Proudhon : « Les hommes qui ignorent le plus complètement l'état d'un pays sont presque toujours ceux qui le représentent. » | L’Histoire en citations
Chronique du jour

 

Deuxième République

Socialistes révolutionnaires, paysans (majoritaires dans le pays) et bourgeois ne veulent pas la même République : le malentendu éclate.

La fermeture des Ateliers nationaux, censés donner du travail aux chômeurs dans la misère, entraîne une insurrection parisienne (23-26 juin 1848) réprimée par le général Cavaignac armé des pleins pouvoirs : plus de 5 000 morts, même violence du « bonnet de coton » (bourgeois) et du « bonnet rouge » (émeutiers). C’en est fini de l’idéal généreux des républicains de février et de l’apparent consensus national. La réalité, c’est la brutalité de la lutte sociale, des conflits de classes et de doctrines. Le même cycle révolutionnaire se retrouve dans divers pays d’Europe, en cet été 1848.

Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.

« Il faut avoir vécu dans cet isoloir qu’on appelle Assemblée nationale, pour concevoir comment les hommes qui ignorent le plus complètement l’état d’un pays sont presque toujours ceux qui le représentent. »2164

Pierre Joseph PROUDHON (1809-1865), Les Confessions d’un révolutionnaire (1849)

Nul mieux que cet homme du peuple ne mérite ce titre de « représentant du peuple ». Pourtant, le plus célèbre socialiste de France, très critique contre ses confrères, à commencer par les socialistes, est lui-même très critiqué, sur le fond et plus encore sur la forme de ses premiers discours, lus à la tribune, difficiles à comprendre. Le portrait qu’en fait Hugo, dans Choses vues, est assez cruel. Ce sera pire avec le futur Napoléon III (…)

« Demain, nous dresserons dans Paris autant de guillotines que nous y avons dressé d’arbres de liberté. »2165

Le chef des émeutiers (nom inconnu), 15 mai 1848. Choses vues (posthume), Victor Hugo

La foule envahit l’Assemblée, Hugo est témoin de cette manifestation : « On se figure la Halle mêlée au Sénat, cela dura trois heures. » Les mois de mai sont traditionnellement agités, dans notre histoire. En 1848, le mouvement est organisé par les clubs révolutionnaires et les socialistes (Barbès, Blanqui, Cabet, Raspail) (…) Le coup de force échoue, les principaux instigateurs sont arrêtés et emprisonnés. Lamartine a tenté de rétablir le calme, par son éloquence.

« J’ai conspiré comme le paratonnerre conspire avec la foudre pour en dégager l’électricité ! »2166

Alphonse de LAMARTINE (1790-1869), à qui l’accuse d’avoir été l’ami des agitateurs Blanqui et Raspail, Séance du 12 juin 1848

Fidèle à son idéal démocratique, il refuse de jouer le rôle que l’assemblée conservatrice attend de lui et d’entrer en guerre ouverte contre le peuple de gauche. Auteur d’une édifiante Histoire des Girondins (1847), il revit la situation de ces républicains de 1793, trop modérés pour les révolutionnaires et trop révolutionnaires pour les modérés. Plus grave que ce destin personnel, c’est « la rupture définitive entre l’Assemblée et le peuple de Paris » (Ernest Lavisse, Histoire de la France contemporaine).

« Au clair de la lune,
Brave citoyen,
Thiers cherche fortune,
Tu le connais bien.
Il est sans-culotte,
Il en fait l’aveu.
Refrain
Donne-lui ton vote
Pour l’amour de Dieu. »2167

La Candidature du citoyen Thiers en 1848, chanson nouvelle en 9 couplets, signée « Le Révélateur impartial »

La campagne bat son plein et la chanson (anonyme) dénonce ce politicien arriviste, élu aux élections complémentaires de juin 1848, qui accentuent le conservatisme de l’Assemblée. Plus surprenant, Louis-Napoléon Bonaparte élu (dans quatre départements) sans se présenter, sans revenir en France, sur la seule force de la légende napoléonienne ravivée par Hugo, (…) Il attend son heure, craignant le vote d’une loi d’exil s’il rentre en France. Il démissionne donc.

« Les barricades sont contagieuses, c’est la tentation, la passion héréditaire de la population parisienne. »2168

LEDRU-ROLLIN (1807-1874). Les Révoltes de Paris : 1358-1968 (1998), Claude Dufresne

(…) Député d’extrême gauche dans la nouvelle Commission exécutive de la Deuxième République – déjà bien ébranlée, faute de pouvoir satisfaire tous les espoirs mis en elle par le peuple ! Le 15 mai, une manifestation dégénère en coup de force et tourne au coup d’État : 50 000 personnes envahissent l’Assemblée (…) Nouvelles journées du 23 au 26 juin 1848, suite à la fermeture des Ateliers nationaux. Les barricades se dressent à l’est de la capitale, dans les quartiers populaires.

« Ce sont des amis éprouvés,
Crions tous : Vive les pavés ! »2169

Eugène PHILIPPE (XIXe siècle), Chanson en l’honneur des pavés (1848)

Juin 1848. C’est encore et toujours « Paris qui n’est Paris qu’arrachant ses pavés » (Aragon). Cette Chanson en l’honneur des pavés fait écho au mot d’ordre des manifestants : « Du travail et du pain ».

« Ah ! Monsieur Arago, vous n’avez jamais eu faim ! »2170

Réplique d’un ouvrier refusant de parler avec le savant, 23 juin 1848. Histoire socialiste, 1789-1900, volume IX, La République de 1848, Georges Renard, sous la direction de Jean Jaurès (1908)

Arago, député, est pourtant un authentique homme de gauche (…) Il voit les barricades dressées dans Paris (…) pour empêcher la progression des forces de l’ordre. Il tente une médiation de la dernière chance (…) La manifestation tourne à l’émeute. Même l’éloquence de Lamartine ne peut plus rien et ses partisans vont l’abandonner (…) L’Assemblée proclame l’état de siège et donne les pleins pouvoirs au ministre de la Guerre, le général Cavaignac.

« La République a de la chance, elle peut tirer sur le peuple ! »2171

LOUIS-PHILIPPE (1773-1850), exilé en Angleterre, apprenant que Cavaignac a fait tirer sur les émeutiers, le 25 juin 1848

Le dernier roi de France, comme Louis XVI, eut la hantise de faire couler le sang des Français et refusa le plan de Thiers (qui débouchera sur un massacre en 1871, Commune de Paris). Le général Cavaignac a pour mission de stopper cette guerre sociale. Des gardes nationaux de province se joignent à la troupe et aux gardes mobiles. Ses hommes prennent position dans les quartiers calmes, il laisse la révolte s’étendre, pour mieux la réprimer le lendemain, piégeant quelque 40 000 ouvriers au cœur de la capitale (…)

« Leurs dragées vomissent la mitraille,
Quand notre cause est la fraternité,
Adieu, mon fils, vis et meurs en canaille,
Car la canaille a fait la liberté. »2172

J.-B. SIMÉON (XIXe siècle), La Canaille (1848), chanson

Le « héros de février » chanté par J.-B. Siméon, le peuple, cette « sainte canaille », se rappelle les journées révolutionnaires de 1789 et 1830.

« Le bonnet de coton ne se montra pas moins hideux que le bonnet rouge. »2173

Gustave FLAUBERT (1821-1880), L’Éducation sentimentale (1869)

Les représailles ont suivi les combats. Bilan humain des journées de juin : 4 000 morts chez les insurgés, 1 600 parmi les forces de l’ordre (armée et garde nationale), 3 000 prisonniers ou déportés en Algérie. Bilan politique : rupture entre la gauche populaire, prolétaire et socialiste (à Paris - très minoritaire dans le pays) et la droite conservatrice à laquelle vont se joindre les républicains modérés, pour former le parti de l’Ordre. Flaubert rejette dos à dos le bourgeois et le peuple.

« J’ai honte aujourd’hui d’être Française, moi qui naguère en étais si heureuse […] Je ne crois plus à l’existence d’une république qui commence par tuer ses prolétaires. »2174

George SAND (1804-1876), Lettre à Charlotte Marliani, juillet 1848

Elle écrit ces mots à sa confidente et amie, montrant à quel point son cœur est du côté des émeutiers. La « bonne dame de Nohant » n’aura pas la même inconditionnalité pour la Commune de Paris, en 1871.

« Ô République au front d’airain !
Ta justice doit être lasse :
Au nom du peuple souverain,
Pour la première fois, fais grâce ! »2175

Pierre DUPONT (1821-1870), Les Journées de Juin (1848), chanson

Cette chanson, en fait une prière pour la conciliation devenue impossible, est signée de ce chansonnier politique d’inspiration républicaine et socialiste, très populaire dans les clubs où il se produit. Jusqu’au coup d’État de 1851, qui le condamne à une semi-retraite, avant sa reconversion dans la chanson rustique.

« On a cherché les causes ; il n’y en a qu’une, c’est la misère. »2176

Louis BLANC (1811-1882). Histoire de France contemporaine depuis la Révolution jusqu’à la paix de 1919 (1921), Ernest Lavisse, Philippe Sagnac

Témoin navré, comme tant d’autres : « On ne vit jamais une ville si consternée que Paris. Une invasion des Cosaques y aurait laissé des traces moins horribles. » Victime de ces journées révolutionnaires de juin 1848, rendu à tort responsable de l’insurrection à laquelle il ne participait pas (déclenchée par la fermeture des Ateliers nationaux préconisés par lui, mais déformés par le gouvernement), Louis Blanc doit émigrer en Angleterre : vingt ans d’exil, avant de revenir siéger à l’extrême gauche de l’Assemblée.

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