Séguin : « France, réveille-toi ! » | L’Histoire en citations
Chronique du jour

 

Les années Pompidou, Giscard d’Estaing et Mitterrand

Le traité de Maastricht

En 1992, le référendum sur le traité de Maastricht divise les partis et mobilise l’opinion. La campagne bat son plein. Fait inattendu pour un sujet aussi ardu, le débat passionne les Français, qui donnent de justesse la victoire au « Oui ». Ce résultat entraîne la création de la nouvelle Union européenne qui aboutira à la monnaie unique, l’euro.

Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.

« France, réveille-toi ! »3297

Philippe SÉGUIN (1943-2010), première tribune contre le traité européen de Maastricht, Le Figaro, 27 novembre 1991

Maire d’Épinal et député des Vosges, le plus talentueux marginal de la politique française lance ici son appel contre Maastricht : « Sans doute, un cri de révolte est-il voué à demeurer sans écho… » Il va bientôt jouer de son éloquence à l’Assemblée, pour stigmatiser « ce lâche consentement qui laisse aller le monde comme il va, dans cette passivité médiocre, dans cet aveu d’impuissance avant-coureur du renoncement. » (…)

Le traité de Maastricht du 7 février 1992 est l’acte le plus important de la construction européenne, après le traité de Rome de 1957. La CEE (Communauté économique européenne, ou Marché commun) laisse place à l’Union européenne (…)

« L’Europe, ça m’en touche une, sans faire bouger l’autre. »3298

Jacques CHIRAC (1932-2019), Dans la peau de Jacques Chirac (2006), Karl Zéro et Michel Royer. Quand les politiques se lâchent ! : bons mots, lapsus et vachardises (2011), Olivier Clodong

C’est l’humour chiraquien et une expression qui, en privé, lui est familière. Appliqué à l’Europe, cela témoigne d’un engagement européen tardif. Né gaulliste, Chirac se montra d’abord sceptique à l’égard de la construction européenne, trop fédéraliste. Mais comme ministre de l’Agriculture (1972-1974), il soutient la PAC, politique agricole commune très profitable aux agriculteurs français. Son appel à soutenir le traité de Maastricht en 1992 marque le ralliement d’une majorité de la droite française au projet européen – Séguin et Pasqua faisant bande à part (…)

« On est souverain ou on ne l’est pas, mais on ne l’est jamais à moitié. La souveraineté est, par essence, un absolu qui exclut toute idée de subordination et de compromission […] Un peuple souverain n’a de comptes à rendre à personne et n’a, vis-à-vis des autres, que les devoirs et les obligations qu’il choisit librement de s’imposer à lui-même. »3299

Philippe SÉGUIN (1943-2010), Discours à l’Assemblée nationale, 5 mai 1992

Voila pour contrer les optimistes soutenant que Maastricht ne privera pas la France de sa souveraineté, mais l’obligera seulement à en « partager » l’exercice avec ses voisins. Séguin est ici parfaitement fidèle à la tradition gaulliste. Et contre ceux prétendant que la France pourra toujours quitter l’Union, si une majorité étrangère tente de lui imposer sa loi, il a lu le texte de Maastricht mieux que personne : « Vérification faite, le traité ne prévoit ni sécession ni retrait. C’est même la première fois qu’un traité est ainsi marqué par le sceau de l’irréversibilité. » En vertu de quoi, Séguin demande un référendum, pour que le peuple s’exprime – réflexe très gaullien (…)

« Dès lors que, dans un territoire donné, il n’existe qu’une seule monnaie, les écarts de niveau de vie entre les régions qui le composent deviennent vite insupportables. Et en cas de crise économique, c’est le chômage qui s’impose comme seule variable d’ajustement. »3300

Philippe SÉGUIN (1943-2010), Discours à l’Assemblée nationale, 5 mai 1992

(…) Séguin ébranle quelques consciences, mais la réforme de la Constitution indispensable pour que le traité s’applique va passer : par 398 voix contre 77 et 99 abstentions – plus du double de ce qu’espérait Séguin !

Et le président de la République accède à sa demande : les Français seront appelés à se prononcer sur le traité, par référendum.

Même battu par l’arithmétique, Séguin a gagné la bataille de l’opinion : ce sera lui, le leader du non, quand la campagne référendaire s’ouvrira, cet été.

« Messieurs, ou vous changez d’attitude, ou vous abandonnez la politique. Il n’y a pas de place pour un tel discours, de tels comportements, dans une vraie démocratie qui respecte l’intelligence et le bon sens des citoyens. »3301

Jacques DELORS (né en 1925), à Quimper, 29 août 1992

Président de la Commission européenne (et socialiste), il stigmatise les partisans du non, traités d’« apprentis sorciers ». C’est évidemment le plus ardent défenseur du Traité sur l’Union européenne. Mitterrand, très européen, a pris un risque : un référendum n’est jamais gagné d’avance. Le oui donnerait plus de poids au traité, mais qu’arrivera-t-il, si le non l’emporte ? Les sondages sont inquiétants, alors qu’on partait de 70 % en faveur du traité… (…)

« Le traité de Maastricht fait la quasi-unanimité de l’ensemble de la classe politique. Les hommes politiques que nous avons élus sont tout de même mieux avertis que le commun des mortels. »3302

Élisabeth BADINTER (née en 1944), Vu de Gauche, septembre 1992. Le Bêtisier de Maastricht (1997), Jean-Pierre Chevènement

C’est un argument. Mais Chevènement est résolument souverainiste, donc opposé à cette Union européenne trop fédéraliste, ou la France risque de perdre son indépendance monétaire, financière, commerciale, juridique. Il milite donc pour le non, comme Séguin et Pasqua (…)

« Maastricht constitue les trois clefs de l’avenir : la monnaie unique, ce sera moins de chômeurs et plus de prospérité ; la politique étrangère commune, ce sera moins d’impuissance et plus de sécurité ; et la citoyenneté, ce sera moins de bureaucratie et plus de démocratie. »3303

Michel ROCARD (né en 1930), Ouest-France, 27 août 1992. Le Bêtisier de Maastricht (1997), Jean-Pierre Chevènement

(…) Même langage de Martine Aubry : « L’Europe, ce sera plus d’emplois, plus de protection sociale et moins d’exclusion » (Béthune, 12 septembre 1992). Députée du Nord, ministre du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle dans le gouvernement d’Édith Cresson, aussi fervente européenne que son père, Jacques Delors.

« La France est une locomotive. Elle n’a pas le droit d’être dans le wagon de queue […] Le train de l’espoir ne passe pas deux fois. »3304

Jack LANG (né en 1939), RTL, 23 août 1992. Le Bêtisier de Maastricht (1997), Jean-Pierre Chevènement

(…) Argument prémonitoire : l’Europe qui s’ouvrira bientôt vers l’Est aidera ces peuples, devenus plus résolument européens que les autres.

Le débat intéresse les Français. Abstention plus faible qu’aux deux référendums précédents, mais le oui l’emporte de peu, ce 20 septembre : 51,05 % des suffrages exprimés, soit quelque 500 000 voix. Seuls les Danois ont voté non. Après certains aménagements au traité, le oui l’emporte : 56,8 %, au second référendum du 18 mai 1993.

Le traité de Maastricht, ou Traité sur l’Union européenne (TUE), entre en vigueur le 1er novembre 1993. L’union monétaire deviendra effective pour 11 pays de l’Union, le 1er janvier 1999.

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