Le duc d’Enghien et le roi de Rome (dit l’Aiglon).
Suite de la geste napoléonienne : « Quel roman que ma vie ! » dit-il, sans même savoir sa légende - quoique… Napoléon y a bien travaillé.
Notre récit national en reste marqué à jamais et l’Histoire en citations donne le premier rôle à cet acteur de génie. Mais ses partenaires en ont souvent souffert.
« Cadavres exquis et naissances bénies » : cette semaine nous offre l’Aiglon (né le 20 mars 1811) et le duc d’Enghien (mort le 21 mars 1804). Deux destins fatalement romantiques.
À feuilleter pour tout savoir.
« L’air est plein de poignards. »1741
Fouché (1903), Louis Madelin.
Bien que n’étant plus au ministère de la Police (supprimé entre 1802 et 1804), il veille, surveille et apprend la présence de Pichegru à Paris, général traître, déporté par le Directoire, évadé du bagne. Cadoudal est complice, chef chouan charismatique, déjà impliqué dans l’attentat de la rue Saint-Nicaise, fin 1800. Le général Moreau s’est plus ou moins joint au complot, s’estimant mal payé des services rendus au pouvoir, mais refusant de servir les royalistes. Ces hommes ont le projet d’enlever le Premier Consul. Bonaparte informé, la capitale est mise aussitôt en état de siège.
Quatre ans plus tôt, à la tête de la Police, Fouché voyait déjà des poignards partout et lui avait fourni une liste de 130 « anarchistes » (terroristes) à déporter sans jugement, suite à l’attentat de la rue Saint-Nicaise auquel il avait échappé par miracle : « Tous ces hommes n’ont pas été pris le poignard à la main, mais tous sont universellement connus pour être capables de l’aiguiser et de le prendre. » (1er janvier 1801). Un sénatus-consulte déportera aux Seychelles une centaine d’extrémistes jacobins qui ne sont pas les vrais coupables – Fouché en a averti quelques-uns qui ont le temps de s’enfuir.
L’attentat est un bon prétexte pour frapper un coup à gauche, un coup à droite. Mais l’idée de tuer le tyran hante les extrémistes royalistes plus souvent que la « vermine jacobine ».
« Je vis dans une défiance continuelle. Chaque jour, on voit éclore de nouveaux complots contre ma vie. Les Bourbons me prennent pour leur unique point de mire ! »1742
Napoléon BONAPARTE (1769-1821), à son frère Joseph
Ce n’est pas une paranoïa de dictateur. De son propre aveu, le comte d’Artois (frère du comte de Provence et futur Charles X) entretenait 60 assassins dans Paris. En 1800, c’est lui qui a nommé Cadoudal, réfugié à Londres, lieutenant général des armées du roi.
« Les Bourbons croient qu’on peut verser mon sang comme celui des plus vils animaux. Mon sang cependant vaut bien le leur. Je vais leur rendre la terreur qu’ils veulent m’inspirer […] Je ferai impitoyablement fusiller le premier de ces princes qui me tombera sous la main. »1743
Napoléon BONAPARTE (1769-1821), 9 mars 1804
Cadoudal vient d’être arrêté, au terme d’une course-poursuite meurtrière au Quartier latin. Il a parlé sans le nommer d’un prince français complice et de l’avis de tous, c’est le duc d’Enghien, émigré, qui vit près de la frontière, en Allemagne. Le lendemain, le Premier Consul, en proie à une fureur extrême, donne l’ordre de l’enlever.
« Le gouvernement arrête que le ci-devant duc d’Enghien, prévenu […] de faire partie des complots tramés […] contre la sûreté intérieure et extérieure de la République, sera traduit devant une commission militaire. »1744
Procès-verbal du 20 mars 1804
Dans la nuit du 15 au 16 mars, une troupe d’un millier de gendarmes, au mépris du droit des gens (droit international), passe la frontière du Rhin et arrête le jeune prince qui préparait son mariage. Il ne comprend rien à ce qui lui arrive et se retrouve enfermé au château de Vincennes. Le soir même, il est « jugé », condamné à mort.
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