Femmes historiques (Siècle de Louis XIV et siècle des Lumières) | L’Histoire en citations
Édito de la semaine

IV. Siècle de Louis XIV et siècle des Lumières.

Revivez toute l’Histoire en citations dans nos Chroniques, livres électroniques qui racontent l’histoire de France de la Gaule à nos jours, en 3 500 citations numérotées, sourcées, replacées dans leur contexte, et signées par près de 1 200 auteurs.

1. Anne d’Autriche (1601-1666), femme de Louis XIII, mère de Louis XIV et régente sous la Fronde, contestée des Parisiens, mais finalement très aimée des Français.

« Mon prix n’est pas dans ma couronne. »

Devise d’Anne d’Autriche. Dictionnaire Larousse au mot « couronne »

La reine fit son possible pour en être digne au fil des épreuves, après une entrée dans l’Histoire et une première cérémonie de mariage impressionnante.

« Certes c’est à l’Espagne à produire des Reines
Comme c’est à la France à produire des Rois. »669

François de MALHERBE (1555-1628), Sur le mariage du Roi et de la Reine (1615)

Le poète officiel salue le mariage espagnol : Louis XIII épouse à Bordeaux Anne d’Autriche - fille de Philippe III d’Espagne et de l’archiduchesse Marguerite d’Autriche.

« Quelles fiançailles ! Celles du père et de la mère de Louis XIV. Ces fiançailles, ce mariage ont eu sur notre pays et même sur les autres nations une influence si profonde que rien de ce qui s’y rapporte ne saurait être d’un médiocre intérêt. Intérêt historique, intérêt de curiosité pour les amateurs de contraste et de pittoresque. Pendant près de deux mois, la gravité, la réserve, la hauteur castillane sont en contact avec la vanité, l’exubérance, la courtoisie raffinée des Français. En contact et en lutte ; le patriotisme, plus encore que le goût du faste, explique et justifie la pompe et la magnificence déployées par l’ambassade extraordinaire de France et par la cour d’Espagne pendant ces solennités. C’est la grandeur rivale de la France et celle de l’Espagne que ce faste et cette pompe représentaient. » Duc de La Force, essai sur les fiançailles historiques de Louis XIII et d’Anne d’Autriche, mars 1923, cité dans la Revue des Deux Mondes, mai 2017.

Comme tous les mariages royaux, il obéit à la raison d’État. Il a été arrangé pour faire alliance avec la très catholique Espagne dans le cadre de la politique antiprotestante chère à la reine mère (Marie de Médicis) et au parti dévot. Mais la nuit de noces, devant témoins suivant la coutume, se passe mal. Les deux adolescents ont à peine 14 ans et la répulsion de Louis pour l’infante Anne entraînera une longue inhibition.

« En 1619, on avait à grand bruit imprimé dans Le Mercure, pour la joie de la France, que le roi commençait enfin à faire l’amour à la reine. »676

Jules MICHELET (1798-1874), Histoire de France au dix-septième siècle, Henri IV et Richelieu (1857)

Le peuple se passionne pour les secrets d’alcôves royales. « Pendant trois ans, son mari avait oublié qu’elle existât. » Il faudra encore vingt ans pour que naisse un enfant de cette union… et Louis XIII n’est peut-être pas le père de Louis XIV.

Le roi ne négligeait pas sa femme pour s’occuper de ses maîtresses, étant par nature, en cela comme en presque tout, bien différent de son père (Henri IV) et de son fils (Louis XIV) ! « À Dieu ne plaise que l’adultère entre jamais en ma maison ! » dit-il un jour. Même s’il préfère le commerce de ses favoris à celui des femmes, son homosexualité n’est pas certaine, non plus que son impuissance.

« Je réponds de la vertu de la reine de la ceinture aux pieds. Je n’en dirai pas autant du reste. »695

Princesse de CONTI (1574-1631). Mazarin (1972), Paul Guth

Anne d’Autriche, peu heureuse dans son royal ménage, est compromise à son corps défendant par la folle passion du duc de Buckingham, ministre et favori du roi d’Angleterre Charles Ier. Une lettre de la reine à Buckingham confirme : « Si une honnête femme avait pu aimer un autre homme que son mari, vous auriez été le seul qui aurait pu me plaire. »

« Nous avons un Dauphin, / Le bonheur de la France,
Rions, buvons sans fin / À l’heureuse naissance. »725

SAINT-AMANT (1594-1661), La Naissance de Louis XIV (1638), chanson. Des chansons populaires chez les anciens et chez les Français (1867), Charles Nisard

La naissance d’un enfant royal est toujours une occasion de fêtes pour le peuple. Quand c’est un fils attendu depuis plus de vingt ans, l’événement est salué par une explosion de joie, ce 5 septembre 1638 : « Ce n’était rien que jeux, feux et lanternes / On couchait dans les tavernes […] On fit un si grand feu / Qu’on eut en grande peine / À sauver la Samaritaine / Et d’empêcher de brûler la Seine. » Toujours chantant, le peuple prédit : « Lorsque ce Dieu-Donné / Aura pris sa croissance / Il sera couronné / Le plus grand roi de France. / L’Espagne, l’empereur et l’Italie, / Le Croate et le roi d’Hongrie / En mourront de peur et d’envie. »

« Ici rien pour la nature. Dieudonné est le fils de la raison d’État. »726

Jules MICHELET (1798-1874), Histoire de France, tome XIV (1877)

L’historien remet l’événement en perspective. La très longue stérilité du mariage de Louis XIII et d’Anne d’Autriche faisait craindre pour la succession. « L’enfant apparut au moment où la mère se croyait perdue si elle n’était enceinte. Il vint exprès pour la sauver. »

« La régente espagnole ouvre son règne de quinze ans par un chemin de fleurs. Elle est femme et elle a souffert. Les cœurs sont attendris d’avance. Elle est faible. Chacun espère en profiter. »760

Jules MICHELET (1798-1874), Histoire de France au dix-septième siècle, Richelieu et la Fronde (1858)

La mort de Richelieu en 1642, suivie six mois après par celle de Louis XIII en 1643, change la donne. Les deux hommes se méfiaient des complots ourdis par la reine (fille de l’ennemi espagnol) et sa redoutable belle-mère, Marie de Médicis. Nommée régente de France le 18 mai 1643, Anne d’Autriche choisit pour Premier ministre un fin connaisseur des puissances européennes, le cardinal Mazarin.

Ce choix stratégique sera gagnant pour la France en proie à la guerres civile (révolte du Parlement, Fronde). En 1651, quand Louis XIV (13 ans) deviendra officiellement roi, Anne est une femme respectée et aimée partout dans le royaume. Elle bénéficie de ce qu’on appellerait aujourd’hui un état de grâce : « Ce peuple singulier, qui parle tant de loi salique, est tout heureux de tomber en quenouille. Sans qu’on sache pourquoi ni comment, cette étrangère est adorée. » Elle a quand même vécu des moments difficiles et des attaques injustes, voire sexistes !

« Je voudrais bien étrangler
Notre pute de Reine !
Ô gué, notre pute de Reine. »761

Mazarin, ce bougeron, mazarinade. Histoire de France par les chansons (1982), France Vernillat, Pierre Barbier

L’attaque directe contre la vie privée est une constante à l’époque : la règle de cet art pamphlétaire et chansonnier est de ne rien respecter et les reines pas plus que les rois n’ont de « vie privée », au sens moderne du mot.

« Je plains le sort de la Reine ; / Son rang la contraint en tout ;
La pauvre femme ose à peine / Remuer quand on la f… »762

Le Frondeur compatissant, mazarinade. Nouveau siècle de Louis XIV, ou poésies-anecdotes du règne et de la cour, F. Buisson

On soupçonne les relations d’Anne d’Autriche avec « Mazarin ce bougeron ». Michelet rapporte dans son Histoire de France : « Mazarin commença dès lors l’éducation de la reine, enfermé toutes les soirées avec elle pour lui apprendre les affaires. La cour, la ville ne jasaient d’autre chose. » On jasa beaucoup, on supposa tout, y compris un mariage secret. Anne d’Autriche nia toujours, assurant même que Mazarin « n’aimait pas les femmes », mais elle laissa gouverner le cardinal, mieux qu’elle n’avait jadis laissé régner Louis XIII.

« La reine avait plus d’aigreur que de hauteur, plus de hauteur que de grandeur, plus de manière que de fond, […] plus de dureté que de fierté, plus de mémoire des injures que des bienfaits, plus d’intention de piété que de piété, plus d’opiniâtreté que de fermeté et plus d’incapacité que de tout ce que dessus. »763

Cardinal de RETZ (1613-1679), Mémoires (1671-1675)

Frondeur dans l’âme et dans les faits, l’auteur de ce portrait à charge s’oppose à la régente qui doit affronter la Fronde, cinq ans de guerre civile (1648-1653) visant surtout Mazarin, le plus impopulaire des Premiers ministres.

« Il y a de la révolte à s’imaginer que l’on se puisse révolter ; voilà les contes ridicules de ceux qui la veulent. L’autorité du roi y donnera bon ordre. »770

ANNE D’AUTRICHE (1601-1666). Mémoires du cardinal de Retz (posthume, 1717)

La régente du royaume fait preuve de fermeté plus que de lucidité. Le 13 mai 1648, à l’initiative du Parlement de Paris, un arrêt d’Union est pris par toutes les cours souveraines (Parlements, Grand Conseil, Chambre des comptes, Cour des aides) : leurs représentants vont travailler en commun à la réforme des abus de l’État. Une révolution ne commence pas autrement. Mais le pire sera évité, après cinq années de révoltes successives, du peuple, des princes, des Parlements. À plusieurs reprises, la famille royale doit quitter Paris et Mazarin, menacé de mort, devra même s’exiler en Allemagne, Anne d’Autriche tenant tant bien que mal les rênes du pouvoir. Le jeune Louis XIV restera marqué à vie par ces cinq années de Fronde. Et le peuple sera finalement reconnaissant à la « Reine Régente ».

« Or, sus, bourgeois, ne soyez plus en peine, / Cessez vos pleurs, vos cris,
Le Roi, Monsieur, et la Reine Régente / Reviennent à Paris,
Ha ! qu’ils ont fait une belle bévue ! / Elle est revenue, Dame Anne, elle est revenue. »782

L’Enlèvement du Roi (1649), chanson. Recueil de plusieurs pièces curieuses contre le cardinal de Mazarin (1649)

Rien moins que 28 couplets pour fêter le retour triomphal à Paris du petit Louis XIV (11 ans), mais aussi de son frère Philippe et de leur mère Anne d’Autriche, le 18 août 1649.

5 septembre 1651, Louis XIV atteint la majorité fixée à treize ans. Deux jours plus tard, devant le Parlement, Anne d’Autriche transmet officiellement les pouvoirs régaliens à son fils qui lui répond : « Madame, je vous remercie du soin qu’il vous a plu de prendre de mon éducation et de l’administration de mon royaume. Je vous prie de continuer à me donner vos bons avis, et je désire qu’après moi vous soyez le chef de mon Conseil. » Anne continuera à siéger auprès du roi jusqu’à la mort de Mazarin en 1661.

En 1666, un cancer du sein emporte la reine-mère après une longue agonie. Louis XIV, bouleversé, s’évanouit à cette nouvelle. Un conseiller tente de le réconforter : « Ce fut une grande Reine ! _ Non monsieur, plus qu’une grande Reine, elle fut un grand Roi. » Le peuple la pleura. Anne d’Autriche fut au final l’une des reines les plus appréciées de ses contemporains qui admiraient son humilité, sa sagesse et sa force d’esprit.

« Elle sut mépriser les caprices du sort,
Regarder sans horreur les horreurs de la mort,
Affermir un grand trône et le quitter sans peine ;
Et pour tout dire enfin, vivre et mourir en reine. »

Madeleine de SCUDÉRY (1607-1701), citée dans la Revue des Deux-Mondes, mai 2017

2. Ninon de Lenclos (1620-1705), « Notre Dame des amours », femme très libre, épicurienne et lettrée.

« Il est plus difficile de bien faire l’amour que de bien faire la guerre. »767

Ninon de LENCLOS (1616-1706), Lettres (édition posthume)

Cette belle dame aux mœurs légères vécut très âgée en un siècle très guerrier et parle en connaissance de cause. À qui songe-t-elle en écrivant ces mots ? Au maréchal d’Estrées, à Coligny, au duc de La Rochefoucauld ou au duc d’Enghien, devenu pour l’histoire le Grand Condé ?

Surnommée Notre Dame des Amours, séductrice aux « mille amants », épicurienne et lettrée, elle tient salon chaque jour, visitée de cinq à neuf par tout Paris, y compris par des femmes en renom  - Madame de la Sablière, la Champmeslé (tragédienne et maîtresse de Racine), la princesse Palatine, Madame de Maintenon. Elle devint sur le tard friande de jeunes gentilshommes et de prélats : « Je n’ai jamais eu que l’âge du cœur. »

« L’amour est pour rien, ou pour peu de chose dans toutes ses liaisons. Comme le papillon, il ne s’arrête à chaque fleur que pour un instant : un amusement passager est tout son objet. »

Ninon de LENCLOS (1616-1706), Lettre au Marquis de Sévigné

Elle classait ses amants en « payeurs » (il faut bien vivre…), « martyrs » (soupirants sans espoir) et « caprices » (élus du moment). Elle avait coutume de dire que « le désir de plaire naît chez les femmes avant le besoin d’aimer. »

3. Marquise de Sévigné (1626-1696), géniale commère des potins de la cour au Grand siècle.

« La nouvelle du siège de Charleroi a fait courir tous les jeunes gens, même les boiteux. »869

Marquise de SÉVIGNÉ (1626-1696), Lettre, mardi au soir, 10 août 1677 (posthume)

Les quelque 1 500 lettres qui nous restent de la plus illustre épistolière sont une savoureuse chronique du temps : la guerre y figure au même titre que le procès de son ami Fouquet, les potins de la cour ou les grandes créations théâtrales. Son humour (rarement méchant) fait toujours sourire. La principale destinataire est sa fille très chérie, Françoise, devenue comtesse de Grignan et vivant à l’autre bout de la France avec son mari, gouverneur de Provence. Cette gazette maternelle la tient fidèlement informée – ses réponses ne nous sont malheureusement pas parvenues.

Madame de Sévigné conte ici un épisode de la guerre de Hollande. La ville (aujourd’hui en Belgique francophone) est créée à des fins militaires par les Espagnols en 1666 et nommée Charleroi en l’honneur de leur nouveau roi, Charles II.   Louis XIV s’en empare en mai 1667 – une victoire de Turenne. Vauban renforce les fortifications. Nouveau siège en août 1677. Le maréchal de Luxembourg oblige Guillaume III d’Angleterre (prince d’Orange) à abandonner la place, le 14 août : « Le prince d’Orange peut se vanter d’une chose : c’est qu’aucun général à son âge n’a levé tant de sièges et perdu autant de batailles » ironise un seigneur anglais à l’humour so british. Apprécions aussi l’humour de la marquise.

« La duchesse de Bouillon alla demander à la Voisin un peu de poison pour faire mourir un vieux mari qu’elle avait qui la faisait mourir d’ennui. »884

Marquise de SÉVIGNÉ (1626-1696), Lettre, 31 janvier 1680 (posthume)

Le fait divers va devenir affaire d’État – c’est l’affaire des Poisons, première ombre portée au règne du Roi-Soleil. Et l’infatigable épistolière nous met dans la confidence, avec gourmandise.

En 1679, le roi institue une cour extraordinaire de justice pour juger de ces crimes : Chambre ardente qui siège dans une pièce tendue de draps noirs, éclairée par des flambeaux. On la nomme « cour des poisons ». Louvois ne serait pas fâché d’éliminer ainsi certains de ses ennemis. Mais le scandale éclabousse la cour : la duchesse de Bouillon dont parle Madame de Sévigné (la plus jeune des nièces de Mazarin), la comtesse de Soissons (autre « mazarinette »), la comtesse de Gramont, la vicomtesse de Polignac, le duc de Vendôme, le maréchal de Luxembourg (jadis alchimiste amateur), le grand Racine (soupçonné d’avoir empoisonné par jalousie sa maîtresse, la comédienne Du Parc)… et jusqu’à la favorite en titre du roi, la Montespan.

L’affaire des Poisons allait compromettre trop de monde à la cour et Louis XIV est horrifié : sa maîtresse lui aurait donc fait absorber des filtres d’amour, manigancé la mort de Madame de Fontanges (sa nouvelle favorite) et la stérilité de la reine !… Il suspend les interrogatoires. L’enquête publique est fermée, le roi fait brûler les dossiers, jetant lui-même au feu de la cheminée les pages compromettant son ex-favorite. La Chambre ardente aura siégé trois ans ! Au final, 36 condamnations à mort prononcées et appliquées.

4. La Grande Mademoiselle (1627-1693), richissime et rebelle, Frondeuse par nature et folle amoureuse du duc de Lauzun.

« [Louis XIV] est Dieu, il faut attendre sa volonté avec soumission, et tout espérer de sa justice et de sa bonté, sans impatience, afin d’en avoir plus de mérite. »831

Duchesse de MONTPENSIER (1627-1693), Mémoires de Mlle de Montpensier, dite la Grande Mademoiselle

La Grande Mademoiselle, Anne-Marie d’Orléans, est la cousine germaine de Louis XIV. Rescapée de sa Fronde folklorique et de l’exil qui s’ensuivit pour elle, cette extravagante princesse illustre l’adage : l’argent ne fait pas le bonheur. On peut même dire que son immense fortune héritée de sa mère (Marie de Bourbon, duchesse de Montpensier) lui attira de nombreux prétendants et d’innombrables ennuis en amour. Elle souffre également de voir la noblesse de France neutralisée, impuissante et humiliée sous le règne de Louis XIV.

« Sire, voici une demoiselle qui est bien fâchée d’avoir été méchante. Elle sera bien sage à l’avenir. »799

ANNE dAUTRICHE (1601-1666), présentant au roi la Grande Mademoiselle (1658). Mémoires de Mlle de Montpensier

Bon sang ne saurait mentir. Mlle de Montpensier, fille du Grand Monsieur (Gaston d’Orléans portant ce nom depuis la naissance de « Monsieur », frère du roi Louis XIV) s’est lancée dans la Fronde à cœur perdu, jusqu’à faire donner le canon de la Bastille contre les troupes royales (et Turenne), pour sauver Condé son cousin qu’elle se verrait bien épouser ! De retour de son exil à Saint-Fargeau, la voilà enfin pardonnée. Mais elle ne sera pas « bien sage à l’avenir ».

Son extravagante conduite lui coûta sans doute un mariage avec Louis XIV - elle a certes onze ans de plus que lui, mais possède l’immense fortune des Bourbon-Montpensier qu’elle saura gérer elle-même dès sa majorité, en femme d’affaires redoutable.

« Je m’en vais vous mander la chose la plus étonnante, la plus surprenante, la plus merveilleuse, la plus miraculeuse, la plus triomphante, la plus étourdissante, la plus inouïe, la plus singulière, la plus extraordinaire, la plus incroyable, la plus imprévue, la plus grande, la plus petite, la plus rare, la plus commune, la plus éclatante, la plus secrète jusqu’aujourd’hui, la plus brillante, la plus digne d’envie… »875

Marquise de SÉVIGNÉ (1626-1696), Lettre, 15 décembre 1670

Quelle « chose » déchaîne le talent de l’infatigable chroniqueuse du Grand Siècle dans la plus célèbre de ses lettres ? Tout simplement le mariage annoncé pour dimanche prochain de M. de Lauzun avec… « Devinez qui ? […] Mademoiselle, la Grande Mademoiselle ; Mademoiselle fille de feu Monsieur ; Mademoiselle, petite-fille de Henri IV ; Mlle d’Eu, Mlle de Dombes, Mlle de Montpensier, Mlle d’Orléans, Mademoiselle, cousine germaine du Roi ; Mademoiselle, destinée au trône ; Mademoiselle, le seul parti de France qui fût digne de Monsieur. » En fait, Mademoiselle n’épousera pas Lauzun, ou du moins pas « dimanche prochain » comme annoncé. Le roi s’y oppose.

« Si je n’étais roi, je me mettrais en colère. »876

LOUIS XIV (1638-1715), à Lauzun. Dictionnaire historique d’éducation (1771), Jean-Jacques Fillassier

Il garde un constant contrôle de soi et une extrême prudence dans ses propos. Mais le personnage de Lauzun, son ex-favori, l’exaspère : cadet de Gascogne bellâtre et volage, devenu maréchal de France, courtisan ambitieux et sans scrupules, il va jusqu’à payer des espions cachés sous le lit du roi et de sa maîtresse Mme de Montespan, pour lui rapporter la trahison de la favorite censée le soutenir dans ses projets de mariage !

Cette impertinence et quelques autres le mènent à la Bastille et à Pignerol, pendant neuf ans. La Grande Mademoiselle l’attend et finira par l’épouser (secrètement) en 1681, s’étant engagée à doter richement le duc du Maine, un des fils légitimés du roi. Ce mariage tant désiré ne fera pas pourtant pas son bonheur. Lauzun (de six ans plus jeune qu’elle) se lasse bientôt de la Grande Mademoiselle pour reprendre sa carrière de courtisan ambitieux et de séducteur invétéré.

Peu appréciée de la cour, jalousée pour son argent et ses innombrables possessions, la marquise de Sévigné la décrit dans ses lettres comme une femme avare et froide. Elle passera ses dernières années en dévotion.

5. Henriette d’Angleterre dite Madame (1644-1670), princesse malmenée par l’Histoire, pauvre exilée devenue idole de la cour de France et morte à 26 ans, vraisemblablement empoisonnée.

« Mon frère, vous allez épouser tous les os des Saints Innocents. »856

LOUIS XIV (1638-1715), à son frère Philippe d’Orléans, fin mars 1661. Mémoires de Mlle de Montpensier

On le marie malgré lui à Henriette Anne d’Angleterre, fort maigre (d’où la métaphore avec le cimetière parisien des Saints Innocents), alors que la mode est aux femmes bien en chair. Étonnant mariage « forcé » contre-nature et pour raison d’État très particulière.

Monsieur est un homosexuel notoire. Mazarin, alors Premier ministre, s’est chargé d’éduquer Philippe d’Orléans de façon à affaiblir sa personnalité, pour éviter que Louis XIV ait avec lui les mêmes ennuis que Louis XIII avec son frère Gaston d’Orléans, l’éternel comploteur. Il l’a fait initier à l’homosexualité par son neveu Filipo Mancini, en flattant ses penchants innés pour les fards et les déguisements. Ses mœurs choquent la cour et le mariage sera bienvenu. Philippe fera nombre d’enfants à ses deux femmes successives (la seconde étant la princesse Palatine, mère du futur Régent). Il se révélera aussi l’un des meilleurs chefs militaires de son temps, au point que Louis XIV, jaloux, lui retirera tout commandement.

Henriette est doublement de sang royal, Stuart par son père Charles Ier d’Angleterre et Bourbon par sa mère (Henriette Marie de France), fille d’Henri IV et sœur de Louis XIII. Suite à la révolution anglaise qui aboutit à l’exécution du roi, elle se réfugie en France avec sa fille. Négligée, ignorée, vivant pauvrement au couvent de Chaillot, mal chauffée, guère éduquée, Henriette redevient princesse digne de ce nom quand son frère aîné retrouve le pouvoir et devient Charles II d’Angleterre. À 16 ans, avec la reine et la reine-mère, la voilà devenue l’une des trois femmes les plus importantes de la Cour et de France, le pays le plus puissant d’Europe.

Le mariage d’Henriette et de Monsieur est décidé par Louis XIV et sa mère Anne d’Autriche, l’année où Mazarin meurt et où le roi commence son règne personnel. C’est l’une des premières grandes décisions du Roi-Soleil qui renforce ainsi les liens entre les deux principaux royaumes d’Europe. Mais le bonheur de la princesse sera de courte durée.

« Vous ne m’avez jamais aimée. »

Henriette D’ANGLETERRE (1644-1670 ) à son époux, ses derniers mots qui résument des centaines de pages d’une Correspondance parfoit désespérée

Philippe se dira amoureux de sa femme les quinze premiers jours de leur mariage. Il la délaisse ensuite pour ses favoris. Il lui fera quand même quatre enfants viables (sur huit grossesses en dix ans) pour l’empêcher de trop plaire ailleurs. Peine perdue, la nouvelle idole de la cour attire tous les regards.

Louis XIV trouve soudain bien des charmes à sa belle-sœur, plus présentable que sa propre épouse Marie-Thérèse. Elle chante et danse à ravir, elle brille dans toutes les fêtes et s’épanouit visiblement. Leur relation dépasse l’amitié - amour platonique doublé d’une grande complicité. On parla d’une véritable liaison entre le roi et Madame, c’est peu probable. Ce serait considéré comme un inceste entre frère et sœur par la religion de l’époque (on ignore le terme de « belle-sœur ») et Louis XIV est très croyant. Mais pour couper court aux rumeurs, il feindra une liaison avec Mlle de la Vallière qui sert de paravent, avant de devenir sa prochaine favorite – à suivre.

Au plan politique, le roi se sert très officiellement d’Henriette : il l’enverra en mission auprès de son frère Charles II qui l’aime tendrement, déclenchant à nouveau la jalousie de son frère Philippe et de son mignon le comte de Guiche (ex amant d’Henriette)  qui aurait bien voulu qu’on lui confie ce rôle. Mission accomplie : la signature du traité de Douvres scelle le rapprochement entre l’Angleterre et la France Quinze jours après son retour, elle tombe subitement malade.

« Ô nuit désastreuse ! ô nuit effroyable, où retentit tout à coup, comme un éclat de tonnerre, cette étonnante nouvelle : Madame se meurt, Madame est morte. »873

BOSSUET (1627-1704), Oraison funèbre d’Henriette Anne d’Angleterre (1670)

Depuis dix ans, l’évêque de Meaux est le prédicateur de la cour : des sermons par centaines et une éloquence incantatoire dont Malraux, ministre de la Culture, retrouvera les accents et le lyrisme, trois siècles après.

On imagine mal le choc provoqué par la mort de cette princesse de 26 ans qui fut pendant dix ans le plus bel ornement de la cour de Louis XIV, qui avait la grâce, l’esprit, les vertus de sa bisaïeule Marie Stuart - sa fin prématurée et cruelle lui donne un autre trait de ressemblance. L’éloge funèbre de Madame, femme de Monsieur, fait écho à cette émotion et reste un modèle du genre : « Le roi, la reine, Monsieur, toute la cour, tout le peuple, tout est abattu, tout est désespéré ; et il me semble que je vois l’accomplissement de cette parole du prophète : « Le roi pleurera, le prince sera désolé, et les mains tomberont au peuple de douleur et d’étonnement. » » Le choc est d’autant plus terrible que tous les présents pensent à l’empoisonnement  !

Cette opinion fut contredite par l’historien du règne, Voltaire qui la regarde comme un bruit populaire dénué de fondement. Madame de La Fayette, amie de la princesse, parle dans son Histoire de Madame Henriette d’Angleterre d’un malaise récurrent et décrit les symptômes d’une péritonite. Une autopsie confirme le délabrement de son corps : elle avait toujours vécu au-dessus des moyens d’une santé fragile.

À l’inverse, la publication des Lettres de Madame (la Palatine, seconde femme du duc d’Orléans), les Mémoires du duc de Saint-Simon et surtout les Fragments historiques de Duclos ont changé les soupçons d’empoisonnement en certitude. Morel, « contrôleur de la bouche », fut introduit secrètement la nuit même suivant la mort de cette princesse dans le cabinet du roi et confirma : « Madame a été empoisonnée : le chevalier de Lorraine a envoyé de Rome le poison au marquis d’Effiat, et nous l’avons mis dans l’eau que Madame a bue. » Le chevalier était l’amant en titre de Monsieur et le marquis un serviteur totalement dévoué au couple. Le témoin donne mille autres détails.

Le mystère reste entier sur cette mort, au terme d’un destin hors norme et de cette vie trop tôt massacrée.

6. Louise de La Vallière (1644-1710), de la Cour au Carmel, la plus touchante des liaisons royales.

« Non, sa couronne n’ajoute rien au charme de sa personne, elle en diminue même le danger… Il serait trop redoutable, s’il n’était pas roi ! »863

Duchesse de la VALLIÈRE (1644-1710). Œuvres choisies de Mme de Genlis, tome II, La Duchesse de La Vallière (1828)

C’est avec ce genre de propos que l’on séduit un roi ! Rappelons le contexte : Louis XIV s’était épris de sa belle-sœur Henriette (femme de Philippe), dite Madame, plus attirante que la reine d’ailleurs enceinte en cet été 1661. Il ne fut sans doute pas son amant, mais le bruit en a couru et ayant horreur du scandale, il feint une galanterie pour Louise de La Vallière sa fille d’honneur qui sert ainsi de « paravent ». Ses mots déclenchent la passion chez l’homme rêvant d’être aimé pour lui-même et  non pour son titre.

La roi est également conquis par ses talents d’écuyère, son goût pour la musique et le chant, ses talents de danseuse, ses connaissances littéraires… Mlle de Lavallière sera la première favorite en titre du règne, de 1661 à 1667.

Pour ménager sa mère Anne d’Autriche, le roi loge sa maîtresse dans un petit château servant de relais de chasse que Louise apprécie particulièrement, proche de Saint-Germain-en-Laye, dans la forêt du village de Versailles (en chantier). Le roi y donnera une fête splendide, Les Plaisirs de l’île enchantée (1664) : Molière joue La Princesse d’Élide, Les Fâcheux, Tartuffe et Lully compose les ballets. La reine et la reine-mère sont les dédicataires officielles, mais la fête est secrètement dédiée à Louise. Elle reçut en outre la terre de Carrières-Saint-Denis où elle fit bâtir un château avec les jardins signés Le Nôtre.

Après la mort de sa mère (1666), Louis XIV afficha publiquement sa liaison. Ce faste aurait comblé n’importe quelle femme, mais Louise préférait une relation plus discrète. Le couple aura (au moins) cinq enfants, seuls les deux derniers survécurent.

Au printemps 1667, la marquise de Montespan devenue dame d’honneur de la reine se lia avec La Vallière dont elle devient la confidente. Le roi remarque sa conversation piquante, naturelle et enjouée, si opposée à Louise la réservée. Bientôt subjugué, il en fera sa prochaine  maîtresse – à suivre. S’il donne à Louise le titre de duchesse de La Vallière, le Château de Vaujours et légitime leur fille Marie-Anne, aux yeux de tous, c’est le cadeau de la disgrâce.

Lors de la campagne des Flandres de mai 1667 (guerre de Dévolution), Louise enceinte du roi pour la quatrième fois fut priée de rester à la cour. Par angoisse ou jalousie, elle rejoignit quand même le roi. Mais elle comprend que son temps est fini. Elle l’exprime avec une délicatesse de ton qui reflète celle de son cœur.

« Tout se détruit, tout passe, et le cœur le plus tendre
Ne peut d’un même objet se contenter toujours ;
Le passé n’a point eu d’éternelles amours,
Et les siècles suivants n’en doivent point attendre. »

Duchesse de LA VALLIERE (1644-1710), Le Sonnet au roi (1667)

Romantique avant l’heure, elle rappelle aussi la Renaissance de Pétrarque et Ronsard. Mais la suite évoque le classicisme de Racine, tragédien du Grand siècle. « La constance a des lois qu’on ne veut point entendre ; / Des désirs d’un grand Roi rien n’arrête le cours : /  Ce qui plaît aujourd’hui déplaît en peu de jours ; / Cette inégalité ne saurait se comprendre.

Louis, tous ces défauts font tort à vos vertus ; / Vous m’aimiez autrefois, mais vous ne m’aimez plus. / Mes sentiments, hélas ! diffèrent bien des vôtres. / Amour, à qui je dois et mon mal et mon bien, / Que ne lui donniez-vous un cœur comme le mien / Ou que n’avez-vous fait le mien comme les autres ! »

Cinq mois plus tard, elle donne naissance à Louis. Une longue période de cohabitation débute entre les deux favorites. Pour la seconde fois, Louise sert de « paravent » couvrant le nouvel adultère royal avec une femme mariée. Espérant regagner son cœur, elle subit toutes les humiliations infligées par la nouvelle favorite.

« Une pauvre créature encore attachée à la terre, et qui ne fait que ramper dans le chemin de la vertu… »

Duchesse de LA VALLIERE (1644-1710), Réflexions sur la miséricorde de Dieu

En 1670, elle frôle la mort (suite à une fausse couche ?). Elle se tourne vers la religion et décrit son nouveau chemin de croix. Elle choisit de rester dans « le monde » (à la cour), pour affronter l’épreuve d’une vie désormais exemplaire, dans l’espoir d’inspirer d’autres âmes. Mais elle aime toujours le roi et la situation devient invivable. Sur les conseils du père Bourdaloue et de Bossuet, elle va entrer au couvent et choisit le plus strict : les Carmélites du faubourg Saint-Jacques. Craignant le scandale, le roi et sa maîtresse la Montespan firent tout pour l’en dissuader. À leur demande, la future Madame de Maintenon lui décrit les privations et les souffrances à venir, mais cela renforce la décision de La Vallière. Avant de se retirer, elle tint même à présenter des excuses publiques à la reine Marie-Thérèse, ce qui fit grand bruit.

Le 3 juin 1675, elle prononça ses vœux perpétuels, prenant le nom de Louise de la Miséricorde. Au couvent, elle reçut plusieurs fois la visite de la reine, de Bossuet, de la marquise de Sévigné et de la duchesse d’Orléans, belle-sœur du roi à qui elle avait confié l’éducation de son fils, le comte de Vermandois. Elle meurt le 6 juin 1710 à l’âge de 65 ans, après 36 ans de vie religieuse.

« Heureux [le roi] s’il n’eût eu que des maîtresses semblables à Mme de la Vallière… »

Duc de SAINT-SIMON (1675-1755), Mémoires (posthume)

Une telle conduite ne peut que désarmer l’impitoyable mémorialiste du siècle de Louis XIV ! Au siècle du romantisme, critique littéraire et historien de la religion, Sainte-Beuve lui aussi réputé pour sa méchanceté estime que, des trois plus célèbres favorites de Louis XIV, c’est elle « de beaucoup la plus intéressante, la seule vraiment intéressante en elle-même. » Elle symbolisait l›« amante parfaite », celle qui aime pour aimer, sans orgueil ni caprice, sans ambition ni vanité, et dont la sensibilité ne cache pas la fermeté de cœur.

7. Madame de Montespan (1640-1707), la plus grande favorite en titre de Louis XIV, mécène bien entourée, mais cible de toutes les attaques.

« L’éloge le plus flatteur qu’on puisse faire à une femme, c’est de dire beaucoup de mal de sa rivale. »

Madame de MONTESPAN (1640-1707), citation reprise par Delphine de Girardin (épouse du célèbre journaliste Émile de Girardin) dans ses Lettres parisiennes, 24 mai 1837

Née Françoise de Rochechouart de Mortemart, elle épouse le marquis de Montespan et gardera le nom et le titre. Elle se baptise Athénaïs, jouant avec talent la précieuse pas du tout ridicule, dans les salons du Marais où elle aime briller. Son mari étant ruiné, elle use de ses relations pour devenir dame d’honneur de la reine Marie-Thérèse, puis amie et confidente de sa future rivale, Madame de Maintenon. Le « grand monde » est petit et tout le monde connaît tout le monde, pour en dire du bien ou du mal. La suite de l’histoire le prouve.

Elle rencontre le roi qui n’a d’yeux que pour sa maîtresse, Louise de la Vallière dont elle devient la confidente. Le roi la remarque : elle a tout pour plaire, l’esprit et la beauté, la nouveauté, une manière de dire du mal des gens, mais sans méchanceté, juste pour s’amuser et amuser le roi. Grand amoureux, il s’éprend de cette nouvelle maîtresse, le mari apprend la vérité, va faire scandale à la cour. Le cocu le plus célèbre de France se retrouve exilé sur ses terres, en Gascogne. La Vallière souffre discrètement de cette rivale, devenue le paravent des nouvelles amours royales et la risée de la cour. Elle finira par quitter la place et entre au couvent des Carmélites.

En 1674, la Montespan devient la Favorite en titre, désormais exposée à tous les regards, cible de toutes les jalousies. Elle donnera sept enfants au roi, dont six légitimés. Mais elle redoute les filles d’honneur de la reine, chacune étant une rivale en puissance… Elle fait supprimer le poste.

« L’attelage du soleil / N’aura jamais son pareil.
Il est de quatre chevaux / Qui ne sont ni bons ni beaux […]
Précédé de deux cavales […] / Toutes deux fortes des reins
Toutes deux sont poulinières, / L’une est maigre au dernier point,
L’autre crève d’embonpoint. »880

Chanson allégorique sur les ministres et les maîtresses de Louis XIV. Nouvelle collection des mémoires pour servir à l’histoire de France : depuis le XIIIe siècle jusqu’à la fin du XVIIIe (1837), J. Michaud, J. J. F. Poujoulat

Chanson allégorique, mais sans mystère : les quatre chevaux sont les ministres Le Tellier, son fils Louvois, Colbert et Lionne. Les deux cavales sont les maîtresses du roi, la Vallière et Montespan. Et la France est toujours cette « monarchie absolue tempérée par des chansons » qui se moquent de la censure, grâce à l’anonymat.

La Montespan règne vraiment sur le roi pendant dix ans : la plus belle époque du Roi-Soleil qui offre à Athénaïs tout ce dont une femme peut rêver, diamants, châteaux, honneurs divers. Mécène éclairée à la grande époque du mécénat royal, elle protège personnellement La Fontaine, Molière, Lully, Quinault (son librettiste). La « Sultane reine » sera la plus grande favorite de l’histoire en cette décennie magnifique, exerçant tous ses talents à l’époque où la monarchie culmine.

Mais avec le temps, l’âge et les maternités, elle prend de l’embonpoint. Le roi, peut-être las de cette vie trop brillante et de tous ces plaisirs fatigants, devient sensible au langage de sagesse de Madame de Maintenon – autre marquise à suivre, bientôt chargée de l’éducation des enfants royaux légitimés. La jalousie entre ces deux femmes de caractère oblige le roi à intervenir. On imagine les rumeurs à la cour et à la ville ! Une troisième marquise s’en fait naturellement l’écho…

« Tout le monde croit que l’étoile de Madame de Montespan pâlit… Les uns tremblent, les autres se réjouissent, les uns souhaitent l’immutabilité, les autres un changement de théâtre… On regarde, on observe, on s’imagine, on trouve des rayons de lumière sur des visages que l’on trouvait indignes, il y a un mois, d’être comparés aux autres. »

Marquise de SÉVIGNÉ (1626-1696), Lettre du 11 septembre 1676

L’infatigable commère décrit la situation qui se complique encore à l’arrivée de Mlle de Fontanges, 17 ans, protégée de la Montespan qui l’a présentée au roi pour mieux le retenir. Jeu dangereux, mal joué ! Louis retombe fou amoureux, la fille se retrouve enceinte et accouche d’un prématuré qui ne survit pas. Elle-même va mourir d’un mal mystérieux – en pleine Affaire des Poisons !! Madame de Montespan est soupçonnée du pire… mais aussi d’avoir donné des filtres d’amour pour retenir le roi. Il se détourne définitivement d’elle qui finira dans la dévotion. Mais la belle-sœur du roi, la fameuse Palatine ne désarme pas pour autant.

« Madame de Montespan a la peau comme quand les enfants s’amusent à jouer avec du papier, à le plier et à le replier : tout son visage est recouvert de petites rides si rapprochées des unes des autres que c’en est étonnant ; ses beaux cheveux sont blancs comme la neige, et toute la figure est rouge… »

Princesse PALATINE (1652-1722), Lettre à la duchesse de Hanovre, Versailles, 29 décembre 1701

Impitoyable pour l’ex-Sultane, reine déchue, elle n’épargne pas davantage le fruit de ses amours royales. Encore un personnage à suivre dans la catégorie des femmes influentes, étonnantes.

8. Madame de Maintenon (1635-1719), épouse morganatique et très pieuse du roi devenu veuf, toujours viril et plus ou moins influencé par cette femme de devoir.

« Le plus grand roi du monde, couvert de gloire, épouser la veuve Scarron ? Voulez-vous vous déshonorer ? »894

LOUVOIS (1639-1691), à Louis XIV qui lui fait part de son projet de mariage, 1683. Mémoires et réflexions sur les principaux événements du règne de Louis XIV (1715), marquis de la Fare

François Michel Le Tellier, marquis de Louvois, ose reprocher au roi son intention d’épouser Madame de Maintenon, veuve d’un bohème des lettres !

Sans ressources, la « veuve Scarron » était devenue gouvernante des enfants de Louis XIV et Madame de Montespan. La gouvernante supplanta la maîtresse. Après la mort de sa femme Marie-Thérèse (30 juillet 1683), le roi va écouter son cœur plutôt que son ministre préféré. Il épouse secrètement (en 1683 ou 1684) Madame de Maintenon qui ne pardonnera jamais à Louvois : il sera disgracié sur son intervention, après la chute de Mayence (en 1689).

« Madame Quatorze » et « Madame de Maintenant » sont deux autres surnoms spirituels et appropriés, mais la Palatine ne supporte pas cette femme bien-pensante, maîtresse du roi promue épouse et toujours plus influente : c’est « l’Ordure du roi, la Vieille touffe, la Ripopée, la Vieille conne, la Vieille guenon »… Il y a quand même une bonne raison à tant de haine chez la Palatine : Madame de Maintenon est en partie responsable de la dévastation du Palatinat par les troupes françaises en 1688-1689, au début de la guerre de la Ligue d’Augsbourg - l’une des plus grandes erreurs du règne de Louis XIV, avec la révocation de l’édit de Nantes et les dragonnades contre les protestants. L’influence politique réelle de cette dernière femme sur Louis XIV fait toujours débat.

« Dieu se sert de tous les moyens. »899

Madame de MAINTENON (1635-1719). Histoire de Madame de Maintenon et des principaux événements du règne de Louis XIV (1849), duc Paul de Noailles

Au nom de la foi, elle se résigne à la brutalité des dragonnades, avec les enfants systématiquement enlevés à leurs parents. Impossible qu’elle n’en ait pas eu connaissance, même si les historiens en discutent encore.

Ironie de l’histoire, Madame de Maintenon – née Françoise d’Aubigné – est la petite-fille d’Agrippa d’Aubigné, farouche protestant qui s’est battu toute sa vie pour sa religion et déplorait que l’édit de Nantes, signé par son ami Henri IV, ne fît pas la part assez belle aux réformés !

Quoiqu’il en soit, Louis XIV apprécie cette femme à ses côtés, se range souvent à ses avis, redevient « bon chrétien » et la baptise (avec ou sans ironie ?) « Sainte Françoise ». Le peuple va bientôt la détester.

« Ah ! que votre âme est abusée / Dans le choix de tous les guerriers.
Faut-il qu’une vieille édentée / Fasse flétrir tous vos lauriers ? »929

Contre Maintenon, chanson. Histoire de France par les chansons (1982), France Vernillat, Pierre Barbier

Épuisé, ruiné, lassé d’une gloire dont il voit maintenant les faiblesses, le peuple prend cette femme pour bouc émissaire, cependant que la guerre de Succession d’Espagne tourne au drame, avec des troupes moins combatives, sous des chefs militaires aussi médiocres que La Feuillade, Marcin, Villeroy. L’influence de cette femme de tête sur le roi vieillissant fait de plus en plus jaser en fin de règne.

« Les femmes ne doivent jamais oublier qu’elles sont l’esclave de l’opinion publique. »

Madame de MAINTENON (1635-1719), Correspondance

Elle se plaint avec dignité de ce fait évident, mais il n’est pas en son pouvoir de rien changer. Le roi lui-même est exposé à la critique sur ce qu’il a présentement de plus cher.

« Louis, avec sa charmante, / Enfermé dans Trianon,
Sur la misère présente,  / Se lamente sur ce ton :
Et allons, ma tourlourette / Et allons, ma tourlouron. »934

Louis avec sa charmante, chanson. Le Nouveau Siècle de Louis XIV ou Choix de chansons historiques et satiriques (1857), Gustave Brunet

La crise économique et sociale ronge le pays et touche la cour, les marchands exigent d’être payés comptant, pour livrer au roi le linge à son usage personnel !

1709. Année terrible. Le Grand Hiver est une catastrophe nationale qui hantera longtemps les mémoires. La Seine a gelé de Paris à son embouchure, les transports par eau sont paralysés, les récoltes perdues – même les oliviers dans le Midi – et le prix du blé décuple dans certaines provinces. Rappelons le témoignage toujours cité : « Les enfants ne se soutiennent que par des herbes et des racines qu’ils font bouillir, et les enfants de quatre à cinq ans, auxquels les mères ne peuvent donner de pain, se nourrissent dans les prairies comme des moutons » (procureur général du Parlement de Bourgogne). C’est la dernière grande famine de notre histoire.

Louis XIV, très éprouvé, trouve un réconfort moral auprès de Madame de Maintenon, mais devient conscient de la gravité de la situation. Il cherche à négocier la paix pour mettre fin à la tragique guerre de Succession d’Espagne. La situation se redressera pourtant. Villars, maréchal de France à la tête de l’armée de Flandre, redonne confiance aux troupes. Le siècle de Louis XIV n’est pas encore fini.

9. La Palatine (1652-1722), mère du Régent qui étonne et détone à la cour par sa liberté de ton.

« Ma taille est monstrueuse, je suis carrée comme un dé, la peau est d’un rouge mélangé de jaune, je commence à grisonner, j’ai les cheveux poivre et sel, le front et le pourtour des yeux sont ridés, le nez est de travers comme jadis, mais festonné par la petite vérole, de même que les joues ; je les ai pendantes, de grandes mâchoires, des dents délabrées ; la bouche aussi est un peu changée, car elle est devenue plus grande et les rides sont aux coins : voilà la belle figure que j’ai, chère Amelise ! »;

Princesse PALATINE (1652-1722), Lettre à sa demi-sœur, 22 août 1698

Cruel autoportrait, dans l’une des 60 000 lettres qui valent à son auteur un surnom pour le moins original : Océan d’encre. Madame de Sévigné est battue, même si les deux femmes ne jouent pas sur le même terrain ni avec les mêmes armes. L’une crée un genre littéraire et le porte à la perfection « classique », l’autre « déballe » au fil de ses emportements et ne s’impose aucune censure de fond ni de forme. C’est un personnage totalement atypique du siècle de Louis XIV.

Venue de Bavière, la Palatine épousa Monsieur, frère du roi (veuf de la première Madame, Henriette d’Angleterre, morte en 1670 à 26 ans). Ils firent trois enfants pour assurer la descendance, et ensuite lit à part - lui n’aimait pas les femmes,  elle était devenue obèse et marquée par la petite vérole, ainsi qu’elle se décrit sans complaisance.

Elle n’épargne pas non plus les gens de la cour – sauf son beau-frère Louis XIV, par respect dû au roi. Il lui en voudra des abominables surnoms donnés à sa seconde épouse, Madame de Maintenon, mais à la mort de son frère (Monsieur) et contrairement à la règle, il autorisera la veuve Palatine à conserver son rang, ses résidences et ses appartements au château de Versailles. Elle nous laisse un témoignage littéralement extraordinaire de la vie à la Cour du Roi Soleil, alliant un humour rare et une insolente franchise qui manquent aux Mémoire de Saint Simon dont l’envie et l’aigreur altèrent parfois le jugement. Mère du Régent, on la retrouvera sous la Régence, jugeant son propre fils.

« Il aura tous les talents, excepté celui d’en faire usage. »1070

Princesse PALATINE (1652-1722), parlant de son fils, le Régent, et « citant » avec humour la mauvaise fée venue lui jeter un sort, lors de ses couches. Histoire de France (1852), Augustin Challamel

Son amour maternel ne l’aveugle pas sur ce fils qu’elle n’épargne guère : premier prince du sang, elle le gifle devant la cour à l’annonce de son mariage avec Mlle de Blois, fille légitimée de Louis XIV et de la Montespan, malgré tout bâtarde et « qui ressemble à un cul comme deux gouttes d’eau ».
Elle admire son intelligence, ses succès militaires. Pierre Gaxotte confirme : « Il avait reçu en partage tous les dons de l’intelligence, toutes les curiosités de l’esprit, une bonté réelle et expansive, une bravoure, une endurance et des talents qui avaient brillé à la guerre » (Le Siècle de Louis XV).

Mais elle déplore ses mœurs indignes d’un Régent : il multiplie les blasphèmes, les beuveries et les bâtards, se plaisant en mauvaise compagnie (avec ses « roués », bons pour le supplice de la roue), soupçonné d’inceste (avec sa fille), de sorcellerie et d’empoisonnement (sur la personne de ses cousins). Son goût de la provocation le pousse à afficher ses pires côtés.

10. Marquise du Deffand (1696-1780), épistolière et salonnière très représentative du siècle des Lumières et amie de Voltaire.

« On taxe tout, hormis l’air que nous respirons. »967

Mme du DEFFAND (1697-1780). Histoire de France (1924), Jacques Bainville

Et l’historien ajoute : « Ce qui viendra d’ailleurs sous la Révolution, avec l’impôt des portes et fenêtres. » La marquise, amie des encyclopédistes, paie proportionnellement beaucoup moins que le peuple et peut pourtant se plaindre d’impôts nouveaux, tels les vingtièmes, censés frapper les nobles et les propriétaires. Mais les vices inhérents à la perception les rendent à la fois injustes et inefficaces.

« Les hommes sont aussi jaloux sur le chapitre de l’esprit que les femmes sur celui de la beauté. »

Mme du DEFFAND (1697-1780). Les Maximes et pensées (1780)

Issue d’une famille de Bourgogne noble, mais pauvre, elle épousa, en 1718 le marquis du Deffand, homme d’un certain âge pour qui elle n’a aucune estime. Épistolière et salonnière, on la décrit comme la plus brillante intelligence et le caractère le plus difficile parmi les nombreuses femmes qui tiennent salon au siècle des Lumières.

Souvent (presque) aussi belles que spirituelles, il y a Madame de Lambert qui cultive le « lambertinage », la duchesse du Maine qui affiche la légèreté parisienne opposée à la cour de Versailles, Madame du Tencin qui mêle l’intrigue politique aux discussions philosophiques, Madame Geoffrin né bourgeoise et peu instruite, mais réputée tenir « bureau d’esprit » et Mlle de Lespinasse, la moins jolie (défigurée par la petite vérole) mais la plus attachante de toutes, la nièce et la dame de compagnie de Madame du Deffand, tâche ingrate qui lui permet de se faire beaucoup de relations, d’où la jalousie de sa tante qui la renvoie au terme d’une brouille retentissante en 1763, après quoi Julie tiendra son propre salon, victime de ses passions malheureuses et morte à 43 ans.

Orgueilleuse (et souvent vaniteuse), cynique et méprisante, Madame du Deffand n’hésite pas à faire « un bon mot » au prix d’un mauvais jugement. Le plus connu vise L’Esprit des Lois de Montesquieu,  paru en 1748 à Genève  « C’est de l’esprit sur les lois » dit-elle. Cet ouvrage fondateur de la science politique remporte aussitôt un succès considérable, 22 éditions en un an et demi ! Malgré tous ses défauts, la marquise du Deffand peut s’enorgueillir de ses habitués, tous les savants, les écrivains, les beaux esprits et les gens du monde qu’elle reçoit. Voltaire est l’un de ses favoris.

« Savez-vous, Monsieur, ce qui fait que je vous trouve un grand philosophe ? C’est que vous êtes devenu riche ! Tous ceux qui disent qu’on peut être heureux et libre dans la pauvreté sont des menteurs, des fous et des sots. »

Mme du DEFFAND (1697-1780), Lettre à Voltaire

Elle admire aussi ses manières parfaites, son esprit et son intelligence. Il lui présenta Émilie du Châtelet –personnage à suivre - dans l’espoir que ses deux amies deviennent amies. Mission impossible avec deux femmes de fort caractère ! Mais Voltaire restera fidèle à l’une et l’autre. Sa Correspondance avec Madame du Deffand reste un classique du genre et nous héritons en prime de leur dialogue.

« Mais, monsieur de Voltaire, amant déclaré de la vérité, dites-moi de bonne foi, l’avez-vous trouvée ? Vous combattez et détruisez toutes les erreurs; mais que mettez-vous à leur place? »

Mme du DEFFAND (1697-1780). Lettre à Voltaire, 28 décembre 1765

Remarque très juste et valable pour tous les philosophes des Lumières, à l’exception de Rousseau le seul vraiment révolutionnaire (et bientôt maître à penser de Robespierre). Ils critiquent à juste toutes les institutions de l’Ancien Régime, sans se rendre compte des conséquences de cette « table rase ».

« Toutes les conditions, toutes les espèces me paraissent également malheureuses, depuis l’ange jusqu’à l’huître ; le fâcheux, c’est d’être né, et l’on peut pourtant dire de ce malheur-là que le remède est pire que le mal. »

Mme du DEFFAND (1697-1780). Cité par Émile Henriot dans Portraits de femmes, de Marie de France à Katherine Mansfield (1937)

C’est sans doute la clé de son caractère et son originalité au siècle des Lumières où le bonheur fait loi. Il y a deux exceptions : Rousseau l’éternel persécuté qui fuit la société et Madame du Deffand qui tient salon jusqu’à la fin de sa vie, tout en déplorant son humaine condition : « Dites-moi pourquoi, détestant la vie, je redoute la mort. Y a-t-il un autre monde où nous aurons un rôle à jouer ? Comment croit-on ce que l’on ne comprend pas ? » Paradoxe de la situation, son plus fidèle ami est Voltaire, l’homme qui fit profession d’être heureux tout au long de sa vie par ailleurs fort réussie à tout point de vue : la gloire, l’argent, les honneurs, la pensée philosophique. Le philosophe pourtant sans illusion sur la nature humaine n’a heureusement jamais suivi le conseil de sa vieille amie : « Ne contez pas votre bonheur aux amis pour ne pas faire d’envieux. Ne leur contez pas vos tristesses pour ne pas faire d’heureux. »

11. Émilie du Châtelet (1706-1749), la Divine Émilie chère à Voltaire, première femme philosophe, adepte de Newton et néanmoins fort coquette.

« Les femmes nulles suivent la mode, les prétentieuses l’exagèrent, mais les femmes de goût pactisent agréablement avec elle. ».

Émilie du CHÂTELET (1706-1749), Discours sur le bonheur (posthume, 1779)

Mathématicienne, femme de lettres et d’esprit, physicienne française et académicienne, on a pu dire que la marquise du Châtelet fut « la lumière » beaucoup plus que la maîtresse du philosophe. Quoique…

Il la surnomme « Madame Pompon » – Émilie est coquette, souvent trop maquillée, pas spécialement jolie, « grande et sèche, sans cul, sans hanches, la poitrine étroite, deux petits tétons arrivant de fort loin » dit une rivale. Mais la jeune marquise dont Voltaire s’est épris brille de mille autres feux. Assoiffée de connaissances, elle plonge jour et nuit dans l’étude de la physique et des mathématiques.

« J’étudie la philosophie de Newton sous les yeux d’Émilie, qui est à mon gré encore plus aimable que Newton. »

VOLTAIRE (1694-1778), Lettre à Maupertuis, membre de l’Académie des Sciences, professeur de mathématiques et ex-amant d’Émilie

Tout commence en 1735. L’écrivain doit quitter la capitale au plus vite. Ses Lettres philosophiques ont déplu au pouvoir et il veut éviter un nouveau séjour à la Bastille. Éperdument amoureuse, Émilie lui ouvre les portes de son château de Cirey dans le duché de Lorraine. Florent Claude du Châtelet, le mari qui lui a fait trois enfants, est un militaire toujours absent. Il feint d’ignorer l’adultère. Voltaire (41 ans) et Madame du Châtelet (29 ans) vont vivre ensemble durant quatorze ans la plus folle et intellectuelle romance des Lumières.

L’exilé transforme le château à ses frais. Il aménage une vaste bibliothèque, un vrai théâtre - passion et passe-temps favori du philosophe. Dans une galerie, il fait installer pour la scientifique la plus éclairée du siècle un authentique laboratoire, équipé de microscopes, baromètres, télescopes. Elle démontre expérimentalement la théorie du physicien Leibniz, selon laquelle l’énergie cinétique (dite « force vive ») est proportionnelle à la masse et au carré de la vitesse. Renommée pour sa traduction des Principia Mathematica de Newton (qui fait toujours autorité), « Pompon Newton » est la plus délicieuse des maîtresses au double sens du terme ! Leur complicité intellectuelle est intense. La marquise se réveille aux aurores, lit à Voltaire des textes en anglais ou en latin. La plus brillante élève du grand mathématicien Maupertuis (lui aussi son amant) initie l’écrivain aux matières scientifiques.

La dernière année de sa vie, elle s’éprend d’un jeune poète et militaire tout en restant l’amie de Voltaire. Elle meurt à 42 ans d’une fièvre puerpérale, quelques jours après l’accouchement. Mais Voltaire n’oubliera jamais la Divine Émilie.

« Elle fut la première femme scientifique en France. »

Élisabeth BADINTER (née en 1944), Émilie ou l’ambition féminine au XVIIIe siècle (1984)

Son nom souvent ignoré aujourd’hui en fait simplement la « maîtresse de Voltaire ». Cet essai lui rend justice.

12. Marie Leczinska (1703-1768), reine à jamais amoureuse de Louis XV le Bien aimé, bientôt lassé de cette femme soumise et toujours enceinte.

« La princesse de Pologne avait près de vingt-deux ans, bien faite et aimable de sa personne, ayant d’ailleurs toute la vertu, tout l’esprit, toute la raison qu’on pouvait désirer dans la femme d’un roi qui avait quinze ans et demi. »1095

Maréchal de VILLARS (1653-1734), 28 mai 1725. Mémoires du maréchal de Villars (posthume, 1904)

La vertu est indiscutable chez la nouvelle reine de France - et le demeura. Peut-être le bonheur la fît elle jolie un temps, car elle adorait son roi qui en faut aussitôt épris. Mais son propre père, le roi de Pologne, assurait n’avoir jamais connu de reines plus ennuyeuses que sa femme et sa fille ! Or Louis XV, de nature mélancolique, aura surtout besoin de légèreté, de gaieté, d’esprit. On ne peut donc imaginer couple plus mal assorti. Et pourtant…

Après le mariage (4 septembre 1725) et selon le témoignage de Villars, fringant septuagénaire, « la nuit du 5 au 6 a été pour notre jeune roi une des plus glorieuses […] la nuit du 6 au 7 a été à peu près égale. Le roi, comme vous croyez bien, est fort content de lui et de la reine, laquelle, en vérité, est avec raison bien reine de toutes les façons. » Le duc de Bourbon confirme par lettre au père de la mariée que le roi donna à la reine « sept preuves de tendresse » la première nuit qui avait duré treize heures.

C’est le début de la carrière amoureuse de Louis XV et la preuve que les rois n’ont pas de vie privée. Toujours ce mélange de petite et grande histoire !

« Toujours coucher, toujours grosse, toujours accoucher. »1106

Marie LECZINSKA (1703-1768), en 1737. Les Rois qui ont fait la France, Louis XV le Bien-Aimé (1982), Georges Bordonove

Telle est la vocation assignée à une reine. C’est peu dire qu’elle fait son devoir.  En dix ans de mariage, elle donne dix enfants au roi (dont sept filles). La dernière grossesse est difficile, sa santé s’en ressent, elle doit se refuser à son époux sans lui dire la raison, il s’en offusque et s’éloigne d’elle.
Elle perd toute séduction, se couvre de fichus, châles et mantelets pour lutter contre sa frilosité. Toujours amoureuse, elle sera malheureuse et l’une des reines les plus ouvertement trompées. Mais elle reste populaire et garde son surnom : « Notre Bonne Reine ». La prochaine, Marie-Antoinette l’Autrichienne, finira en Veuve Capet, déchue, haïe et guillotinée.

13. La Pompadour (1721-1764), favorite royale en titre et bien en place, femme d’influence et de caractère, cible de toutes les calomnies et jalousies, à la vie à la mort.

« Puisqu’il en faut une, mieux vaut que ce soit celle-là. »1126

Marie LECZINSKA (1703-1768), parlant de la Pompadour. Apogée et chute de la royauté : Louis le Bien-Aimé (1973), Pierre Gaxotte

Toujours éprise de son mari, mais digne et résignée, la reine qui ne se plaint jamais de ses liaisons trouve certains avantages à la maîtresse en titre depuis 1745, la marquise de Pompadour (1721-1764) : cette jeune et jolie femme de 23 ans la traite avec plus d’égards que les précédentes passantes et durant vingt ans, leurs relations seront cordiales.

Le Dauphin qui la déteste l’appelle : « Maman putain ». Au couvent des Ursulines de Poissy où elle fut placée à cinq ans et malheureuse de se croire abandonnée par ses parents, on la surnommait gentiment « Reinette », petite reine. Très jeune, son esprit et sa beauté la font remarquer dans les salons littéraires (notamment chez Madame du Tencin et Madame Geoffrin). Relations aidant, elle rencontre le roi, déguisée en Diane Chasseresse lors d’un bal masqué où Louis XV la remarque. Dès que l’intérêt du roi se confirme, la cour parle en bien ou en mal de « Pompon » et « Pomponette ». Au siècle suivant, Pomponette et Pompadour devient une comédie-vaudeville de Molé-Gentilhomme, créée au théâtre des Variétés en 1850.

« Elle avait le grand art de distraire l’homme du royaume le plus difficile à amuser. »

Comte DUFORT de CHEVERNY (1731-1802), Mémoires

Mémorialiste et introducteur des ambassadeurs (officier du service des Cérémonies de la Maison du roi, chargé de conduire les étrangers à l’audience royale - équivalent du Directeur du Protocole au ministère des Affaires étrangères), il résume parfaitement le premier rôle de la Pompadour.

« Après nous, le déluge. »1151

Marquise de POMPADOUR (1721-1764), à Louis XV, fin 1757. Dictionnaire des citations françaises et étrangères, Larousse

La marquise tente de réconforter le roi toujours mélancolique, de surcroît fort affecté par la défaite de son favori et de son armée à Rossbach, le 5 novembre. « Il ne faut point vous affliger : vous tomberiez malade. Après nous, le déluge. » Le mot fut attribué à la favorite pour illustrer l’indifférence et l’égoïsme qu’on lui prêtait.

Le mot est aussi attribué au roi, pour les mêmes raisons, mais dans un autre contexte. Il parle du Dauphin et signifie un peu légèrement qu’il se moque bien ce qu’il adviendra de la France, quand lui-même sera mort. Voltaire le cite, pour stigmatiser « cet égoïste de droit divin » qui n’aime rien et que tout ennuie (Édouard de Pompery, Le Vrai Voltaire, 1867). Dernière explication : l’astronome Maupertuis avait annoncé pour 1758 le retour de la comète de Halley, censée provoquer un déluge. Et les plus fatalistes de s’exclamer : « Après nous, le déluge. »

Quoiqu’il en soit, la vie de favorite royale, surtout sous le règne de Louis XV, est un métier ingrat, malgré les apparences. Il faut être perpétuellement en représentation, souriante, séduisante, esclave. L’amour avec le roi faisant place à l’amitié après 1750, la marquise lui fournit de très jeunes personnes logées dans un quartier de Versailles : le Parc-aux-Cerfs. On a beaucoup fantasmé sur ce lieu de débauche, il s’agit surtout de rumeurs.

L’impopularité, la haine de la cour, les cabales incessantes épuisent la Pompadour. Elle écrit à son frère, en 1750 : « Excepté le bonheur d’être avec le roi qui assurément me console de tout, le reste n’est qu’un tissu de méchancetés, de platitudes, enfin de toutes les misères dont les pauvres humains sont capables. »

« Sans esprit, sans caractère / L’âme vile et mercenaire,
Le propos d’une commère / Tout est bas chez la Poisson – son – son. »1127

Poissonnade brocardant la marquise de Pompadour. Madame de Pompadour et la cour de Louis XV (1867), Émile Campardon

Le propos est injuste : le peuple déteste cette fille de financier, née Jeanne Antoinette Poisson, femme d’un fermier général, bourgeoise dans l’âme et dépensière, influente en politique, distribuant les faveurs, plaçant ses amis, le plus souvent de qualité comme de Bernis, Choiseul – mais Soubise, maréchal de France, se révélera peu glorieux.

Louis XV lui doit une part de son impopularité. Le peuple a loué le roi pour ses premiers exploits extraconjugaux auprès des (quatre !) sœurs Mailly-de-Nesle, il va bientôt le haïr pour sa longue liaison avec la Pompadour.

« Les grands seigneurs s’avilissent,
Les financiers s’enrichissent,
Tous les Poissons s’agrandissent.
C’est le règne des vauriens. »1162

Poissonnade, attribuée à Pont-de-Veyle (1697-1774). Journal historique : depuis 1748 jusqu’en 1772 (1807), Charles Collé

Les poissonnades fleurissent, comme jadis les mazarinades. Le peuple supporte mal le luxe qui s’étale à la cour où règne la Pompadour et s’affiche dans des milieux prospères et âpres au gain, du côté des aristocrates comme des bourgeois. La favorite fait aménager ses nombreuses résidences (hôtel d’Évreux, futur Élysée, La Celle, Bellevue, Champs). Elle place son frère Abel Poisson, nommé marquis de Marigny, à la direction générale des Bâtiments où il se montre d’ailleurs bon administrateur. Mais le peuple s’en irrite : « On épuise la finance / En bâtiment, en dépenses, / L’État tombe en décadence / Le roi ne met ordre à rien / Une petite bourgeoise / Élevée à la grivoise / Mesurant tout à la toise / Fait de l’amour un taudis. »

« La marquise n’aura pas beau temps pour son voyage. »1173

LOUIS XV (1710-1774), voyant le cortège funèbre de sa favorite quitter Versailles sous la pluie battante, 17 avril 1764. Louis XV (1890), Arsène Houssaye

Mot souvent cité, toujours mis en situation, jusque dans les dictionnaires historiques anglo-saxons. Preuve de la notoriété des deux personnages. Mais l’histoire est injuste envers ce roi, en citant ces mots « à charge ». Son valet de chambre, Champlost, évoque la scène et témoigne d’une peine réelle. Louis XV se mit sur le balcon malgré l’orage, nue tête, pleura et murmura ainsi découvert : « Voilà les seuls devoirs que j’ai pu lui rendre. Une amie de vingt ans. »

Mme de Pompadour est morte d’épuisement, à 42 ans (le 15 avril). Elle savait qu’elle ne vivrait pas vieille. Cardiaque, d’une maigreur mal dissimulée sous la toilette, elle continuait sa vie trépidante. Les courants d’air de Versailles ont aussi leur part dans sa congestion pulmonaire. Dernière faveur du roi, il lui a permis de mourir au château – privilège réservé aux rois et princes du sang. Sitôt après, le cortège devait quitter les lieux. Selon d’autres témoins, le roi fut seulement indifférent, et la reine elle-même en fut choquée. Car elle aimait bien la marquise.

« Je reçois le corps de très haute et très puissante dame, Madame la marquise de Pompadour, dame du palais de la Reine. Elle était à l’école de toutes les vertus, car la Reine est un modèle de bonté, de piété, de modestie et d’indulgence… »1174

Frère RÉMI de Reims (seconde moitié du XVIIIe siècle), Oraison funèbre de Mme de Pompadour, 17 avril 1764. Madame de Pompadour et la cour de Louis XV (1867), Émile Campardon

Tous les participants ont remarqué l’habileté du prédicateur capucin, chargé de ce dernier hommage à la maîtresse du roi et qui s’en tire en faisant l’éloge de sa femme légitime, Marie Leczinska, durant un quart d’heure ! C’est la famille qui a demandé une oraison funèbre, avant l’inhumation du corps. Certes, Mme de Pompadour est morte avec une piété remarquée, mais le fait reste exceptionnel.

« Ci-gît qui fut vingt ans pucelle
Sept ans catin et huit ans maquerelle. »1175

Épitaphe satirique de la marquise de Pompadour. Histoire(s) du Paris libertin (2003), Marc Lemonier, Alexandre Dupouy

La mode est aux épitaphes satiriques, et après le flot des poissonnades, on ne va pas rater cette ultime occasion de brocarder l’une des favorites les plus détestées dans l’histoire : c’est un méchant résumé de sa vie.

14. Catherine II de Russie dite la Grande (1729-1706), mécène et despote éclairée en relation avec Voltaire et Diderot.

« Chez nous, il est défendu de persécuter. Nous avons, il est vrai, des fanatiques qui, faute de persécution, se brûlent eux-mêmes, mais si ceux des autres pays en faisaient autant, il n’y aurait pas grand mal, le monde n’en serait que plus tranquille. »,

CATHERINE II de Russie (1729-1796), Lettre à Voltaire, 28 novembre 1765

Catherine s’est sincèrement passionnée pour l’œuvre de Voltaire, au risque d’encourir les foudres de son époux Pierre III de Russie. Elle réussit à faire détrôner l’empereur de 34 ans qui s’est fait détester après six mois de règne - jeté en prison et sans doute étranglé. Devenue impératrice, elle est surnommée Catherine la Grande pour ses qualités souveraines. « L’ignorance du peuple nous garantit de sa soumission » : c’est assurément parler en despote. Mais comme ses contemporains les rois Frédéric II de Prusse, Gustave III de Suède et Maximilien III de Bavière, ils font partie de ces « despotes éclairés » en raison de leur fréquentation assidue des philosophes dit « des Lumières.

Voltaire défend l’action de Catherine II, avec une ouverture d’esprit qui fait défaut à Louis XV. Il va logiquement entrer en relation épistolaire avec celle qu’il surnomme familièrement « Ma Catau ». Ce diminutif de Catherine est aussi une variante de « catin »… et ce n’est pas un hasard. L’Impératrice aux 21 favoris (en 35 ans de règne) était connue pour collectionner les amants pas toujours heureux. Prudent, le « voyageur de l’Europe » ne se risquera pas en Russie.

« J’aimerais que l’équateur changeât de position : l’idée riante que dans vingt mille ans la Sibérie, au lieu de glaces, pourra être couverte d’orangers et de citronniers, me fait plaisir dès à présent. »

CATHERINE II de Russie (1729-1796), à Voltaire, 6 octobre 1772

Plaisante idée du réchauffement climatique. On ne s’entretenait pas seulement philosophie avec le « Roi Voltaire » qui jouait à Ferney l’« Aubergiste de l’Europe » et recevait tous les Noms qui comptent, mais pas Catherine.

« Depuis que Voltaire est mort, il me semble qu’il n’y a plus d’honneur attaché à la belle humeur ; c’était lui qui était la divinité et la gaieté. »

CATHERINE II de Russie (1729-1796), Lettre à Grimm, 21 juin 1778

Mais il lui reste Diderot qui fera le voyage à Pétersbourg (octobre 1773-mars 1774). Elle l’invite pour venir publier en Russie l’Encyclopédie qui a été interdite à Paris. Ils correspondent assidûment et depuis longtemps.

« Allez toujours, entre hommes on peut tout dire. »

CATHERINE II de Russie (1729-1796), Lettre à son ami Diderot

En 1765, Diderot s’apprêtait à faire ce qui fendrait le cœur de tout bibliophile : vendre le contenu de sa bibliothèque pour se sortir d’une mauvaise passe financière. L’impératrice apprenant la nouvelle lui fit une proposition généreuse : elle achèterait ses livres, mais laisserait Diderot les conserver jusqu’à sa mort. Elle lui offrirait même une allocation annuelle pour être le bibliothécaire de ses propres ouvrages.

Une telle offre ne va pas sans contrepartie. En échange de ses largesses, Diderot finira par honorer son invitation à Saint-Pétersbourg, lui qui déteste voyager ! Il restera cinq mois d’hiver. Chaque jour, entre 15 et 17 heures, l’impératrice et le philosophe discutent de politique, de droit, de société et de littérature. Mais il ne put la convaincre d’abolir l’esclavage, ce crime contre nature, elle se lança même dans une politique expansionniste jusqu’à étendre le servage en Ukraine pour mieux asseoir son pouvoir. Quant à déplacer sa capitale de Saint Pétersbourg à Moscou au prétexte que plus au sud, il y faisait moins froid… « entre hommes on peut tout dire », mais c’est quand même la souveraine qui l’emporte sur le philosophe.

15. Poissardes, harengères et dames de la Halle, reflet de l’opinion publique et défi à la censure jusqu’à la Révolution.

« Puisqu’il a repris sa catin, il ne trouvera plus un Pater sur le pavé de Paris. »1120

Les poissardes parlant de Louis XV, novembre 1744. Dictionnaire contenant les anecdotes historiques de l’amour, depuis le commencement du monde jusqu’à ce jour (1811), Mouchet

Bien-Aimé, certes, mais déjà contesté. Elles ont tant prié pour la guérison du roi malade. Mais il vient de reprendre sa maîtresse Mme de Châteauroux, troisième des sœurs de Nesle, présentées au roi par le duc de Richelieu, petit-neveu du cardinal (embastillé à 15 ans pour débauche et remarié pour la troisième fois à 84 ans). La nouvelle fait grand scandale. La cour se tait, mais la rue a son franc-parler. 

Comme le dit Eugène Scribe dans son Discours de réception à l’Académie française (1834) : « En France et sous nos rois, la chanson fut longtemps la seule opposition possible ; on définissait le gouvernement d’alors comme une monarchie absolue tempérée par des chansons. » Le mot fut souvent répété, mais on oublie de préciser le rôle des femmes de la rue groupées dans cette protestation qui va déboucher sur la Révolution.

« Ces grands États généraux / F’ront-ils du brouet d’andouille ?
Ces messieurs s’ront-ils si sots / Que d’s’en retourner chez eux bredouilles,
Quand par miracle un bon roi / Veut faire l’bien d’si bonne foi ? »1259

Motion des harengères de la halle (1788), chanson. Histoire de France par les chansons (1982), France Vernillat, Pierre Barbier

Le peuple, reconnaissant au roi de la convocation des États généraux, a quand même un doute après l’échec de la précédente Assemblée des notables. Et ce sont à nouveau les femmes qui donnent de la voix. Cependant que l’historien français le plus populaire commente : « La convocation des États généraux de 1789 est l’ère véritable de la naissance du peuple. Elle appela le peuple entier à l’exercice de ses droits ». Jules Michelet, Histoire de la Révolution française).

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