Haro sur l’impôt ! Comédie humaine de l’histoire contemporaine. | L’Histoire en citations
Édito de la semaine

Il n’existe pas d’État sans fiscalité. Sous la Gaule et au Moyen Âge, il fallait financer les armées, indispensables aux guerres de défense ou de conquête. Au fil de l’Histoire, les besoins se diversifient et les impôts augmentent.

En 2022, le budget de l’État atteindra 300 milliards d’euros. Premier poste, l’Éducation (56,5 milliards). Nul ne conteste l’enseignement gratuit, conquête de la Troisième République. Tous les autres ministères ont leur utilité : Agriculture, Armée (Défense), Culture, Écologie, Économie et finances, Europe et affaires étrangères, Intérieur, Justice, Logement, Pensions et retraites, Recherche et enseignement supérieur, Santé, Transports, Travail et emploi.

Mais la phobie fiscale est un mal bien français ! On peut même parler de « fiscalite » nationale. Les citations de quelques Anglo-saxons disent assez la différence de mentalité. Il faut pourtant distinguer deux périodes.

I. Au Moyen Âge et sous l’Ancien Régime, les révoltes fiscales des Jacques et autres paysans tournent souvent à la tragédie, avec la misère et l’injustice dont le peuple qui travaille est victime, « taillable et corvéable à merci ». Ceux qui prient (le clergé) et ceux qui combattent (la noblesse) sont exemptés d’impôt. Ces privilégiés s’accrochent toujours à leurs privilèges, au siècle des Lumières.

II. La Révolution fait « table rase » (nuit du 4 août 1789). L’histoire contemporaine sera mouvementée et conflictuelle, mais la fiscalité est désormais plus juste, répartie sur toutes les classes sociales et progressive avec l’invention de l’impôt sur le revenu (1916). Malgré des progrès incontestables,

les contribuables contestent et protestent toujours avec autant de talent que de mauvaise foi, la fraude fiscale étant estimée à 80 milliards d’euros. Beaucoup moins de morts et beaucoup plus d’humour dans cette comédie fiscale : « Il faut demander plus à l’impôt et moins aux contribuables. » Tel sera le mot de la fin de cet édito.

II. Comédie humaine de l’histoire contemporaine.

La Révolution.

« La liberté, l’égalité, l’humanité venaient de faire un grand abattis dans la forêt des abus. »1342

Abbé GRÉGOIRE (1750-1831). Le Clergé de quatre-vingt-neuf (1876), Jean Wallon

Parole d’un privilégié qui a enfin l’intelligence de la situation. Oui ! Tout change, la nuit du 4 août 1789.

Jacques Bainville décrit la scène dans son Histoire de France : « Dans une sorte de vertige, ce fut à qui proposerait d’immoler un privilège. Après les droits seigneuriaux, la dîme, qui avait cependant pour contrepartie les charges de l’assistance publique. »

« Messieurs, qu’est-ce que nous avons fait ? »1340

Armand de GONTAUT, duc de Biron (1747-1793), 5 août 1789. Histoire et dictionnaire de la Révolution française, 1789-1799 (1998), Jean Tulard, Jean-François Fayard, Alfred Fierro

Cri du cœur d’un aristocrate, naturellement privilégié, apostrophant à l’aube ses pairs, après la fameuse nuit du 4 août à l’Assemblée – militaire égaré en politique, il sera emporté par la tourmente révolutionnaire, victime de son humour.

Voilà enfin l’égalité de tous les Français devant l’impôt, avec l’abolition des privilèges. Ce sera la principale œuvre de la Constituante, sanctionnées par les décrets du 5 et du 11 août 1789.

« L’Assemblée nationale détruit entièrement le régime féodal. »1343

Décret du 11 août 1789. La Révolution française et le régime féodal (1919), François-Alphonse Aulard

Le texte final du décret est d’Adrien Jean-François du Port, l’un des premiers députés de la noblesse à s’être rallié au tiers (le 25 juin).

Suite et fin du grand élan né la nuit du 4 août. Selon François Furet, « le trait le plus important des décisions votées dans cette fameuse semaine d’août 1789 est leur caractère durable. La Révolution française a créé beaucoup d’institutions provisoires et légiféré souvent pour le court terme ; mais les décrets du 4 et du 11 août sont parmi les textes fondateurs de la France moderne. Ils détruisent de fond en comble la société aristocratique, et sa structure de dépendances et de privilèges » (Dictionnaire critique de la Révolution française).

« En ce monde rien n’est certain, à part la mort et les impôts. »/

Benjamin FRANKLIN (1706-1790), Lettres

Fils d’un marchand de suif et de chandelles, imprimeur, éditeur, écrivain, naturaliste, inventeur, abolitionniste, Benjamin Franklin entre en politique à 42 ans et participe à la rédaction de la Déclaration d’indépendance, ce qui fait de lui l’un des Pères fondateurs des États-Unis. Son ascension sociale dont témoigne son autobiographie maintes fois rééditée reste un exemple de réussite par le travail et la discipline.

Son aphorisme trouvera écho deux siècles plus tard chez notre Sacha Guitry à l’esprit bien français, avec une nuance antifiscale typiquement nationale : “Il y a deux choses inadmissibles sur la terre : la mort - et les impôts. Mais j’aurais dû citer en premier les impôts.”

Remarquons au passage l’humour qui va prévaloir désormais dans le récit fiscal jusqu’alors plus tragédie que comédie.

L’Empire

« Chaque année, la France faisait présent à cet homme de trois cent mille jeunes gens ; c’était l’impôt payé à César. »1764

Alfred de MUSSET (1810-1857), La Confession d’un enfant du siècle (1836)

« … Et s’il n’avait ce troupeau derrière lui, il ne pouvait suivre sa fortune. C’était l’escorte qu’il lui fallait, pour qu’il pût traverser le monde, et s’en aller tomber dans une petite vallée d’une île déserte, sous un saule pleureur. » L’histoire finit mal pour la France exsangue et pour l’empereur exilé. Mais Musset, « l’enfant du siècle » orphelin de Napoléon, évoque aussitôt après l’Empire glorieux qui va fasciner les générations à venir : « Jamais il n’y eut tant de joie, tant de vie, tant de fanfares guerrières dans tous les cœurs. Jamais il n’y eut de soleils si purs que ceux qui séchèrent tout ce sang. On disait que Dieu les faisait pour cet homme, et on les appelait ses soleils d’Austerlitz. »

« Chaque jour, tout banquier qui arrive à quatre heures sans malheur s’écrie : « En voilà encore un de passé ! » »1851

Général SAVARY (1774-1833), Bulletin (quotidien) adressé à l’Empereur, 18 janvier 1811. Histoire de France contemporaine depuis la Révolution jusqu’à la paix de 1919, volume III (1921), Ernest Lavisse, Philippe Sagnac

C’est dire si la crise économique est grave : elle touche même la bourgeoisie, classe qui profita le plus de l’Empire. De janvier à juin 1811, 60 faillites par mois. La fiscalité est alourdie, la crise agricole et industrielle compromet les résultats des précédentes années de prospérité. 1811 sera aussi l’année d’un dirigisme renforcé qui heure de front les aspirations libérales.

« Un impôt exagéré détruit la base sur laquelle il porte. »

Jean-Baptiste SAY (1767-1832), Traité d’économie politique ou simple exposition de la manière dont se forment, se distribuent et se consomment les richesses (1803).

Autrement dit, il ne faut pas tuer « la poule aux œufs d’or ». Juste image et expression récurrente en matière fiscale.

Économiste français le plus connu au monde et journaliste de surcroît, son libéralisme rime avec optimisme, au contraire de ses célèbres confrères anglais, Malthus et Ricardo. Mais il contrarie Napoléon Bonaparte qui songe au Blocus continental pour ruiner l’Angleterre. Il lui demande de réécrire certains passages et de mettre en exergue l’économie de guerre fondée sur le protectionnisme. L’auteur refuse. Il ne peut rééditer son Traité, est révoqué du Tribunat, interdit de journalisme. Il devient entrepreneur et fait fortune dans le coton.

L’économiste retrouve sa liberté d’expression après l’Empire, devient célèbre et inaugure la chaire d’économie politique au Collège de France.

Restauration, Monarchie de Juillet, Deuxième République

« L’excès des impôts conduit à la subversion de la justice, à la détérioration de la morale, à la destruction de la liberté individuelle. »

Benjamin CONSTANT (1767-1830), Principes de politique (1815)

Romancier, homme politique et intellectuel français d’origine suisse, républicain engagé en politique depuis 1795, il devient le chef de l’opposition libérale dès 1800 sous le Consulat, puis quitte la France sous l’Empire. Il se rallie à Napoléon pendant les Cent jours et revient en politique sous la Restauration. On le qualifiera de « girouette » (il n’est pas le seul à l’époque). Élu député, chef de file de l’opposition libérale connue sous le nom des « Indépendants », il défend le régime parlementaire « en rodage ».

La Restauration, période de réaction politique et idéologique de plus en plus marquée, va engendrer par contrecoup le développement des idées libérales : « Toutes les fois que les gouvernements prétendent faire nos affaires, ils les font plus mal et plus dispendieusement que nous » écrit-il dans son Cours de politique constitutionnelle. Cela va de pair avec une fiscalité raisonnable.

« Est-il bien vrai, mes chers amis
Qu’on ait détrôné Charles Dix ?
Dites-moi donc où nous en sommes ?
Dans les emplois les plus marquants,
Je vois toujours les mêmes hommes,
J’ai donc dormi pendant cinq ans ? […]
Mes impôts sont toujours les mêmes
Mon journal est toujours timbré. »2085

Le Béotien de Paris (1835), chanson. Chroniques des petits théâtres de Paris. Première partie, Nicolas Brazier

La censure rétablie, l’Église toujours aussi puissante et présente, décidément, rien ne change, même pas la fiscalité, éternel sujet de mécontentement du Français sous tous les régimes : À quoi bon avoir fait une révolution en 1830, se demandent les mécontents ? Mais l’humour prévaut, surtout en chansons – qui sert de gazette politique pour les illettrés relativement nombreux.

« Peuple à la lymphatique fibre,
Entends Molé te supplier.
Tu disais : Je veux être libre.
Molé te répond : Sois caissier.
Peuple à jamais digne d’estime,
Payer fut toujours ton régime. »2095

Agénor ALTAROCHE (1811-1884), La Parisienne de 1837, chanson. Histoire de France par les chansons (1982), France Vernillat, Pierre Barbier

Le comte Molé est chef du gouvernement de 1836 à 1839. Peuple et petite bourgeoisie paient de plus en plus d’impôts, alors que le suffrage censitaire les écarte du pouvoir.

La « fiscalite » chronique revient à l’ordre du jour avec l’humour, tandis que l’inégalité reparaît pour une autre raison, valable aujourd’hui encore : l’expansion économique rend les riches plus riches (une minorité) et les pauvres plus pauvres (la masse du pays). Un régime ne peut vivre durablement sous le signe de cette injustice.

« À Paris, il y a des impôts sur tout, on y vend tout, on y fabrique tout, même le succès. ».

Honoré de BALZAC (1799-1850), La Comédie humaine (1829 à 1850)

Comme presque tous les talents et génies de son temps (Hugo en tête), Balzac est tenté par la politique. Mais c’est plus que tout un prodigieux observateur des mœurs, doublé d’un « visionnaire passionné » (selon Baudelaire).

Les quelque 90 romans de sa Comédie humaine ont d’abord pour titre Études sociales : les jeux politiques de la nouvelle monarchie installée dans l’histoire entre deux révolutions y sont croqués sans indulgence et le personnage de Rastignac l’ambitieux entre dans la galerie des grands classiques. Adolphe Thiers sert de modèle à ce bourgeois avide d’argent et de pouvoir. Quant à la fiscalité, cible de toutes les critiques, elle est accusée de tous les maux par un contribuable persécuté, particulièrement malheureux (en affaires).

« Le fisc est de sa nature stupide et antisocial ; il précipiterait une nation dans les abîmes du crétinisme, pour se donner le plaisir de faire passer des écus d’une main dans une autre, comme font les jongleurs indiens. »

Honoré de BALZAC (1799-1850),Traité des excitants modernes (essai, 1839)

(Les cinq produits concernés sont le café, l’eau-de-vie ou l’alcool, le thé, le sucre et le tabac.)

Désespérant de devenir riche avec une littérature alimentaire qu’il méprise d’ailleurs, Balzac se lance dans les affaires, devenant libraire-éditeur. En 1825, il publie avec deux associés des éditions illustrées de Molière et La Fontaine. Il va même fonder une imprimerie en rachetant et recyclant du matériel inexploité. Mais les livres ne se vendent pas, la faillite menace. Lâché par ses associés, dramatiquement endetté, il pousse plus loin l’intégration verticale et crée en 1827 une fonderie de caractères avec le typographe André Barbier. Nouvel échec financier ! Il croule sous les dettes, condamné  à feuilletonner toute sa vie comme un forcené, buvant jusqu’à cinquante tasses de café par jour. Il en mourra à 50 ans.

« L’honoraire est ce que le client doit, en sus des frais, à son avoué pour la conduite plus ou moins habile de son affaire. Le Fisc est pour moitié dans les frais, tandis que les honoraires sont tout entiers pour l’avoué. »

Honoré de BALZAC (1799-1850), Illusions perdues (1837-1843)

L’obsession fiscale transparaît dans ce roman plus vrai que nature. L’action se déroule sous la Restauration, dans les milieux de l’imprimerie et des cercles littéraires familiers à l’auteur. Il raconte les « illusions perdues » de Lucien Chardon, dit Lucien de Rubempré, jeune provincial monté à Paris dans l’espoir de faire fortune avant de retourner à Angoulême. L’obsession de l’argent s’impose à cette époque où la mentalité affairiste s’empare de toute la bourgeoisie, classe montante : transformation en marchandise de la littérature et capitalisation de l’esprit depuis la production du papier jusqu’à l’acte de lecture.

Le livre est mal accueilli, vu comme un « règlement de comptes dégoûtant et cynique », voire une vengeance contre la presse. C’est aujourd’hui un chef d’œuvre reconnu au même titre qu’Eugénie Grandet ou La Peau de chagrin.

« Les impôts indirects sont des impôts hypocrites. »

Alphonse KARR (1808-1890), Voyage autour de mon jardin (1845)

Romancier, journaliste, directeur du Figaro (né hebdomadaire parisien et satirique), il crée en 1839 la revue satirique mensuelle Les Guêpes dont les pamphlets visent le monde des arts, des lettres et de la politique jusqu’en 1849 : « Plus ça change, plus c’est la même chose. » Cela vaut également pour la fiscalité. Aujourd’hui, le principal impôt indirect, la TVA, est « indolore » et parfaitement injuste (les pauvres payant autant que les riches).

« Il n’y a qu’une seule façon de tuer le capitalisme : des impôts, des impôts et toujours plus d’impôts. »;

Karl MARX (1818-1883) et Friedrich ENGELS (1820-1895), Manifeste du parti communiste (1848)

Ce serait une manière de régler la lutte des classes avec une forme de justice immanente… Mais la prophétie de Marx est démentie au siècle suivant par l’histoire des faits économiques. Le capitalisme si critique et critiquable soit-il renaît de crise en crise avec un pouvoir d’adaptation étonnant et une inflation fiscale sans fin, à l’inverse des systèmes socialistes.

« L’impôt augmente chaque année : il serait difficile de dire précisément dans quelle partie des charges publiques se fait cette augmentation, car qui peut se flatter de connaître quelque chose à un budget ? »

Pierre-Joseph PROUDHON (1809-1865), Qu’est-ce que le propriété ? (1840)

« C’est le vol ! » Fameuse réponse à la question posée par le titre du livre.

Polémiste, journaliste, économiste, philosophe et sociologue, le créateur du « socialisme à la française » et le précurseur de l’anarchisme est le seul théoricien issu du milieu ouvrier – à l’inverse du très bourgeois Karl Marx, son adversaire déclaré. Il se lance dans l’arène politique lors de la Révolution de 1848. Élu député, il apprend son métier sur les mêmes bancs que Victor Hugo et Louis-Napoléon Bonaparte !

La lecture du budget de l’État est un exercice d’autant plus difficile que les responsables des finances publiques ne font rien pour le rendre lisible, au-delà du jargon technique. Il faudrait quand même qu’il soit « honnête », que les chiffres aient un sens proche de la réalité, que les prévisions des dépenses et des recettes ne soient pas exagérément faussées.

« L’impôt sur le revenu agit comme le mors ; l’impôt sur le capital agit comme l’éperon. »

Émile de GIRARDIN (1802-1881), Le socialisme et l’impôt (1849)

Étonnante prémonition équestre de ce grand patron de presse qui a fait fortune dans ce nouveau medium populaire – gros tirages de journaux vendus à bas prix avec le feuilleton qui fidélise le lectorat.

Partisan du libéralisme économique, il s’inquiète logiquement de l’inflation fiscale qui s’accentue sous la Deuxième République, les mesures sociales devant être financées tant bien que mal : « Il faut que la France choisisse entre une révolution sociale et une révolution fiscale » écrit-il dans L’Impôt (1852). « Gouverner, c’est choisir »… mais le choix est toujours cornélien en la matière.

Troisième République

« Nous sommes gueux comme des rats d’église. »2415

Adolphe THIERS (1797-1877), au gouverneur de la Banque de France, faisant allusion aux finances de l’État, 24 mars 1871. Les Convulsions de Paris (1899), Maxime Du Camp

La République s’installe définitivement en France et impose ses valeurs : Liberté, Égalité, Fraternité. Et l’union nationale joue son rôle. Le coût total de la guerre est évalué à 15,6 milliards de francs. Une rançon de 5 milliards est la condition de la libération du territoire. Le 27 juin 1871, Thiers lance un premier emprunt d’État de 4,9 milliards à 6,6 % d’intérêt. Les souscriptions massives sont considérées comme autant de plébiscites en sa faveur.

Thiers travaille au redressement du pays, sans pourtant le doter de finances modernes : par conservatisme, il écarte le projet d’un impôt sur le revenu. Il faudra attendre le début du XXe siècle.

« Je ne veux pas être, par ma complaisance, complice de la vaste exploitation que l’autocratie masculine se croit le droit d’exercer à l’égard des femmes. Je n’ai pas de droits, donc je n’ai pas de charges, je ne vote pas, je ne paye pas. »2470

Hubertine AUCLERT (1848-1914). Histoire du féminisme français, volume I (1977), Maïté Albistur, Daniel Armogathe

La fondatrice de la « Société pour le suffrage des femmes » (organisation militante) décrète la grève fiscale, en bonne logique sociétale. Elle précise dans une lettre au préfet datée de 1880 : « Je n’admets pas cette exclusion en masse de femmes qui n’ont été privées de leurs droits civiques par aucun jugement. En conséquence, je laisse aux hommes qui s’arrogent le privilège de gouverner, d’ordonner, de s’attribuer les budgets, le privilège de payer les impôts qu’ils votent et répartissent à leur gré. Puisque je n’ai pas le droit de contrôler l’emploi de mon argent, je ne veux plus en donner. » Les suffragettes anglaises obtiennent le droit de vote pour les femmes en 1918. Cette bataille des femmes en France n’aboutira qu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

« La France est un pays extrêmement fertile : on y plante des fonctionnaires et il y pousse des impôts. »

Georges CLEMENCEAU 1841-1929), cité par Stéphane Bern, Secrets d’histoire, mars 2018

L’humour de ce grand homme politique, passionnément attaché à la terre de France et à sa Vendée natale, mais pourfendeur impitoyable de la Troisième République, ne pouvait pas épargner la politique fiscale, son administration pléthorique et le maquis de plus en plus touffu des taxes et impôts en tout genre. La situation ne fera que s’aggraver.

« Grâce à la bureaucratie et au socialisme, il n’y aura bientôt que deux partis en France : ceux qui vivent de l’impôt et ceux qui en meurent. »

Achille TOURNIER (1847-1920), Pensées d’automne (1888)

Publiciste et avocat à la Cour d’appel de Paris, préfet de divers départements, il perd un fils à la Première Guerre mondiale. Humoriste à ses heures et quelque peu philosophe, il écrit aussi : « Quand on connaît les femmes, on plaint les hommes ; mais quand on étudie les hommes, on excuse les femmes. » Et encore : « Dans une oasis, on n’a rien, mais on ne manque de rien. »

« L’ogre fisc a l’appétit du lion envers les uns, mais la sobriété du chameau à l’égard des autres. »

Paul MORAND (1888-1976), cité dans La Grammaire française des gens d’esprit (2016), Édouard Nicaise

Jolie moralité digne d’une fable fiscale, signée d’un diplomate, académicien et auteur, « coqueluche de l’entre-deux-guerres », très apprécié aussi de la génération des « hussards » d’après-guerre (Roger Nimier, Michel Déon, Antoine Blondin, Jacques Laurent, politiquement de droite). C’est dire l’injustice fiscale, réelle et/ou ressentie à toute époque. Mais répétons-le, c’était pire sous l’Ancien Régime.

« Le prélèvement d’impôts au-delà du strict nécessaire constitue un vol légalisé. »:

Calvin COOLIDGE (1872-1933), cité dans Le Syndrome déficitaire intellectuel (2020), Oumar Nadji

Trentième président des États-Unis (1923-1929), ce membre du parti républicain incarne les espoirs de la classe moyenne et va restaurer la confiance en la Maison blanche. Il diminue  le montant des taxes et le nombre des contributeurs, baisse l’impôt sur le revenu, les dépenses fédérales et le montant de la dette publique. Malgré sa popularité, il choisit de ne pas se représenter - il n’aura pas à affronter la grande crise de 1929.

« Éviter de payer des impôts est la seule recherche intellectuelle gratifiante. »

John Maynard KEYNES (1883-1946)

Économiste britannique de notoriété mondiale, père de la macroéconomie moderne, il défend l’idée de marchés ne s’auto équilibrant pas, d’où le recours à des politiques économiques conjoncturelles. Considéré comme l’un des plus influents théoriciens de l’économie du XXe siècle, conseiller officiel ou officieux de nombreux hommes politiques, il participe aux accords de Bretton Woods (juillet 1944) instaurant après la Seconde Guerre mondiale un système monétaire basé sur la libre convertibilité des monnaies et la fixité des taux de change.

« Donnez aux femmes le droit de vote et dans cinq ans, vous aurez un impôt sur les célibataires. »

George Bernard SHAW (1856-1950), cité dans Payez moins d’impôts (2012), Marie Lambert

Humour irlandais de ce grand auteur de théâtre, sérieusement engagé pour le droit de vote des femmes et sympathisant actif de la Women’s Tax Resistance League, s’opposant à l’administration fiscale britannique qui refuse de considérer les femmes mariées comme fiscalement indépendantes.

Provocateur et anticonformiste, mais prix Nobel de littérature, George Bernard Shaw dénonce le puritanisme étroit, la hiérarchie religieuse et l’hypocrisie des conventions sociales.

« J’ai écrasé l’impôt sur le revenu avec l’air de le soutenir. »

Joseph CAILLAUX (1863-1944), Lettre intime signée « Ton Jo » à son ancienne maîtresse, publiée par le Figaro, 13 mars 1914.

Son nom est attaché à la création de ce nouvel impôt, dans des conditions qui relèvent aussi de la rubrique faits divers.

En France, la fiscalité repose encore sur les « quatre vieilles » contributions directes (foncière, mobilière, patente, portes et fenêtres). La création d’un impôt sur le revenu fut évoquée en 1848 par Garnier-Pagès, ministre des Finances de la Deuxième République, proposition reprise à la fin du Second Empire par Gambetta et l’opposition républicaine aux législatives de 1869. Thiers est toujours hostile à ce projet d› « atroce impôt » soutenu par les radicaux. Le projet revient en 1894, défendu par le socialiste Jaurès : « Dans une société où celui qui ne possède pas a tant de peine pour se défendre, tandis que celui qui possède de grands capitaux voit sa puissance se multiplier non pas en proportion de ces grands capitaux mais en progression de ces capitaux, l’impôt progressif vient corriger une sorte de progression automatique et terrible de la puissance croissante des grands capitaux ».

En 1900, le projet de Caillaux, ministre des Finances dans le gouvernement du bloc des gauches et inspiré de l’income tax britannique provoque une violente opposition de la Ligue des contribuables : cette « inquisition fiscale porterait atteinte à la liberté individuelle, ruinerait le commerce et l’industrie et, par son caractère progressif, pourrait constituer aux mains des socialistes un véritable instrument de spoliation ». Fils d’un ancien ministre orléaniste, très riche, Joseph Caillaux est un bourgeois arrogant, inspecteur des finances, imbu de sa supériorité intellectuelle, qui cultive l’art de se rendre antipathique et va s’obstiner.

Le projet de loi adopté par la Chambre en 1909 est rejeté le Sénat et le gouvernement tombe le 20 juillet. Mais le Sénat va évoluer en 1913, quand la loi porte le service militaire à trois ans (au lieu de deux) avec le coûteux programme de réarmement. Le projet d’impôt annuel sur le capital, dans un but de solidarité nationale, est présenté le 15 janvier 1914 par Caillaux revenu aux Finances et le projet d’impôt sur le revenu a toutes ses chances, mais Caillaux est éclaboussé par une campagne de presse orchestrée par ses adversaires. Le 13 mars 1914, Le Figaro publie une lettre de Caillaux écrite en 1901 à sa maîtresse, dont un passage fait apparaître la duplicité du personnage, fils d’un ancien ministre orléaniste, riche, bourgeois arrogant imbu de sa supériorité intellectuelle et cultivant l’art de se rendre antipathique : « J’ai remporté un très beau succès : j’ai écrasé l’impôt sur le revenu en ayant l’air de le défendre. » C’en est trop pour Henriette Caillaux, l’épouse du ministre, qui va tirer sur Gaston Calmette, directeur du Figaro. Scandale national ! Caillaux démissionne pour pouvoir se défendre. Le nouveau ministre des Finances ajourne le vote de l’impôt sur le revenu… qui va finalement passer après les législatives du printemps 1914 : la majorité de gauche à la Chambre ne remet pas en cause la prolongation du service militaire et le Sénat ne s’oppose plus à la création de l’impôt sur le revenu, en raison de la dégradation de la situation des finances publiques. Dernier report d’application, jusqu’à la loi du 31 juillet 1917.

Caillaux voulait « faire en un mot litière de tous les privilèges, telle devait être la substance de la réforme ». Son biographe J.-C. Allain conclut :  « Il a joué sur cette transformation fiscale sa carrière et la tempête qu’il a soulevée, malgré ses précautions, tactiques, l’a finalement arraché au pouvoir sans toutefois ruiner l’ensemble de son œuvre. ». 

« Il y a une chose pire que de payer l’impôt sur le revenu, c’est de ne pas en payer. »

Lord Arthur DEWAR (1860-1917), La Grammaire Française des gens d’esprit (2016), Édouard Nicaise

Avocat écossais, élu député au Parlement du Royaume-Uni, ce citoyen britannique est connu pour cette remarque de bon sens typiquement « british  ». Tout contribuable français devrait la faire sienne, au moment de remplir sa déclaration de revenus (et non pas d’impôts

« La chose la plus difficile à comprendre au monde c’est l’impôt sur le revenu ! »

Albert EINSTEIN (1879-1955), cité dans 150 conseils pour payer moins d’impôts ( 2011-2012), Marie Lambert

Cet aveu du prix Nobel de physique (1921) inventeur de la célèbre équation E=mc2 (équivalence entre l’énergie et la masse), génie universellement reconnu de l’astrophysique et la cosmologie, console le contribuable moyen soumis au casse-tête fiscal annuel !

Critiqué par la droite (la déclaration de revenus étant assimilée à une « inquisition fiscale »), plusieurs fois modifié (quotient familial en 1945) et de plus en plus complexe (tranches, déductions, exemptions, exceptions, niches, etc.), c’est aujourd’hui la deuxième source de budgétaire de l’État après la TVA (impôt indirect, indolore et injuste) et avant l’impôt sur les sociétés.

« Celui qui n’a pas été repris dans un testament, trouve le réconfort dans la pensée que le défunt voulait probablement lui épargner de coûteux droits de succession. »

Peter USTINOV (1921-2004), cité dans le Guide notarial pour l’immobilier en France ( 2017), Anthony Birraux

Les droits de succession, peu médiatisés parce que relativement modestes pour la majorité des contribuables concernés, font partie des impôts indirects. Remarquons une fois encore l’optimisme ou le réalisme fiscal qui prévaut chez les Anglo-Saxons.

Cette parole de bon sens est signée d’un humoriste britannique d’ascendance russe, allemande et française, acteur, auteur de théâtre et réalisateur de films à succès (comme L’Amour des quatre colonels). « Ambassadeur de bonne volonté » à l’UNICEF en 1968, il est anobli par la reine Élisabeth pour son travail remarquable en faveur des enfants.

Quatrième République

« Lorsque le fisc l’a dépouillé même de sa chemise, le contribuable optimiste s’abonne à une revue nudiste et déclare qu’il se promène ainsi par hygiène, qu’il ne s’est jamais mieux porté. »

Georges BERNANOS (1888-1948), La liberté, pour quoi faire ? (1946)

On l’a connu plus grave… y compris dans ce dernier essai : « Il faut refaire des hommes libres. » Credo que Bernanos ne cesse de répéter au lendemain de la Libération, jetant ses dernières forces dans ce combat d’idées.

Visionnaire et prophète, soucieux des grandes options qui commandent l’Histoire plus que des détails institutionnels, dénonçant La Grande Peur des bien-pensants (1930), c’est-à-dire la faillite de la bourgeoisie française, ce catholique engagé refusera tous les postes et tous les honneurs pour rester libre : « Je n’entends nullement opposer le capitalisme au marxisme […] deux symptômes d’une même civilisation de la matière […] Le libéralisme capitaliste, comme le collectivisme marxiste, fait de l’homme une espèce d’animal industriel soumis au déterminisme des lois économiques. »

« Jamais la marge n’a été aussi étroite entre l’abandon et le salut. Jamais l’abîme n’a côtoyé de plus près le chemin du redressement. »2880

Antoine PINAY (1891-1994), Discours d’investiture, Assemblée Nationale, 6 mars 1952. Histoire de la IVe République : la République des contradictions, 1951-1954 (1968), Georgette Elgey

Investiture obtenue de justesse (324 voix contre 206 et 89 abstentions) : c’est le retour aux responsabilités politiques de la droite, écartée du pouvoir depuis la Libération. Mais le nouveau président du Conseil refuse toute étiquette, prend le portefeuille des Finances dont personne ne voulait et présente son programme de redressement économique et financier : maîtrise de l’inflation et défense du franc, échelle mobile des salaires (qui rassure les syndicats), avec réduction des dépenses de l’État et « emprunt Pinay ». Pari réussi – aidé il est vrai par une baisse mondiale des prix.

« Tenez bon, Monsieur Pinay ! »2881

Cris de la foule à la foire de Lyon, avril 1952. La France de la IVe République (1980), Jean-Pierre Rioux

Immense popularité, à la fois immédiate et durable. Un « Français moyen », un honnête homme devenu quasiment un mythe, a su rencontrer les Français et les rassurer sur un point éminemment sensible : sondés par l’IFOP (Institut français d’opinion publique) en novembre 1951, ils font passer les problèmes de prix et du niveau de vie bien avant la paix ou la CED… et en novembre 1958, bien avant l’Algérie.

Quand le gouvernement Pinay tombe en décembre 1952 (sur des problèmes extérieurs, armée européenne et Union française), 56 % des Français le regrettent – fait unique dans les annales de la popularité gouvernementale sous ce régime, plus encore pour un ministre en charge des Finances ! Rappelons quand même Turgot et Necker, à la fin de l’Ancien Régime.

Sortez les sortants !2902

Pierre POUJADE (1920-2003), slogan. Les Années Poujade, 1953-1958 (2006), Thierry Bouclier

Edgar Faure, dont le gouvernement a été renversé deux fois, dissout l’Assemblée le 2 décembre 1955 – aucun président du Conseil n’a osé, depuis 1877. Les députés se déchirent sur l’Algérie. Quand Poujade débarque, agitateur rassemblant les mécontents, exploitant un antiparlementarisme toujours latent, ameutant l’opinion contre le fisc, rassurant les petits commerçants et artisans effrayés par le capitalisme, la concurrence étrangère.

Populisme ! Poujadisme ! Les professionnels de la politique s’insurgent et s’inquiètent de cette popularité qui complique encore le jeu des partis. En janvier 1956, Poujade réussira à faire élire 52 députés, dont un pâtissier, un blanchisseur, deux mécaniciens, un charcutier, un maraîcher… et un étudiant en droit, de retour des guerres d’Indochine et d’Algérie, Jean-Marie Le Pen élu à 27 ans.

Cinquième République

« La fraude est à l’impôt ce que l’ombre est à l’homme. »

Georges POMPIDOU (1911-1974). Projet de loi relatif à la lutte contre la fraude, Travail parlementaire, Budget Économie, finance, fiscalité Justice Société, 9 octobre 2018, Nathalie Delattre

Premier ministre sous le Gaulle, il lui succède à la présidence en juin 1969. Quatre années passées dans la banque (Rothschild) lui ont peut-être donné accès à certaines données top secrètes.

Chiffrer la fraude fiscale est un défi sans fin, mais le Syndicat Solidaires Finances publiques donne une fourchette : entre 80 et 100 milliards d’euros, sur plus de 300 milliards d’impôts collectés (en 2021).

« Le fraudeur fiscal est un contribuable qui s’obstine à vouloir garder un peu d’argent pour son propre usage. »

Philippe BOUVARD (né en 1929), cité dans Le Plus drôle de l’argent (2013), livre collectif

Autre interprétation plus personnelle de la fraude, signée d’un artiste vedette logiquement très imposé. L’humour va désormais l’emporter, la comédie fiscale l’emportant sur la tragédie, mais la fiscalite nationale s’affichant plus que jamais.

Enfant juif traqué pendant la guerre, mauvais élève en classe, mais très tôt fasciné par l’argent et la réussite, journaliste, humoriste, présentateur de radio-télévision, également écrivain, auteur de théâtre (très boulevardier) et dialoguiste au cinéma, gros travailleur tout terrain, c’est le premier animateur de l’émission radiophonique quotidienne Les Grosses Têtes sur RTL, de 1977 à 2014, resté actif même à la retraite - où l’argent reste un sujet, mais pas un problème.

« La déclaration d’impôt peut passer pour le contraire d’une déclaration d’amour : on en dit le moins possible. »

Jacques STERNBERG (1923-2006), cité dans Les Perles des impôts (2012), Eugénie Berthet

L’humour belge de ce romancier de science-fiction pointe la fraude a minima du contribuable moyen. Mais il commet l’erreur banale - on ne déclare pas ses impôts, ils sont calculés par le fisc à partir de notre déclaration de revenus.

« Le débat qui va enfin s’instaurer sur l’impôt sur les grandes fortunes permettra de tracer à peu près à coup sûr la ligne de partage entre les partisans de l’équité et les défenseurs des possédants. »3216

Laurent FABIUS (né en 1946), ministre du Budget, Assemblée nationale, 27 octobre 1981

À 35 ans, le brillant énarque reprend cette lutte menée en d’autres temps par Joseph Caillaux, Jean Jaurès et Léon Blum : « Est-il acceptable que 5 % des Français détiennent à eux seuls près de 40 % du patrimoine de notre pays, alors que les 50 % des moins riches de nos concitoyens n’en possèdent que quelques pour cent ? »

Que répond l’opposition ? Chirac, au nom du RPR, dit que l’impôt sera improductif et Alphandéry, UDF, l’accuse d’être inquisitorial. L’impôt sur les grandes fortunes (IGF) entre en vigueur en 1982. Supprimé par le gouvernement Chirac en 1987, il sera rétabli en 1989 sous le nom d’impôt sur la fortune (ISF). Il demeure une exception française à l’intérêt surtout symbolique. Mais en politique, les symboles ont une valeur réelle.

« Échapper à l’impôt sur la fortune, c’est la revanche de la cigale sur la fourmi. »

Guy BEDOS (1934-2020), Revue de presse 1996, Le Figaro

Humoriste assurément de gauche, la rançon du succès le soumettait à l’ISF, en bonne logique fiscale. Mais échapper à l’impôt quel qu’il soit est un sport national. Entre l’évasion fiscale et la fraude avérée, le choix est vaste.

« Richesse. Notion relative. Depuis l’instauration de l’impôt sur les grandes fortunes, on sait toutefois que l’on est considéré comme riche à partir de 3.500.000,00 francs et pauvre jusqu’à 3.499.999,00 francs. »

Jacques MAILHOT (né en 1949), Le Parti d’en rire (1986)

Humoriste et chansonnier, journaliste et homme de radio, il participe à  des émissions très populaires, L’Oreille en coin sur France Inter de 1976 à 1992 et Les Grosses Têtes de Philippe Bouvard sur RTL.

Restent les « signes extérieurs de richesse », forme de taxation sur mesure, mais particulièrement floue, revenu à l’ordre du jour en 2017 avec la réforme de l’ISF devenu IFI (impôt sur la fortune immobilière), casse-tête récurrent pour l’administration fiscale et objet de plaisanterie pour l’homme d’esprit éventuellement contribuable concerné.

« Il me taxe sur ma valeur personnelle. Il m’impose sa volonté.
Il me tourmente. Il me traque!
Tout ça parce que j’ai eu la faiblesse de montrer des signes extérieurs de richesse,
Alors que ma richesse est tout intérieure ! »

Raymond DEVOS (1922-2006), Le Possédé du percepteur (sketch)

La fiscalite chronique va heureusement de pair avec un humour toujours renouvelé. Voici la fin du sketch et l’un des plus savoureux exemple du genre, avec cette logique de l’absurde propre à l’humoriste (belge).

« Mon père, je suis possédé du percepteur. Pouvez-vous pratiquer l’exorcisme?
Il m’a dit : - Mon fils… vous m’auriez parlé du Démon… J’aurais pu tenter quelque chose… Mais contre les puissances de l’argent…
Je lui dis : - Qu’est-ce que je peux faire ?
Il m’a dit : - Payez !… Payez !… Payez pour nous !
Alors, je paye ! Et plus je paye mon percepteur, plus il me le fait payer !
Il met ma faiblesse à contribution. Il me taxe sur ma valeur personnelle. Il m’impose sa volonté.
Il me tourmente. Il me traque !
Tout ça parce que j’ai eu la faiblesse de montrer des signes extérieurs de richesse,
Alors que ma richesse est tout intérieure ! »

« Je suis un con. J’ai voté Mitterrand. »3233

Pancartes dans les défilés. Contre moi de la tyrannie : souvenirs 1913-1990 (1992), Heinz Weil

Automne 1982 : cadres et membres des professions libérales manifestent, déçus du socialisme qu’ils ont contribué à porter au pouvoir, par « ras-le-bol » de Giscard, de Barre, des impôts et des tracasseries administratives. Ils sont les premières victimes de la fiscalité alourdie et les perdants (en pouvoir d’achat) au milieu des années 1980.

« L’inflation, impôt pour les pauvres, prime pour les riches, est l’oxygène du système. Regardez-le qui s’époumone. »3235

François MITTERRAND (1916-1996), L’Abeille et l’Architecte (1978)

Après la folle générosité des lois sociales, le franc est attaqué de toutes parts. La première mini-dévaluation de 3 % n’a pas suffi (4 octobre 1981), ni la nouvelle dévaluation de 5,75 %, (12 juin 1982), même assortie d’un plan de rigueur. C’est l’échec du Programme commun, vaincu par la force des choses économiques. La situation internationale est grave : fuite massive des capitaux, nouvelle dévaluation inéluctable, tous les indicateurs financiers au rouge (déficit du budget, de la balance commerciale, de la balance des paiements).

Il faut agir dans l’urgence, mais sans quel sens ? Rompre avec la Communauté économique européenne (CEE), quitter le Système monétaire européen (SME), isoler l’espace économique français en développant une politique protectionniste, selon Chevènement partisan déterminé de la rupture ; ou prendre le « tournant de la rigueur » pour sauver le franc et la France, comme souhaité par le Premier ministre, Mauroy, le ministre de l’Économie et des Finances, Delors et le ministre du Budget, Fabius. Ce sera le choix du président de la République.

Delors est chargé de mettre en place cette orientation. Encore faut-il la présenter aux Français : épreuve médiatique pour cet homme qui a de fortes convictions, mais peu de talent pour la communication. Tout le contraire d’un Chirac…

« On fait les cadeaux avant les élections et on décide les impôts tout de suite après. »

Jacques CHIRAC (1932-2019), Conférence de presse, 26 Mai 1981

De manière plus générale, le nouveau président de la République confirmera avec cynisme : « Les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent. (Le Monde, 22 février 1988). Formule empruntée à Henri Queuille, du parti radical-socialiste, 21 fois ministre sous la Troisième et la Quatrième République, « petit père Queuille » par ailleurs très populaire. Comme Chirac qui eut souvent la cote, hormis quelques affaires et scandales.

Il n’empêche que cette attitude décrédibilise la classe politique et même la Politique.

« La réforme fiscale, c’est quand vous promettez de réduire les impôts sur les choses qui étaient taxées depuis longtemps et que vous en créez de nouveaux sur celles qui ne l’étaient pas encore. »,

Edgar FAURE (1908-1988), cité dans Les Paradis fiscaux (2018) Jean Michel Rocchi, Jacques Terray

Plusieurs fois ministre des Finances sous la Quatrième République et président de l’Assemblée nationale sous la Cinquième, inclassable « girouette » politique autoproclamée, son humour est toujours pertinent. Réforme et fiscalité, ce cercle vicieux classique de la politique ne pouvait lui échapper.

« Avant la fin de l’année, la France aura un autre système de valeurs que celui sur lequel elle vivait précédemment. »3266

Jacques CHIRAC (1932-2019), conférence de presse, 21 juillet 1986

En cohabitation avec le président Mitterrand, il dresse un premier bilan des réformes en cours. Homme pressé, le Premier ministre a d’abord érigé le libéralisme en dogme, avec une priorité de l’économique sur le social : privatisations, suppression de l’impôt sur les grandes fortunes, diminution annoncée de la pression fiscale, libération accélérée des prix et des changes. Les questions de sécurité – auxquelles est très sensible l’opinion, traumatisée par la recrudescence du terrorisme sur le territoire – et le statut des médias, notamment la privatisation de TF1, sont aussi des points chauds.

« La recherche a besoin d’argent dans deux domaines prioritaires : le cancer et les missiles antimissiles. Pour les missiles antimissiles, il y a les impôts. Pour le cancer, on fait la quête. »

Pierre DESPROGES (1939-1988), Fonds de tiroir (recueil posthume de textes écrits pour des émissions de radio, des articles de presse, des sketches de télévision)

Aphorisme toujours valable avec le Téléthon, le Sidaction, les Enfoirés-Restos du cœur et autres appels aux dons très médiatisés.

Connu pour son humour noir, son anticonformisme et son sens de l’absurde, il n’hésite pas à jouer de ce sujet tabou du cancer dont il meurt à 48 ans. Autre prise de parti non conformiste et très personnelle : « On peut rire de tout, mais pas avec tout le monde. » Personnage visé, Jean-Marie Le Pen.

Journaliste à L’Aurore, Desproges débute à la télévision sur TF1 dans l’émission de Jacques Martin, Le Petit Rapporteur. À la radio, il produit et joue dans le Tribunal des flagrants délires sur France Inter. Auteur de spectacles, il présenta l’émission humoristique La Minute nécessaire de monsieur Cyclopède sur FR3. Souvenirs, souvenirs, In Memoriam.

« L’homme se distingue de l’animal par plusieurs traits remarquables. Il paie des impôts, écoute du rock’n’roll, rase les poils de son visage et fait cuire une bonne partie de ses aliments. » 

Philippe MEYER (né en 1947), Les Progrès du progrès (1995)

Autre journaliste et humoriste, homme de télévision et de radio publique (France Inter et France Culture), rocardien de la première heure et fidèle jusqu’au bout, il ne pouvait pas manquer la thématique fiscale, corde toujours sensible au grand public hexagonal qui préfère en rire qu’en pleurer.

« Qu’ils s’en aillent tous ! Vite, la Révolution citoyenne. »3442

Jean-Luc MÉLENCHON (né en 1951), titre et sous-titre de son essai (Flammarion, 2010)

Le nouveau tribun de la gauche fourbit ses arguments, pour la prochaine présidentielle. Il sait que l’écrit deviendra parole, c’est clair, à la lecture : « La consigne, « Qu’ils s’en aillent tous », ne visera pas seulement ce président, roi des accointances, et ses ministres, ce conseil d’administration gouvernemental de la clique du Fouquet’s ! Elle concernera toute l’oligarchie bénéficiaire du gâchis actuel. « Qu’ils s’en aillent tous ! » : les patrons hors de prix, les sorciers du fric qui transforment tout ce qui est humain en marchandise, les émigrés fiscaux, les financiers dont les exigences cancérisent les entreprises. Qu’ils s’en aillent aussi, les griots du prétendu « déclin de la France » avec leurs sales refrains qui injectent le poison de la résignation. Et pendant que j’y suis, « Qu’ils s’en aillent tous » aussi ces antihéros du sport, gorgés d’argent, planqués du fisc, blindés d’ingratitude. Du balai ! Ouste ! De l’air ! »

En 2008, Mélenchon, ex-trotskiste, a quitté le PS, pour fonder le PG, Parti de Gauche. Le 21 janvier 2011, il proposera sa candidature à l’élection présidentielle de 2012. Il récidivera en 2017 et 2022.

Dans ce livre et dans les discours à venir, on voit clairement la haine des riches, sans doute plus morale ou légitime, mais aussi violente et dangereuse que la haine des noirs, des juifs, des émigrés, des étrangers, tout ce qu’il reproche au Front national devenu Rassemblement national, son ennemi numéro un. Il va se référer à Robespierre et Saint-Just, symboles de la Terreur révolutionnaire, et ce sont toujours des liaisons dangereuses, voire vertigineuses.

« Nous n’avons plus la même patrie, je suis un vrai Européen, un citoyen du monde. »3499

Gérard Depardieu (né en 1948), Lettre ouverte au Premier ministre Jean-Marc Ayrault, JDD, 16 décembre 2012

En annonçant qu’il rend son passeport français (chose impossible en soi), il a suscité de vives critiques. La star du cinéma français ne cache pas ses motivations, payer moins d’impôt dans un pays ami et voisin, plus accueillant aux grandes fortunes et aux gros revenus : chefs d’entreprise, sportifs, auteurs et artistes se retrouvent ainsi en Irlande, Angleterre, Suisse, Belgique.

Avec son style personnel et sa personnalité hors norme, l’acteur aux 170 films et aux deux Césars crie ses vérités : « Je n’ai jamais tué personne, je ne pense pas avoir démérité, j’ai payé 145 millions d’euros d’impôts en quarante-cinq ans, je fais travailler 80 personnes dans des entreprises qui ont été créées pour eux (…) Tous ceux qui ont quitté la France n’ont pas été injuriés comme je le suis. »

Ministre de la Culture, Aurélie Filippetti s’affirme scandalisée sur BFM-TV : « La citoyenneté française, c’est un honneur, ce sont des droits et des devoirs aussi, parmi lesquels le fait de pouvoir payer l’impôt. »

Confrères et consœurs de l’acteur s’en mêlent, soit pour condamner, soit pour défendre. Ceux qui l’ont précédé s’abstiennent, pudiquement. Les fiscalistes contestent les chiffres. L’opinion est majoritairement critique. Quant à la Belgique, elle n’accorde pas sa citoyenneté si facilement. Depardieu a donc demandé la nationalité russe, sitôt accordée par Poutine, heureux d’apprendre que « la Russie est une grande démocratie » - déclaration de l’acteur, dans Le Point (3 janvier 2013).

« La Belgique ne peut pas accueillir toute la richesse du monde. »3498

Philippe GELUCK (né en 1954), apprenant l’exil fiscal de Gérard Depardieu, en décembre 2012

Parole d’un humoriste belge, créateur du Chat en BD, chroniqueur vedette sur les plateaux télé. Après sa déclaration au Parisien, la phrase est reprise par son auteur et rebondit de médias en médias, devenant d’emblée citation. Avec l’humour en plus, c’est un rappel du mot (certes tronqué) de Michel Rocard : « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde… »

« Si on continue avec la concurrence fiscale, dans dix ou vingt ans, il n’y aura plus d’impôt sur les sociétés. »

Thomas PIKETTY (né en 1991), Le Nouvel Observateur, 29 janvier 2015

Économiste multi-diplômé, internationalement reconnu et best-seller inattendu avec un pavé de quelque 1 000 pages très documenté, Le Capital au XXIe siècle (2013), Piketty analyse les inégalités économiques en France et dans le monde avec une perspective historique et une authentique honnêteté intellectuelle (de gauche). Il se fonde sur les déclarations relatives à l’impôt sur le revenu, déplorant sa baisse tendancielle qui favorise les (grandes) fortunes. Même constatation pour l’impôt sur les sociétés, certains pays abaissant les taux pour attirer les entreprises étrangères. Ainsi, l’Irlande, siège européen d’un grand nombre de GAFAM (dont Apple et Google) et d’entreprises pharmaceutiques, avec un taux d’imposition sur les sociétés très complaisant de 12,5 %.

Fait nouveau, en 2021, 136 pays se sont mis d’accord pour taxer à 15 % les bénéfices des multinationales réalisant au moins 750 millions d’euros de chiffre d’affaires : nouvelle étape franchie pour l’instauration d’un impôt minimum mondial sur les sociétés.
Pour finir avec le sourire au sujet des impôts, voici un florilège de plaintes signées des plus gros contribuables français dans la catégorie auteurs-artistes (les grands entrepreneurs sont par nature plus discrets).

« Deux milliards d’impôts ! J’appelle plus ça du budget, j‘appelle ça de l’attaque à main armée ! »

Michel AUDIARD (1920-1985), La Chasse à l’homme (film de 1965)

Dialoguiste de génie, il multiplie les films à succès pendant trente ans. “Le jour est proche où nous n’aurons plus que l’impôt sur les os ” dit-il encore, faisant chorus avec tous ses confrères malades de « fiscalite », mais gardant son humour impayable – et fort bien payé pour ça. Son fils Jacques Audiard permet d’accréditer l’idée que le talent s’hérite aussi bien que l’argent.

« Je ne me suis jamais posé la question de savoir comment je me situe, dans le monde et le temps. Je travaille et je paie mes impôts. Les deux, d’ailleurs, s’annulent si bien que je travaille, finalement pour rien. »

Francis BLANCHE (1921-1974)

« Pour rien » non, mais pour s’offrir une vie privée compliquée, assurément. “Je me suis marié deux fois : deux catastrophes. Ma première femme est partie. Ma deuxième est restée.” De belles maîtresses affichées dans de grosses voitures grevaient lourdement son train de vie. Ce gros travailleur du spectacle et ce professionnel de l’humour parfois génial est mort à la tâche (sans doute d’un diabète mal soigné, à 52 ans).

« En trayant sans cesse la vache à lait, on tue la poule aux œufs d’or. »

Henri JEANSON (1900-1970), cité dans Mon coq m’a conté (2011), Didier Hallépée

Journaliste (de gauche) réputé pour son courage politique et familier du Canard enchaîné (signant aussi dans Combat, l’Aurore, le Crapouillot), redouté dans le monde des arts et de la politique pour ses formules assassines, très demandé comme scénariste et dialoguiste par les réalisateurs les plus divers (Allégret, Cayatte, Christian-Jaque, Delannoy, Decoin, Duvivier, L’Herbier, Tourneur…) avec son humour toujours en situation. Il fut également satrape du Collège de Pataphysique, société de recherches savantes et inutiles, mais très « classieuse » par les Noms des membres.

« C’est au moment de payer ses impôts qu’on s’aperçoit qu’on n’a pas les moyens de s’offrir l’argent que l’on gagne. »

Frédéric DARD (1921-2000), Les Pensées de San-Antonio (1996)

Écrivain français « réfugié » en Suisse dans son somptueux « chalet San-Antonio » à Gstaad, il reste justement célèbre pour les San-Antonio, aventures (signées) d’un commissaire lancé depuis 1949 dans une série de 175 aventures avec son adjoint Bérurier, l’un des plus gros succès de l’édition française d’après-guerre. Le ton rabelaisien et l’invention de quelque 10 000 mots fascinent autant le grand public que les linguistes émérites.

Frédéric Dard produit également sous son nom ou sous de nombreux pseudonymes des romans noirs, des suspenses psychologique, des « grands romans », des nouvelles, une multitude d’articles. Débordant d’activité pour combler une angoisse existentielle déclarée, il est également auteur dramatique, scénariste et dialoguiste de films. En vertu de quoi cet auteur fait naturellement partie des contribuables les plus imposés.

« J’ai déjà essayé de payer mes impôts avec le sourire, ils préfèrent un chèque. »

Jean YANNE (1933-2003), cité dans Les Perles des impôts (2012), Eugénie Berthet

Un sacré caractère et une belle carrière d’acteur, auteur, réalisateur et producteur de nombreux films populaires : Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, Moi y’en a vouloir des sous… avec des génériques de vedettes et de savoureux seconds rôles : Belle époque du cinéma comique français, considérée avec un brin de nostalgie… ou de mépris.

« Lorsque je donne quatre coups de pédale, il y en a trois pour le fisc. »

Bernard HINAULT (né en 1954), Interview dans le magazine Vélo, 1982

Dans les sports populaires (football en tête, mais aussi Formule 1, boxe, tennis, golf, vélo…), les grands sportifs sont imposés à la démesure de leurs revenus (salaires, primes, contrats publicitaires), au même titre que les auteurs et artistes célèbres. Les mieux conseillés (fiscalement) s’en tirent bien. Restent certains cas dramatiques plus ou moins médiatisés.

« Il faut demander plus à l’impôt et moins aux contribuables. »

Alphonse ALLAIS (1854-1905), cité par Dominique Seux, France Inter, chronique du 14 octobre 2019

Directeur délégué de la rédaction des Échos et éditorialiste à France Inter, commentant le budget de 2020 présenté par Gérald Darmanin, ministre des Comptes publics, il en appelle à l’humour décalé de cet écrivain et journaliste du Chat noir et de la Belle Époque, fréquentant « les Fumistes », « les Hydropathes » et « les Hirsutes ». La théorie de l’absurde se marie bien à la déraison fiscale.

Cet aphorisme daté de la Troisième République et remis au goût du jour sous la Cinquième peut faire sourire post mortem les derniers Noms cités, tous les contribuables en puissance… et servir de conclusion à cet édito.

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