Devises d’hier et d’aujourd'hui (de la Révolution à nos jours) | L’Histoire en citations
Édito de la semaine

La devise est une citation brève exprimant une pensée, un sentiment, un mot d’ordre. La plupart des devises historiques françaises sont empruntées à notre Histoire en citations, mais l’ouverture au monde s’impose et d’autres sources existent, à commencer par les dictionnaires, les encyclopédies.

La confusion est parfois possible entre devise et maxime. Si le texte est associé à un blason (emblème d’une famille noble ou d’une collectivité), c’est une devise. Mais n’importe qui, auteur ou tout autre professionnel, peut choisir de se définir en quelques mots. Exemple archétypal, entre génie et mégalomanie : « Ego Hugo  » « Moi Hugo ». Notons que le latin a toujours la cote dans l’histoire, mais en pleine Guerre de Cent Ans, l’Angleterre s’affiche en français : « Honi soit qui mal y pense ».

Quelques devises deviennent proverbes, une authentique promotion : « À cœur vaillant, rien d’impossible », fière devise de l’aventurier Jacques Cœur. Depuis le Moyen Âge, Dieu, la mort, le pouvoir sont des termes récurrents.

À partir du XIXe siècle, les devises individuelles se font plus rares et les devises nationales plus nombreuses avec l’accession à l’indépendance des anciennes colonies et la création de nouveaux États. Notre pays a donné l’exemple…

« Liberté, égalité, fraternité ». Dès la Révolution, la jeune République française proclame sa devise. De nos jours, plus de 150 États ont fait choix d’une devise et la Liberté s’affiche en tête des valeurs nationales, même dans des pays où la démocratie laisse à désirer… Le Viêt Nam, fier de son indépendance en 1954, s’inspire des valeurs historiques chères à la France et aux États-Unis : « Indépendance, Liberté, Bonheur ». Cas très particulier, deux pays quasi-désertiques au sud de l’Afrique invoquent la « Pluie », premier symbole de vie et de prospérité. Autre cas d’une devise valant proverbe et partagée par plusieurs pays, à commencer par la Belgique : « L’Union fait la force ».

Cet édito offre une foule d’autres détails de l’Histoire de France et d’ailleurs. L’ordre chronologique s’impose et la césure entre les deux épisodes se fait à la Révolution, époque charnière entre l’ancien et le nouveau monde.

RÉVOLUTION

« Les grands ne sont grands que parce que nous sommes à genoux : levons-nous ! »1274

Pierre Victurnien VERGNIAUD (1753-1793) et Élisée (de) LOUSTALOT (1762-1790), devise en tête du journal de Louis-Marie Prudhomme, Les Révolutions de Paris (publié de juillet 1789 à février 1794)

Loustalot, avocat et activiste révolutionnaire, est le principal rédacteur du journal jusqu’à sa mort précoce à 28 ans (par maladie) et Vergniaud, devenu célèbre par son éloquence girondine, a repris cette phrase dans un discours de 1792. Ce mot est donc attribué à l’un ou l’autre des deux hommes.

Le journal des Révolutions de Paris, quotidien né le 12 juillet 1789, séduit autant par son extrémisme que par la subtilité de ses analyses politiques. La liberté de la presse est l’un des principes affirmés dans la Déclaration des droits de 1789. La floraison des journaux marque un spectaculaire éveil de la conscience populaire : 42 titres paraissent entre mai et juillet 1789, plus de 250 à la fin de l’année ! Certaines feuilles ont une diffusion confidentielle, mais d’autres arrivent à 200 000 exemplaires – comme l’Ami du peuple, véritable tribune de Marat.

« De l’audace, encore de l’audace »1428

DANTON (1759-1794), Législative, 2 septembre 1792. Discours de Danton, édition critique (1910), André Fribourg

Danton à la tribune est un remarquable orateur, doublé d’un improvisateur de génie quand la patrie est en danger : « Le tocsin qui sonne n’est point un signal d’alarme, c’est la charge contre les ennemis de la patrie. Pour les vaincre, Messieurs, il nous faut de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace, et la France est sauvée. »

La fin du discours est propre à galvaniser le peuple et ses élus : « Danton fut l’action dont Mirabeau avait été la parole », écrit Hugo dans sa dernière fresque révolutionnaire, Quatre-vingt-treize (1874).

L’historien Edgar Quinet, dans la Révolution (tome I, 1865) voit dans l’appel de Danton à l’audace « la devise de tout un peuple ». Pour Auguste Comte et les positivistes, la philosophie encyclopédiste a produit au moins deux héros : « l’un théorique – c’est Condorcet, l’autre pratique – c’est Danton. »

On ne dira jamais assez le pouvoir des mots, quand ils sont mis en situation.

« Liberté, Égalité, Fraternité ou la mort »1516

Devise sur les flammes des drapeaux. Cahier noir (1944), François Mauriac

La nouvelle devise apparaît fin juin 1793, quand les armées de la République font face à la coalition des armées impériales et royales de l’Europe. Un peu plus tard, la devise sera gravée sur les bagues et remplacera la trilogie passée de mode : « La Nation, le Roi, la Loi ».

Elle apparaît aussi sur les murs de la capitale : le maire de la Commune de Paris, Jean-Nicolas Pache, fait peindre cette devise et en province, d’autres villes suivent l’exemple. Mais l’injonction sera abandonnée progressivement avec la fin de la Révolution : elle évoquait plus la Terreur que la République.

CONSULAT ET EMPIRE

« Honneur et Patrie »

Napoléon BONAPARTE (1769-1821), devise de l’ordre national de la Légion d’honneur créé le 19 mai 1802 par le Premier consul

La Légion d’honneur naît le 19 mai 1802 par la volonté de Napoléon Bonaparte, dans un contexte hostile. Dans sa Déclaration au Conseil d’État, 8 mai 1802, il réplique au conseiller d’État Berlier qui réservait aux monarchies les hochets et les rubans, distinctions indignes d’une république : « Les Romains avaient des patriciens, des chevaliers, des citoyens et des esclaves. Ils avaient pour chaque chose des costumes divers, des mœurs différentes. Ils décernaient en récompense toutes sortes de distinctions, des noms qui rappelaient des services, des couronnes murales, le triomphe ! Je défie qu’on me montre une république ancienne ou moderne dans laquelle il n’y ait pas eu de distinctions. On appelle cela des hochets ! Eh bien ! c’est avec des hochets que l’on mène les hommes. »

En vertu de quoi l’ordre de la Légion d’honneur est créé pour récompenser les services militaires et civils. Un décret du 11 juillet 1804 instituera la décoration nationale de la Légion d’honneur. Conseil d’État, Tribunat et Corps législatif n’approuvèrent l’idée du Premier Consul qu’à une faible majorité. Pourtant, l’ordre existe toujours : le président de la République française en est aujourd’hui le grand maître.

Dès 1812, les trois couleurs apparaissent sur nos drapeaux. Napoléon introduit également les inscriptions de batailles et les devises sur nos emblèmes. La devise « honneur et patrie » apparaît sous Louis-Philippe.

« Honneur et Patrie », le nom sera repris par une émission radiophonique de la France libre diffusée par la BBC durant la Seconde Guerre mondiale, et par un mouvement de Résistance créé en 1940 à Angers.

« Dieu protège la France »1735

Devise gravée sur certaines pièces de monnaie française, par décret du 28 mars 1803, 7 germinal an IX

Le napoléon est la nouvelle pièce de monnaie d’or et cette devise apparaît sur la tranche. Remplacée sous la Restauration par le « Domine salvum fac regem » de l’Ancien Régime, rétablie sous Louis-Philippe, abolie par la Commune… et finalement remplacée par les mots « Liberté, Égalité, Fraternité » (loi du 5 janvier 1907).

C’est l’occasion de rappeler que pendant ce siècle, et sans compter le bref épisode des Cent-Jours, la France connaîtra sept régimes politiques. Les devises nationales s’en font logiquement l’écho.

RESTAURATION ET MONARCHIE DE JUILLET

« Union et oubli ».

LOUIS XVIII (1755-1824), sa devise au retour d’exil

Louis XVIII nie la théorie révolutionnaire de la souveraineté nationale, voire de la souveraineté populaire, comme en témoigne cette devise : union des Français, oubli de la Révolution française et de Napoléon. Mais la réalité de son règne est plus nuancée.

Au temps de son exil et pensant à son retour, il répétait cette formule magique à ses yeux : « L’Ancien Régime moins les abus ». Dictionnaire critique de la Révolution française (1992), François Furet, Mona Ozouf. Tel sera son programme de roi restauré.

Plus intelligent que son frère, le futur Charles X, il a compris le vœu de la France profonde et pensante. Ce courant d’opinion est représenté par les « constitutionnels », globalement satisfaits de la Charte (constitution) octroyée le 4 juin 1814. Sur l’échiquier politique, ces centristes seront pris entre deux feux, deux extrêmes : les ultras – plus royalistes que le roi – qui veulent le retour à l’Ancien Régime, et les indépendants ou libéraux, groupe formé de sensibilités différentes, mais qui rejettent tous le drapeau blanc, la prééminence du clergé et de la noblesse.

La Restauration se joue dans ce tripartisme dont hériteront tous les régimes politiques de la France, jusqu’à nos jours et malgré le gaullisme ou le macronisme.

« Votre fils est mon roi »2075

François René de CHATEAUBRIAND (1768-1848) à la duchesse de Berry (mère d’Henri V). Mémoires d’outre-tombe (posthume)

Rappelons la devise des Châteaubriant, grande famille de l’Ancien Régime à laquelle il appartient : « Notre sang teint les bannières de France ». Rappelons aussi son enfance au château de Combourg et son attitude le jour de la prisse de la Bastille dont il est le témoin : « La Révolution m’aurait entraîné, si elle n’eût débuté par des crimes : je vis la première tête portée au bout d’une pique et je reculai. » (Mémoires d’outre-tombe)

Pour Chateaubriand, Louis-Philippe le roi des Français n’est qu’un usurpateur. L’auteur sera poursuivi en cour d’assises pour son Mémoire sur la captivité de la duchesse de Berry (et acquitté en 1833). Il y rappelle le courage de son héroïne, la duchesse débarquée secrètement en France le 30 avril 1832, «  précipitée des délices de la vie dans un abîme d’infortune  », son épopée vendéenne où la duchesse «  a bivouaqué dans les bois, dans les marais […] combattu la nuit […] traversé les rivières à la nage, bravé les balles de l’ennemi, les pièges des espions . Madame votre fils est mon roi ». Et il conclut par cette phrase célèbre devenue la devise des royalistes.

De fait, la duchesse tenta de soulever la Provence, puis la Vendée pour provoquer un restauration légitimiste. Arrêtée le 6 novembre à Nantes, internée au fort de Blaye sous la surveillance du futur maréchal Bugeaud, elle accouche en prison d’une fille, fruit d’un mariage secret : scandale ! La branche légitimiste en est discréditée. À quoi tient l’Histoire, parfois.

« Vivre libres en travaillant ou mourir en combattant »2069

Cri célèbre de l’émeute des canuts, 22 novembre 1831 et devise inscrite sur leur drapeau noir, symbole de l’anarchie. Histoire du mouvement ouvrier, tome I (1948), Édouard Dolléans

Cette fière devise « récupérée » par l’anarchie est quand même un détournement de sens – une récupération, comme l’on disait dans la seconde moitié du XXe siècle. Car la révolte des ouvriers de la soie est d’origine économique et non politique.

Les soyeux (fabricants) ne respectent pas le nouveau tarif des salaires, signé par leurs délégués dont ils contestent le mandat. Commencent alors les « trois glorieuses du prolétariat lyonnais » : grève, puis insurrection. Au matin du 22 novembre, les canuts de la Croix-Rousse descendent sur la ville en criant leur révolte. Ils se retrouvent sans le vouloir maîtres de Lyon vidée de sa garnison qui risquait de pactiser avec les insurgés. Et déterminés quand ils répondent au préfet : « Du travail ou la mort. Nous aimons mieux périr d’une balle que de faim. ».

L’Hôtel de Ville est occupé par les insurgés, mais de nouvelles troupes, commandées par le maréchal Soult et le duc d’Orléans, réoccupent la ville, expulsent 10 000 ouvriers, le 5 décembre 1831. Bilan : 171 morts civils, 170 militaires, 600 arrestations. On destitue le préfet trop bienveillant à l’égard des revendications ouvrières. Le tarif à l’origine de la révolte est proclamé nul et non avenu : échec total de la première grande grève de l’histoire de France. Mais elle fera école, et pas seulement dans le mouvement anarchiste qui ensanglante la fin du XIXe siècle, sous la Troisième République… en Europe et même aux États-Unis.

« L’art pour l’art »

Théophile GAUTIER (1811-1872), Mademoiselle de Maupin, Préface (1835)

« Qu’importe que ce soit un sabre ou un goupillon, ou un parapluie qui nous gouverne ! C’est toujours un bâton. » C’est l’exception à la règle de l’engagement politique, social et moral des Hugo, Lamartine et George Sand, Michelet et Tocqueville. Contre les « Jeunes-France » romantiques, Théophile Gautier, ce « parfait magicien des lettres françaises » (selon Baudelaire) affirme la doctrine de « l’art pour l’art » dans la préface de Mademoiselle de Maupin.

Faut-il parler de slogan, de maxime ou de devise ? Les (poètes) Parnassiens en feront même une « école », avec Leconte de Lisle en tête de fil : la perfection formelle prime alors sur le sens au point que leurs œuvres peuvent paraître élitistes ou hermétiques.

Mais l’attitude de Théophile Gautier est elle-même une réaction à la politisation extrême de la vie artistique – voir la peinture de Delacroix, la Liberté guidant le peuple réalisée en 1830 et inspirée de la révolution des Trois Glorieuses. « À quoi bon la musique ? à quoi bon la peinture ? Qui aurait la folie de préférer Mozart à M. Carrel, et Michel-Ange à l’inventeur de la moutarde blanche ? Il n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien ; tout ce qui est utile est laid. Je préfère à certain vase qui me sert un vase chinois, semé de dragons et de mandarins, qui ne me sert pas du tout. »

« Je suis briseur d’obstacles »

Honoré de BALZAC (1799-1850), sa devise

Balzac avait commandé en 1834 au joaillier Lecointe « la plus belle canne de Paris » : c’est la canne aux turquoises de Balzac ». Sur le pommeau en cornaline,  il fit graver une devise en turc : « Je suis briseur d’obstacles » (Taine, historien et philosophe).

Comme presque tous les génies de son temps, Balzac fut tenté par la politique. Mais il se désengage bientôt : « Tous ces prétendus hommes politiques sont les pions, les cavaliers, les tours ou les fous d’une partie d’échecs qui se jouera tant qu’un hasard ne renversera pas le damier. » Monographie de la presse parisienne (1842).

Les obstacles à briser, ce sont ceux qui font obstacle à sa carrière – jeune provincial désargenté, bientôt dévoré par sa passion d’écrire et faisant faillite dans toutes ses entreprises (imprimerie, édition). C’est plus que tout un prodigieux observateur des mœurs, doublé d’un « visionnaire passionné » (selon Baudelaire). Les quelque 90 romans de sa Comédie humaine ont d’abord pour titre Études sociales : les jeux politiques de la nouvelle monarchie installée dans l’histoire entre deux révolutions y sont croqués sans indulgence et le personnage de Rastignac entre dans la galerie des grands classiques. Adolphe Thiers sert de modèle à ce bourgeois avide d’argent et de pouvoir.

« Never complain, never explain » « Ne jamais se plaindre, ne jamais expliquer (ou se justifier) »

VICTORIA, reine du Royaume-Uni (1819-1901), sa devise

Après la mort sans héritier légitime des trois frères aînés de son père, elle monte sur le trône à 18 ans et règnera plus de soixante ans. Le Royaume-Uni était une monarchie constitutionnelle donnant peu de pouvoir politique au souverain depuis la révolution de 1642-1651. En privé, Victoria influença pourtant les politiques gouvernementales et les nominations ministérielles. En public, elle devint une icône nationale, assimilée aux normes strictes de la morale de l’époque.

« Never complain, never explain » : elle donne en 1851 ce conseil au futur Édouard VII âgé de 10 ans et qui restera prince de Galles pendant près de 60 ans. Cette devise so british est également attribuée à son arrière-arrière-arrière-petite-fille Élisabeth II, ainsi qu’au Premier ministre britannique Benjamin Disraeli (1804-1881) et à Winston Churchill.

« Ense et aratro » « Par l’épée et par la charrue »2107

Thomas Robert BUGEAUD (1784-1849), devise du maréchal, nommé gouverneur de l’Algérie en 1840. Ismayl Urbain : une autre conquête de l’Algérie (2001), Michel Levallois

Le sens de sa devise est clair : on sert son pays en temps de guerre par les armes, en temps de paix par les travaux de l’agriculture. Bugeaud est le premier des officiers coloniaux à mener de front les opérations de sécurité et les travaux de colonisation : défrichements, routes, concessions de terre pour attirer de nouveaux colons, etc.

Le général posa ses conditions pour accepter d’être gouverneur de l’Algérie : « Cent mille hommes et cent millions pendant sept ans ! » Louis-Philippe céda. Bugeaud est nommé gouverneur, le 29 décembre 1840. Partisan de la guerre acharnée, dix ans après la prise d’Alger, Bugeaud fait la conquête de l’Algérie et y gagne son bâton de maréchal, en 1843.

« Cet homme illustre appliqua pendant plus de six années son génie à justifier sa noble devise : Ense et aratro. Il écrasa la grande insurrection excitée par Abd-el-Kader, vainquit le Maroc à Isly, attira des colons européens, fonda des villages, ouvrit des routes et poussa vivement la colonie dans la voie du progrès agricole. » (Colonel de Gondrecourt)

Le personnage fut popularisé par la chanson : « As-tu vu la casquette, la casquette, / As-tu vu la casquette au père Bugeaud ? / Elle est faite la casquette, la casquette, / Elle est faite avec du poil de chameau. » C’est en fait un chant militaire de l’Armée d’Afrique écrit en 1846, adopté par les Zouaves et qui servit d’indicatif aux informations de Radio Alger.

L’histoire de la colonisation est naturellement revue et corrigée ! Mais il ne faut pas oublier que Victor Hugo, contemporain de toutes les aventures coloniales de la France.et grand humaniste partageait la vision de la « mission civilisatrice » de la Franc – voir son « discours sur l’Afrique » de 1879. Et le jeune Jaurès fut lui-même colonialiste, par ignorance des drames et des crimes contre l’humanité résultant de cette politique.

« Tous pour un, un pour tous, c’est notre devise »,

Alexandre DUMAS (1802-1870) Parole de d’Artagnan, quatrième mousquetaire. Les Trois Mousquetaires (1844)

Les Trois Mousquetaires est le plus célèbre des romans de Dumas, publié en feuilleton dans Le Siècle de mars à juillet 1844, édité en volume la même année aux éditions Baudry et réédité en 1846.

Ce roman de cape et d’épée dit historique accumule un nombre d’erreurs factuelles dont l’auteur est coutumier, l’essentiel étant le résultat : une œuvre populaire et géniale, toujours lue et maintes fois adaptée à l’écran. Mais Dumas avait tendance à ne pas reconnaître le travail d’auteur de ses collaborateurs, à commencer par Auguste Maquet qui avait eu l’idée de ce roman et beaucoup œuvré à la rédaction – d’où procès.

La devise exprime l’esprit de solidarité des trois mousquetaires (Athos, Porthos, Aramis) qui sont quatre, avec d’Artagnan. Elle est souvent mal citée : « Un pour tous, tous pour un » … et devient alors la vraie devise de la Confédération suisse – histoire à suivre.

 

DEUXIÈME ET TROISIÈME RÉPUBLIQUES

« Haine vigoureuse de l’anarchie, tendre et profond amour du peuple »2178

Victor HUGO (1802-1885), devise de L’Événement, juillet 1848-septembre 1851

La formule est empruntée à l’un de ses discours électoraux de mai 1848. Le poète qui a renoncé au théâtre (après l’échec des Burgraves) entre sur la scène politique. Élu par la bourgeoisie, le 4 juin, favorable à la fermeture des Ateliers nationaux, et partisan résolu de la répression des journées insurrectionnelles, Hugo demeure pourtant profondément libéral. Tout en refusant le socialisme, il va s’opposer au gouvernement Cavaignac qui, avec le parti de l’Ordre, menace la liberté de la presse et multiplie les mesures répressives.

Dans son journal, créé avec l’aide de son ami Émile de Girardin, grand patron de presse, il dicte ou écrit la plupart des articles, même s’il ne signe pas. Il a deux buts précis et corollaires : promouvoir sa propre candidature à la présidence de la République et défendre le suffrage universel pour cette élection à venir. Mais dès le mois d’octobre, influencé par Girardin, il renonce à se présenter, mettant L’Événement au service du prince Louis-Napoléon qui lui apparaît comme la solution au drame du pays. D’où sa déception et sa fureur quand se dévoilera l’ambition impériale de « Napoléon le Petit », alias Napoléon III.

« Ego Hugo »

Victor HUGO (1802-1885)

Sa devise traduit son orgueil légendaire (sa mégalomanie, selon ses détracteurs). Jean Cocteau sans doute jaloux de son illustre confrère a même écrit :  « Victor Hugo était un fou qui se croyait Victor Hugo. »

Troisième sur le podium de l’Histoire en citations (après Napoléon et de Gaulle), l’homme du siècle le plus représentatif de son époque fut également l’historien de son temps (et de la Révolution et de l’Empire), député passant de la droite à la gauche de l’échiquier politique (fait rarissime), exilé volontaire près de vingt ans sous le Second Empire de « Napoléon le Petit » qu’il ne cessa de combattre, pour finir panthéonisé le jour même de sa mort (et même avant, habitant avenue Victor Hugo rebaptisée en son honneur), digne de l’inscription au fronton de l’édifice rouvert pour accueillir ses cendres… C’est l’occasion de rappeler l’histoire mouvementée d’une célèbre devise.

« Aux grands hommes, la Patrie reconnaissante »2480

Devise inscrite au fronton du Panthéon – et définitive depuis le 28 mai 1885

Victor Hugo meurt le 22 mai 1885. Paris lui fait des funérailles nationales, avec un cortège qui va de l’Arc de Triomphe au Panthéon, monument voué au souvenir des grands hommes.

Ce vaste sanctuaire, à l’origine église Sainte-Geneviève édifiée par Soufflot, est transformé en Panthéon destiné à recevoir les cendres des grands hommes sous la Révolution (1791). Mirabeau, Voltaire et Rousseau en sont les premiers locataires. L’Empire rend le Panthéon au culte dans sa partie supérieure, mais la crypte accueille toujours les grands serviteurs de l’État.

Sous la Restauration, l’église reçoit une nouvelle inscription en latin, hommage à sainte Geneviève, Louis XVI et Louis XVIII réunis. Sous la Monarchie de Juillet, le Panthéon redevient Panthéon et l’inscription reparaît, pour disparaître de nouveau à la fin de la Deuxième République, quand le bâtiment redevient église.

Le Panthéon devient définitivement Panthéon le 28 mai 1885, juste à temps pour recevoir les cendres du grand poète français.

 « J’y suis, j’y reste »2264

MAC-MAHON (1808-1893), au fort de Malakoff, surplombant la citadelle de Sébastopol, 8 septembre 1855. Le Maréchal de Mac-Mahon, duc de Magenta (1960), Jacques Silvestre de Sacy

Mot attribué au général qui a fini par prendre le fort de Malakoff et ne veut pas le rendre, alors que les Russes annoncent qu’ils vont le faire sauter. Le siège de Sébastopol durait depuis 350 jours, quand Mac-Mahon prend la tête des colonnes d’assaut et part à l’attaque, entouré de ses zouaves.
Le commandant de l’armée de Crimée, Pélissier, va y gagner son bâton de maréchal, le titre de duc de Malakoff, sa place au Sénat, une pension annuelle de 100 000 francs, et d’autres honneurs. Mac-Mahon, pour ce mot et ce fait de guerre, entre dans l’histoire – il aura d’autres occasions de se manifester, comme président de la République sous le prochain régime. « J’y suis j’y reste » deviendra le titre d’une chanson politique de Paul Avenel (1873) dénonçant alors son obstination toujours militaire à se maintenir en place ! Avant d’être forcé à la soumission, puis à la démission en 1879, suite aux élections républicaines conformes à la constitution de la Troisième République.

« L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes »2289

Devise de l’Association internationale des travailleurs,1864. Histoire de la France : les temps nouveaux, de 1852 à nos jours (1972), Georges Duby

L’Association internationale des travailleurs (AIT) est la première Internationale, créée le 28 septembre 1864 par des militants français et anglais : « une grande âme dans un petit corps ». Elle tiendra congrès chaque année, de plus en plus hostile aux états bourgeois.

« Le travail vient à bout de tous les obstacles » « Labor improbus omnia vincit » ou « Labor omnia vincit »

Adolphe THIERS (1797-1877), sa devise

Entré en politique lors des « Trois Glorieuses » et dans le camp des révolutionnaires qui renversent Charles X en juillet 1830, Thiers fut plusieurs fois ministre sous la Monarchie de Juillet. Dans l’opposition républicaine sous le Second Empire, il se fait remarquer pour sa défense des libertés, puis son hostilité à la guerre franco-allemande.

1871 : l’année de tous les pouvoirs pour cet homme de 74 ans, élu député par vingt-six départements à la fois et devenu « chef du pouvoir exécutif de la République », le 17 février. Lourde tâche, dans une France vaincue et déchirée : « Pacifier, réorganiser, relever le crédit, ranimer le travail, voilà la seule politique possible et même concevable en ce moment » dit-il en présentant son ministère et son programme à l’Assemblée, Bordeaux, 19 février 1871.

Son nom reste surtout attaché à la répression de la Commune en mai 1871 : un « travail » impossible et malgré tout accompli au prix de 20 000 à 35 000 morts (selon les sources) : les Français de l’époque lui en sauront gré très majoritairement, mais l’Histoire ne lui pardonnera pas.

« Patriam dilexit - Veritatem coluit »  « Il a chéri sa patrie, et vénéré la vérité »

Devise inscrite en lettres d’or sur la chapelle funéraire inaugurée le 3 septembre 1887 au Père-Lachaise, pour le dixième anniversaire de la mort de Thiers

Monument de style renaissance, aussi imposant que coûteux (plus d’un million de francs), voulu par sa famille, financé grâce à une souscription nationale et des fonds publics.

« Ni Dieu ni maître »2408

Auguste BLANQUI (1805-1881), titre de son journal créé en 1877, devenu la devise des anarchistes

Entré en politique il y a juste un demi-siècle (sous la Restauration), arrêté en 1871, condamné à mort et amnistié, cet infatigable socialiste reprend son activité révolutionnaire à 72 ans. Son « Ni Dieu ni maître » deviendra la devise des anarchistes qui troubleront la Troisième République pendant un quart de siècle.

Ils emprunteront aussi aux canut lyonnais leur devise de 1831 : « Vivre libres en travaillant ou mourir en combattant » et à l’anarchiste russe Kropotkine son « Prenez ce qu’il vous faut. »

« Nulla dies sine linea » « Pas de jour sans une seule ligne »;

Émile ZOLA (1840-1902), sa devise

La citation est empruntée à l’historien latin Pline l’Ancien : il pensait au peintre grec Apelle qui ne passait pas une journée sans tracer au moins une ligne. L’artiste Paul Klee en fera sa devise, sorte d’« incitation à s’exercer chaque jour au dessin » et ses dernières années seront les plus productives – point commun à nombre de peintres. Jean-Paul Sartre citera l’expression dans Les Mots : « J’écris toujours. Que faire d’autre ? Nulla dies sine linea. C’est mon habitude et puis c’est mon métier. »

Quant à Zola, romancier le plus populaire du XIXe après Balzac et Hugo, il est connu pour sa force de travail et sa régularité, résumées par cette devise qu’il a fait peindre sur la cheminée de son cabinet de travail à Médan, dans cette maison de campagne acquise en 1878 grâce au succès de l’Assommoir et qu’il ne cessera d’embellir.

« Nulla dies sine linea » :  sa vie obéit pendant plus de trente ans à un strict emploi du temps (hormis le journalisme qui le détourne de son œuvre et l’Affaire Dreyfus qui l’accapare, le contraint à l’exil, mais contribue à sa gloire dans le monde). Il se lève à sept heures, prend une rapide collation, se promène une demi-heure en bord de Seine avec Pinpin son chien, enchaîne sa première séance de travail de quatre heures et produit cinq pages. L’après-midi est consacré à la lecture et à la correspondance, aux rendez-vous de Medan avec ses amis et confrères. Sa vie privée se partage tant bien que mal entre sa femme et sa maîtresse. Plus âgé, il consacrera du temps à ses enfants dans l’après-midi, prolongeant ses activités le soir et la nuit. Au total, des millions de lignes et 101 titres de romans, dont quelques « long-sellers ».

« Prenez ce qu’il vous faut »2409

Prince KROPOTKINE (1842-1921), devise anarchiste. La Conquête du pain (1892), Pierre Kropotkine

Officier, explorateur, savant, ce prince russe adhéra au mouvement révolutionnaire né dans son pays. Arrêté, évadé, il fonde en Suisse une société secrète à tendance anarchiste. Expulsé, il vient en France où il aura aussi des ennuis avec la justice. Son influence est grande sur les divers mouvements anarchistes qui essaiment en Europe.

En France, les attentats se multiplient surtout de 1892 à 1894 (Ravachol, Émile Henry, Caserio qui assassine le président Sadi Carnot). L’anarchie a diverses causes : souvenir de la Commune de Paris, hostilité envers les partis politique de gauche, haine et mépris pour la bourgeoisie affairiste. Aux militants inquiets de la faible portée des actes terroristes, Kropotkine répondait : « Un édifice fondé sur des siècles d’histoire ne se détruit pas avec quelques kilos d’explosifs. »

La flambée anarchiste qui frappe la France, inspirée de Proudhon et Bakounine en rupture de socialisme, va parcourir l’Europe, tuer l’impératrice Élisabeth d’Autriche (célèbre Sissi), le roi d’Italie Humbert Ier et franchir l’Atlantique, pour atteindre le 25e président des États-Unis d’Amérique, William McKinley. Le terrorisme est une force de frappe récurrente, et le monde occidental devra affronter le terrorisme rouge dans les années 1970, le terrorisme islamique au début du XXIe siècle.

« Citius, altius, fortius » « Plus vite, plus haut, plus fort »

Ambitieuse devise du Mouvement olympique, 1896

L’histoire des Jeux remonte à l’Antiquité grecque, il y a quelque 3 000 ans. Des concours sportifs organisés à Olympie avaient lieu tous les quatre ans et prirent le nom de Jeux Olympiques depuis 776 av. J.-C. (date souvent citée dans les sources écrites). Les raisons exactes de la naissance des Jeux restent aujourd’hui inconnues, l’histoire se mêlant à la mythologie pour mieux entretenir la légende sportive.

La période de quatre années qui séparent les éditions de ces Jeux Antiques était nommée « Olympiade » et servait à l’époque de système de datation : le temps ne se comptait pas en années, mais en Olympiades. C’est dire l’importance du sport !

En 1894, Pierre de Coubertin annonça son projet de rénovation des Jeux Olympiques. La célébration des premiers Jeux de l’ère moderne se tient deux ans après à Athènes, un retour aux sources de l’Antiquité.

« Mens fervida in corpore lacertoso » « Un esprit ardent dans un corps musclé »

Devise du baron Pierre de COUBERTIN (1863-1937), Revue olympique n°67 (juillet 1911)

Le créateur des JO, aidé du latiniste Anatole Morlet, s’est inspiré plus ou moins adroitement du «  Mens sana in corpore sano  », « un esprit sains dans un corps sain », citation de la dixième Satire de Juvénal. Cette variante est parfois reprise : timbre est-allemand commémorant les 20 ans du Comité national olympique de la République démocratique allemande en 1971.

La devise originale a quand même plus de succès que la copie : partagée par plusieurs organismes sportifs ou académiques, elle est même reprise comme slogan par l’équipementier sportif ASICS sous la forme « Anima Sana In Corpore Sano », « une âme saine dans un corps sain ».

« Qui vive ? La France ! »2475

Paul DÉROULÉDE (1846-1914), devise et mot d’ordre de la Ligue des patriotes. M. Paul Déroulède et sa Ligue des patriotes (1889), Henri Canu, Georges Buisson

La Ligue est fondée le 18 mai 1882. Déroulède, volontaire de la guerre franco-allemande de 1870-1871, incarne un patriotisme nationaliste et revanchard qui va faire beaucoup de bruit et déchaîner pas mal de fureurs, jusqu’à la prochaine guerre (mondiale).

Mais l’homme vaut mieux que la réputation qui lui est faite. Poète, auteur dramatique, romancier, il mène une double carrière littéraire et politique, incarnant la Revanche reine de France et réclamant le retour de l’Alsace-Lorraine, une obsession la majorité des Français et des partis, sous la Troisième République.

Souffrant de la caricature qu’on fait de lui même de son vivant, il confiera aux frères (Jérôme et Jean) Tharaud : « Je sais bien ce qu’on me reproche. On dit de moi : Déroulède c’est un exalté ou un simple. Je ne suis ni l’un ni l’autre ; je ne suis ni fou ni sot. Si ma carrière peut sembler déraisonnable, la faute n’en est pas à moi, ou plutôt la faute en est au caractère d’une existence qui a toujours été en mouvement. Et rien ne donne si naturellement l’idée du désordre et de la complication que l’action au jour le jour. En réalité, rien n’est plus simple, plus logique, plus sage que ma vie. Oui, j’ai voulu la guerre, la revanche. Mais avant de l’entreprendre, j’ai voulu que nous fussions prêts. »

« Liberté, Égalité, Fraternité »2545

Devise et slogan républicain, 14 juillet 1880

Cette trilogie républicaine vient de loin. Sous la Révolution, Momoro qui se prétend l’auteur obtient du maire de Paris son inscription sur les édifices publics et les murs de la capitale. Sous le Consulat de Bonaparte, la devise sur des pièces de monnaie française est inscrite par décret du 28 mars 1803, mais remplacée sous la Restauration par l’inscription de l’Ancien Régime « Domine salvum fac regem » (« Seigneur, sauve le roi »).

Elle reparaît sur mêmes murs au lendemain de la révolution de février 1848 et s’inscrit dans la nouvelle Constitution du 12 novembre 1848. Dans la « sainte devise de nos pères » (formule de Pierre Leroux, socialiste, élu député républicain à la Constituante), la petite dernière, parente pauvre, profite du progrès des idées socialistes. La fraternité a enfin ses chances. Mais le reflux contre-révolutionnaire viendra vite, avant même le Second Empire.

Elle finit par s’imposer sous la Troisième République, malgré quelques résistances, y compris au sein des Républicains : la solidarité est parfois préférée à l’égalité qui implique un nivellement social et la connotation religieuse de la fraternité ne fait pas l’unanimité.  La devise est quand même inscrite sur le fronton des édifices publics le 14 juillet 1880.

Inscrite dans les constitutions de 1946 (Quatrième République) et 1958 (Cinquième République), la devise républicaine fait aujourd’hui partie intégrante de notre patrimoine national et paraît même « intouchable ».

« Un pour tous, tous pour un » « Einer für alle, alle für einen » (en allemand) « Uno per tutti, tutti per uno » (en italien) « In per tuts, tuts per in » (en romanche, « Unus pro omnibus, omnes pro uno » (en latin)

Devise de la Confédération suisse, évoquant la solidarité entre les Cantons suisses en quatre langues (dont le romanche)

La Confédération est née en 1291 avec le Pacte fédéral, le plus vieux document écrit connu parlant du renouvellement d’une précédente alliance entre des cantons suisses. Ces cantons confirment en 1315 leur alliance par le pacte de Brunnen, conclu après la bataille de Morgarten, qu’ils remportent contre Léopold Ier d’Autriche. Le XVe siècle est parsemé de conquêtes. Ce n’est cependant qu’après la guerre de Trente Ans, lors de la signature des traités de Westphalie en 1648, que l’existence de la Confédération suisse est officiellement et définitivement reconnue.

La Suisse n’a pas de devise officielle définie dans sa constitution, mais ce slogan commence à se répandre au XIXe siècle.  Des pluies diluviennes ont causé de nombreuses inondations dans les Alpes à l’automne 1868 et les autorités lancent une  campagne d’aide pour encourager un sentiment de solidarité et d’unité nationale au sein de la jeune nation, la Suisse étant devenue un État fédéral vingt ans avant.

Cette phrase fut dès lors associée aux mythes fondateurs de la Suisse, souvent centrés sur le thème de la solidarité, En commémorant la révision de la Constitution de la Suisse le 19 avril 1874, la devise est inscrite (en allemand) sur le socle de la statue. En 1902, quand le palais fédéral fut construit, la phrase latine Unus pro omnibus, omnes pro uno fut inscrite dans la coupole du palais.

Depuis lors, cette locution est considérée comme étant la devise du pays. Bien qu’elle ne soit pas largement répandue dans la population, des politiciens de tous partis et de toutes régions la reconnaissent et l’utilisent comme devise du pays.

« A mari usque ad mare » « De la mer à la mer » ou « D’un océan à l’autre »:

Devise nationale du Canada depuis 1906

Référence à la position du pays entre l’Atlantique et le Pacifique, mais aussi expression de fierté nationale. C’est toute une petite histoire dans l’Histoire.

L’expression prend source dans le huitième verset du psaume 72 du livre des Psaumes de la Bible : devise choisie par le pasteur presbytérien George Monro Grant, secrétaire de Sanford Fleming à l’époque de la Confédération canadienne. Grant avait d’ailleurs publié son journal intitulé Ocean to Ocean, le 28 juin 1873.

À son apparition, lors de la création de la Confédération, il s’agit plutôt d’une déclaration d’ambition : le Canada n’est pas suffisamment étendu pour faire de la devise une réalité. Mais en 1906, l’expression acquiert pour la première fois une dimension officielle, gravée sur le pommeau de la masse de l’Assemblée législative, dans la nouvelle province de la Saskatchewan. Le sous-secrétaire d’État Joseph Pope est mis au courant de l’événement et, de toute évidence, la phrase l’impressionne. Le 29 septembre 1921, après avoir examiné la version définitive des armoiries, Pope écrit dans son journal : « Nos armoiries sont très belles… on ne pouvait espérer mieux. La devise « A mari usque ad mare » que j’ai moi-même suggérée me semble tout à fait appropriée. » Dont acte.

« Toujours prêt »

Devise des scouts en 1907

Expression caractéristique des scouts depuis la création du scoutisme par Lord Baden-Powell en 1907, elle est déclinée dans toutes les langues. La plupart des associations membres de l’organisation mondiale du mouvement scout et de l’association mondiale des guides et éclaireuses la partagent, avec des variations de sens plus ou moins importantes.

En français, cette devise est le plus souvent « Toujours prêt ». En Angleterre, la traduction est Be Prepared, pouvant être abrégé en BP, soit les initiales de Baden-Powell.

« Quand même »

Sarah BERNHARDT (1844-1923), sa devise. Ma double vie (1907)

« Ce n’était pas un fait du hasard, mais bien la suite d’un vouloir réfléchi. À l’âge de neuf ans, j’avais choisi cette devise, après un saut formidable au-dessus d’un fossé que personne ne pouvait sauter et auquel mon jeune cousin m’avait défiée; je m’étais abîmé la figure, cassé un poignet, endolori le corps. Et pendant qu’on me transportait, je m’écriais, rageuse : « Si, si, je recommencerai, quand même, si on me défie encore ! Et je ferai toute ma vie ce que je veux faire ! »

Recenser les défis relevés par la première star mondiale du théâtre et les handicaps dont elle a triomphé tout au long de sa vie est une manière d’approcher le personnage au fil de sa carrière exceptionnelle : née juive dans une France très majoritairement antisémite, « maigre à faire pleurer les oies » (dit-elle) à l’époque où la mode est aux femmes épanouies de Renoir, semi-prostituée pour vivre dans une famille pauvre et aider sa sœur cadette Rosine souvent malade (et morte de tuberculose), incapable de retenir la gifle lancée à une sociétaire de l’Odéon qui l’oblige à quitter la troupe, d’un tempérament lyrique et romantique alors que la mode est au théâtre réaliste et boulevardier, incapable de supporter la solitude et entourée d’ami(e)s plus ou moins artistes et parasites, mariée sur un coup de tête à Damala si mauvais comédien qu’elle en devient la risée de son public, follement dépensière et généreuse, contrainte à d’incessantes tournées eu Europe et au bout du monde pour « remplir la sacoche », obsédée par la mort, dormant dans son cercueil capitonné et recevant ainsi ses admirateurs au risque du ridicule, prête à tout pour la « réclame », créant l’Aiglon écrit pour elle par le jeune poète qu’elle s’obstine à jouer et triomphant à 50 ans, bedonnante en travesti dans la peau du héros phtisique de 19 ans … elle finira amputée d’une jambe, mais non appareillée, « Mère La Chaise » portée à bout de bras, continuant de jouer sur scène, prenant encore le paquebot en 1917 pour haranguer les jeunes Américains et leur demander de s’engager pour porter secours à la France occupée…

Toute sa longue vie fut une suite de défis au destin, illustrant sa devise d’enfance !

« Ma devise - sans limites »

Isadora DUNCAN (1877-1927), Isadora Duncan, Roman d’une vie (1987), Maurice Lever

Au nom de quoi cette idéaliste fait le projet de révolutionner la danse à tout point de vue : technique, spirituel, économique, sociétal ! Au prix de quelques scandales dans son pays natal (États-Unis), en Russie (où elle rencontre et épouse aussitôt le poète révolutionnaire Essénine, encore plus « fou » qu’elle), en France (où elle fait école, non sans mal). L’Allemagne sera la plus accueillante aux « Isadorables », ses élèves qui dansent avec elle, toujours pieds nus, drapées de longs voiles, libérées de toutes les contraintes du ballet classique.

Son pouvoir est aussi grand que sa foi, mais sa force a naturellement des limites, le monde réel est têtu et la tragédie contrarie tôt ou tard tous les destins. Elle meurt à 50 ans (à Nice, étranglée par le long foulard qu’elle portait pris dans les rayons de la roue d’une Amilcar GS). Ses derniers mots : « Adieu, mes amis. Je vais à la gloire » Vœu exaucé. Elle reste célèbre dans le monde étroit de la danse moderne.

« Honneur et Fidélité »

Devise de la Légion étrangère dans les Forces armées françaises inscrite sur ses drapeaux à partir de 1920, en lieu et place d’« Honneur et Patrie » sur les drapeaux de la République française

Cette devise était inscrite sur les bannières des unités suisses, notamment du régiment de Diesbach au service de France (85e régiment d’infanterie de ligne). Le 3e régiment étranger (avant la création de la Légion étrangère), pendant tous les combats de l’Empire, demeura fidèle à la devise des troupes suisses Honneur et Fidélité.

QUATRIÈME ET CINQUIÈME RÉPUBLIQUES

« Rendre la culture au peuple et le peuple à la culture »2855

Devise de l’association Peuple et Culture. Manifeste de « Peuple et Culture » (1945)

Grande et généreuse ambition des fondateurs de ce mouvement, héritiers des valeurs du siècle des Lumières et de la République française, qui ont presque tous participé au Front populaire de 1936 et à la Résistance.

Remarquons à l’époque l’importance politique et sociale et le sens réel du mot Culture.

« Victoria concordia crescit » ou « La victoire grandit par l’unité »

Club d’Arsenal, Londres, devise en 1949, avec le premier écusson VCC ‹Victoria Concordia Crescit’

La chose semble évidente dans un sport d’équipe, mais cette vérité est toujours bonne à rappeler…

L’Arsenal Football Club est fondé le 1er décembre 1886 à Londres, son siège situé dans le faubourg londonien d’Islington, au nord de la capitale britannique.

Arsenal participe au championnat d’Angleterre de football depuis 1919 : il a remporté treize éditions - troisième club le plus titré d’Angleterre - et quatorze coupes d’Angleterre - un record devant les 12 de Manchester United.

« Indépendance, Liberté, Bonheur »

Devise nationale du Viêt Nam (République socialiste), indépendance depuis les accords de Genève (1954)

Ces principes sont cités dans la deuxième phrase du préambule de la Constitution du pays371. C’est la devise nationale qui apparait notamment en haut de tous les documents officiels, au côté du nom de la République Socialiste du Viêt Nam372. Elle prend son origine dans la déclaration d’indépendance de la République démocratique du Viêt Nam prononcée par Hô Chi Minh en 1945, et dans laquelle les idéaux de liberté et de bonheur sont notamment illustrés par des citations de la Déclaration d’indépendance des États-Unis et de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

« In God We Trust »  « En Dieu nous croyons » ou « Nous avons foi en Dieu »

Devise nationale officielle des États-Unis d’Amérique, loi votée par le Congrès en 1956

La devise figure aujourd’hui sur tous les billets et toutes les pièces de monnaie américaines. Elle remplace la devise « E Pluribus Unum » « De plusieurs, un », devise de facto apparue sur le Grand sceau des États-Unis, emblème usuel du pays, et toujours employé.

Il semble que la montée du sentiment religieux, qui aboutit au choix d’une telle devise, prenne son origine dans le traumatisme de la Guerre de Sécession. À cette époque, le secrétaire du Trésor Salmon P. Chase reçut un grand nombre de lettres de personnes très pieuses réclamant que le nom de Dieu figure sur les monnaies de l’Union. Il écrit à son tour en 1861 à James Pollock, directeur de l’United States Mint à Philadelphie (qui frappe les monnaies) pour lui demander de trouver une devise pieuse à apposer aux pièces de monnaie américaines. C’est Chase qui trouvera la phrase définitive : In God we trust. Elle apparaît (et disparaît) sur les pièces de monnaie, avant d’être imposée sur tous les billets et les pièces à partir de 1956.

« Culture et courage »

André MALRAUX (1901-1976), Discours prononcé le 28 mai 1959 à Athènes. Site de l’Assemblée nationale

Un grand discours à la Malraux, ministre de la Culture portant la parole de la France et du général de Gaulle, président de la République : « Aux délégués qui me demandaient ce que pourrait être la devise de la jeunesse française, j’ai répondu ‘Culture et courage’. Puisse-t-elle devenir notre devise commune - car je la tiens de vous. »

« Savoir vouloir, c’est pouvoir »
« Je décide de faire mieux encore et toujours »

Marie MARVINGT (1875-1963)

Deux devises pour une seule femme qui mourut à 88 ans, pauvre et quasiment inconnue, à une époque où le sport féminin n’intéressait pas les foules, surtout dans ses disciplines préférées : le vélo, le ski et le patinage, l’aviation.

Sportive née en même temps que femme de cœur et de tous les courages, elle pousse jusqu’aux limites du possible sans cesse repoussées, avec ses 34 médailles et décorations (record inégale pour une Française). Décrite comme la « première sportswoman du monde », elle reçoit la grande médaille d’or de l’Académie des sports en 1910 : c’est la première et dernière fois que l’Académie distribue un prix « toutes disciplines ». Elle multiplie les accidents sans jamais se décourager, ne fait jamais rien pour l’argent, animée par le seul désir de repousser les limites. Elle vivra de ses quelque 3 000 conférences et de son travail de journaliste.

« Pula ! » « Bring on the rain » « Que tombe la pluie ! »

Devise du Botswana depuis 1966

C’est un pays d’Afrique australe sans accès à la mer, entouré de l’Afrique du Sud au sud et sud-est, de la Namibie à l’ouest, de la Zambie au nord et du Zimbabwe au nord-est. Protectorat britannique autrefois appelé Bechuanaland, le Botswana adopta son nom après son indépendance à l’intérieur du Commonwealth, le 30 septembre 1966.

Cet État est régulièrement placé au premier rang des pays africains en matière de gouvernance et de transparence, surnommé « le miracle africain », « l’exception du continent » ou encore « la Suisse de l’Afrique »

Mais le Botswana est dominé par le désert du Kalahari, couvrant pratiquement 70 % de sa superficie du pays au sud-ouest. Quant au reste de son territoire, il est notamment constitué d’un ensemble hostile de collines rocailleuses, de marais salants asséchés et de buissons épineux. D’où l’importance vitale de la Pluie !

Même cas politique, géographique et climatique pour le Khotso (Sotho du Sud) dont la devise nationale est « Paix, pluie et prospérité ».

« Virtute et constantia » « Par le courage et la constance »

Devise nationale de Malte

Malte affiche ses couleurs, et plus particulièrement le 21 septembre, jour de fête nationale. Aux portes de l’Europe, Malte devient une république parlementaire en 1974 en se débarrassant des vestiges de l’occupation britannique (Elizabeth II a été remplacée à la tête de l’État par un dirigeant national), dix ans après son indépendance. Il fait partie des derniers États européens où le bipartisme n’est pas mort : Travaillistes (Partit Laburista) et Conservateurs (Partit Nazzjonalista) s’échangent les rênes du pouvoir depuis les années 1950. Bien intégré dans l’espace européen, Malte a notamment opéré ces dernières années une refonte de sa législation envers les minorités sexuelles, en dépit d’une Église très présente dans le champ politique.

« Un rien m’agite, mais rien ne m’ébranle »

Louise WEISS (1893-1983), citée dans Louise Weiss (1999), Célia Bertin

S’est-on assez interrogé sur le mystère de ces mots souvent cités ! La réponse est pourtant simple.

C’est la devise de son auteur, illustrée par le chêne. Cet arbre est particulièrement solide, autrement dit inébranlable, contrairement à la fable de La Fontaine l’opposant au roseau qui plie, mais ne rompt pas. Considéré comme le roi des arbres, le chêne symbolise la puissance et la pérennité : l’arbre le plus grand et le plus majestueux de nos forêts de l’hémisphère nord, sa croissance est lente. Mais son feuillage (aux superbes couleurs automnales) frémit au moindre souffle du vent. Ainsi se définit Louise Weiss.

Morte à 90 ans et encore députée, c’est peu dire qu’elle s’est battue avec constance et fermeté pour les deux grandes causes qui ont donné un sens à sa vie. L’Europe (et la paix à maintenir), le féminisme (et les droits à conquérir). Consciente de la difficulté à atteindre des résultats concrets au-delà des beaux discours, elle s’est toujours insurgée contre une certaine race de militants ou de témoins :  « La tribu des il-n’y-a-qu’à est la plus redoutable. »

« In varietate concordia » « L’union dans la diversité »

Devise de l’Union européenne en 2000

En 1992, le traité de Maastricht crée « l’Union européenne » et marque un tournant politique majeur dans la construction européenne : la citoyenneté européenne est établie, la monnaie unique planifiée, les compétences de l’organisation étendues et réorganisée

En 2000, l› Union européenne a adopté sa devise officielle, référence aux nombreux et divers États membres de l’Union en termes de culture. Outre sa forme anglaise, la devise de l’Union européenne est également officielle dans 23 autres langues. « Unité dans la diversité » a été sélectionné au moyen d’un concours impliquant des étudiants des pays membres. Selon le site officiel de l’Union européenne :

Cela signifie comment les Européens se sont réunis, sous la forme de l› UE, pour travailler pour la paix et la prospérité, tout en étant enrichis par les nombreuses cultures, traditions et langues différentes du continent.

« L’union dans la diversité », devise de l’Union européenne, ressemble étrangement à celle des États-Unis. Comme cette dernière, elle signifie que l’organisation se compose de peuples différents qui collaborent sans oublier leurs spécificités. Comme « e pluribus unum »

« Unity in Diversity » « L’Unité dans la diversité »

Devise nationale de l’Afrique du sud, incorporée dans le préambule de la Constitution de 1996 en tant que principe central

L’Afrique du Sud de l’apartheid célébra ses 20 ans d’indépendance le 31 mai 1981 (après sécession du Commonwealth britannique). Le thème des célébrations était « l’unité dans la diversité ». Les militants anti-apartheid ont alors dénoncé la devise comme une tentative cynique pour expliquer les inégalités dans la vie sud-africaine, appelant les coureurs du Camrades Marathon à protester en portant un brassard noir. Le vainqueur de la course, Bruce Fordyce, portait ce brassard noir.

Le terme a été incorporé en 1996 dans le préambule de la Constitution, comme principe central de l’Afrique du Sud post-apartheid. C’est actuellement la devise nationale.

« Être vue pour être crue » et en VO : « To be seen, to be believed »

ÉLIZABETH II (née en 1926), sa maxime pour définir sa fonction. Marion L’Hour, France Inter, 12 novembre 2021

Avec cette devise officieuse, Sa Majesté donne la clef de son pouvoir : il est indispensable de se montrer en public pour garder la confiance de ses sujets. À défaut de pouvoirs politiques réels, son rôle repose sur la représentation : symbole de la nation, la reine doit se montrer pour s’attirer les faveurs de ses sujets et garantir sa légitimité. En cela se définit la monarchie parlementaire anglaise.

On lui prête aussi la devise de son arrière-arrière-arrière-grand-mère Victoria dont elle a battu le record de longévité royale : « Never complain, never explain ».

« Rassembler pour mieux régner »

Emmanuel MACRON (né en 1977), devise supposée…

… d’un président de la République auquel on prête beaucoup d’intentions et de mots, mais qui se révèle plus discret que prévu au début de son premier mandat. Elle s’inspire a contrario et avec humour du « Divide ut regnes » cher à Louis XI et Catherine de Médicis, faisant eux-mêmes à l’Antiquité grecque (Philippe de Macédoine) et latine (le Sénat romain).

« L’histoire, comme une idiote, mécaniquement se répète » Paul Morand (Fermé la nuit).

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