Gambetta : « La France est un éblouissement pour le monde. » | L’Histoire en citations
Chronique du jour

 

Troisième République

La République des crises ?

La République a triomphé. Elle vote l’amnistie des communards encore en déportation ou en prison, choisit pour hymne la Marseillaise et le 14 juillet comme fête nationale (premier vote des Chambres de retour à Paris, en 1879). C’est aussi la fin de la république présidentielle au profit d’un régime parlementaire : la Chambre des députés a désormais le pouvoir. Elle va en abuser : la « République des camarades » sera celle des crises, de l’instabilité.

Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.

« La France est un éblouissement pour le monde. »2460

Léon GAMBETTA (1838-1882), Inauguration de la troisième Exposition universelle de Paris, 1er mai 1878. Gloires et tragédies de la IIIe République (1956), Maurice Baumont

Comme le Second Empire, la Troisième République est portée par la vague du progrès scientifique et technique et par l’avènement de la civilisation industrielle. Les deux autres Expositions universelles qui se tiendront à Paris avant 1914 (en 1889 et 1900) en témoigneront.

« En vous enlevant Metz et une partie de la Lorraine, l’Empereur mon maître et les militaires qui lui ont imposé cette solution ont commis la plus grosse des fautes politiques. »2461

Otto von BISMARCK (1815-1898). Encyclopædia Universalis, article « Alsace-Lorraine (question d’) »

Le chancelier du Reich aurait fait cet aveu surprenant en 1878 au marquis de Gabriac, chargé d’affaires français à Berlin – sans faire d’ailleurs mention de l’Alsace. La question de l’Alsace Lorraine empoisonne les relations entre la France et l’Allemagne pendant toute la Troisième République.

« Soumis avec sincérité à la grande loi du régime parlementaire, je n’entrerai jamais en lutte contre la volonté nationale exprimée par ses organes constitutionnels. »2462

Jules GRÉVY (1807-1891), succédant à Mac-Mahon, 30 janvier 1879

Gouvernements, ministères et constitutions de la France depuis cent ans (1893), Léon Muel Mac-Mahon a démissionné de la présidence de la République, les républicains ayant la majorité au Sénat, le 5 janvier. Il pouvait rester, mais il perd patience sur un « détail » – on lui demande la destitution de généraux, alors que le maréchal n’a « avalé tant de couleuvres » depuis un an que pour protéger l’armée. Il n’écourte finalement son mandat que d’une année.

Les républicains gouvernent désormais la République.

Grévy est préféré à Gambetta, qui ne se porte d’ailleurs pas candidat, se jugeant trop jeune (…)

« Partout la joie est générale
Depuis qu’en vertu d’un décret
Notre fête nationale
Doit avoir lieu l’quatorze juillet ! »2463

Aristide BRUANT (1851-1925), J’suis d’l’avis du gouvernement (1879), chanson. Histoire de France par les chansons (1982), France Vernillat, Pierre Barbier

Un couplet de la chanson de Bruant célèbre l’événement et chante le consensus du pays : « Quand je vois pour fêter la France / Choisir la date d’un événement / Qui lui rappelle sa délivrance / J’suis d’l’avis du gouvernement. »

La Marseillaise est donc proclamée hymne national, et le 14 juillet devient fête nationale (…) En tout cas, c’est le premier vote des Chambres (31 janvier 1879) revenues de Versailles à Paris. Huit ans après la Commune, Paris redevient capitale de la France.

« Nos ministres ? De simples numéros d’ordre sortis au hasard de la foule représentative que nous décorons du beau nom de Parlement ! »2464

Léon GAMBETTA (1838-1882), Chambre des députés, 1879. La Troisième République (1968), Maurice Baumont

Il fulmine, le 5 février 1879, contre les députés et les ministres du nouveau gouvernement : « Dans trois mois, ils iront rejoindre dans les sous-sols de la vie publique les inconnus engendrés par le scrutin d’arrondissement. Ils végéteront jusque-là, ne disant rien, ne faisant rien, ex nihilo nihil. »

De fait, avec Grévy à la présidence commence le système des crises ministérielles qui va caractériser, paralyser, empoisonner le régime.

« Gambetta […] ce n’est pas du français, c’est du cheval ! »2465

Jules GRÉVY (1807-1891). Histoire des institutions et des régimes politiques de la France (1985), Jean Jacques Chevallier, Gérard Conac

Deux avocats, deux républicains, mais trente ans les séparent et la haine éclate au grand jour. Le rigide Grévy se moque de Gambetta qui parle, passionnément, précipitamment, impressionnant à la tribune. Il l’écartera vite du pouvoir, de peur qu’il fasse peur au pays, surtout aux ruraux.

Dans les premiers temps, l’Assemblée nationale prend des présidents de la République choisis pour leur effacement, lesquels nommeront des présidents du Conseil eux-mêmes assez insignifiants pour ne pas leur porter ombrage.

« Néron, Dioclétien, Attila, préfigurateur de l’antéchrist ! »2466

Les catholiques insultant Jules Ferry. Histoire de la France et des Français (1972), André Castelot, Alain Decaux

Surnommé hier Ferry-la-Famine – sous la Commune – et demain Ferry-Tonkin – pour sa politique coloniale.

Cette fois, il est attaqué en tant que ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts : son projet de réforme de l’enseignement public primaire (laïc, gratuit et obligatoire) réduit l’importance de l’enseignement privé. Débats déjà animés, le 15 mars 1879. Le 16 juin, la loi Ferry enflammera la Chambre (…)

« L’Épargne, cette divinité du jour, prêchée dans toutes les chaires, l’Épargne est une peste. »2467

Louis Auguste BLANQUI (1805-1881), Critique sociale (1881)

Le révolutionnaire à la fois théoricien et militant se retrouve élu député socialiste, le 30 avril 1879, siégeant à l’extrême gauche de la Chambre (…) Il écrit aussi : « Le capital est du travail volé. » La stabilité du franc sous la Troisième République, jusqu’en 1914, favorise l’épargne et encourage l’esprit rentier du Français (…)

« Vous allez peut-être m’accuser d’opportunisme ! Je sais que le mot est odieux. Pourtant je pousse encore l’audace jusqu’à affirmer que ce barbarisme cache une vraie politique. »2468

Léon GAMBETTA (1838-1882), Chambre des députés, 21 juin 1880. Annales du Sénat et de la Chambre des députés, volume VIII (1881), Assemblée nationale

Gambetta, avocat de métier, tribun par nature, plaide ici pour l’amnistie totale des communards. À cette occasion est lancé le mot qui va faire fortune en politique, les opportunistes devenant les disciples de Gambetta après sa mort accidentelle et prochaine, à 44 ans (1882).

(…) Le républicain pur et dur, idéologue tranchant et démagogue bruyant des premiers discours, se révèle bien différent, au pouvoir, et très responsable, devant ses contemporains : tempérament foncièrement modéré, doué d’une saine appréciation des réalités.

« Et [la France] dit à ses gouvernants […] : Quand me débarrasserez-vous de ce haillon de guerre civile ? »2469

Léon GAMBETTA (1838-1882), Discours et plaidoyers choisis. Sur l’amnistie des Communards (1880)

L’amnistie totale sera votée le 11 juillet 1880. Dès avril 1873, elle était au programme du député radical Barodet.

« Je ne veux pas être, par ma complaisance, complice de la vaste exploitation que l’autocratie masculine se croit le droit d’exercer à l’égard des femmes. Je n’ai pas de droits, donc je n’ai pas de charges, je ne vote pas, je ne paye pas. »2470

Hubertine AUCLERT (1848-1914). Histoire du féminisme français, volume I (1977), Maïté Albistur, Daniel Armogathe

La fondatrice de la « Société pour le suffrage des femmes » (organisation militante) écrit encore, dans une lettre au préfet datée de 1880 : « Je n’admets pas cette exclusion en masse de femmes qui n’ont été privées de leurs droits civiques par aucun jugement. En conséquence, je laisse aux hommes qui s’arrogent le privilège de gouverner, d’ordonner, de s’attribuer les budgets, le privilège de payer les impôts qu’ils votent et répartissent à leur gré. Puisque je n’ai pas le droit de contrôler l’emploi de mon argent, je ne veux plus en donner. » (…)

« Buvons à la France, mais à la France tout entière, Monsieur le ministre de Prusse ! »2471

Sarah BERNHARDT (1844-1923), en tournée au Danemark, automne 1880. Ma double vie, Mémoires de Sarah Bernhardt (1907)

La star du théâtre français, mondialement célèbre, a déjà fait preuve de son patriotisme pendant la guerre de 1870. Lors d’une triomphale tournée en Europe, elle entend le baron Magnus porter ce toast : « Je bois à la France qui nous donne de si grands artistes ! À la France, à la belle France que nous aimons tous. » D’où la cinglante réplique de la comédienne. L’orchestre de la cour fait éclater La Marseillaise (les Danois détestent les Allemands, à l’époque). Bismarck s’indigne, et l’on frise l’incident diplomatique.

« Il s’agit toujours du même. »2472

Georges CLEMENCEAU (1841-1929). Encyclopædia Universalis, article « Gouvernement »

Célèbre « tombeur de ministères » qui se ressemblent tous, puisque les mêmes hommes reviennent, changeant seulement de portefeuille. Les « républicains de gouvernement », « opportunistes », modérés, sont attaqués sur leur droite par les bonapartistes (en perte de prestige après la mort du prince impérial en 1879) et les monarchistes (avec une clientèle encore importante de ruraux et de catholiques), et sur leur gauche par les radicaux qui, avec Clemenceau et Rochefort, réclament le « maximum de République », mais sont déjà talonnés sur leur propre gauche par les socialistes (…)

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