Gambetta : « Puisque nous sommes les plus forts, nous devons être modérés. » | L’Histoire en citations
Chronique du jour

 

Troisième République

Gambetta, chef des républicains

L’année 1876 est un tournant : les Républicains triomphent lors des élections, ce qui rend la situation du Président Mac-Mahon très délicate. Il démissionne en 1879, et Jules Grévy lui succède, permettant à la France de sortir du paradoxe d’une République gouvernée par des monarchistes. Cette clarification ne signifie pas la fin des débats, car entre le tribun Gambetta et le tombeur de ministères Clemenceau, la chambre s’enflamme.

Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.

« Puisque nous sommes les plus forts, nous devons être modérés. »2447

Léon GAMBETTA (1838-1882), devant le progrès constant des républicains aux élections en 1876. Discours et plaidoyers politiques de M. Gambetta, volume V (1882)

Ce sont les premières élections nationales, sous le signe de la nouvelle Constitution qui fonde la Troisième République. D’où leur importance, même si c’est la seule Assemblée qui sera dissoute, et très vite.

Dès le 30 janvier 1876, ô surprise, le Sénat manque de peu d’être républicain (…) Le 20 février, les républicains ont une confortable majorité au premier tour des élections à la Chambre.

Gambetta lance des appels à la pondération entre les deux tours : les républicains, s’ils veulent gouverner, ne doivent pas effaroucher l’opinion. Le second tour du 5 mars est un grand succès pour eux : le suffrage universel a amené 393 députés républicains de toute tendance, et seulement 140 conservateurs orléanistes, légitimistes et bonapartistes (sur 533 sièges) (…)

« Je suis, vous le savez, messieurs, profondément républicain et profondément conservateur. »2448

Jules SIMON (1814-1896), président du Conseil, Chambre des députés, Déclaration ministérielle du 14 décembre 1876. Histoire de la Troisième République, volume I (1973), Jacques Chastenet

Les républicains ayant triomphé aux élections, la situation devient inconfortable pour Mac-Mahon, président de la République et monarchiste. On parlerait aujourd’hui de « cohabitation ». Il s’en tire en appelant un centriste, Jules Simon, républicain modéré, pour former le gouvernement.

Dans son premier discours, le personnage se montre onctueux et conciliateur. Les présidents du Conseil des ministres - fonction qui apparaît dans l’histoire de France – brilleront souvent par leur insignifiance jusqu’en 1900.

« Il sera cardinal avant moi ! »2449

Monseigneur DUPANLOUP (1802-1878). Histoire de la France contemporaine, 1871-1900 (1903), Gabriel Hanotaux

Évêque d’Orléans et député, il a ce mot sur Jules Simon qui ne reste pourtant pas longtemps à la tête du gouvernement. Professeur de philosophie bien connu pour s’être opposé avec courage à Napoléon III, Jules Simon tente une politique de conciliation entre la droite et l’extrême gauche. C’est mission impossible et la crise explose au bout de quelques mois, le 16 mai 1877. On parlera (improprement) du « coup d’État » de Mac-Mahon, qui le renvoie alors qu’il a l’appui des députés. Mais le gouvernement est responsable devant la Chambre et le président (parlementarisme dualiste). Le prétexte est une loi sur les délits de presse et une lettre de désaccord entre eux. La vraie raison est ailleurs, dans une opposition entre les républicains et les catholiques.

« Le cléricalisme ? Voilà l’ennemi. »2450

Léon GAMBETTA (1838-1882), Discours sur les menées ultramontaines, Chambre des députés, 4 mai 1877. Le Cléricalisme, voilà l’ennemi ! (1879), Paroles de M. Gambetta, commentées par Émile Verney

La question religieuse prend des proportions démesurées, sous la Troisième République. Pour l’heure, les catholiques français veulent aider le pape contre le gouvernement italien, car les États pontificaux ont été annexés par l’Italie en 1870 (…) Les républicains refusent absolument cette intervention (…)

« Vous êtes le gouvernement des prêtres et le ministre des curés. »2451

Léon GAMBETTA (1838-1882), au ministre de l’Intérieur Fourtou, mi-juin 1877. Discours et plaidoyers politiques de M. Gambetta (1884)

Oscar Bardy de Fourtou, adepte de la manière forte, de nouveau en poste à l’Intérieur, a pour mission d’empêcher le retour en force des républicains à l’Assemblée. La coalition monarchiste et conservatrice caresse à nouveau la France à rebrousse-poil.

Le 18 juin, les 363 députés républicains font adopter un ordre du jour – l’Ordre des 363 – qui refuse la confiance au cabinet de Broglie. Une semaine plus tard, avec l’accord du Sénat, Mac-Mahon dissout la Chambre des députés, le 25 juin. C’est la crise la plus grave depuis la Commune (…)

« L’ordre moral atteint au délire de la stupidité. »2452

Gustave FLAUBERT (1821-1880), Correspondance, volume IV (1893)

Dans la campagne électorale qui bat son plein, cet été 1877, Mac-Mahon prend parti, tel un maréchal à la tête de ses troupes, et lance dans la bataille les fonctionnaires et le clergé.

De leur côté, les républicains font bloc, avec deux têtes d’affiche : le toujours jeune Gambetta (40 ans) et le déjà vieux Thiers qui, malgré ses 80 ans, se verrait bien succéder à son successeur Mac Mahon.

« Quand la France aura fait entendre sa voix souveraine […] il faudra se soumettre ou se démettre. »2453

Léon GAMBETTA (1838-1882), Discours de Lille, 15 août 1877. Histoire de la France (1947), André Maurois

C’est au président de la République que ce discours s’adresse, après la crise institutionnelle ouverte le 16 mai, le renvoi du président du Conseil, et la dissolution de la Chambre des députés. Le Président a tenté d’imposer au pays un régime présidentiel et c’est toute l’orientation de la Troisième République qui se joue alors (…)

« La monture a l’air intelligent, ma foi. »2454

Légende d’un portrait de Mac-Mahon à cheval, été 1877. Histoire de France contemporaine depuis la Révolution jusqu’à la paix de 1919 (1921), Ernest Lavisse, Philippe Sagnac

Le journal qui publie cette belle image tirée d’une brochure de propagande, et l’assortit de ce commentaire, est poursuivi pour offense au président de la République, et condamné à 500 francs d’amende. On ne compte plus les condamnations pour délits de presse et cris séditieux (…)

« La République, c’est la nécessité. »2455

Adolphe THIERS (1797-1877). Discours parlementaires de M. Thiers : 1872-1877 (posthume, 1883)

Dernier message du vieux républicain, possible successeur de Mac-Mahon à la présidence. Il meurt le 3 septembre 1877. Sa famille refuse les obsèques officielles. Mais 384 villes sont représentées, et une foule estimée à un million assiste à ses funérailles parisiennes (…)

« Je n’aimais pas ce roi des prud’hommes. N’importe ! comparé aux autres, c’est un géant. »2456

Gustave FLAUBERT (1821-1880), à la mort de Thiers, Correspondance (1893)

« … et puis il avait une vertu rare : le patriotisme. Personne n’a résumé comme lui la France, de là l’immense effet de sa mort. »

Flaubert, un an plus tôt, s’exclamait pourtant : « Rugissons contre M. Thiers ! Peut-on voir un plus triomphant imbécile, un croûtard plus abject, un plus étroniforme bourgeois ! Non, rien ne peut donner l’idée du vomissement que m’inspire ce vieux melon diplomatique, arrondissant sa bêtise sur le fumier de la bourgeoisie ! Il me semble éternel comme la médiocrité ! » (…)

« Nous avons dit : le cléricalisme, voilà l’ennemi ! Il appartient au suffrage universel de répondre, en appelant le monde à contempler son ouvrage : le cléricalisme, voilà le vaincu. »2457

Léon GAMBETTA (1838-1882), Discours du 9 octobre 1877. La Fièvre hexagonale : les grandes crises politiques de 1871 à 1968 (1987), Michel Winock

Fin de campagne électorale, toujours sur le même thème de l’anticléricalisme cher à la gauche. La formule a fait mouche et Gambetta, en bon avocat, la replace au fil de ses nombreux discours.

« Nous partons trois cent soixante-trois, nous reviendrons quatre cents ! »2458

Léon GAMBETTA (1838-1882). Histoire de la France (1947), André Maurois

Le chef des républicains tous regroupés derrière son nom était un peu trop optimiste. Partis 363, ils n’auront que 321 élus à la Chambre des députés, les 14 et 28 octobre 1877 (…) Cela fait quand même une forte majorité républicaine, face aux 208 députés monarchistes. De Broglie démissionnera, le 23 novembre.

Et Mac-Mahon, qui a voulu imposer un régime présidentiel par la force institutionnelle, prend acte de son échec, signant, les larmes aux yeux, le message qui sera lu devant les sénateurs et les députés.

« La Constitution de 1875 a fondé une république parlementaire en établissant mon irresponsabilité, tandis qu’elle a institué la responsabilité solidaire et individuelle des ministres. »2459

MAC-MAHON (1808-1893), Message du président de la République aux Chambres, 14 décembre 1877. Gouvernements, ministères et constitutions de la France depuis cent ans (1893), Léon Muel

Le président se soumet – avant de se démettre. Il démissionnera en 1879, quand les républicains deviendront majoritaires au Sénat. Avec le départ de ce président monarchiste, la République sera totalement acquise.

D’ores et déjà, le droit de dissolution est discrédité, le président jouant désormais le jeu du régime parlementaire, avec ses qualités et ses défauts.

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