Femmes historiques : Histoire (presque) contemporaine | L’Histoire en citations
Édito de la semaine

XI.  Histoire (presque) contemporaine.

Revivez toute l’Histoire en citations dans nos Chroniques, livres électroniques qui racontent l’histoire de France de la Gaule à nos jours, en 3 500 citations numérotées, sourcées, replacées dans leur contexte, et signées par près de 1 200 auteurs.

1. Élizabeth II (1926-2022), reine du Royaume-Uni, femme de devoir, de famille et d’humour, ayant survécu à tous les drames nationaux et privés, avant de fêter son jubilé de platine au sommet de sa popularité.

« J’aurais aimé être une dame vivant à la campagne avec beaucoup de chevaux et de chiens. »

ÉLIZABETH II (1926-2022), en 1938. Élizabeth II - La Reine (2018), Jean des Cars

Héritière présomptive de la Couronne britannique depuis l’âge de 10 ans,  elle s’exprime ainsi à 12 ans : son précepteur lui demande ce qu’elle aurait aimé faire si elle n’avait pas été princesse. Sa réponse est déjà révélatrice de sa personnalité. Mais les chevaux et les chiens feront toujours partie de son entourage – c’est même une passion royale.

Autre signe particulier : elle apprend la langue française avec une aristocrate belge : en visite en France, la reine parle  couramment notre langue. Même remarque pour son époux le prince Philip qui a vécu enfant à Saint-Cloud (lors du départ en exil de la famille royale grecque).

« Je déclare devant vous tous que toute ma vie, qu’elle soit longue ou courte, sera consacrée à votre service et au service de notre grande famille impériale à laquelle nous appartenons tous. »

ÉLIZABETH II (1926-2022), serment du Cap, discours radiodiffusé depuis l’Afrique du Sud le 21 avril 1947, le jour de ses 21 ans

Une promesse qu’elle honore toujours. Tout le contraire de sa sœur cadette Margaret surnommée « la princesse rebelle » et de sa progéniture à venir, source d’innombrables problèmes de famille relayés par les médias.

Élizabeth accède au trône à 25 ans, à la mort de son père George VI. Son couronnement est le premier retransmis à la télévision le 2 juin 1953 - un événement en France, pays anglophile depuis le siècle des Lumières et l’Entente cordiale, notre République ayant un goût prononcé pour le feuilleton des familles royales. Elle devient la souveraine impériale de sept États du Commonwealth : Afrique du Sud, Australie, Canada, Ceylan, Nouvelle-Zélande, Pakistan… et Royaume-Uni. Entre 1956 et 1992, le nombre de ses royaumes diminue, certains obtiennent leur indépendance et d’autres deviennent des républiques. En 70 ans de règne, elle verra se succéder quinze Premiers ministres britanniques, de Winston Churchill à Boris Johnson. Cas très particulier de Margaret Thatcher, onze ans au pouvoir, une relation complexe de haine et d’admiration entre ces deux femmes – voir la très populaire série télé The Crown.

« Être vue pour être crue. » et en VO : « To be seen, to be believed. »

ÉLIZABETH II (1926-2022), sa maxime pour définir sa fonction. Marion L’Hour, France Inter, 12 novembre 2021

Avec cette devise officieuse, Sa Majesté donne la clef de son pouvoir : il est indispensable de se montrer en public pour garder la confiance de ses sujets. À défaut de pouvoirs politiques réels, son rôle repose sur la représentation : symbole de la nation, la reine doit se montrer pour s’attirer les faveurs de ses sujets et garantir sa légitimité. En cela se définit la monarchie parlementaire anglaise.

De manière plus anecdotique, elle impose sa présence médiatique et doit y prendre goût. Elle affiche des couleurs vives, des robes à fleurs, des chapeaux reconnaissables entre tous, même de loin !

« Je suis désolée pour ce petit interlude. Mais, comme vous le savez, cela arrive dans tous les couples. »

ÉLIZABETH II (1926-2022). God Save My Queen (2022), Louise Ekland

Après une brève dispute avec le prince Philip lors d’une séance photo en Australie en 1954… elle s’excuse simplement  devant des photographes. Rien de moins protocolaire que cette souveraine qui sait également se plier à tous les devoirs de représentation qui lui incombent : voyages, défilés, réceptions, commémorations, fêtes, anniversaires, enterrements and so on. Un parcours de combattante qu’elle assume bravement.

« Garder les pieds toujours parallèles. Assurez-vous que votre poids soit réparti uniformément. Il n’y a que ça à faire. »

ÉLIZABETH II (1926-2022). Perles d’Elizabeth II et du prince Philip (2020), Frédéric Pouhier, François Jouffa

Conseil entre femmes, donné à Susan l’épouse du nouveau ministre des Affaires étrangères Anthony Crosland en 1976. C’est son secret pour se tenir droite pendant des heures… Plus pratique qu’élégante, cette posture de garde-à-vous se retrouve sur nombre de ses photos – toujours en robe ou en jupe à hauteur des genoux, jamais en pantalon.

« Oh regarde, j’ai mon visage de Miss Piggy ! »

ÉLIZABETH II (1926-2022), regardant avec Philip les images du mariage de Charles et Diana en 1981. God Save My Queen (2022), Louise Ekland

Déjà en 1954, en Australie, regardant les photos de ses rendez-vous  officiels, elle avouait avec le même humour : « C’est terrible. Si je ne souris pas, j’ai un genre de visage à l’air ronchon. Mais je ne suis pas fâchée. Si vous essayez de sourire en permanence pendant deux heures, cela vous donne un tic nerveux. »

Quant à Miss Piggy, née en 1974, c’est l’une des marionnettes vedettes de la série télévisée Muppets. Éprise de Kermit la grenouille, « Piggy la cochonne » est une caricature de diva au caractère exubérant et narcissique, aux colères légendaires. Sa voix française fut assurée par Micheline Dax, Perrette Pradier, Claire Nadeau… Éric Metayer.

« Je préfère mes œufs de Nouvelle-Zélande au petit déjeuner. »

ÉLIZABETH II (1926-2022). Perles d’Elizabeth II et du prince Philip (2020), Frédéric Pouhier, François Jouffa

Sa Majesté ne perd ni son flegme, si son humour so british, après avoir reçu des œufs lors d’un bain de foule à Wellington, Nouvelle-Zélande, en 1986.

« Le feuilleton royal a atteint un tel degré d’intérêt public que la frontière entre fiction et réalité a été perdue de vue… »

Donald TRELFORD (1926-2022), The Observer, 21 septembre 1986

« … Ce n’est pas simplement que certains journaux ne vérifient pas leurs informations ou refusent d’accepter les démentis : ils ne se soucient pas de savoir si ces histoires sont vraies ou non » avoue le rédacteur de cet hebdomadaire dominical. Avec les fake-news et les réseaux sociaux, c’est sans doute pire encore, mais on est habitué… Cela dit, la famille royale va faire la une de la presse (« people » et pas que…), la première rebelle étant son conteste la sœur cadette de la reine.

Margaret (1930-2002) s’est follement éprise de Peter Townsend, group captain (officier supérieur des forces aériennes), mais « roturier », pire que tout divorcé et père de famille - mariage impossible à l’époque. Elle annonce publiquement la rupture en raison de « ses devoirs envers son pays ». Elle va désormais défrayer la chronique, figure de la jet set londonienne et cible des paparazzis. Après plusieurs aventures, elle épouse en 1960 Antony Armstrong-Jones, photographe de métier, anobli et titré à cette occasion : mariage, célébré à l’abbaye de Westminster, considéré comme le premier mariage moderne de la famille royale. De nombreux artistes et chanteurs figurent parmi les invités, cérémonie diffusée en direct à la télévision (une première), suivie par 300 millions de téléspectateurs. En raison des multiples infidélités du comte de Snowdon et d’une infidélité devenue publique de la princesse, le comte et la comtesse divorcent : premier divorce royal depuis Henri VIII et d’Anne de Clèves en 1540… Très malheureuse, Margaret finira très mal – ayant fumé 60 cigarettes et bu plusieurs bouteilles de gin par jour.

« Ces satanés bébés ne sortent pas avant d’être enfin prêts ! »

ÉLIZABETH II (1926-2022) au début du mois d’août 1988. God Save my Queen (2022) Louise Ekland

Sa Majesté s’impatiente en attendant la naissance de la princesse Béatrice, fille du prince Andrew et de son épouse Sarah. La grand-mère royale n’est pas la seule à déplorer ce retard inhabituel, une foule de journalistes piétinent à la porte de la maternité pour faire le premier cliché. Andrew, subjugué, sortira enfin avec sa fille dans les bras, déclarant comme tous les papas : « C’est le plus beau bébé du monde ! » Et rien ne ressemble plus à un bébé emmailloté qu’un autre bébé, royal ou pas.

« Comme toutes les meilleures familles, nous avons notre part d’excentricités, de jeunes impétueux et capricieux et de désaccords familiaux. »

ÉLIZABETH II (1926-2022), Daily Mail en 1989

« Selon une source sûre », la reine tente de se justifier face aux scandales créés par les écarts de conduite de ses enfants. La vie et la mort de Margaret ont donné l’exemple, mais l’époque a changé, les mœurs ont évolué. Les drames seront des faits divers médiatiques. Le seul cas dramatique sera la princesse de Galles Lady Di (1961-1997) - à suivre.

« Ne nous prenons pas trop au sérieux. Aucun d’entre nous n’a le monopole de la sagesse. »

ÉLIZABETH II (1926-2022), message de Noël 1991

En 1991, l’URSS s’effondre définitivement. Le monde tel qu’il existait depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, séparé en deux camps ennemis, est en train de changer. Lors de son traditionnel discours de Noël, la reine prononce ces paroles pleines de sagesse et d’humilité, destinées à son pays. Elle ne gouverne pas, mais elle règne sur le Royaume-Uni et son pouvoir d’influence s’exerce tout particulièrement au niveau diplomatique où elle épaule le gouvernement. Reste que le message de Noël, toujours écrit de sa main, est souvent « inodore et incolore » (Marc Roche, journaliste belge).

« 1992 n’est pas une année dont je me souviendrais avec un plaisir inaltéré. Selon les mots de l’un de mes correspondants les plus sympathiques, elle s’est avérée être une annus horribilis. »

ÉLIZABETH II (1926-2022), sa fameuse formule, discours prononcé le 24 novembre 1992 à Guildhall, Dans la Cité

Cette année, la reine affronta une série de drames personnels. En mars, son fils Andrew annonce son divorce avec Sarah Fergurson. En avril, sa fille Anne divorce à son tour d’avec Mark Phillips. En décembre, le prince Charles se sépare de Lady Diana Spencer – le pire scandale « à suivre ». Pour couronner le tout, le château de Windsor, si cher à son cœur, est victime d’un incendie en novembre. La question du financement des travaux attire les critiques des Britanniques qui ne veulent pas payer la restauration avec leurs impôts, vu la fortune personnelle de leur souveraine.

Le 24 novembre, elle fête vaille que vaille ses 40 ans de règne, lors d’un dîner officiel où elle prononce ce discours resté dans les annales du règne. Son jubilé d’or en 2002 sera pire encore, avec la mort à deux mois d’intervalle de sa sœur cadette Margaret et de sa mère centenaire, Élisabeth (la très populaire Queen Mum).

« Il a, tout simplement, été ma force et mon soutien durant toutes ces années (…) Je lui dois, ainsi que toute ma famille, ce pays et bien d’autres, une dette plus grande qu’il ne la réclamera et que nous ne connaîtrons jamais. »

ÉLIZABETH II (1926-2022) en 1997, fêtant ses noces d’or avec le Prince Philip. God Save My Queen (2022), Louise Ekland

En 1997, le couple royal fête ses 50 ans de mariage. Pour l’occasion, un dîner officiel est organisé par le Lord Maire de Londres. La reine se lève alors et prononce un discours particulièrement personnel. Si secrète d’habitude, elle rend ouvertement hommage à son époux qui a su la soutenir depuis tant d’années face au poids de sa charge.

Au siècle précédent, son arrière-arrière-grand-mère la reine Victoria (second plus long règne du monde, 63 ans, 7 mois et 2 jours) fut également très amoureuse de son prince Albert. Ce fait assez rare mérité d’être signalé, les mariages royaux étant plus souvent des affaires d’État que d’amour.

« Jouez-vous depuis longtemps ? »
« Cela doit maintenant faire 45 ans ! »

ÉLIZABETH II (1926-2022) en 2005, réception à Buckingham Palace

Est-ce de l’humour ou une simple gaffe ? Réputée femme très cultivée et très informée, la reine a dû zapper l’histoire du rock : c’est au Dieu vivant de la guitare Éric Clapton qu’elle pose cette question, lors d’une réception dans sa résidence officielle de Londres.

« Le football est une entreprise difficile et ne sont-ils pas des prima donna ? Mais c’est un jeu merveilleux ! »

ÉLIZABETH II (1926-2022) en 2006, Perles d’Élizabeth II et du prince Philip (2020), Frédéric Pouhier, François Jouffa

Sa Majesté n’a pas manqué d’esprit, ce jour de 2006 où elle anoblit David Richards, président de la Premier League (championnat de football). Son sport privé reste l’équitation qu’elle pratiquait encore à 94 ans.

« Venez regarder ma pelouse, elle est ruinée. »

ÉLIZABETH II (1926-2022) au Premier ministre australien, 4 juin 2019. Gala, 25 août 2019

La remarque fit rire les internautes : la reine invite le Premier ministre australien Scott Morrison à jeter un coup d’œil à sa pelouse, suite à l’arrivée fracassante du président américain au Royaume-Uni, la veille. Avant de venir en France pour les cérémonies du 75e anniversaire du Débarquement en Normandie, Donald Trump et Mélania la Première dame sont en effet arrivés en hélicoptère le 3 juin, pour assister à une cérémonie de bienvenue au palais de Buckingham dans le centre de Londres. Des spectateurs postés devant le palais ont immortalisé la scène avec leurs smartphones.

« Je suis encore en vie, en tout cas ! »

ÉLIZABETH II (1926-2022), quand on lui demande si elle va bien. God Save My Queen (2022), Louise Ekland

En 2014, au lendemain du résultat du référendum sur l’indépendance de l’Écosse (rejetée avec 55,3% de non), le Premier Ministre de l’Irlande du Nord appelle Elizabeth II et lui demande si elle va bien. La réponse est pour le moins inattendue. Mais elle reprendra ensuite la formule.

Sensible aux anniversaires, aux dates et autres commémorations, la nonagénaire adresse un télégramme de vœux à tous ses sujets qui fêtent leur 100e anniversaire et leurs noces de diamant. On dit même que les maîtres des chats « centenaires » (16 ans) y ont aussi droit – même si elle préfère toujours ses corgis (le plus petit des chiens de berger).

2. Diana Spencer, dite Lady Di (1961-1997), princesse de Galles mondialement populaire en « princesse des cœurs » ou « princesse du peuple », engagée dans l’humanitaire, divorcée du prince Charles, harcelée par les paparazzis, morte à Paris à 36 ans.

« Vous étiez la grâce qui intervenait là où des vies étaient déchirées. »

Elton JOHN (né en 1947), le jour des funérailles de Diana, 6 septembre 1997

En hommage à la princesse de Galles, Elton John a saisi le micro pour chanter « Goodbye England’s Rose », version réécrite de son «  Candle in the Wind ». Comme le souhait exprimé dans ses vers, la « rose de l’Angleterre » n’a jamais cessé de pousser dans les cœurs.
L’histoire de Lady Di commença comme un conte de fées, avant  de tourner au mélo médiatisé dans le monde entier, pour finir en drame sous le Pont de l’Alma à Paris.

Choisie pour sa jeunesse, son sang bleu d’altesse royale et son apparente docilité, Diana Spencer n’est pas préparée au rôle qui l’attend et la première rencontre est arrangée, quand la jeune femme, le 30 juillet 1980, assiste à un match de polo avec le prince Charles. Après une dizaine de rencontres et quelques jours avant le mariage, Charles avoue aux proches ses doutes au sujet de cette union avec cette Lady qu’il connaît à peine. Quant à Diana, elle semble prête à renoncer, sûre que Charles lui ment et qu’il est toujours l’amant de Camilla Parker Bowles.

Le 29 juillet 1981, le «  mariage du siècle  » réunit 35 000 invités. Deux millions de curieux se rassemblent sur le passage du carrosse qui mène le couple à la cathédrale Saint-Paul de Londres. La cérémonie est retransmise par les médias et 750 millions de spectateurs voient l’événement en direct. Pour assurer la sécurité, près de 4 000 policiers et 2 000 militaires sont déployés, tandis que les détails les plus glamours sont distillés à l’envi.

Le prince et la princesse de Galles ont rapidement deux enfants, William, né le 21 juin 1982, et Henry (surnommé Harry), né le 15 septembre 1984. Supportant mal les contraintes de la cour et la traque des journalistes qui l’a d’abord flatée, la princesse de Galles souffre d’une dépression après la naissance de son premier fils et de boulimie alternant avec l’anorexie. Elle tente plusieurs fois de se suicider. Ses relations avec la presse deviennent problématiques : qui manipule qui ? Le prince et la princesse de Galles s’adressent aux journaux par le truchement de leurs amis en s’accusant mutuellement d’adultère. Charles renoue clairement avec Camilla, tandis que Diana multiplie les relations adultères.

Vers la fin des années 1980, la princesse de Galles affiche son soutien à des causes humanitaires : ce rôle très médiatisé est le plus sincère et le plus touchant de tous ceux qu’elle jouera jamais.

« Je ne suis pas une figure politique. Le fait est que je suis une figure humanitaire et que je le serai toujours. »

Diana SPENCER, dite LADY DI (1961-1997), V comme Virago (2020), Aude Gogny-Goubert, Adrien Rebaudo

Souvent surnommée la « princesse du peuple », Diana l’icône de la mode et des médias devient une humaniste engagée et une mère attentionnée. Elle brise le protocole royal en abandonnant les gants, estimant qu’une poignée de main couverte de tissu perdait de sa sincérité – un détail entre mille.

Dans le naufrage de sa vie dont elle est largement responsable, elle revendique à juste titre cette implication dans diverses causes humanitaires, notamment le SIDA et les mines antipersonnelles, Elle veut aider les enfants pauvres d’Afrique, se rend sur place et se montre au côté de nombreuses personnalités,  Nelson Mandela, Mère Teresa et le Dalaï-lama.

« Ces enfants doivent ressentir les mêmes choses que les autres enfants. Jouer, rire et pleurer, se faire des amis, profiter des expériences ordinaires de l’enfance. Se sentir aimé, nourri et intégré par le monde dans lequel il vit, sans la stigmatisation que le SIDA continue d’attirer. »

Diana SPENCER, dite LADY DI (1961-1997), Discours sur les femmes et enfants et le SIDA, 8 Septembre 1993

Le 10 avril 1987, sa poignée de main à une personne atteinte du sida fit le tour du monde, à une époque où ces malades sont ostracisés. Elle accepte les contacts physiques avec les séropositifs, à l’encontre des peurs injustifiées sur les modes de transmission, quand aucun membre de la famille royale n’est jamais entré en contact avec les sidaïques. Elle ouvre dès 1989 un centre de soin spécialisé dans le sud de Londres, le Landmarks Aids Centre. Elle déclare alors : «  Le sida ne rend pas les gens dangereux. Vous pouvez serrer leur main, les tenir dans vos bras. Vous pouvez même les accueillir dans vos maisons et leurs lieux de travail.  »

Toutes ses actions de générosité l’occupent, mais rien ne va plus dans son couple, d’où la séparation, le 9 décembre 1992.

La princesse qui n’hésite pas à utiliser les médias et à « déballer » va se livrer comme jamais dans une interview explosive diffusée par la BBC fin 1995. Depuis son salon du palais de Kensington, elle confie tout et règle ses comptes méthodiquement avec son mari, son entourage et la famille royale, en victime et comédienne assumée.

« Je voudrais être une reine dans le cœur des gens, mais je ne me vois pas être reine de ce pays. »

Diana SPENCER, dite LADY DI (1961-1997), Interview de Martin Bashir, BBC Panorama (20 Novembre 1995)

« Je fais les choses différemment, parce que je ne respecte pas les règles, je dirige avec mon cœur et non avec la tête, et même si cela me cause des ennuis dans mon travail, je le comprends. »

Elle n’hésite pas à aborder sa dépression, ses automutilations, sa boulimie, l’infidélité de son mari avec Camilla : « Eh bien, nous étions trois dans ce mariage, donc c’était un peu encombré. » Elle-même l’a trompé avec son professeur d’équitation – entre autres. Mais surtout, elle met en doute la capacité de Charles à régner…

«  Je connais sa personnalité, je pense que ce ‹top job› lui apporterait d’énormes contraintes, et je ne sais pas s’il pourrait s’y adapter  »

Diana SPENCER, dite LADY DI (1961-1997), Interview de Martin Bashir, BBC Panorama (20 Novembre 1995)

On imagine les conséquences dans la famille royale qui n’a jamais vécu telle épreuve : Margaret, princesse rebelle et sœur de la reine, n’avait finalement détruit qu’elle-même. Cette fois, sa belle-fille joue un jeu plus pervers et la caisse de résonance médiatique est sans frontière, avec un certain humour en attendant le drame final.

« La monarchie britannique en a vu d’autres avant de se déliter dans le « soap opera » et d’être publiquement chahutée par ce que l’on pourrait appeler la « guerre des Galles » entre Charles, l’héritier de la couronne, et sa future ex-épouse Diana. »

Le Monde évoquant le drame entre le prince et la princesse de Galles, 3 mars 1996

Ce journal sérieux ne résiste pas à la tentation d’en faire quasiment une affaire d’État britannique, sinon historique.

« … Une guerre qui n’a pas la grandeur de la guerre des Gaules, mais peut-être la férocité de la guerre des Deux-Roses, entre maisons de Lancastre et d’York. Les journaux ont remplacé les rapières et les hommes de loi croisent le fer en lieu et place des chevaliers d’antan. Comment en est-on arrivé là ? Le proverbe qui conseille de se méfier de l’eau qui dort ne saurait mieux s’appliquer à Lady Di, cette jeune fille blonde, jolie comme une image de mode, discrète, bien élevée mais peu douée pour les études, choisie pour Charles par ses parents parmi l’une des meilleures familles d’Angleterre. »

Au final, le divorce est prononcé le 28 août 1996.

Diana sort d’une idylle passionnée avec le docteur Hasnat Khan, chirurgien cardio-thoracique rencontré le 1er septembre 1995 alors qu’il venait d’opérer un de ses vieux amis. Elle se rendra au Pakistan pour des œuvres de charité, mais surtout pour rencontrer la famille traditionaliste du médecin, l›« amour de sa vie ». Les Khan refusent que leur fils épouse une non-musulmane. Leur romance paraît dans les médias, son amant met fin à leur relation, en juin 1997.

Voulant le reconquérir et prendre sa revanche sur la famille royale, Diana se montre dès le mois suivant avec Dodi Al-Fayed, fils du milliardaire égyptien Mohamed Al-Fayed, lui-même prenant sa revanche sur l’establishment britannique – qui lui a toujours refusé la citoyenneté britannique. Cette romance n’est qu’un leurre destiné à rendre jaloux l’homme toujours aimé, d’où la publication des célèbres photographies avec Dodi en vacances à Saint-Tropez. Devenue experte en manipulation des médias et se prêtant au jeu des paparazzis, Diana se sent prise à son propre piège : « Les photographes : ils ne font que leur boulot mais parfois ils devraient s’en abstenir. »

Le 31 août 1997, poursuivie par la meute, Diana meurt à la suite d’un accident de voiture à Paris, dans le tunnel de la voie Georges-Pompidou sous la place de l’Alma. Elle était avec son compagnon Dodi Al-Fayed, leur chauffeur Henri Paul, et Trevor Rees-Jones le garde du corps d’Al-Fayed. Enquête et polémiques, réfutations de la thèse officielle de l’accident, théories du complot sur la mort de Diana Spencer… tout cela va s’éterniser. Encore une bonne affaire pour la presse.

« Je n’aurais jamais dû jouer avec le feu et je l’ai fait. Et j’ai été très brûlée. »

Diana SPENCER, dite LADY DI (1961-1997), Diana : In Her Own Words (« Diana par elle-même »), documentaire de 2017

Reste le drame humain et l’émotion sincère de la foule. Les funérailles de Diana, célébrées à l’abbaye de Westminster le 6 septembre 1997, rassemblent quelque trois millions de personnes à Londres et sont retransmises à la télévision dans de nombreux pays. La « dianamania » bat son plein les premières années, les lieux de pèlerinage font l’objet d’un culte digne d’une star. En 2017, la célébration des vingt ans de sa mort suscite à nouveau l’engouement du public à son égard et provoque la chute de popularité du prince Charles, critiqué pour la façon dont il l’a traitée. En mai 2021, la BBC est publiquement mise en cause pour l’interview par qui le scandale est arrivé : Tony Hall, qui dirigeait la rédaction en 1995, a démissionné de ses fonctions de président du musée londonien de la National Gallery. Dernière victime collatérale de Diana ?

3. Brigitte Bardot (née en 1934), la star qui abandonna le cinéma détesté pour vivre sa passion des animaux, en combattante de la cause animale.

« Et Dieu créa la femme. »2912

Roger VADIM (1928-2000), titre de son film (1956)

« Et le diable créa Bardot », dit la publicité. Le film sort modestement à Paris, sans grand succès. La critique est mauvaise, mais trois futurs noms de la Nouvelle Vague (Godard, Truffaut, Chabrol) voient en Vadim un précurseur. Avec Raoul Lévy le producteur, ils décident de tenter leur chance à l’étranger : le film triomphe aux États-Unis qui inventent le mot de bardolâtrie. Le phénomène se reproduit partout à l’étranger, avec l’« aide » des ligues de vertu et autres courants religieux qui tentent de faire interdire ce film diablement sexy… Publicité assurée ! Bardot va devenir la star la plus copiée au monde et demeurer une icône pendant quelques décennies.

BB (née en 1934) explose et détrône la vedette d’hier, Martine Carol. C’est le début d’une carrière fulgurante, d’une mode artistiquement naturelle, d’un mythe qui traverse les années 1960, même si notre star nationale s’en est toujours défendue : « Un mythe, c’est abstrait, et moi je ne suis pas abstraite ! »

« Initials B.B. » est aussi un tube de Serge Gainsbourg qui partage sa vie avec sa muse en 1968. La rupture sera l’une des épreuves de « l’Homme à la tête de chou » qui joua le rôle de la bête avec d’autres belles, avant d’épouser Jane Birkin.

Antoine Pinay, ministre des Finances très populaire (dans un autre genre !) et revenu aux affaires en 1958, salue cette heureuse « mutation culturelle » : Bardot rapportant plus de devises à la France que les usines Renault ! C’est assurément une carrière réussie, et pourtant…

« J’ai commencé comme actrice ratée, et j’en suis restée une. »

Brigitte BARDOT (née en 1934), magazine Première, 28/09/2016

Brigitte Bardot, starlette de cinéma, a pris rang de mondiale : étonnamment photogénique et hyper-médiatique, elle révolutionne la mode et bouscule les critères de la beauté en vingt ans de carrière.

Sur 48 films inégaux, il en reste au moins quatre prouvant son talent d’actrice face à des acteurs de premier plan et sous la direction de trois grands réalisateurs : Georges-Henri Clouzot, La Vérité (1960), Jean-Luc Godard, Le Mépris (1963), Louis Malle, Vie privée (1962) et Viva Maria (1965).

Chaque fois, elle « crève l’écran » en jouant toujours (de) son personnage - comme Marylin Monroe, l’autre sex-symbol à qui elle fut comparée. Mais elle ne joue jamais sa vie comme MM, malgré une vraie tentative de suicide en 1960.

« Faire du cinéma, c’est un peu faire un pacte avec le diable. »

Brigitte BARDOT (née en 1934), Répliques et piques (2017), coécrit avec François Bagnaud (son admirateur de toujours, devenu son fidèle secrétaire en 1988)

Elle en donne la raison, avec cette liberté de ton et cette franchise qui font partie de son caractère. « Dans ce monde où tout est préparé, maîtrisé, contrôlé, où plus rien n’est spontané, mon franc-parler a parfois choqué les hypocrites. Moi, je dis ce que je pense et pense ce que je dis ! Il paraît que la vérité sort de la bouche des enfants. En ce qui me concerne, elle vient de mon âme d’enfant. Et c’est un privilège pour moi, à 82 ans, d’avoir su la conserver, après tant d’années où j’ai connu le meilleur et le pire de la vie. »

À l’inverse d’une jeunesse qui voudrait la prendre pour modèle, elle n’est pas du tout féministe.

« L’émancipation des femmes je n’y suis pour rien, j’ai vécu comme j’en avais envie et je continue, mais je suis à la fois libre et dépendante de l’homme que j’aime. »

Brigitte BARDOT (née en 1934), Interview dans Paris-Match, 19 août 2014

Sa liberté revendiquée est certainement le trait de caractère le plus marquant. Le plus choquant aussi pour un public (essentiellement féminin) qui lui reproche aussi bien sa vie privée chaotique, sa tenue vestimentaire simple et sexy, ses provocations innocentes ou perverses… Bref, son personnage ! « Je suis l’homme de ma vie » confie-t-elle à Gala (juin 2014).

Quant à ses amours… elles défraient aussi la chronique. Un Bottin mondain d’artistes connus, des aventures renouvelées au gré des rencontres, quatre mariages, dont le père de son enfant, Jacques Charrier.

« C’est chouette cette prolongation de soi par un enfant. C’est pas la peine pour autant de se prolonger par cinq ou huit enfants. C’est ridicule… »

Brigitte BARDOT (née en 1934), interview de Libération du 20 décembre 1980

Ce n’est peut-être pas la meilleure idée de Brigitte : être mère. Un rôle de composition qu’elle assume au début – photos très réussies avec le petit Nicolas - mais dont elle se lassera bientôt. Peu de stars ont su – mis à part le cas très particulier de Joséphine Baker et de ses 12 enfants adoptés, faute de pouvoir être maman.

Restent quelques déclarations superflues : « Ma grossesse était neuf mois de cauchemar. C’était un peu comme une tumeur qui s’était nourrie de moi, que j’avais portée dans ma chair tuméfiée, n’attendant que le moment béni où l’on m’en débarrasserait enfin… » Et aussi : « J’aurais préféré accoucher d’un petit chien. » Même si elle aime les bêtes, ce n’est pas sa meilleure réplique.

« J’ai donné ma jeunesse et ma beauté aux hommes ; je donne ma sagesse et mon expérience aux animaux. »

Brigitte BARDOT (née en 1934), Ces animaux qui nous font du bien… (2017), Jean-Louis Victor

Au mi-temps de sa vie, après avoir beaucoup joué et chanté aussi, elle abandonne le cinéma sans regret. Dernière image du dernier plan de son dernier film, Colinot trousse-chemise : on la voit une colombe à la main, symbole de sa seconde vie. Brigitte Bardot confie que ce 6 juin 1973, elle a joué le clap de fin pour se consacrer à la cause animale : « Je devais apporter aux autres, aux animaux, ce que l’on m’avait offert toute ma vie. »

Elle a toujours aimé les animaux – même dans les tournages, alors que c’est souvent la hantise des réalisateurs et des acteurs, une bête volant aisément la vedette à son partenaire humain. C’est en 1962 que Brigitte Bardot engage son premier combat pour la cause animale, en militant pour le pistolet d’abattage indolore dans les abattoirs. Après une démonstration très médiatique dans le magazine Cinq colonnes à la une, elle parvient à convaincre le ministre de l’Intérieur. Sa célébrité est un atout sans prix et le « pistolet de Brigitte Bardot » sera généralisé dans tous les abattoirs conventionnés de France en 1972

Le 20 mars 1977, celle qui est encore une star aux yeux du monde entier se rend au Canada, sur les glaces polaires de Blanc-Sablon, afin d’y dénoncer la chasse bébés phoques pour leur fourrure. Son périple dure cinq jours sous une pression médiatique inouïe. À son arrivée, elle crie aux chasseurs « Canadiens, assassins ! » Dans son combat, Brigitte Bardot est soutenue par Isabelle Adjani, Kim Basinger, Tippi Hedren, Ursula Andress, Johnny Hallyday entre autres personnalités.

Le 28 mars 1983, après une réception de Bardot au Conseil de l’Europe, les Communautés européennes interdisent l’importation des peaux et de fourrures de bébés phoques.

En 1986, elle crée, à Saint-Tropez la Fondation Brigitte-Bardot ayant pour objet la protection des animaux. Pour la faire reconnaître d’utilité publique, elle disperse aux enchères les objets de son ancienne gloire : bijoux, effets personnels, robes, photos et affiches dédicacées. C’est à cette occasion qu’elle déclare : « J’ai donné ma jeunesse et ma beauté aux hommes. Que je donne ma sagesse et mon expérience et le meilleur de moi-même aux animaux. » Elle ne cessera de le prouver, avec des initiatives et des excès parfois contestés. Mais le bilan est naturellement positif et « gagnant-gagnant ».

« Sans le secours des animaux, je n’aurais pas pu survivre. Maintenant je sauve la vie de ceux qui ont sauvé la mienne. »

Brigitte BARDOT (née en 1934), Interview dans Paris-Match, 19 août 2014

Quatre ans après, elle témoigne encore : « Je ne fais pas partie de l’espèce humaine. Je ne veux pas en faire partie. Je me sens différente, presque anormale. Aussi longtemps que l’animal sera considérée comme une espèce inférieure, qu’on lui infligera toutes sortes de maux et de souffrance, qu’on le tuera pour nos besoins, nos loisirs et nos plaisirs, je ne ferai pas partie de cette race insolente et sanguinaire. » Larmes de combat (2018).

À 83 ans, Brigitte Bardot verse des larmes de combat et s’interroge sur la puissance de son action depuis près d’un demi-siècle. Cette avant-gardiste acharnée a milité sans relâche pour une éthique animale. Pour la première fois, B.B. explore sa part sauvage, douce et féroce, expliquant bien des choix, inspirations et révoltes qui ont jalonné sa vie. Instinctive, libre et émouvante, elle revient sur son parcours de star, son quotidien au contact de ses compagnons animaux, sa lutte. Plus qu’un héritage, Brigitte Bardot offre une confession de sentiments profonds. « Que garderez-vous de moi ? Une danse lascive au son d’un mambo endiablé ? Une petite Parisienne devenue star par hasard ? Une idéaliste qui a voulu un jour consacrer ce qui lui restait de temps sur terre à la cause animale ? Si aujourd’hui j’accepte de parler de moi, même très intimement, si j’accepte de publier ce dernier livre, c’est parce que j’en ai besoin, je veux balayer toute ambiguïté concernant ma vie et mes intentions, dans un souci d’honnêteté et de transparence. Je veux remettre à plat le sens de mon combat et rappeler toujours et encore la place qui doit être rendue aux animaux. Ils m’ont sauvée, dans quelles mesures je les sauve moi ? « 

« Je me connais trop pour m’apprécier. »

Brigitte BARDOT (née en 1934) Entretien avec Brigitte Bardot par Olivier Lalanne, Vogue,  28 septembre 2020

Laissons-lui ce mot de la fin. La fin d’une telle vie est fatalement difficile et peu de stars ont réussi, mais c’est une combattante. Hors toute considération politique extrême et déclarations sociétalement contestables sur les musulmans et l’Islam en France, les homosexuels, les métis, les clandestins, la prostitution, les femmes ministres, etc, etc, etc…, son dernier grand combat écologique avant l’heure est tout à son honneur.

4. Édith Cresson (née en 1934), première femme chef du gouvernement, victime de son impopularité médiatique.

« La Bourse, j’en ai rien à cirer. »3294

Édith CRESSON (née en 1934), Premier ministre, Journal du Dimanche, 19 mai 1991

Socialiste et mitterrandienne depuis toujours, plusieurs fois ministre depuis dix ans, opposée en tout au gouvernement de Rocard dont elle a d’ailleurs démissionné, elle le remplace à Matignon, le 15 mai 1991… et les cours flanchent.

Le soir même de ce mot malheureux, publié dans le Journal du Dimanche, elle corrige le tir, invitée de l’émission « Sept sur Sept » : « C’est une boutade. La Bourse est un des paramètres de l’économie. Ce n’est pas le seul. » La petite phrase va devenir célèbre – au point d’inspirer le titre d’une émission culte sur France Inter : « Rien à cirer ».

Napoléon a déjà tiré à vue contre l’institution, en 1813 : « Si la Bourse est mauvaise, fermez-la. » Lors d’une conférence de presse, le général de Gaulle s’en prit à son tour aux mouvements d’humeur de la Bourse : « En 62, elle était exagérément bonne. En 66, elle est exagérément mauvaise. Mais vous savez, la politique de la France ne se fait pas à la corbeille » (28 octobre 1966).

Signalons que le mot de Cresson n’était pas destiné à la presse - elle répondait à son chef de cabinet, en présence d’une journaliste. Et son franc-parler aurait pu séduire. Mais elle multiplie les propos maladroits sur les Anglais (« des homosexuels ») et les Japonais (« des fourmis »).

« La bourgeoisie sue l’ennui. »

Édith CRESSON (née en 1934), Premier ministre, Le Nouvel Observateur, 23 Mai 1991

Le fond est sans doute socialiste, mais la forme est agressivement maladroite, dans un pays où ce « tiers état » est malgré tout majoritaire.

L’état de grâce va être court. La presse ne la ménage pas, les « éléphants du PS » lui savonnent la planche, on discute sa légitimité, sa nomination ne serait que « le fait du Prince ». Sexisme, sans doute, mais l’impréparation est totale, à la tête de ce gouvernement. Là encore, elle se défend maladroitement.

« Ceux qui estiment qu’une femme n’est pas compétente pour être ministre sont pour moi des animaux préhistoriques, et j’ai suffisamment d’animaux à m’occuper pour me soucier de ces animaux-là. »

Édith CRESSON (née en 1934), Quand les politiques nous faisaient rire (2021), Jean-Louis Debré

Nombre d’hommes politiques ont réagi avec un humour, une humeur et un franc-parler remarquables : Napoléon, Talleyrand, Thiers, Clemenceau, de Gaulle, Mendès, Mitterrand, Chirac, Sarkozy… mais leur rôle dans l’Histoire n’est pas comparable…

La première nomination d’une femme au poste de Premier ministre en France se termine vite et mal. Elle devra démissionner au bout de dix mois, remplacée par Pierre Bérégovoy, le technicien.

« Je lui ai dit qu’elle avait le devoir d’être impopulaire. Je ne pensais pas qu’elle réussirait aussi bien. »

François MITTERRAND (1916-1996) à propos d’Édith Cresson qu’il a nommée Premier ministre. Cité par Jean-Marc Vittori, Les Échos, 22 nov. 2005

« Ce n’est pas le pays qui est machiste, c’est sa classe politique. »

Édith CRESSON (née en 1934), JDD, 14 mai 2022

Édith Cresson s’obstine et c’est d’ailleurs logique : unique femme à avoir dirigé le gouvernement sous la Cinquième République, de mai 1991 à avril 1992, elle regrette que le fait de « nommer une femme, c’est prendre un risque. »

Le président Macron vient de le prendre à nouveau en nommant Élisabeth Borne qui aura un mot « confraternel » à son égard, Édith Cresson la remerciant en lui souhaitant bonne chance.

Cette nomination attendue a suscité « un accueil positif, mais sans état de grâce », les Français sondés pensant à juste titre que ce point est secondaire, car c’est surtout la politique qu’elle conduira qui compte (65%). Ils saluent aussi la nomination d’une « personnalité ayant de l’autorité (71%) et compétente (69%), mais sont nombreux à ne pas la juger sympathique (53%) ou proche des préoccupations des Français (57%). Par ailleurs, ils ne la trouvent pas capable de tenir tête à Emmanuel Macron (55%).

Histoire plus que jamais à suivre.

5. Élisabeth Badinter (née en 1944), fille de… et femme de…, féministe raisonnée (mais controversée), historienne des Lumières (humaniste et universaliste).

« Comme disait Tocqueville à propos de la Révolution française, ce sont toujours les plus privilégiés qui ne supportent pas la moindre injustice. »

Élisabeth BADINTER (née en 1944), citée dans L’Express, 24/04/2003

Ses privilèges sont indiscutables.

C’est la fille cadette de Marcel Bleustein-Blanchet. Elle lui succédera en 1996, à la présidence de Publicis. En 2021, sa fortune est évaluée à 922 millions d’euros.

En 1966, elle épouse Robert Badinter, de seize ans son aîné, avocat de son père, connu pour son combat contre la peine de mort. Ministre (garde des Sceaux) de Mitterrand, il défendra l’abolition votée dès 1981 et ne cessera de s’engager pour la réinsertion des détenus, la lutte contre l’antisémitisme et autres causes.

Son éducation, ses relations, son parcours professionnel bénéficient de ses privilèges dont elle fera usage, dans toutes les causes humaines qui lui tiennent à cœur. Premier engagement : le féminisme.

« Je suis devenue féministe en 1960 dans le bus de la ligne 82, en lisant Le Deuxième Sexe, et j’avais 16 ans. Ce fut une révélation. »

Élisabeth BADINTER (née en 1944), citée dans L’Express, 24/04/2003

Se disant elle-même « fille de Beauvoir », elle est trop intelligente (et philosophe et libérale) pour être inconditionnelle. Mais elle retient l’essentiel : « L’amour maternel n’a rien de naturel (Le Deuxième sexe).

« Au lieu d’instinct, ne vaudrait-il pas mieux parler d’une fabuleuse pression sociale pour que la femme ne puisse s’accomplir que dans la maternité ? »

Élisabeth BADINTER (1944), L’Amour en plus (1982)

« Privilégier un enfant ou se donner à tous. Tout dépend de la mère, de son histoire et de l’Histoire. Non, il n’y a pas de loi universelle en cette matière qui échappe au déterminisme naturel. » » Éternel thème de débat pour toute femme qui se posent la question de la maternité. Les féministes en ont traité : rappelons les portraits de Christine de Pisan, Olympe de Gouges, Hubertine Auclert, Nelly Roussel, Louise Weiss (antinataliste déclarée), Simone Veil, Simone de Beauvoir, Gisèle Halimi – mère de trois enfants, comme Élisabeth Badinter.

L’amour maternel est-il un instinct qui procéderait d’une « nature féminine » ou relève-t-il largement d’un comportement social, variable selon les époques et les mœurs ? On peut toujours admettre le subtil mélange entre le « donné » naturel et le « construit » culturel. Élisabeth Badinter mène une enquête historique avec lucidité, mais non sans passion : pensée simple et claire qui va à l’encontre du « bon sens populaire » et des usages séculaires.

« La femme pouvant être mère, on en a déduit qu’elle devait l’être et ne trouver son bonheur que dans la maternité. »

Élisabeth BADINTER (1944), L’Amour en plus (1982)

La conclusion du livre donne aussi l’explication du son titre : « L’amour maternel ne va pas de soi. Il est « en plus » ». Mais la féministe s’oppose ensuite à ses consœurs dans un essai qui ne cessera de faire polémique sur un « point chaud sociétal ».

« Malgré les revendications différentialistes actuelles, nous allons avec constance vers un modèle de ressemblance. Tous les hommes ne sont pas ambitieux, toutes les femmes ne sont pas des battantes. À peu de chose près, l’un est l’autre… »

Élisabeth BADINTER (1944), Entretien avec Pascale Frey - Octobre 1999. À propos de L’Un est l’autre

Thème polémique s’il en est !  Dans son essai, la philosophe également historienne théorise la notion de « ressemblance des sexes, une telle innovation qu’on peut légitimement l’envisager en termes de mutation. » (L’Un est l’autre, 1986).

Certain(e)s voient dans l’opposition hommes/femmes l’essence même de leurs relations : naturelle serait la confiscation de tous les pouvoirs au profit des hommes, naturelle aussi la division sexuelle des tâches.

Élisabeth Badinter dénonce cette conception qui confond un moment de l’histoire - la prédominance du patriarcat - avec une constante de notre nature. Mais, homme ou femme, sommes-nous réellement prêts à remettre en question le modèle millénaire de la complémentarité au profit de celui de l’identité ?

Elle revient sur ce thème qui lui tient d’autant plus à cœur qu’il fait de plus en plus débat, dans la société.

« À vouloir ignorer systématiquement la violence et le pouvoir des femmes, à les proclamer constamment opprimées, donc innocentes, on trace en creux le portrait d’une humanité coupée en deux, peu conforme à la vérité. D’un côté, les victimes de l’oppression masculine, de l’autre, les bourreaux tout-puissants. »

Élisabeth BADINTER (1944), Fausse route (2003)

Cet essai vise la misandrie et la « posture victimaire » des féministes contemporaines et les nouvelles lois sur la parité politique. Pendant trente ans, la philosophe a accompagné le combat militant du Mouvement de libération des femmes (MLF), sans appartenir à aucune de ses chapelles. Désormais, elle s’insurge contre son évolution, ses « dérives », dit-elle.

Lors du débat sur la parité en politique (gouvernement Jospin), elle s’était opposée à la loi du 6 juin 2000 sur l’égal accès des femmes aux mandats électoraux, comme si les femmes étaient incapables d’arriver au pouvoir par elles-mêmes. Même attitude sur le traitement des crimes et délits sexuels : « La victimisation est aujourd’hui un outil politique et idéologique. » (témoignage dans L’Arche, 11/12 2003). Le différentialisme qu’elle combat est aussi une atteinte à l’égalité des sexes.

Certaines féministes extrêmes contestent désormais son féminisme. Elle continue de s’en réclamer, la vocation du féminisme n’étant pas de conduire à une guerre des sexes visant une revanche contre les hommes. Elle confirme ses positions pour une bonne et simple raison…

« Chaque fois que l’on fait passer nos différences avant nos ressemblances, on met le doigt dans un processus d’affrontement. »

Élisabeth BADINTER (1944), Débat avec Alain Touraine : Une France plurielle ou éclatée. Le Nouvel Observateur, 19 juin 2003

Elle dénonce les risques du militantisme prévalant au sein du MLF : « Pour moi, la République n’est pas un mot creux, et l’universalisme non plus. Il faut un minimum de valeurs communes qui nous unissent. » C’est encore et toujours la philosophe qui s’exprime en revenant au fondamental.

« L’universalisme est un combat magnifique ! L’universalisme tient compte du concept d’humanité, c’est à dire ce qui nous rassemble, pas ce qui nous distingue. »

Élisabeth BADINTER (1944), interview de Sonia Mabrouk sur Europe 1, 11 juin 2021

Dénonçant la censure intellectuelle et médiatique de ce courant d’idées qu’elle défend inlassablement, c’est l’historienne des Lumières qui parle, philosophe humaniste et universaliste. On retrouve la source, l’essence même de sa pensée : « Une civilisation meurt quand elle recule sur ses principes et ses valeurs, et quand ceux qui les remettent en question avancent. » Là est finalement son héritage intellectuel, le bien le plus précieux pour Élisabeth Badinter et son message.

6. MLF (né en 1970), après les suffragettes britanniques et avant les « Femen » (2008) d’Ukraine, mouvements féministes plus ou moins extrêmes.

« Il y a plus inconnu que le Soldat inconnu : sa femme ! »3125

Banderole déroulée par le MLF sur la dalle du Soldat inconnu, place de l’Étoile, 26 août 1970. La Mémoire des femmes : anthologie (2002), Paulette Bascou-Bance

Autre banderole brandie : « Un homme sur deux est une femme. » Elles sont une dizaine à manifester dans Paris déserté. Elles déposent une gerbe à la femme inconnue du célèbre Soldat inconnu. Et sont arrêtées par la police.

Dès le lendemain, la presse déclare la naissance du MLF, Mouvement de libération des femmes. C’est sa première sortie médiatique – bien modeste. Le même jour à New York, 50 000 femmes célèbrent leur conquête du droit de vote, il y a cinquante ans. France-Soir ironise : « Quand les Américaines brûlent leurs dessous sur la place publique, la France du bœuf miroton hausse les épaules. Il n’y a pas eu d’autodafé de soutiens-gorge hier à l’Étoile. Seulement une bousculade. »

Le MLF, héritier spirituel de Mai 68, du Women’s Lib américain et de divers courants plus ou moins réformistes ou radicaux, va tenir sa première AG en octobre 1970. Au-delà d’un certain folklore, entre « provoc » et happening, les années 1970-1980 verront aboutir l’essentiel des revendications des femmes, et la vie quotidienne en sera changée, profondément. Le plus important est la loi Veil du 18 janvier 1975, passionnément discutée, et qui dépénalisera l’avortement, rebaptisé IVG (interruption volontaire de grossesse).

« À « laissez-les vivre », nous répondons « laissez-nous vivre », laissez-nous décider par nous-mêmes. »

MLF, Déclaration au meeting public de la Mutualité, 5 mars 1971. Génération, tome II, Les Années de poudre (1988), Hervé Hamon, Patrick Rotman

Un commando MLF (armé de saucissons, « armes de 7e catégorie ») interrompt le meeting organisé par le professeur Lejeune et l’association « Laissez-les vivre », faisant campagne contre le droit à l’avortement.

Les revendications explosent : « Nous voulons des enfants, mais nous voulons les enfants que nous désirons. » Depuis 1967, la loi Neuwirth autorise la contraception. Mais la « pilule » ne règle pas tout, bien des femmes ne la prennent pas, faute de savoir.

« Un million de femmes se font avorter chaque année en France. Elles le font dans des conditions dangereuses […] Je déclare que je suis l’une d’elles. Je déclare avoir avorté. »3132

Manifeste de 343 femmes, publié par Le Nouvel Observateur, 5 avril 1971

Les signataires réclament l’avortement libre et mettent le gouvernement au défi de leur appliquer les sanctions prévues par le Code pénal. Ce sont entre autres les comédiennes Catherine Deneuve, Ariane Mnouchkine, Jeanne Moreau, Delphine Seyrig ; les auteurs Simone de Beauvoir, Marguerite Duras, Françoise Sagan ; l’avocate Gisèle Halimi, politiquement très engagée, y compris dans le féminisme de gauche, la « cause des femmes ». À leur côté, une majorité de militantes MLF. Le Figaro et Le Monde répercutent l’appel et y voient une date dans l’histoire des mœurs. Il faudra encore attendre trois ans, avant la loi Veil.

Ce regroupement des femmes pour une cause qui leur tient à cœur rappelle le mouvement des suffragettes de Grande-Bretagne à la fin du XIXe siècle, beaucoup plus violent avec leur mot d’ordre : « des actions, pas des mots ». Elles brisent des vitrines, posent des bombes et sabotent les réseaux électriques. Jusqu’à l’attentat à la bombe au domicile du Premier ministre David Lloyd George en 1913. La même année, Emily Davidson meurt en « martyre », en se jetant sous les sabots du cheval qui courait pour le roi George V au Derby d’Epsom. Des militantes jetées en prison entament des grèves de la faim, avant d’être nourries de force. La radicalité de leurs actions choquent le royaume britannique peu habitué à ces méthodes radicales. Mais elles obtiendront le droit de vote le 6 février 1918.

Autres militantes féministes plus folkloriques, les Femen d’Ukraine nées en avril 2008. Elles mettent en scène leurs actions, seins nus avec des slogans écrits sur le corps pour défendre les droits des femmes, s’impliquant dans d’autres combats pour la démocratie et contre la corruption, la prostitution ou l’influence des religions dans la société. Ce féminisme se radicalise en « sextrémisme ».

7. Martine Aubry (1950), fille de Jacques Delors, ministre socialiste « des 35h » et maire à poigne de Lille.

« Un démenti clair et déterminé à toutes les théories de l’impuissance de l’action publique face au chômage. »

Martine AUBRY (née en 1950), définissant la politique des 35 heures

Une femme de choc, un caractère « de mec ». Tous ses surnoms en font foi de manière bon enfant, avec un jeu de mot ou plutôt de lettres sur Mère ou Maire (de Lille) : Mère Emptoire, Mairemptoire, mais aussi Titine de fer, Miss Pétard. C’est tout le contraire de son père, le discret Jacques Delors, ministre socialiste sous le gouvernement Mauroy, président de la Commission européenne de 1985 à 1995… et favori à l’élection présidentielle qui renonça à se présenter.

Ministre de l’Emploi et de la Solidarité de 1997 à 2000 dans le gouvernement Jospin, elle instaure la couverture maladie universelle (CMU), lance les emplois-jeunes et met en œuvre la réforme des 35 heures, dite « loi Aubry », visant à réduire la durée hebdomadaire de travail pour créer des emplois et relancer l’économie française. Paradoxalement, c’était une idée de Dominique Strauss-Kahn jugée par elle inefficace… La première loi du 13 juin 1998 incite les entreprises à négocier - elles le feront massivement - et à anticiper le passage aux 35 heures (payées 39). La seconde, promulguée le 19 janvier 2000, fixe une durée annuelle maximale de 1 600 heures, agrémentant ainsi les 35 heures d’une dose de flexibilité. Elle pérennise aussi les allégements de charges en les conditionnant à des accords avec les syndicats. Pour les entreprises de moins de 20 salariés, non concernées, il n’y aura jamais de troisième loi.

Devenue « la Dame des 25 heures », Martine Aubry triomphe quand même et reste populaire dans l’histoire pour cette politique. La popularité des 35 heures est évidente, leur efficacité contre le chômage est toujours débattue…

« Voilà la France qu’on aime ! »

Martine AUBRY (née en 1950), Première secrétaire du PS, Discours de Rennes, 2 décembre 2009

Réponse à la parole de Sarkozy : « La France, tu l’aimes ou tu la quittes ! » C’est aussi le discours très argumenté d’une candidate aux primaires socialistes à venir, en vue de la prochaine présidentielle.

« Liberté, égalité, fraternité, laïcité, changer les mots en actes, voilà le grand défi. Je le dis avec la force puisée dans les rencontres avec ces milliers d’hommes et de femmes d’Angoulême à La Seyne-sur-Mer, de Tourcoing à Auch, de Grenoble à Nancy en passant par Cachan et aujourd’hui Rennes.

Voilà la France qu’on aime, celle que j’aime et dont je veux vous parler. La France qui ne doute pas de son identité. La France qui s’inquiète du recul de sa démocratie, de son modèle social et de son vivre ensemble.

La France qu’on aime, c’est celle qui dit : La France, tu l’aimes, donc tu la construis avec nous. Il faut faire aimer la France ; aujourd’hui, nos gouvernants aggravent les fractures sociales, abandonnent les banlieues, favorisent la promotion de quelques-uns et entretiennent la stigmatisation des jeunes et aussi des Français issus de l’immigration et des étrangers… »

« Quand je suis arrivée à la tête du parti, on nous expliquait que le PS était un « cadavre à la renverse » et qu’il faisait pitié. Ce n’était pas faux. Depuis, nous avons réussi à travailler collectivement et je suis très fière de ce travail. »

Martine AUBRY (née en 1950), Le Parisien, 25 août 2011

Sans le nommer, la vanne vise naturellement son prédécesseur à la tête du PS, Hollande. Ce sera bientôt son adversaire dans la primaire socialiste et leurs relations deviendront exécrables.

« Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup. »3460

Martine Aubry (née en 1950), citant sa grand-mère, pour critiquer François Hollande, son principal concurrent dans les primaires socialistes, 13 septembre 2011 sur RTL

Candidate à la primaire socialiste qui doit décider du futur candidat à la présidentielle de 2012, elle répond aux questions du journaliste Jean-Michel Aphatie. Elle a trouvé du « flou » chez François Hollande, lors du débat télévisé qui les opposait la veille. « J’ai bien compris qu’il essayait de passer entre les gouttes quand je lui posais un certain nombre de questions… Ma grand-mère disait : Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup » », a-t-elle poursuivi. « J’ai essayé de mettre le doigt sur certains de ses loups. » Elle l’accuse aussi d’avoir employé « des mots de droite ».

Le dicton de la grand-mère court les médias et pimente les discours d’un brin de bon sens populaire. C’est ainsi que naît une vraie citation. Mais Martine Aubry perdra au second tour de la primaire citoyenne contre Hollande à qui elle devra son dernier surnom, « Tullius Detritu » (selon le Canard Enchaîné) : un personnage d’Asterix qui sème la zizanie dans l’album éponyme.

Elle quittera la direction du PS et se repliera sur Lille en Mairemptoire toujours réélue, mais déçue par la politique nationale. D’autant plus qu’en 2022, elle a soutenu la candidature d’Olivier Faure à la tête du PS (parti moribond et allié aux Insoumis de Mélenchon) et parrainé la candidature d’Anne Hidalgo, quasi invisible et inaudible à la présidentielle.

8. Corinne Lepage (1951), écologiste et ex politique, avocate et professionnelle comme il en faudrait plus.

« Le droit est une force. »,

Corinne LEPAGE (née en 1951), Christian Huglo, Corinne Lepage (2021) Nos batailles pour l’environnement, 50 procès, 50 ans de combats

Cette affirmation est le fil conducteur de l’engagement indéfectible et inébranlable de Corinne Lepage, avocate mais aussi femme politique engagée dans la protection de l’environnement, comme ministre dans les gouvernements d’Alain Juppé (1995-1997), députée européenne (2009-2014), présidente de Cap écologie. En 1978, elle rejoint le cabinet d’avocats Huglo-Lepage, spécialisé dans le droit de l’environnement, spécialité d’avenir vouée à des combats toujours plus nombreux, aussi complexes et techniques que médiatiques.

« La question à venir n’est plus celle de la gauche ou de la droite mais plutôt celle du choix entre l’action et l’immobilisme, car nos sociétés ne peuvent continuer à ignorer les conséquences écologiques et sociales de leur développement. »

Corinne LEPAGE (née en 1951), « Cannes : Corinne Lepage pour défendre le projet écologiste de Macron, 19 février 2017. » Magazine d’informations et de commentaires international Paris-Côte d’Azur

C’est à l’évidence une centriste qui fait toujours passer ses convictions écologiques avant sa carrière politique. Mais c’est d’abord une avocate de carrière, convaincue de l’utilité des lois, des règlements… et des procès à faire et gagner contre les pollueurs. Elle travaille à partir de mars 1978 sur le naufrage de l’Amoco Cadiz, représentant les collectivités locales du Finistère et des Côtes-du-Nord en opposition à Amoco. Le procès qui va durer une quinzaine d’années sera une « première gagnante » en droit de l’environnement. À la même période, elle défend les collectivités locales et associations qui s’opposent à l’installation des centrales nucléaires à Cattenom et Creys-Malville.

En 1995, Alain Juppé lui offre le ministère de l’Environnement. Elle n’est membre d’aucun parti et tient à le faire savoir : « Ma nomination au ministère de l’Environnement n’est survenue que par les combats que j’avais menés auparavant. Alain Juppé cherchait des femmes de la société civile. Je n’avais pas d’étiquette politique à l’époque, et certainement pas celle de droite ! » Elle fait partie des douze « juppettes » du premier gouvernement Juppé - chiffre record à l’époque. Le 7 novembre 1995, lors du remaniement ministériel, c’est la seule femme à rester ministre de plein exercice. Sans problème particulier en tant que femme au sein du gouvernement, elle dénonce à l’Assemblée nationale des injures « qui n’auraient jamais été proférées à l’égard d’un homme. » Ses autres consœurs écolos connaîtront pire, notamment Cécile Duflot.

« On ne peut rien faire, Madame le ministre. »

Corinne LEPAGE (née en 1951), titre de son livre publié en 1998

Leçon tirée de son expérience au gouvernement comme ministre de l’Environnement en 1995-1997, c’est aussi la petite phrase censée justifier l’immobilisme auquel que Corinne Lepage était confrontée, alors qu’elle croyait possible une révolution dans notre pays.

La réalité, c’est que les ministres sont sous haute surveillance, les « grands corps » (Conseil d’État, Cour des comptes, Inspections générales des finances, de l’administration, des affaires sociales) sont des potentats qui font leur propre politique sans rendre de comptes à personne, les lobbies industriels (automobile, nucléaire…) exercent par personnes interposées un pouvoir de blocage absolu, la loi n’est pas la même pour tous, le secret, l’opacité, le mensonge constituent la règle… et l’Environnement est détesté par les autres ministères qui s’emploient à torpiller avec acharnement toutes ses initiatives. Restent les propositions concrètes et les combats juridiques. En ce domaine où elle est à la fois légitime et compétente, elle a plusieurs victoires à son actif.

Que les pollueurs soient les payeurs.

Slogan écologiste devenu principe juridique, lors des marées noires

Première marée noire en 1967 : le Torrey Canyon, pétrolier du Koweït, 120 000 tonnes de brut qui vont souiller les côtes de Cornouailles et de Bretagne. La consommation de pétrole a explosé depuis 1950 et cette catastrophe contribue à l’éclosion d’une écologie politique. L’Europe découvre un risque jusqu’alors négligé, les pays menacés prennent des mesures de prévention. Mais la série noire continue. Amoco Cadiz, Erika, Exxon Valdez, en un demi-siècle, les marées noires se succèdent, au rythme des dégazages, naufrages de navires ou explosions de plateformes pétrolières : désastres aux coûts exorbitants.

Après sept ans d’enquête, le procès de l’Erika commence, le 12 février 2007 : quatre mois d’audience, quinze inculpés, quarante-neuf témoins et experts, une cinquantaine d’avocats. Le tribunal correctionnel de Paris rend son jugement le 16 janvier 2008 : 300 pages retracent l’historique et les fautes commises, le groupe Total étant reconnu coupable de pollution maritime et condamné à verser 192 millions d’euros. L’armateur, le gestionnaire et l’organisme de certification du navire sont déclarés coupables de faute caractérisée. Le principe du pollueur payeur est clairement validé et, pour la première fois, le droit reconnaît le préjudice écologique en tant que tel.

Le 25 septembre 2012, la Cour de cassation confirme toutes les condamnations déjà prononcées depuis treize ans et ajoute à la responsabilité pénale une responsabilité civile pour le groupe Total.

« C’est un très grand jour pour tous les défenseurs de l’environnement. »

Corinne LEPAGE (née en 1951), avocate de dix communes du littoral

Pour l’avocate de dix communes du littoral breton, c’est sans doute sa plus belle victoire, une première historique qui va devenir un slogan écologique en même temps qu’un principe juridique : les pollueurs doivent payer : « Les effets conjugués de la croissance économique, de la pression démographique, du développement du tourisme accentuent, d’année en année, les menaces qui pèsent sur l’avenir même de l’homme… les mers ne sont plus un espace infini, elles ne peuvent plus être l’ultime poubelle. »

C’est aujourd’hui une évidence, le réchauffement climatique s’impose même aux « climato sceptiques » espèce en voie de disparition. Porté par l’opinion publique, le président Macon réélu en 2022 annonce que son « quinquennat sera écologique ou ne sera pas », la planification écologique devient la priorité du gouvernement, la Première Ministre en est chargée… Les paroles sont au rendez-vous, en attendant les actes. Mais « le droit est une force » et l’environnement peut compter sur ses avocats de métier, comme Corinne Lepage, un exemple d’entêtement et de professionnalisme.

9. Ségolène Royal (1953), compagne de François Hollande et mère de quatre enfants, femme politique et médiatique, qui incarna et embarrassa souvent le PS.

« Qui gardera les enfants ? »

Laurent FABIUS (né en 1946), apprenant la déclaration de candidature de Ségolène Royal. Le Féminisme à l’épreuve des mutations géopolitiques : Congrès international (2012), Françoise Picq, Martine Storti

Le 29 septembre 2006 à Vitrolles, celle qu’on appelle simplement Ségolène se présente à l’investiture socialiste en vue des présidentielles. Fabius est également candidat et son humour pèche un peu par sexisme. Avec son compagnon François Hollande, Premier secrétaire du parti socialiste, elle a quatre enfants, dont la dernière a 13 ans.

Cela n’a pas empêché Ségolène Royal d’être quatre fois ministre, entre 1992 et 2002, députée depuis 1988, et seule femme à présider un conseil régional (Poitou-Charentes) Mais sa gestion dont elle est très fière est contestée : « raisonnable sur les impôts mais moins sur les frais de personnels, les plus élevés de France » selon l’Expansion.

Elle a presque autant de surnoms que son ex-compagnon, François Hollande: Ségo (c’est sympa et pas snob), la Zapatera (accueillie en 2007 par le chef du gouvernement socialiste espagnol José Luis Zapatero), Bécassine (pour ses gaffes et son humour pas toujours volontaire), Couscous (ça mérite une longue explication : elle fait beaucoup de boulettes, elle a un pois chiche dans la tête et elle pédale dans la semoule : C’est un couscous Royal !), Marie-Ségolène (son vrai prénom jusqu’à 28 ans, elle n’a gardé que le plus original, Ségolène), Mère Royal, la Mère-Sup (allusion à son « côté j’ordonne » pas toujours apprécié).

En fait, elle est très diversement jugée, médiatique et séductrice, mais moins compétente qu’elle ne voudrait le faire croire et finalement perdante à tous les grands rendez-vous  qu’elle s’est fixé.

« Ségolène, elle séduit au loin et irrite au près. »

Jean-Pierre RAFFARIN (né en 1948), parlant de Ségolène Royal, prix de l’humour politique 2006. Politiques et langue de bois ! (2011), Olivier Clodong, Nicolas Clodong

Le 16 novembre, après une rude bagarre interne, elle est désignée candidate du Parti socialiste pour les présidentielles de 2007, dès le premier tour. Avec 60,65 % des voix, elle écrase littéralement Strauss-Kahn, 20,69 %, et Fabius, 18,66 %. Elle se lance dans la présidentielle avec divers handicaps.

Son adversaire numéro un, Nicolas Sarkozy, est en campagne permanente depuis sa prise de fonction au ministère de l’Intérieur. Il a étouffé les menaces de divisions internes et dispose d’un parti en ordre de bataille, dévoué à sa victoire. C’est un battant et son volontarisme plaît naturellement à son électorat.

Ségolène Royal a été choisie « dans la douleur » et les perdants ne seront pas beaux joueurs. Le PS, divisé, donc affaibli, présente un projet illisible qu’elle peine à incarner, si comédienne soit-elle. Le fait d’être la première femme candidate à la présidence peut se révéler un atout, comme un handicap.

Ségolène Royal va beaucoup séduire, et beaucoup irriter. « Même quand je ne dis rien, cela fait du bruit », dit-elle dans L’Express, le 2 octobre 2006. Elle aussi, elle a de l’humour, pas toujours involontaire.

« Ségolène Royal n’a qu’un seul défaut, c’est son compagnon. »

Arnaud MONTEBOURG (né en 1962), se lâchant sur le plateau de Canal Plus, 17 janvier 2007

En direct à la télé, le porte-parole de la candidate stupéfie les présents, même s’il est coutumier des bons mots : « Je pensais vous faire rire » a-t-il ajouté avec un culot qui ressemble à celui de la victime, en d’autres circonstances.

« Ça a jeté un froid sur le plateau » avoue la députée UMP Nadine Morano, présente lors de l’émission et pourtant adepte du franc-parler, voire du « pavé dans la mare ». Interrogée sur RTL, elle a rebaptisé le porte-parole de la candidate socialiste Arnaud « Montebourde ». Madame Royal refuse sa démission, mais le met au silence médiatique pendant un mois, ce qui est quand même gênant pour un porte-parole.

Circonstance atténuante ou aggravante, il est de notoriété presque publique que le couple socialiste se sépare. Étrange coïncidence, il en va de même entre Sarkozy et Cécilia, sa femme et très proche collaboratrice.

« J’ai mis en place et beaucoup défendu l’idée de démocratie participative, c’est-à-dire qu’on considère que les citoyens sont les meilleurs experts de ce qui les concerne. »

Ségolène ROYAL (née en 1953), lors de son voyage en Chine, début janvier 2007

La démocratie participative est l’une des idées originales de la candidate. Mais est-ce réalisable, dans un pays aussi ingouvernable que la France ?

Le site Internet de Ségolène Royal, « Désirs d’avenir », lancé dès février 2006, mise sur le concept du « forum participatif ». Elle multiplie les « débats participatifs », avant de proposer son pacte présidentiel, le 11 février à Villepinte. L’« ordre juste » est aussi un vrai thème de campagne.

Les premiers sondages lui sont favorables. On parlera d’une campagne « esthétique et mystique ». Mais la rigueur manque souvent et l’incantation qui peut séduire sur l’instant peine à convaincre dans la durée.

« Comme le disent les Chinois, un Chinois qui ne vient pas sur la Grande Muraille n’est pas un brave et un Chinois qui vient sur la Grande Muraille conquiert la « bravitude ». »

Ségolène ROYAL (née en 1953), TF1, 6 janvier 2007, lors d’une visite sur la Muraille de Chine

Et le 5 mars 2007, à Berlin, devant les Français expatriés : « Je vois dans vos yeux votre intelligence collective. »

Ses perles sont collectionnées par les médias, même loin de France. Critiquée, elle a toujours une réponse originale : « C’est moi qui maîtrise la rareté de ma parole politique, pour dire des choses intelligentes quand j’ai besoin de les dire. » Cette phrase sera nommée pour le prix de l’humour politique 2010. Elle aurait pu être primée, mais il y avait une forte concurrence masculine.

« Si je suis élue, les agents publics seront protégés et en particulier les femmes, elles seront raccompagnées chez elles. »

Ségolène Royal (née en 1953), débat de l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle, TF1 - France 2, 2 mai 2007

Un exemple (parmi tant d’autres) qui décrédibilise la parole politique. Imaginons le coût de cette promesse sympathique, mais totalement irréaliste !

La candidate du PS, logiquement finaliste au second tour, après un parcours atypique, où elle a ses fans et, de plus en plus nombreux, ses détracteurs, ne fait plus illusion, et les sondages le reflètent depuis deux mois.

« Qu’on commette des erreurs en politique c’est possible ; qu’on les commette toutes, c’est fou ! » parole de Guillaume Bachelay, secrétaire national à l’Industrie du PS en 2010. Proche de Fabius, donc un peu trop dur pour être honnête, il voulait éviter le « mauvais choix » pour le prochain candidat socialiste à la présidentielle 2012.

Selon un sondage OpinionWay au lendemain du débat, Sarkozy domine mieux les dossiers économiques, les finances publiques, l’immigration, la lutte contre l’insécurité. Ségolène Royal reprend l’avantage sur les dossiers de société, l’environnement, l’éducation, les inégalités sociales : répartition des compétences classique, entre la droite et la gauche.

Sous le quinquennat de son ex-compagnon François Hollande, elle est ministre de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer 2014 et 2017. Elle quitte ensuite le PS et se voit nommée par Emmanuel Macron ambassadrice chargée de la négociation internationale pour les pôles arctique et antarctique, une fonction dont elle est démise en 2020. Raison invoquée, ses critiques envers la politique de l’exécutif. Mais sa présence et son efficacité à ce poste ne plaidaient pas en sa faveur. L’année suivante, elle est battue aux élections sénatoriales pour les Français établis hors de France en réunissant 2 % des voix. En 2022, contre le PS et Anne Hidalgo, elle est devenue mélenchoniste. Un parcours devenu plus chaotique et moins médiatique.

Fond et forme, la prochaine femme politique est vraiment son opposée en tout point.

10. Angela Merkel (1954), chancelière allemande de la CDU, « Mutti » seize ans au pouvoir, durablement populaire et principale partenaire de la France en Europe.

« Il est de plus en plus normal que des femmes accèdent aux plus hautes responsabilités. ».

 Angela MERKEL (née en 1954), Le Monde, 13 janvier 2007

Désignée quatorze fois femme la plus puissante du monde (de 2006 à 2020, sauf en 2010) par le magazine américain  Forbes, la chancelière (chef du gouvernement) est aussi perçue comme la personnalité politique la plus puissante de l’Union européenne.

Physicienne de formation, élue et réélue députée depuis 1991, ministre sous le gouvernement Kohl (des Femmes et de la Jeunesse, puis de l’Environnement, de la Protection de la Nature et de la Sécurité nucléaire), première femme présidente de la CDU (Union chrétienne démocrate) en 2000, puis chancelière après victoire de la droite aux élections fédérales de 2005, avec une grande coalition alliant la CDU/CSU et le SPD (Parti social-démocrate). Elle sera reconduite dans ses fonctions au prix de nouvelles coalitions. « Mutti » (maman) bénéficie souvent d’une cote de popularité de plus de 60 %, score sans précédent dans l’histoire allemande et pour un chef de gouvernement européen en fonction. Réélue présidente fédérale de la CDU pour la septième fois le 4 décembre 2012, par 97,9 % des suffrages, sa popularité atteint alors un niveau record : 81 % d’opinions favorables et les Allemands approuvent sa gestion de la crise de la dette dans la zone euro. Qualifiée de travailleuse, rassurante et pondérée, voire discrète par nature, elle restera très populaire auprès des Allemands, même quand son programme, son parti ou le travail de ses gouvernements ne susciteront plus le même d’enthousiasme.

Femme politique responsable et pragmatique, toutes les citations qui suivent en forme de mini chronique reflètent son sérieux jusque dans son humour pas du tout british.

« Foncer tête la première dans un mur ne fonctionne pas. À la fin, c’est toujours le mur qui gagne. »

Angela MERKEL (née en 1954) à propos du conflit sur la convention collective des chemins de fer allemands, novembre 2007

Contrairement à la France, on négocie avant de faire grève, ce qui permet justement d’éviter la grève. La chancelière sera jugée d’abord sur ses résultats économiques. L’Allemagne est la meilleure élève de la classe. Forte d’une industrie puissante, elle donne volontiers des leçons à la France avec sa balance extérieure largement excédentaire et son équilibre budgétaire.

« Si l’euro échoue, l’Europe échoue. »

Angela MERKEL (née en 1954), déclaration gouvernementale sur les plans pour stabiliser la monnaie européenne, 19 mai 2010

C’est simple et c’est vrai. Cela vaut particulièrement dans un pays qui garde le souvenir tragique de son hyperinflation après le traité de Versailles (1919) : dommages de guerre, chômage, recours massif à l’emprunt. En 1923, les prix au détail passent de l’indice 1 en janvier à 750 000 000 000 en novembre ! Le cours du mark s’effondre et le sursaut nationaliste portera démocratiquement Hitler au pouvoir. Ce passé explique en partie l’orthodoxie monétaire parfois jugée excessive de notre partenaire allemand. Mais la réussite incontestable de cette nouvelle monnaie introduite en 2002 fonde la construction européenne tout en protégeant chacun des États – à commencer par la France qui a souffert des inflations à deux chiffres et des dévaluations successices.

« Si je me vexais rapidement, je ne pourrais pas être chancelière plus de trois jours. »

Angela MERKEL (née en 1954), novembre 2012, lors d’une manifestation marquant le début des 14e consultations gouvernementales germano-russes à Moscou

Le président russe Vladimir Poutine s’était montré agacé par les questions critiques des journalistes et la chancelière allemande calmait le jeu avec humour. Mais Poutine est un cas très poutinien, pour ne pas dire tzariste. L’idée d’une véritable démocratie (au sens occidental) lui est totalement étrangère, de sorte qu’entre Merkel et lui, la même permanence au pouvoir relève de règles du jeu totalement opposées.

« J’ai certaines qualités des chameaux. J’ai une certaine capacité à stocker, mais il me faut aussi faire le plein de temps en temps. »

Angela MERKEL (1954), au cours d’une table ronde en mai 2013, répondant à une question sur son besoin de sommeil de quatre heures par jour

Quelques signes de faiblesse furent observés au début de l’été 2013. La chancelière allemande de 65 ans était prise de tremblements nerveux lors de cérémonies officielles, devant rester assise lors des hymnes nationaux. Mais sa capacité de gouverner est restée intacte jusqu’à la fin !

« Wir schaffen das ! » en VF « Nous y arriverons ! »

Angela MERKEL, 31 août 2015, petite phrase prononcée au sujet de l’intégration des réfugiés en Allemagne, suite à la crise migratoire en Europe

C’est devenu aussitôt le slogan de sa politique d’accueil.  Symbole de l›« ouverture » du pays (la willkommenskultur ou « culture de l’accueil »), cette phrase met finalement en difficulté la chancelière qui la répète, alors que les Allemands s’inquiètent du défi représenté par l’intégration des réfugiés (très majoritairement syriens). Le ministre de l’Intérieur Thomas de Maizière doit préciser l’évidence : « Personne ne dit que cela se fera sans sueur. » La popularité de la chancelière chute gravement, en août 2016, 66 % des Allemands remettent en question cette générosité – déjà qualifiée de naïveté par le Sunday Times en Angleterre, alors que le New York Times l’invitait à démissionner ! Les élections perdues la fragilisent aussi sur le plan européen. Le 17 septembre 2016, expliquant que « c’est devenu une formule creuse… On a mis trop de choses dedans », elle évitera désormais d’abuser du mot.

Au total, l’Allemagne a quand même accordé sa protection à 445 000 migrants en 2016 – l’Union européenne a doublé le nombre de bénéficiaires du droit d’asile et la France est au quatrième rang, avec 35.000 réfugiés. En 2020, le Monde estime à un million le nombre de réfugiés en Allemagne et accorde au parti qui la soutient toujours, la CDU, le qualificatif de centriste parfois de gauche. Selon le Tagesspiegel, ce serait même « le meilleur SPD de tous les temps », libéralement et socialement. Enfin, la popularité d’Angela Merkel est remontée avec sa gestion de la crise sanitaire due à la pandémie. Bref, elle est arrivée au terme de son quatrième mandat, sans postuler un cinquième.

La coopération franco-allemande grandit également au fur et à mesure de ses années à la chancellerie, grâce à son entente avec les différents présidents français. Le couple Merkel-Macron a fini par bien s’entendre, après qu’elle ait connu Chirac - trop vieux, trop tard -, Sarkozy - trop impétueux, le couple « Merkozy » se réconciliant sur la co-gestion de la crise mondiale de 2007-2008 -, Hollande – avec qui elle affiche sa solidarité face aux attentats en France, mais sa déception faute de soutien dans la crise des réfugiés en Allemagne. Reste l’importance historique du couple frano-allemand.

« Personne ne peut mieux que lui saisir ma main. Mais personne ne peut mieux que moi la lui tendre. »;

Charles de GAULLE (1890-1970) parlant du chancelier Konrad Adenauer, De Gaulle, stratège au long cours (2020), François Kersaudy

Leur passé commun d’opposants inflexibles au nazisme constitue le fondement de leur amitié. Ce rapprochement se concrétise par la signature du traité de l’Élysée le 22 janvier 1963 qui officialise une coopération dans de nombreux domaines, de l’économie aux affaires étrangères, Adenauer étant considéré comme un des « Pères de l’Europe ».

Compte tenu du contexte historique et de leurs fortes personnalités, les deux dirigeants ne s’entendent pas sur tous les sujets. L’amitié qui lie les deux pays n’en est pas menacée pour autant et celle qui lie les deux hommes perdure après la retraite du chancelier : « Ce que nous avons accompli ensemble pour nos deux pays est pour moi l’œuvre la plus importante des quatorze années à la chancellerie » dira l’Allemand. « Adenauer est le seul que je puisse considérer comme mon égal » déclarera le Français.

Rappelons aussi l’amitié réelle qui lie Giscard d’Estaing et Helmut Schmidt - donnant naissance à l’expression « couple franco-allemand ». Et la poignée de mains entre Mitterrand et Helmut-Kohl à Douaumont. 22 septembre 1984, geste symbolique de la réconciliation devant un catafalque placé à l’entrée de l’ossuaire, lors d’une commémoration des morts de la Première Guerre mondiale. Dans un geste spontané, le président français saisit de sa main gauche la main droite du chancelier allemand (surpris) qui le domine d’une tête, les deux chefs d’État écoutant côte à côte La Marseillaise juste après avoir entendu l’hymne allemand. C’est aussi cela, l’Europe.

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