Les années Pompidou, Giscard d’Estaing et Mitterrand
L’élection présidentielle de 1981
Valéry Giscard d’Estaing reconnaîtra qu’il a fait une mauvaise campagne, plutôt bâclée, lors de cette élection présidentielle. C’est Chirac qui va se révéler le meilleur dans le jeu de massacre, et séduire l’électorat de droite, qui découvre un homme neuf et battant. Autre homme neuf et totalement inattendu, Coluche, crédité de plus de 10% d’intentions de vote, semant la panique chez les principaux candidats.
Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.
« Il faut laisser les choses basses mourir de leur propre poison. »3193
Valéry GISCARD D’ESTAING (1926-2020), interrogé sur l’« affaire des diamants », Antenne 2, 27 novembre 1979
10 octobre dernier, Le Canard enchaîné publie que Bokassa, président déchu de la République centrafricaine, fit cadeau de diamants à Giscard d’Estaing, ministre des Finances, en 1973 (…) La note est un faux grossier. Mais Le Monde reprend l’information et dénonce le silence de l’Élysée.
(…) VGE ne change pas de ligne de défense, autrement dit, il ne se défend même pas (…)
Trop tard, le mépris silencieux de l’accusé l’a finalement rendu suspect : « J’imaginais que les Français écarteraient d’eux-mêmes l’hypothèse d’une telle médiocrité », écrira-t-il (…)
« J’entends me tenir à la ligne du juste milieu. Celle de la synthèse des propositions, de la rencontre des hommes, de la mobilisation des forces pour aider la France, et non pour déchirer la France. Ce n’est pas une ligne neutre. C’est une ligne de paix et d’entente, à suivre avec beaucoup de soin dans ces temps de tempêtes. »3194
Valéry GISCARD D’ESTAING (1926-2020), Déclaration à la Foire de Lyon, 23 mars 1980
Un an avant l’élection présidentielle, dans une interview à L’Express (10 mai 1980), le président de la République estime avoir réalisé les trois quarts de ce qu’il souhaitait faire, malgré les divisions de la droite, les deux chocs pétroliers, l’agitation des jeunes, l’opposition des syndicats.
Divers sondages le donnent largement vainqueur face à la gauche (Rocard et plus encore Mitterrand).
Cela ne peut que l’encourager à persévérer dans sa « ligne du juste milieu » et son centrisme réformateur (…)
« Comment ne pas rêver à une société idéale où des hommes égaux et justes dans une cité ordonnée par leurs soins se répartiraient les fruits de leur travail, toute forme de profit écartée, quand il n’y a autour de soi qu’exploitation de l’homme par l’homme. »3195
François MITTERRAND (1916-1996), Ici et maintenant (1980)
(…) Il donne à rêver au « socialisme a la française », qui emprunte à l’utopie sociale et à la théorie marxiste, et qu’il voudrait exemplaire pour le monde, ici et maintenant.
(…) Il doit cependant compter avec Michel Rocard qui pose sa candidature à la présidence le 19 octobre 1980, et qui le dépasse largement dans les sondages.
« Jusqu’à présent la France est coupée en deux, avec moi elle sera pliée en quatre ! »3196
COLUCHE (1944-1986), slogan du candidat à l’élection présidentielle de 1981. Dictionnaire des provocateurs (2010), Thierry Ardisson, Cyril Drouhet, Joseph Vebret
30 octobre 1980, il convoque la presse en son théâtre du Gymnase, pour une déclaration de candidature fidèle à son image : « J’appelle les fainéants, les crasseux, les drogués, les alcooliques, les pédés, les femmes, les parasites, les jeunes, les vieux, les artistes, les taulards, les gouines, les apprentis, les Noirs, les piétons, les Arabes, les Français, les chevelus, les fous, les travestis, les anciens communistes, les abstentionnistes convaincus, tous ceux qui ne comptent pas pour les hommes politiques à voter pour moi, a s’inscrire dans leurs mairies et à colporter la nouvelle. Tous ensemble pour leur foutre au cul avec Coluche. Le seul candidat qui n’a aucune raison de vous mentir ! » (…)
« C’est l’histoire d’un mec. »3197
Antoine de CAUNES et COLUCHE. Titre du film (2007) d’Antoine de CAUNES (né en 1953), retraçant l’aventure politique du « mec ».
(…) Le Nouvel Observateur fait sa une sur le phénomène Coluche en novembre, la semaine ou Mitterrand annonce sa candidature. Et le 14 décembre, un sondage publié dans le Journal du Dimanche le crédite de 16 % d’intentions de vote.
Panique chez les principaux candidats ! (…) Il obtient 632 promesses de parrainage (…)
Il est censuré par les médias publics, radio et télé, et l’ordre vient de l’Élysée. Mitterrand lui envoie des émissaires pour qu’il retire sa candidature et rejoigne le PS (…) Suivent les menaces : lettres anonymes, coups de téléphone (…)
Coluche renonce le 16 mars 1981, sans plus d’explication (…)
« Nous voulions de la rigueur, nous n’avons eu que du laisser-aller. Nous voulions de la générosité, nous n’avons eu que de la condescendance. Nous voulions du désintéressement, nous n’avons eu que de la désinvolture […] Vous nous avez trompés. »3198
Marie-France GARAUD (née en 1934), Lettre ouverte au président de la République, Le Monde, 16 décembre 1980
L’ex-conseillère de Chirac semble faire de la défaite de Giscard une affaire personnelle, alors qu’elle avait soutenu sa candidature en 1974 (…)
« Un septennat, hélas ! deux septennats, holà ! »3199
Michel DEBRÉ (1912-1996), Antenne 2, 10 janvier 1981. Journal de l’année 1981, Larousse
(…) Debré, gaulliste, ne doit pas pardonner à Giscard son « oui, mais » à de Gaulle, et surtout le « non » au référendum de 1969.
Il va donc se porter candidat, mais sa campagne en faveur de la natalité est un échec médiatique, et dans l’entre-deux-tours, il soutiendra logiquement Giscard.
« Je ne serai pas un Président-candidat, mais un citoyen-candidat. »3200
Valéry GISCARD D’ESTAING (1926-2020), annonce officielle de sa candidature, 2 mars 1981
Il a retardé sa déclaration pour apparaître le plus longtemps possible comme l’homme en charge de la France. A présent, il se refuse à être l’homme d’un parti, sachant qu’il ne peut compter sur la majorité : « Je ne solliciterai l’investiture d’aucune formation. Je ne cherche pas à recruter des partisans ; je cherche à réunir les Français » (…)
« Si l’on peut rendre à ce pays la confiance et l’espoir, fût-ce au prix de la défaite du président de la République, c’est l’intérêt de la France qui m’importe et non pas l’intérêt de tel ou tel homme, y compris le mien. Voilà en réalité ce que je souhaite. »3201
Jacques CHIRAC (1932-2019), Déclaration du 6 mars 1981. Premier tour de piste, première aventure présidentielle, à 48 ans
Chirac s’est déclaré le 3 février, a l’Hôtel de Ville, son fief de maire. Candidat du RPR, son parti est prêt au combat. Il mène une campagne de challenger contre Giscard, annonçant une « nouvelle voie » pour « arrêter le processus de dégradation » de la France. Son programme : baisser les impôts et libéraliser l’économie. Son modèle : Ronald Reagan (…)
Éliminé le dimanche 26 avril, avec 18 % des voix (score très honorable), il déclare le lendemain : « A titre personnel, je ne puis que voter pour Valéry Giscard d’Estaing. » Les autres voteront « selon leur conscience » (…)
« Tout chef politique doit avoir l’instinct du tueur ! »3202
Françoise GIROUD (1916-2003), La Comédie du pouvoir (1977)
Indiscutable leçon de ces jeux électoraux.
(…) Après un premier tour qui fait craindre l’élection de Mitterrand, l’appel de Debré à voter pour Valéry Giscard d’Estaing et la mise en garde de Chirac contre les risques courus par la France en cas d’élection de Mitterrand ne changeront pas le cours de l’histoire. A droite, le mal est fait. Mais rien n’est gagné, à gauche.
« Comment se passionner pour une campagne où Marchais travaille pour Giscard et Chirac pour Mitterrand ? »3203
Raymond ARON (1905-1983), sous-titre d’un article : « La campagne en clair-obscur », L’Express, 28 mars 1981
(…) Au soir du premier tour, Giscard (28,32 % des voix) devance Mitterrand (25,85 %). Et Chirac (18 %) devance Marchais (15,35 %). Le suspense reste entier, si l’on décompte les voix et les reports supposés des six « petits candidats ».
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