutionnaires occupent la tour du bâtiment de l’administration.

Professeurs, vous êtes vieux, votre culture aussi.3040

Slogan, murs de Nanterre, 22 mars 1968. Génération, tome I, Les Années de rêve (1987), Hervé Hamon, Patrick Rotman

(Ce roman vrai est l’un des meilleurs récits de Mai 68 et donne tous les slogans qui en sont nés. Sans autre mention, ce sera notre source).

Le Mouvement du 22 mars est créé : mouvance sans programme, sans hiérarchie, mais avec beaucoup de leaders tenant leur autorité de leur force de persuasion, de leur imagination.

Première vedette, Daniel Cohn-Bendit, étudiant en sociologie, de nationalité allemande (par choix), né en France de parents juifs réfugiés pendant la guerre. Dany le Rouge (surnom qu’il doit à ses cheveux roux, comme à son gauchisme militant) est doué à 23 ans d’un charisme qui le rend très populaire auprès des étudiants, (…)

Pour l’heure, a Nanterre, il fédère les groupuscules depuis quelques mois et figure sur la liste noire des étudiants. Le doyen Grappin, devant l’agitation, ferme l’université jusqu’au 1er avril (…) Mais le 2 mai, nouvelle fermeture de Nanterre, sine die.

« Jour J [3 mai] et heure H [16 h 50], embarquement des étudiants de la Sorbonne. »3041

Maurice GRIMAUD (1913-2009), En mai, fais ce qu’il te plaît (1977)

Préfet de police de Paris en mai 1968, selon lui tout commence alors.

Un meeting de protestation est prévu dans la cour du plus célèbre bâtiment universitaire de Paris, au cœur du Quartier latin : contre la convocation devant le conseil de discipline de l’université de Nanterre des meneurs du 22 mars, dont Cohn-Bendit.

La police, appelée par le recteur, intervient pour empêcher le meeting et évacue les lieux sans faire le détail (…)

Bilan officiel du 3 mai : 805 blessés dont 345 parmi les forces de police. Le bilan officieux est plus accablant.

« Le gouvernement a perdu le contrôle de ses facultés. »3042

Le Canard enchaîné, manchette de l’hebdomadaire satirique, 8 mai 1968. Le Canard enchaîné : histoire d’un journal satirique, 1915-2005 (2005), Laurent Martin

Comme la plupart de leurs confrères, les journalistes du Canard sont surpris par la soudaineté et la violence des émeutes de mai. Le numéro du 8 mai consacre sa une au premier épisode de la révolte étudiante (…)

« Depuis le 6 mai, le transistor est devenu le cordon ombilical qui relie la France à sa révolution. La télévision, muselée ou presque, a pour l’instant renversé le régime de l’image. Le pouvoir est à la parole. »3043

Danièle HEYMANN (1933-2019), L’Express, juin 1968. L’Express, L’Aventure du vrai (1979), préface de Jean François Revel

Tous les Français qui ont vécu « les événements » heure par heure, y compris la nuit, l’oreille collée au transistor, savent à quel point la radio reprend ses droits, quand l’actualité se déchaîne ainsi.

Sous les pavés, la plage.
L’aboutissement de toute pensée, c’est le pavé.3044

Slogans de la nuit du 10 au 11 mai 1968

Première nuit d’émeute, dite nuit des Barricades : des dizaines se dressent, barrant petites rues et grandes artères du Quartier latin (…)

Le samedi 11, aux aurores et en trois heures de combat, la police vient à bout de la résistance étudiante : centaines de blessés, dégâts matériels considérables. L’opinion bascule du côté des jeunes et juge la police plus sévèrement que les manifestants (…)

Les centrales ouvrières et la FEN (Fédération de l’Éducation nationale, appelée la forteresse enseignante pour son pouvoir) appellent à la grève générale pour le surlendemain, lundi 13 mai.

« J’ai décidé que la Sorbonne serait librement ouverte à partir de lundi. »3045

Georges POMPIDOU (1911-1974), Discours radiodiffusé, samedi 11 mai 1968, 23 heures. L’Élysée en péril (2008), Philippe Alexandre

Le Premier ministre, de retour d’un voyage en Afghanistan, joue la carte de la détente, annonçant aussi la libération prochaine des étudiants arrêtés le 3 mai et condamnés le 5. Il retire la police de la Sorbonne pour que les cours reprennent (…)

Interdit d’interdire.
Celui qui peut attribuer un chiffre à un texte est un con.
Quand le dernier des sociologues aura été étranglé avec les tripes du dernier bureaucrate, aurons-nous encore des problèmes ?3046

Slogans du 13 mai 1968

Lundi 13 mai, la Sorbonne rouverte est immédiatement occupée par les étudiants, comme toutes les autres facultés parisiennes. On multiplie les assemblées générales (AG) en forme de parlements informels (…)

Ouvriers, enseignants, étudiants solidaires.3047

Inscription sur les bannières, 13 mai 1968

Manifestation digne, imposante, historique, mais sage : 200 000 personnes défilent de la République à Denfert-Rochereau en lançant ce nouveau slogan solidaire. Les dirigeants étudiants prennent parfois le pas sur les leaders syndicaux (…)

« En moins d’une semaine, dans un printemps sans histoire, une tempête fait lever sur Paris les pavés de l’émeute, les mousquetons du pouvoir et les idées de tout le monde. Une partie de la jeunesse française a déclaré sa guerre. Elle l’a déclarée à tous, faute de savoir à qui. »3048

L’Express, 13 mai 1968

Premier résumé des événements, et première question existentielle – dont personne ne pourra vraiment donner la réponse, malgré les flots de commentaires écrits, parlés, pensés à l’infini (…)

Tout pouvoir abuse, le pouvoir absolu abuse absolument.
Ne me libère pas, je m’en charge.
L’alcool tue, prenez du LSD.3049

Slogans à Nanterre, 14 mai 1968

Cependant que le général de Gaulle s’envole pour la Roumanie : il ne veut pas que des querelles internes passent avant ses engagements internationaux. Mais c’est sous-estimer l’importance des événements.

« À travers les étudiants, c’est le problème même de la jeunesse qui est posé, de sa place dans la société, de ses obligations et de ses droits, de son équilibre moral même. »3050

Georges POMPIDOU (1911-1974), Premier ministre, Assemblée nationale, 14 mai 1968. Pompidou (1984), Éric Roussel

Il fut professeur avant de s’engager en politique, il est naturellement plus proche de cette jeunesse, aussi de par son âge. « C’est qu’il ne s’agit pas simplement de réformer l’Université… »

Cependant que des ouvriers se mettent en grève : usines et locaux occupés, directeurs et cadres séquestrés, d’abord à Sud-Aviation (Nantes).

Soyez réalistes, demandez l’impossible.
Aux examens, répondez par des questions.3051

Slogans à Censier (annexe de la Sorbonne), 14 mai 1968

Que répondre à cette logique !? Les professeurs, les politiques, les commentateurs sont dépassés, mais les acteurs et les auteurs de Mai 68 ne le sont pas moins.

« Se retrouver vedette presque du jour au lendemain, ça monte à la tête. Plus moyen d’entrer dans un bistrot sans qu’on attende de vous des paroles historiques […] Des gens, des inconnus vous baisent les mains en vous qualifiant de fils du peuple. C’est étrange, grisant, foncièrement jouissif. Et c’est dur, agressif, effrayant. Je ne savais plus qui j’étais. »3052

Alain GEISMAR (né en 1939), en 1986. Génération, tome I, Les Années de rêve (1987), Hervé Hamon, Patrick Rotman

(…) L’homme au grand porte-voix, sur les photos, n’a pas la même aisance ni le même parcours que Cohn-Bendit. Il a 31 ans. Ingénieur et maître assistant à la faculté des sciences, il restera enseignant. Il comprend les jeunes en révolte, mais il n’est pas né révolutionnaire, et entre dans le mouvement par accident (…)

Quand l’assemblée nationale devient un théâtre bourgeois, tous les théâtres bourgeois doivent devenir des assemblées nationales.3053

Slogan, soir du 15 mai 1968 à l’Odéon-Théâtre de France

La prise de l’Odéon, mise aux voix le 13 mai, fit l’unanimité a Censier. Lieu symbolique, et si près du Quartier latin ! Ce mercredi soir, l’idée jaillit dans un cri : « Occupons l’Odéon. » (…)

Tout est dada.
L’art, c’est de la merde.
Cours, camarade, le vieux monde est derrière toi.3054

Slogans, nuit du 15 mai 1968 à l’Odéon

(…) Malraux, ministre, lui retirera la direction du théâtre : ni l’Odéon ni Barrault ne s’en remettront. Le monde du spectacle est tout entier gagné par la contestation.

Et les ouvriers enchaînent, entre grèves sauvages et grèves officielles, organisées par les syndicats plus ou moins dépassés.

« On peut négocier avec le patronat après une grève, jamais avant. »3055

Eugène DESCAMPS (1922-1990), secrétaire général de la CFDT (Confédération française démocratique du travail). Le Printemps des enragés (1968), Christian Charrière

Dans la nuit du 15 au 16 mai 1968, de jeunes OS se sont barricadés derrière les grilles de l’usine Renault de Cléon, aux portes de Rouen (…)

Les étudiants se précipitent pour fraterniser. Serge July dira en 1986 : « Notre obsession était le lien avec la classe ouvrière. »

Mais les militants syndicalistes récusent cette solidarité et leur ferment les grilles au nez. La radio annonce 70 000 grévistes. Ils seront 300 000 le lendemain 17 mai. La France débraie.

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