Histoires de famille (de la Troisième République à nos jours) | L’Histoire en citations
Édito de la semaine

Retrouvez tous nos éditos sur les histoires de famille :

4. De la Troisième République à nos jours.

Revivez toute l’Histoire en citations dans nos Chroniques, livres électroniques qui racontent l’histoire de France de la Gaule à nos jours, en 3 500 citations numérotées, sourcées, replacées dans leur contexte, et signées par près de 1 200 auteurs.

Troisième République (1871-1939)

« Va, passe ton chemin, ma mamelle est française,
N’entre pas sous mon toit, emporte ton enfant,
Mes garçons chanteront plus tard La Marseillaise,
Je ne vends pas mon lait au fils d’un Allemand. »2413

Gaston VILLEMER (1840-1892), paroles, et Lucien DELORMEL (1847-1899), musique, Le Fils de l’Allemand, chanson. Les Chansons d’Alsace-Lorraine (1885), Gaston Villemer et Lucien Delormel

« Vrais frères siamois de la littérature des beuglants », ce couple auteur-compositeur exploite systématiquement la veine patriotique et revancharde – après la mort de son confrère, Delormel fera équipe avec Garnier, dans un autre style : le music-hall et la vedette Paulus.

Les refrains patriotico-sentimentaux se multiplient après la guerre et l’amputation du territoire. Toute une littérature et une imagerie populaires se développent naturellement, sur ce thème douloureux.

« La patrouille allemande passe,
Baissez la voix, mes chers petits,
Parler français n’est plus permis
Aux petits enfants de l’Alsace. »2420

Gaston VILLEMER (1840-1892), paroles, et Lucien DELORMEL (1847-1899), musique, Le Fils de l’Allemand, chanson. Les Chansons d’Alsace-Lorraine (1885), Gaston Villemer et Lucien Delormel

On retrouve les deux confrères et compères du chant patriotique, cependant que s’impose, dans l’imagerie populaire, ce personnage émouvant du maître alsacien donnant sa dernière leçon de français. Le dessinateur Hansi (1873-1951), né et mort à Colmar, fera carrière en exploitant le même sentiment, mais d’une manière plus sincère et avec un vrai talent.

« J’ai reçu le drapeau blanc comme un dépôt sacré, du vieux roi mon aïeul. Il a flotté sur mon berceau, je veux qu’il ombrage ma tombe ! »2417

Comte de CHAMBORD (1820-1883), Manifeste du 5 juillet 1871, à Chambord. La Droite en France, de la première Restauration à la Ve République (1963), René Rémond

Henri de Bourbon, comte de Chambord, se fait appeler Henri V et se voit déjà roi de France. On frappe des monnaies à son effigie, on construit des carrosses pour son entrée à Paris… Les deux partis, légitimistes et bonapartistes, se sont en effet mis d’accord sur son nom et sa plus grande légitimité.

Dans ce discours, il renie le drapeau tricolore. Certains de ses partisans, scandalisés, en deviennent républicains ! L’« Affaire du drapeau » sert la stratégie politicienne de Thiers qui pavoise devant tant de maladresse. Il dit même que le prétendant mérite d’être « appelé le Washington français, car il a fondé la république ! » Cette attitude s’explique : le comte de Chambord a vécu quarante ans en exil, dont trente dans un château coupé du monde, entouré d’une petite cour d’émigrés aristocrates, assurément plus royalistes que le roi, comme tant de courtisans.

« Ah ! quel malheur d’avoir un gendre […]
Avec lui, j’en ai vu de grises,
Fallait qu’j’emploie à chaque instant
Mon nom, mon crédit, mon argent
À réparer toutes ses sottises. »2487

Émile CARRÉ (1829-1892), Ah ! quel malheur d’avoir un gendre (1887), chanson. Jules Grévy, ou la République debout (1991), Pierre Jeambrun

Ainsi fait-on chanter le vieux président de la République : « J’suis un honnête père de famille / Ma seule passion, c’est l’jeu de billard / Un blond barbu, joli gaillard / Une fois m’demande la main d’ma fille […] / Y sont mariés, mais c’que j’m’en repens ! / Ah ! quel malheur d’avoir un gendre ! »

Le temps des crises parlementaires va de pair avec celui des sales affaires et le personnel politique est gravement déconsidéré. Clemenceau le « tombeur de ministères » est trop heureux d’en rajouter contre le vieux président : « Je vous promets une de ces crises comme on n’en a pas encore vu dans le monde parlementaire ! » De fait, Grévy est contraint à la démission : « J’en appelle à la France ! Elle dira que, pendant neuf années, mon gouvernement a assuré la paix, l’ordre et la liberté. Elle dira qu’en retour, j’ai été enlevé du poste où sa confiance m’avait placé. » Un autre président va être élu, grâce à sa famille et son patronyme historique : Carnot.

« Votons pour Carnot, c’est le plus bête, mais il porte un nom républicain ! »2491

Georges CLEMENCEAU (1841-1929). Histoire de la France et des Français (1972), André Castelot, Alain Decaux

C’est Marie François Sadi Carnot : petit-fils de Lazare Carnot (le Grand Carnot, célèbre révolutionnaire), fils de Lazare Hippolyte Carnot (député, ministre, sénateur), neveu de Nicolas Léonard Sadi Carnot (physicien qui laisse son nom à un théorème), il est lui-même polytechnicien, ingénieur des ponts et chaussées, préfet, puis député républicain modéré et plusieurs fois ministre.

« Bête » n’est sans doute pas le qualificatif le plus approprié, mais le Tigre (l’un des surnoms de Clemenceau) a la dent dure et l’humour féroce. François Mauriac a donné une autre explication à cet argument : « Je vote pour le plus bête, la boutade fameuse de Clemenceau, n’est cruelle qu’en apparence. Elle signifiait : Je vote pour le plus inoffensif » (Bloc-notes, I). Quoi qu’il en soit, élu le 3 décembre 1887, Sadi Carnot aura une présidence mouvementée – interrompue par son assassinat.

« Ton ex-belle-sœur a fini de souffrir. Aucun de ses enfants n’était là. Un rideau à tirer. ».

Georges CLEMENCEAU (1841-1929), Lettre du 27 septembre 1922 à son frère Albert Clemenceau, Correspondance, 1858-1929

Un mot terrible du Tigre ! Son attitude vis-à-vis de son épouse et de leurs enfants est notoirement indigne, mais elle donne une idée de la misogynie qui caractérise le XIXe siècle et choquera quand même au siècle suivant.

Le jeune médecin vendéen qui s’engage en politique a rencontré Mary Plummer en Angleterre – jeune Américaine élève au collège de Stamford où Clemenceau donne des cours de français et d’équitation. D’abord éconduit, il l’épouse civilement en 1869. Le couple s’installe en France l’année suivante. Ils ont trois enfants en trois ans et se séparent en 1876. Peu fait pour la vie conjugale, l’homme multiplie les maîtresses, mais apprenant que sa femme a une liaison avec le jeune précepteur des enfants, il fait constater l’adultère, l’envoie quinze jours en prison à Saint-Lazare, divorce sans délai et la renvoie aux États-Unis sur un bateau à vapeur, en 3eme classe. Sans plus de pitié ni d’égards, il obtient la déchéance de sa nationalité française et la garde de leurs enfants.

De retour en France, moralement perturbée, Mary meurt seule en 1922. Clemenceau informe son frère en ces termes brefs qui en disent long sur les états d’âme du veuf. De récentes études ont dénoncé sa misogynie. L’homme qui n’avait que trop d’ennemis politiques veillait au secret sur sa vie privée, demandant à ses nombreuses conquêtes féminines, le plus souvent mariées, de brûler leur correspondance éventuellement compromettante.

« Alors tendant ses longs bras roux
Bichonnée, ayant fait peau neuve,
Elle attend son nouvel époux,
La Veuve. »2513

Jules JOUY (1855-1887), La Veuve (1887) - nom de la guillotine, en argot, chanson. Les Chansons de l’année (1888), Jules Jouy

Métaphore familiale originale et macabre ! L’auteur finira dans un asile, en camisole de force, hanté par le spectacle (public) des exécutions capitales. Damia crée la chanson (mise en musique par Pierre Larrieu) en 1928 : « Voici venir son prétendu / Sous le porche de la Roquette / Appelant le mâle attendu / La Veuve, à lui, s’offre coquette. / Pendant que la foule autour d’eux / Regarde, frissonnante et pâle / Dans un accouplement hideux / L’homme crache son dernier râle. »

Un décret de 1871 a supprimé les exécuteurs de province. Il ne reste plus qu’un « national ». Après la dynastie des Sanson (six générations) vint celle des Deibler. Louis Deibler cesse d’exercer à 79 ans et meurt en 1904. Il exécuta plus de 1 000 condamnés en une trentaine d’années. L’exécution cesse d’être publique en 1939. La peine de mort sera abolie en 1981.

« Dans la guerre qui s’engage, la France […] sera héroïquement défendue par tous ses fils dont rien ne brisera, devant l’ennemi, l’union sacrée. »2581

Raymond POINCARÉ (1860-1934), Message aux Chambres, 4 août 1914. La République souveraine : la vie politique en France, 1879-1939 (2002), René Rémond

La métaphore patriotique reprend du service avec l’union sacrée et toutes les familles seront touchées. L’Allemagne a déclaré la guerre à la France le 3 août, envahissant la Belgique pour arriver aux frontières françaises : selon le chancelier allemand Bethmann-Hollweg, le traité international garantissant la neutralité de ce pays n’était qu’un « chiffon de papier ». La violation de la Belgique, en exposant directement les côtes anglaises, a pour effet de pousser cet allié à entrer en guerre.

Cette première guerre mondiale va bouleverser l’échiquier politique en France. L’« union sacrée », c’est le gouvernement qui élargit sa base avec l’arrivée de ministres socialistes ; c’est surtout la volonté de tous les Français de servir la patrie : royalistes, princes d’Orléans et princes Bonaparte s’engagent, tout comme les militants d’extrême gauche, hier encore pacifistes et internationalistes.

« Faisons donc la grève, camarades ! la grève des ventres. Plus d’enfants pour le Capitalisme, qui en fait de la chair à travail que l’on exploite, ou de la chair à plaisir que l’on souille ! »2637

Nelly ROUSSEL (1878-1922), La Voix des femmes, 6 mai 1920. Histoire du féminisme français, volume II (1978), Maïté Albistur, Daniel Amogathe

Rares sont les féministes de l’époque aussi extrêmes que cette journaliste marxiste et militante antinataliste, en cette « Journée des mères de familles nombreuses ». Le féminisme, revendiquant des droits pour une catégorie injustement traitée, se situe logiquement à gauche dans l’histoire. Mais du seul fait de la guerre, la condition des femmes a bien changé.

Devenues majoritaires dans le pays, avec un million de veuves de guerre et plusieurs millions de célibataires, elles ont pris l’habitude d’occuper des emplois jadis réservés aux hommes et d’assumer des responsabilités nouvelles. De tels acquis sont irréversibles. Le droit, la médecine, la recherche, le sport leur ouvrent enfin de vrais débouchés. Il faut attendre 1924 pour avoir les mêmes programmes d’enseignement secondaires, d’où l’équivalence des baccalauréats masculin et féminin. Les femmes entreront au gouvernement à la faveur du Front populaire de 1936, dans le ministère Blum. Mais toujours pas de droit de vote.

« À bas la Marianne, la fille à Bismarck,
La France est à nous, la France de Jeanne d’Arc. »2646

Me MAGNIER (fin XIXe-début XXe siècle), Quand on pendra la gueuse au réverbère, chanson

Dans cette chanson écrite quelques années plus tôt (sans doute en 1909), signée d’un avocat à la cour d’appel de Paris et très en vogue chez les Camelots du roi dans l’entre-deux-guerres, Marianne est gratifiée d’une lourde filiation, la France revendique plus naturellement sa première héroïne nationale et la République est traitée de « gueuse », femme de mauvaise vie. Il est aussi question de régler leur compte aux « youpins » (juifs), aux « métèques » (étrangers) et aux francs-maçons, à Briand, Painlevé, Doumergue et autres politiciens honnis par l’extrême droite. Maurras prône le nationalisme intégral, dont la violence répond d’ailleurs à celle des militants de gauche.

« La réconciliation des enfants au chevet de la mère malade. »2652

Édouard HERRIOT (1872-1957), parlant avec ironie du nouveau gouvernement Poincaré, 23 juillet 1926. Histoire de France (1954), Marcel R. Reinhard

La métaphore patriotique marche toujours, en temps de crise. Après la Grande Guerre, l’agriculture et l’industrie se redressèrent vite et bien, mais pas les finances. L’inflation galope, les possesseurs de capitaux se méfient d’un gouvernement de gauche, soutenu par les socialistes partisans de l’impôt sur le capital. En 1925, chute du franc sur le marché des changes : la livre, 90 francs en décembre 1924, vaudra 240 francs le 21 juillet 1926. On manifeste devant la Chambre des députés. Le nouveau gouvernement Herriot est renversé, le jour même de sa présentation – par 288 voix contre 243. La crise financière a eu raison du Cartel des gauches.

Herriot s’en va, Poincaré revient. Le partant salue ainsi le gouvernement Poincaré d’Union nationale – socialistes exclus – le 23 juillet 1926. Poincaré annonce un train de mesures financières : « Il faut croire que les difficultés financières étaient en partie artificielles et politiques. Dès que le ministère Poincaré est constitué, tout péril immédiat disparaît comme par enchantement » constate Herriot.

« J’aime la France comme ma mère, mais ma mère ne voudrait pas que je meure, fût-ce pour elle. »2700

Henri JEANSON (1900-1970). Dictionnaire des citations de l’histoire de France (1990), Michèle Ressi

Mot d’un des plus fameux scénaristes-dialoguistes de films, munichois de gauche comme il y en eut beaucoup. Toutes les familles, tous les partis politiques n’en finissent plus de se diviser sur l’échiquier des pacifistes et des bellicistes. Paradoxalement, Camus recevant son prix Nobel en 1957 usera du même argument filial : « Je crois à la justice, mais je défendrai ma mère avant la justice. »

Seconde Guerre mondiale (1939-1945)

« C’est sous le triple signe du Travail, de la Famille et de la Patrie que nous devons aller vers l’ordre nouveau. »2763

Pierre LAVAL (1883-1945), « Réunion d’information » des députés, 8 juillet 1940. Soixante jours qui ébranlèrent l’Occident (1956), Jacques Benoist-Méchin

Après un long parcours politique, Laval entre dans le gouvernement Pétain installé à Vichy depuis le 3 juillet. Il a provisoirement le portefeuille de la Justice et manœuvre pour que Pétain obtienne les pleins pouvoirs.

On travaille à réviser la Constitution : le slogan trinitaire hérité de la Révolution de 1789 – Liberté, Égalité, Fraternité – est trop républicain et remplacé par cette autre trilogie : Travail, Famille, Patrie. Tout l’esprit de révolution nationale du régime de Vichy est dans ces mots et la loi constitutionnelle du 10 juillet en prend acte : « Cette Constitution doit garantir les droits du travail, de la famille et de la patrie. »

« Maréchal, nous voilà ! / Devant toi, le sauveur de la France !
Nous jurons, nous tes gars / De servir et de suivre tes pas !
Maréchal, vous voilà ! / Tu nous as redonné l’espérance ! »2778

André MONTAGNARD (1887-1963), paroles, et Charles COURTIOUX (1880-1946), musique, Maréchal, nous voilà, chanson

Chanson témoin d’une époque et reflet d’un régime, on la fait chanter aux enfants des écoles et elle passe quotidiennement à la radio, interprétée notamment par André Dassary - ce qu’on lui reprochera plus tard. La « collaboration » des artistes sous l’Occupation est un phénomène complexe : la plupart, auteurs, acteurs, chanteurs, réalisateurs, font un métier qu’ils aiment, avant d’aimer les Allemands.

« Monsieur le Maréchal, voici cette France entre vos bras, qui n’a que vous et qui ressuscite à voix basse… France, écoute ce vieil homme, sur toi qui se penche et qui te parle comme un père. Fille de Saint Louis, écoute-le. »2777

Paul CLAUDEL (1868-1955), Paroles au Maréchal, Le Figaro, 10 mai 1941. L’Action française racontée par elle-même (1986), Albert Marly

Étrange poème d’un personnage complexe, dans sa vie comme dans ses œuvres. Claudel s’est converti au catholicisme, touché par la grâce aux vêpres de Noël 1886. « J’étais debout, près du deuxième pilier, à droite, du côté de la sacristie. Les enfants de la maîtrise étaient en train de chanter ce que je sus plus tard être le Magnificat. En un instant mon cœur fut touché et je crus. » Ce choc religieux ne se discute pas.

Quant au Maréchal, c’est un fait avéré : la France de 1941 demeure en majorité pétainiste, de façon plus ou moins convaincue, contrainte, affichée, résignée, pratique, idéologique, naïve.

« Tout de même, dit la France, je suis sortie ! […] Tout de même, ce que vous me dites depuis quatre ans, mon général, je ne suis pas sourde […] et j’ai compris […] Et vous monsieur le général, qui êtes mon fils, et vous qui êtes mon sang… »2817

Paul CLAUDEL (1868-1955), Ode publiée dans Le Figaro 23 décembre 1944. Œuvres poétiques (1967), Paul Claudel

La parenté métaphorique a changé, avec cette ode dédiée trois ans après au général de Gaulle. « Ceux de la onzième heure » sont nombreux, Français rejoignant la Résistance au dernier moment. Le dernier hiver de la guerre est très dur : pour les prisonniers de guerre, les travailleurs du Service du travail obligatoire (STO) et tous les déportés dont la condition s’aggrave encore. En France même, le rationnement est plus rigoureux que sous le régime allemand, les bombardements qui ont préparé le débarquement et les combats qui accompagnent la libération du territoire ont détruit les communications, des quartiers, des villes.

« La différence entre le massacre des Innocents et nos règlements de compte est une différence d’échelle. De 1922 à 1947, soixante-dix millions d’Européens, hommes, femmes et enfants, ont été déracinés, déportés et tués. »2827

Albert CAMUS (1913-1960), Actuelles II : Chroniques 1948-1953 (1953)

Engagé dans la Résistance, Camus sera rédacteur en chef de Combat de 1944 à 1946. S’opposant à la fois au communisme et à l’existentialisme de Sartre, il manifeste sa soif de justice et son humanisme dans Actuelles (trois recueils d’articles de 1939 à 1958), obtenant le prix Nobel de littérature en 1957 pour avoir « mis en lumière les problèmes se posant de nos jours à la conscience des hommes ».

Le quart de siècle évoqué va de la naissance du fascisme en Italie, puis en Allemagne, à l’immédiat après-guerre où l’Europe centrale et orientale subit des changements de frontières, causes de transferts de population, et l’instauration de régimes communistes avec leur cortège de persécutions. Sans même remonter au massacre des Innocents ordonné par Hérode, rappelons qu’au Moyen Âge, au début de la guerre de Cent Ans, la bataille de Crécy restée dans les mémoires comme un massacre historique a fait 3 000 morts.

Quatrième et Cinquième Républiques (depuis 1945)

« La France a gagné la bataille de la natalité en 1946, sans y gagner celle de la jeunesse et de la vie. »2849

Alfred SAUVY (1898-1990). L’Économie et la société française depuis 1945 (1981), Maurice Parodi

Parole de notre plus célèbre démographe, créateur de l’INED (Institut national d’études démographiques créé en 1945). Dès 1945, le général de Gaulle, président de la République, paternel et patriote, souhaite « douze millions de beaux bébés ». Vœu très exactement exaucé, fin 1958 ! Le pays bénéficie de ce renouveau démographique qui a sa pointe au début des années 1950. La montée des jeunes a des effets positifs sur l’économie, augmentant la demande de logements, équipements, alimentation, vêtements, éducation, santé, loisirs.

Mais des blocages demeurent dans la société : inégalités et exclusion sociale, dans une France qui continue trop volontiers à vivre à l’heure de son clocher. « Le débat sur la France moderne, amorcé en 1953 et 1954, n’a pas eu de traduction parlementaire : le régime semble incapable d’assumer la nouveauté dont il a facilité l’émergence » (Jean-Pierre Rioux, La France de la Quatrième République).

« La seule arme qui reste aux travailleurs pour défendre le pain de leurs enfants, quand tous les autres moyens ont été utilisés, c’est la grève. »2872

Georges MARRANE (1888-1976), Conseil de la République, 1er décembre 1947. Notes et études documentaires, nos 4871 à 4873 (1988), Documentation française

Ramadier, ancien président du Conseil, a parlé du PCF comme d’un « chef d’orchestre clandestin », organisant des grèves en mi-juin, alors que les communistes (dont Marrane) ont quitté le gouvernement. Reprise des grèves en septembre, le gouvernement ayant refusé d’entériner un accord CGT-CNPF risquant de conduire à une hausse excessive des salaires et donc des prix.

Les manifestations prennent un caractère insurrectionnel, début novembre : c’est la « Grande peur d’automne ». Les éléments non communistes du monde du travail font bloc contre les consignes de la CGT : le travail recommence le 10 décembre. Le 18, les groupes Force ouvrière qui militaient au sein de la CGT décident de prendre leur autonomie : ainsi naîtra, en avril 1948, la CGT-FO, tandis que pour maintenir son unité, la Fédération de l’Éducation nationale (FEN) devient elle aussi autonome par rapport à la CGT.

« Je crois à la justice, mais je défendrai ma mère avant la justice. »2913

Albert CAMUS (1913-1960), à Stockholm, 5 octobre 1957. Albert Camus ou la mémoire des origines (1998), Maurice Weyembergh

Réponse à un étudiant algérien, partisan du FLN qui l’interpelle lors de sa remise du prix Nobel. Le mot sera bientôt retourné contre son auteur, non sans injustice.

« L’Algérie de papa est morte. Si on ne le comprend pas, on mourra avec elle. »2984

Charles de GAULLE (1890-1970), Déclaration à Pierre Laffont, directeur de L’Écho d’Oran, 29 avril 1959. Algérie 1962, la guerre est finie (2002), Jean Lacouture

« L’Algérie de papa », le mot fait florès, comme nombre de citations du général. Mais que sera l’Algérie de l’avenir ? Le premier président de la Cinquième République est trop pragmatique, l’Algérie trop déchirée par la guerre et les événements trop incertains pour que soit fixée une ligne politique.

De Gaulle attend la mi-septembre pour lancer le mot, l’idée d’« autodétermination », d’où trois solutions possibles : sécession pure et simple, francisation complète dans l’égalité des droits, « de Dunkerque à Tamanrasset », ou gouvernement des Algériens par les Algériens en union étroite avec la France. En France, la droite qui veut l’Algérie française commence à se diviser ; en Algérie, le GPRA veut des négociations préalables et l’armée va vivre bien des déchirements.

« Voilà que se lève, immense, bien nourrie, ignorante en histoire, opulente, réaliste, la cohorte dépolitisée et dédramatisée des Français de moins de vingt ans. »3017

François NOURISSIER (1927-2011), Les Nouvelles Littéraires (juin 1963). La Belle Histoire des groupes de rock français des années 60 (2001), Jean Chalvidant, Hervé Mouvet

Après la nuit du 22 au 23 juin 1963, place de la Nation. 150 000 fans en délire ont grimpé aux marronniers et aux réverbères pour acclamer leurs idoles : Johnny, Sylvie, Richard (Anthony) et Cie. Quelle est cette jeunesse ? Le fruit du baby-boom. Des yé-yé mieux nourris que les zazous faméliques d’après-guerre. Ils ignorent si bien l’histoire (récente !) que cette même année sort le film de Bertrand Blier : Hitler, connais pas. Ils lisent Salut les copains (SLC magazine né en juillet 1962 avec 50 000 exemplaires, atteignant le million un an après), regardent Le Temps des copains (un feuilleton télé), imposent leur mode, leurs goûts, leur style, leurs codes à une France en paix, prospère, bourgeoise.

Cinq ans après, ils font leur révolution, creusant un peu plus le fameux « fossé des générations » ou écart générationnel cher aux sociologues, différence de sentiments entre une génération et une autre, écart ressenti entre les jeunes et leurs parents ou grands-parents.

Professeurs, vous êtes vieux, votre culture aussi.3040

Slogan, murs de Nanterre, 22 mars 1968. Génération, tome I, Les Années de rêve (1987), Hervé Hamon, Patrick Rotman

Le Mouvement du 22 mars est créé : mouvance sans programme, sans hiérarchie, mais avec beaucoup de leaders tenant leur autorité de leur force de persuasion, de leur imagination. Première vedette, Daniel Cohn-Bendit, 23 ans, étudiant en sociologie de nationalité allemande (par choix), né en France de parents juifs réfugiés pendant la guerre. Dany le Rouge (surnom dû à ses cheveux roux comme à son gauchisme militant) est doué d’un charisme qui le rend très populaire auprès des étudiants et redouté, voire détesté dans l’autre camp – avant de devenir Dany le Vert, dans la liste Europe Écologie, avec une belle cote de popularité auprès des Français. Pour l’heure, à Nanterre, il fédère les groupuscules depuis quelques mois et figure sur la liste noire des étudiants. Le doyen Grappin ferme l’université jusqu’au 1er avril.

Avril à Paris : la Sorbonne ronronne, les étudiants étudient, les professeurs professent, l’agitation est retombée à l’approche des examens. Mais le 2 mai, nouvelle fermeture de Nanterre, sine die.

« La récréation est finie. »3056

Charles de GAULLE (1890-1970), Orly, samedi 18 mai 1968. Mai 68 et la question de la révolution (1988), Pierre Hempel

Débarquant d’avion, de retour de Roumanie avec douze heures d’avance, il dit aussi : « Ces jeunes gens sont pleins de vitalité. Envoyez-les donc construire des routes. » Le fossé des générations va se révéler abyssal, en Mai 68. La présence, l’expérience et l’influence du Premier ministre Georges Pompidou, de vingt ans plus jeune que de Gaulle et professeur universitaire au contact avec cette jeunesse permettra sans doute d’éviter le pire, mais aboutira au divorce entre les deux hommes.

« La réforme, oui, la chienlit, non. »3057

Charles de GAULLE (1890-1970), Bureau de l’Élysée, dimanche matin, 19 mai 1968. Le Printemps des enragés (1968), Christian Charrière

Formule rapportée par Georges Gorse, ministre de l’Information et confirmée par Pompidou, Premier ministre. Le président réunit les responsables de l’ordre qui n’existe plus, demande le nettoyage immédiat de la Sorbonne et de l’Odéon. Mais cela risque de déclencher un engrenage de violences et ses interlocuteurs obtiennent un sursis d’exécution. Il faut éviter l’irréparable.

La chienlit, c’est lui.3058

Slogan sous une marionnette en habit de général aux Beaux-Arts, 20 mai 1968

La chienlit ? Ce sont surtout 6 à 10 millions de grévistes. Et tout ce qui s’ensuit : usines occupées, essence rationnée, centres postaux bloqués, banques fermées. Les ménagères stockent. Les cafés sont pleins. La parole se déchaîne jusque dans les églises. La moindre petite ville a son mini-Odéon et sa micro-Sorbonne.

« Si la jeunesse n’a pas toujours raison, la société qui la méconnaît et qui la frappe a toujours tort. »3108

François MITTERRAND (1916-1996), Discours à l’Assemblée nationale, 8 mai 1968

Mitterrand, qui s’est trompé avant-guerre et a vécu plus ou moins mal la Guerre mondiale de 1939-1945, a également affronté la guérilla civile de Mai 68. Marqué par les manifestations et les slogans hostiles à Mitterrand comme à de Gaulle, étant moins âgé, il a peut-être mieux compris et surtout davantage réfléchi que le président alors au pouvoir. La jeunesse du pays sera majoritairement avec lui en 1981 et elle le soutient quand l’opinion se détourne de lui : « Tonton, laisse pas béton » … En 1988, la campagne présidentielle d’un président vieilli affichera le slogan et l’image gagnante « Génération Mitterrand ». Sans la jeunesse, pas de victoire possible. Ne serait-ce que pour cette raison, il faut ménager cette force vive de la nation.

« Le général de Gaulle est mort. La France est veuve. »3127

Georges POMPIDOU (1911-1974), Déclaration du président de la République, Allocution radiotélévisée, 10 novembre 1970

Métaphore nationale parfaitement en situation et valable bien au-delà de l’événement. Cette mort remonte à la veille au soir, le général, avant le dîner, faisait une patience (jeu de cartes) dans sa résidence personnelle de la Boisserie, à Colombey-les-Deux-Églises. Il est pris d’un malaise, c’est une rupture d’anévrisme. Il meurt 20 minutes après, à 79 ans.

« En 1940, le général de Gaulle a sauvé l’honneur, il nous a conduits à la libération et à la victoire. En 1958, il nous a gagné la guerre civile. Il a donné à la France ses institutions, sa place dans le monde. En cette heure de deuil pour la patrie, inclinons-nous devant la douleur de Mme de Gaulle, de ses enfants et petits-enfants. Mesurons les devoirs que nous impose la reconnaissance. Promettons à la France de n’être pas indignes des leçons qui nous ont été dispensées, et que, dans l’âme nationale, de Gaulle vive éternellement », déclare le président Pompidou.

Le petit village de Colombey-les-Deux-Églises, département de Haute-Marne, va devenir un lieu de pèlerinage national, cependant que de Gaulle reste une référence à la fois historique et politique.

« Si les jeunes ne croient à rien, c’est qu’on ne leur offre rien à quoi ils puissent croire. Quand on n’est pas digne d’avoir des opposants, on a des révoltés : ce sont les enfants du mensonge. »3136

Jean-François REVEL (1924-2006), L’Express, début mars 1972

Et dans Le Figaro, le politologue Raymond Aron dit comprendre le gauchisme qui ébranle la bonne conscience des privilégiés. Le journal publie un sondage de la Sofres : 53 % des jeunes éprouvent de la sympathie pour ceux qui ont « choisi de contester la société actuelle », 69 % estiment qu’on va « vers des crises profondes ». Après les « années de rêves » et Mai 68, on parlera des « années de poudre » avec des formes de contestation souvent très dures : grèves, attentats, prises de position dans une presse extrémiste.

« Vous avez pris le risque de rallumer la guerre scolaire qui s’était éteinte en France depuis des décennies […] Vous allez maintenant tordre le cou à la liberté des familles de choisir l’école de leurs enfants. »3246

Jacques CHIRAC (1932-2019), Assemblée nationale, 24 mai 1984

Après trois ans de consultations et très conscient des difficultés, Alain Savary, ministre de l’Éducation nationale, a déposé un projet de loi pour créer un « grand service unifié et laïc de l’enseignement public » – c’est la 90e des « 110 propositions » socialistes pour la France, en 1981.

L’amendement Laignel qui radicalise la réforme fait exploser le cardinal Lustiger dans Le Monde : « Il y a eu manquement à la parole donnée. » Démenti de Matignon et de l’Élysée. Mais l’opinion publique est mobilisée. La manifestation du 24 juin 1984 à Paris groupe (selon ses adversaires ou ses partisans) un à deux millions de personnes qui défilent inlassablement, dans une parfaite organisation, au nom de la défense de l’école libre pour les uns, ou de la laïcité pour les autres. Le combat pour la liberté de l’école devient combat pour l’ensemble des libertés d’opinion.

Le 14 juillet, le président de la République annonce que la loi Savary est abandonnée. Savary, désavoué, démissionne, quelques heures avant la démission du gouvernement Mauroy. Laurent Fabius le remplace, le 17 juillet.

« Je ne vais pas laisser Dieu à la porte de l’école. »3283

FATIMA (13 ans), 8 novembre 1989. Dictionnaire des citations de l’histoire de France (1990), Michèle Ressi

C’est l’affaire du Foulard (ou voile islamique), la première à faire la une de la presse, avec le mot d’une des trois collégiennes de Creil mises en vedette et refusant de quitter ce « fichu foulard ».

Le foulard coranique, manifestation d’intégrisme, est devenu en France fait de société et affaire d’État, divisant les partis et mobilisant les médias. Il relance le problème de la laïcité au sein de l’école publique et alimente les querelles autour de l’immigration. Trente ans après, le port de la burka (voile intégral) dans la rue et autres lieux publics relance le débat, avec la confusion entre religion musulmane et islamisme, dans le contexte d’une identité nationale toujours en question.

« Je préfère mes filles à mes nièces, mes nièces à mes cousines, mes cousines à mes voisines, mes voisines à des inconnus et des inconnus à mes ennemis. »3287

Jean-Marie Le PEN (né en 1928), émission « Le Divan » d’Henry Chapier, France 3, 9 décembre 1989

Phrase leitmotiv, partout répétée et revendiquée par son auteur. Qui persiste, signe et « récidive » avec sa fille Marine, laquelle apprend le métier auprès du père et prendra naturellement sa place à la tête du FN, essayant de se démarquer des postures extrême-droitières. Avant que sa petite fille Marion Le Pen entre à son tour dans la carrière politique, élue en 2012 à 22 ans, plus jeune députée de la République française succédant à Saint-Just, député à 24 ans en 1791.

La phrase de Le Pen apparaît dans l’ordre naturel des choses de la vie, mais Michel Sparagano, professeur de philosophie, met en garde contre ce raisonnement simpliste : « Bien sûr, nous avons tous des cousines qui nous font préférer nos voisines et mêmes des voisines qui nous feraient préférer n’importe quel inconnu, mais la remarque est anecdotique. Ce qui ne l’est pas, en revanche, c’est qu’à force de préférer ses filles, ses nièces ou ses cousines, on finit par se marier entre cousins. On sait bien que l’extrême droite va parfois faire les poubelles de l’Action française, mais il ne faut pas oublier que l’endogamie de l’aristocratie de l’Ancien Régime a fourni plus de crétins congénitaux que tous nos villages alpins réunis ! Le programme du Front national, par sa méfiance de l’inconnu, ignore cette règle que tout anthropologue connaît : c’est par l’exogamie que les espèces progressent […] L’extrême droite sait-elle ce que nos mathématiques doivent aux Arabes, notre médecine aux Juifs, notre philosophie aux Grecs, nos arts à la Renaissance italienne, etc. ? » Pour conclure que la xénophobie est une impasse biologique, historique et philosophique.

« Ce soir, je pense à mes parents, je pense aux patriotes simples et droits dont nous sommes tous issus. J’aurai accompli mon devoir si je suis digne de leur mémoire. »3335

Jacques CHIRAC (1932-2019), au soir de l’élection présidentielle, 7 mai 1995. Site de l’Association Jacques-Chirac

Hommage rendu à ses aïeux, agriculteurs corréziens, à ses grands-parents, instituteurs, à son père devenu cadre dans l’industrie aéronautique française. « Chaque pas doit être un but », et après deux échecs, Chirac réalise son rêve d’accéder au poste suprême, avec 52,6 % des voix. Il bat Lionel Jospin, le socialiste qui ne succédera donc pas à Mitterrand.

À 62 ans, cette victoire constitue le sommet de sa carrière politique. Ce doit être le plus beau jour de sa vie – et ça ne va même pas durer deux ans.

« Buvons à nos femmes, à nos chevaux, et à ceux qui les montent. »3322

Jacques CHIRAC (1932-2019), cité dans Marianne n° 184 (mars 2012)

Politiquement incorrect, assez macho et un peu cavalier - la source est d’ailleurs dans la tradition de la cavalerie. Mais il n’y a que Chirac pour oser et afficher cette image publique, voire présidentielle. La cote de popularité de Jacques Chirac connaîtra des hauts et des bas, mais sa liberté de ton et son côté bon vivant le rendent malgré tout sympathique.

« Mon élection aurait dû être le couronnement de ma vie, mais une partie de ma tête était ailleurs. Ma famille explosait. »3331

Nicolas SARKOZY (né en 1955), émission « Des paroles et des actes », France 2, 6 mars 2012

Il le suggérait cinq ans avant, candidat évoquant « la souffrance de celui qui connaît un échec professionnel ou une déchirure personnelle ». Cette fois, le Président passe aux aveux. Revenant sur les incroyables erreurs qui suivirent son élection le 6 mai 2007, ces péchés originels du quinquennat, il les associe à son ex-femme, Cécilia. Sans pouvoir l’accuser publiquement.

Catherine Nay, éditorialiste à Europe 1 et talentueuse biographe, se chargera de démontrer que le président bling-bling fut surtout un homme malheureux, dans L’Impétueux, plaidoyer original et crédible, riche en révélations. « Ce livre qui sort au bon moment, à moins de deux mois de la présidentielle, a évidemment un rôle politique. Il a notamment pour mission de remplacer les Mémoires que Nicolas Sarkozy nous promettait depuis des mois et dans lesquels, avait-il annoncé, il justifierait ses erreurs, parmi lesquelles la fête du Fouquet’s ou ses vacances luxueuses sur le yacht de Vincent Bolloré » (Le Nouvel Observateur, 2 mars 2012).

« Je suis un homme comme les autres », a conclu modestement le président, face à David Pujadas et 5,6 millions de téléspectateurs sur France 2. Le public peut y être sensible. Mais un homme politique peut-il mêler vie publique et vie privée, comme aucun de ses prédécesseurs ne l’aurait imaginé ? Cette faiblesse humaine du président est-elle un atout pour le candidat ? « Si victoire il y a, cette fois-ci, j’ai une famille solide », promet-il. Donc, il a changé, la vie l’a changé. Autre question, où est le vrai, où est le faux, dans cette comédie du pouvoir, observée à la loupe grossissante des médias plutôt hostiles ?

« Tout est complexe entre un homme et une femme, mais quand tout est public, alors les petits événements de la vie quotidienne deviennent des monuments. »

Nicolas SARKOZY (né en 1955), Témoignage (2006)

Un an plus tôt, conscient du drame à venir, il témoignait de cette faiblesse d’homme fort. Il expose sa vie privée, les rumeurs courent, quand le couple élyséen explose. 18 octobre 2007, premier communiqué de l’Élysée : « Cécilia et Nicolas Sarkozy annoncent leur séparation par consentement mutuel. Ils ne feront aucun commentaire. » Un second communiqué, deux heures plus tard, précise que le couple a divorcé.

Très médiatisés, les Sarkozy furent comparés aux Kennedy, dans le style glamour et people. Cécilia, 49 ans, ancien mannequin, divorcée de l’animateur Jacques Martin, se veut femme libre : la vie de Première dame, « ça me rase », a-t-elle dit avant la présidentielle. Alors que lui avoue ne penser qu’à ça (« pas seulement quand je me rase »).

Il a également exprimé la force de son attachement à Cécilia, par ailleurs sa collaboratrice, dans son parcours politique. Une première séparation en 2005, qualifiée d’« ouragan » dans sa vie, l’a bouleversé. Il évoque « la souffrance de celui qui connaît un échec professionnel ou une déchirure personnelle. » En 2012, il avouera : « Mon élection aurait dû être le couronnement de ma vie, mais une partie de ma tête était ailleurs. Ma famille explosait » (émission « Des paroles et des actes », France 2, 6 mars).

C’est la première fois qu’un couple présidentiel divorce, et qu’un président se laisse aller à ce genre de confidence. La vie privée de Mitterrand était tenue secrète, la pudeur de Jacques Chirac est un trait de caractère qu’il partage avec Valéry Giscard d’Estaing, quant à de Gaulle… Seul Georges Pompidou, profondément épris de sa femme, a visiblement souffert des rumeurs qui l’atteignaient.

« Qui gardera les enfants ? »3399

Laurent FABIUS (né en 1946), apprenant la déclaration de candidature de Ségolène Royal. Le Féminisme à l’épreuve des mutations géopolitiques : Congrès international (2012), Françoise Picq, Martine Storti

Le 29 septembre 2006 à Vitrolles, celle qu’on appelle simplement Ségolène se présente à l’investiture socialiste en vue des présidentielles. Fabius est également candidat, et son humour pèche un peu par sexisme. Avec son compagnon François Hollande, Premier secrétaire du parti socialiste, elle a quatre enfants, dont la dernière a 13 ans. Cela n’a pas empêché Ségolène Royal d’être quatre fois ministre, entre 1992 et 2002, députée depuis 1988 et seule femme à présider un conseil régional.

« Ségolène Royal n’a qu’un seul défaut, c’est son compagnon. »3401

Arnaud MONTEBOURG (né en 1962), se lâchant sur le plateau de Canal Plus, 17 janvier 2007

Le porte-parole de la candidate stupéfie les présents, même s’il est coutumier des bons mots. « Je pensais vous faire rire », a-t-il ajouté. « Ça a jeté un froid sur le plateau », avoue la députée UMP Nadine Morano, présente lors de l’émission et pourtant adepte du franc-parler, voire du « pavé dans la mare ». Interrogée sur RTL, elle a rebaptisé le porte-parole de la candidate socialiste Arnaud « Montebourde ». Madame Royal refuse sa démission, mais le met au silence médiatique pendant un mois.

Circonstance atténuante, ou aggravante, il est de notoriété presque publique que le couple socialiste se sépare. Étrange coïncidence, il en va de même entre Sarkozy et Cécilia, sa femme et très proche collaboratrice. Ce divorce fera plus de dégât, dans la carrière présidentielle.

« Faire une élection, c’est raconter une histoire de telle façon que l’enfant qui sommeille en tout électeur croie que le candidat est le seul héros crédible de cette histoire. »3420

Jacques SÉGUÉLA (né en 1934), L’Événement du jeudi, 11 octobre 1990

Le « storytelling », avatar du « marketing », apparaît soudain comme une méthode de communication très à la mode en politique. Mais Louis XIV et Napoléon étaient déjà maîtres en la matière, servis et mythifiés par des artistes de génie, peintres, sculpteurs, architectes et autres créateurs.  
Séguéla, en tant que publicitaire, a participé aux deux campagnes réussies de Mitterrand : « La Force tranquille » (1981), « Génération Mitterrand » (1988). La publicité entrait véritablement en campagne – au prochain tour, Internet entre en jeu.

Sa stratégie de communication échoue, pour Jospin (2002) … En 2007, il s’est engagé aux côtés de Ségolène Royal, mais le 1er mai, dans l’entre-deux tours du scrutin, il annonce officiellement qu’il votera pour le candidat de droite Nicolas Sarkozy au second tour, après avoir voté pour Ségolène Royal au premier. Séguéla donnera les raisons de ce revirement : « Les bourdes qui embourbaient [Ségolène Royal], ses sautes d’humeur alignées comme des sauts d’obstacles, ses volte-face à faire perdre la face me désarçonnaient » (Autobiographie non autorisée, 2009).

Vous avez aimé ces citations commentées ?

Vous allez adorer notre Histoire en citations, de la Gaule à nos jours, en numérique ou en papier.

L'Histoire en citations -

L'Histoire en citations -

L'Histoire en citations -

L'Histoire en citations -

L'Histoire en citations -

L'Histoire en citations -

L'Histoire en citations -

L'Histoire en citations -

L'Histoire en citations -

L'Histoire en citations -

Partager cet article

L'Histoire en citations - Gaule et Moyen Âge

L'Histoire en citations - Renaissance et guerres de Religion, Naissance de la monarchie absolue

L'Histoire en citations - Siècle de Louis XIV

L'Histoire en citations - Siècle des Lumières

L'Histoire en citations - Révolution

L'Histoire en citations - Directoire, Consulat et Empire

L'Histoire en citations - Restauration, Monarchie de Juillet, Deuxième République

L'Histoire en citations - Second Empire et Troisième République

L'Histoire en citations - Seconde Guerre mondiale et Quatrième République

L'Histoire en citations - Cinquième République

L'Histoire en citations - Dictionnaire