Mitterrand : « Je ne suis pas homme à laisser la clef sous le paillasson. » | L’Histoire en citations
Chronique du jour

 

Les années Pompidou, Giscard d’Estaing et Mitterrand

La première cohabitation

Les élections législatives de 1986, gagnées par la droite, entraînent la première « cohabitation » et Jacques Chirac se retrouve Premier ministre. Cette bizarrerie institutionnelle à la française prouvera à la fois la solidité des institutions, mais aussi l’habileté de Mitterrand.

Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.

« Je ne suis pas homme à laisser la clef sous le paillasson. »3252

François MITTERRAND (1916-1996), Déclaration du 28 avril 1985

(…) Une victoire de la droite se profile à l’horizon des législatives 1986 et le président ne perd pas une occasion de faire savoir à la France qu’il restera à l’Élysée, même si Matignon tombe aux mains de la droite.

Touche pas à mon pote.3253

Slogan de SOS Racisme. SOS banlieues (1993), Éric Raoult

Une petite main sur un badge : grand effet médiatique, notamment sur la jeunesse. Le 15 juin 1985, un concert (Jean-Jacques Goldman, Coluche, Guy Bedos, les groupes Téléphone et Indochine) rassemble une foule de 400 000 personnes, place de la Concorde. En décembre 1985, les « Voyageurs de l’égalité » font une marche à travers la France : ils arrivent 50 000 à Paris (…)

« Sublime, forcément sublime. »3254

Marguerite DURAS (1914-1996), tribune dans Libération, 17 juillet 1985

Serge July, patron de Libé, a envoyé Marguerite Duras sur le lieu du drame qui bouleverse la France, depuis le 16 octobre 1984. A Lépanges-sur-Vologne, on a retrouvé dans la Vologne le corps du petit Grégory assassiné. Duras demande à rencontrer la mère, qui refuse. Christine Villemin subit un harcèlement médiatique qui se nourrit du mystère et des rebondissements de l’affaire.

Duras, auteur obsessionnellement fascinée par les faits divers, adopte une méthode « d’imprégnation du réel ». Sans preuves, au mépris de la présomption d’innocence, elle se fait médium pour accéder à la vérité (…)

« La thèse de l’ignorance scandalisée tient lieu de ligne de défense officielle. »3255

Serge JULY (né en 1942), directeur de Libération. La Vie politique sous la Ve République (1987), Jacques Chapsal

Avatar de la raison d’État dans la sphère des services secrets, l’« affaire Greenpeace » fait la une de tous les journaux, dans l’été 1985. Elle n’est connue que le 8 août, et ne sera jamais tout à fait claire.

Le 10 juillet, le Rainbow Warrior, navire du mouvement international écologiste Greenpeace prêt à repartir en campagne contre les expériences nucléaires françaises dans le Pacifique, est coulé dans le port d’Auckland, en Nouvelle-Zélande. Un photographe portugais, appartenant à l’expédition et venu rechercher des documents sur le bateau que l’on croyait vide, est tué. C’est la DGSE qui a « fait le coup » : grosse bavure qui va prendre une ampleur internationale, avec répercussions politiques internes (…)

« On ne coupe pas les jarrets à une équipe qui gagne. »3256

François MITTERRAND (1916-1996), Déclaration au Grand-Quevilly, 17 janvier 1986

Vaste rassemblement populaire dans la circonscription électorale du Premier ministre : Mitterrand soutient son « dauphin », Laurent Fabius dont la cote de popularité n’est plus ce qu’elle était. Après l’affaire Greenpeace, faux pas de l’été, un débat télévisé avec Chirac (27 octobre précédent) a compromis son image médiatique (…)

« J’ai été avocat pendant 28 ans et garde des Sceaux pendant 28 jours. Si je suis le seul ministre de la Justice à ne pas avoir commis d’erreur, c’est parce que je n’ai pas eu le temps. »3257

Michel CRÉPEAU (1930-1999), succédant à Robert Badinter, le 19 février 1986. Palmarès du prix Press Club, humour et politique, 1998

Badinter, lui aussi avocat, est très connu par les affaires qu’il a plaidées, la plus illustre étant l’abolition de la peine de mort, dès le début du septennat de Mitterrand. Il est nommé président du Conseil constitutionnel, et Crépeau qui prend sa place au gouvernement fait cette déclaration : « On ne remplace pas Robert Badinter, on lui succède. » Il ne restera toutefois qu’un peu moins d’un mois (…)

Au secours, la droite revient !3258

Slogan socialiste, campagne pour les élections législatives de mars 1986. Des poings et des roses : le siècle des socialistes (2005), Alain Bergounioux

Ce slogan publicitaire destiné à diaboliser la droite est partout affiché : la publicité politique explose et fait imploser les budgets électoraux des candidats.

Progression du chômage et des inégalités sociales expliquent le retournement de l’opinion. L’impopularité de la gauche atteint des sommets (…)

« Nouvelle station dans le chemin de croix du PC. »
« Glorieuse défaite du PS. »
« Amère victoire de la coalition RPR-UDF. »3259

Titres des journaux et commentaires politiques, au lendemain du 16 mars 1986

Cette mini-revue de presse résume le résultat des législatives. Le PC obtient moins de 10 % des suffrages, le PS est le parti le plus important, avec près du tiers, mais la gauche n’est plus majoritaire. Quant à la droite, si elle retrouve la majorité, en voix comme en sièges, c’est avec un FN qui frôle les 10 %, à côté des 44,7 % de la coalition RPR-UDF. On répète le mot de Fabius, il y a deux ans : « L’extrême droite, ce sont de fausses réponses a de vraies questions. » Ou autrement dit : « Le Pen apporte les plus mauvaises solutions a de bonnes questions. » (…)

« Vous y perdrez votre âme, donc votre gloire. »3260

Jacques ATTALI (né en 1943), à Mitterrand, après les législatives perdues de mars 1986. Les Sept Mitterrand (1988), Catherine Nay

Conseiller personnel du président de la République, Attali l’incite à démissionner, au lendemain des législatives gagnées par la droite : « Ils vont défaire tout ce que vous aurez construit. Votre maintien à l’Élysée sera interprété comme une caution donnée à l’adversaire. » Mais Mitterrand reste à l’Élysée, comme annoncé à plusieurs reprises.

(…) En prenant pour Premier ministre son adversaire le plus direct, Jacques Chirac, président du RPR, le président opte pour une cohabitation de combat.

« La cohabitation, c’est le jardin des supplices pour le futur Premier ministre, le jardin des malices pour le président, le jardin des délices pour les nostalgiques de la Quatrième République. »3261

François d’AUBERT (né en 1943), député UDF de la nouvelle majorité. Dictionnaire des citations de l’histoire de France (1990), Michèle Ressi

Les heurs et malheurs de Chirac Premier ministre commencent donc le 20 mars 1986 (…)

« Nous allons terroriser les terroristes. »3262

Charles PASQUA (1927-2015), ministre de l’Intérieur du gouvernement Chirac, mars 1986. Citations historiques expliquées : des origines à nos jours (2011), Jean-Paul Roig

Climat de terreur a Paris : les attentats se multiplient, et Pasqua répète cette formule qui plaît à l’opinion publique, et a la presse. Au JT d’Antenne 2, le 12 avril, il en donnera une version light ou soft : « L’insécurité doit changer de camp et entre nous et les terroristes, la guerre est engagée. » (…)

« Comment fonctionneront les pouvoirs publics ? À cette question, je ne connais qu’une réponse : la Constitution, rien que la Constitution, toute la Constitution. »3263

François MITTERRAND (1916-1996), Message du président de la République, lu le 8 avril 1986, devant chacune des deux Assemblées par leur président

« La Constitution attribue au chef de l’État des pouvoirs que ne peut en rien affecter une consultation électorale ou sa fonction n’est pas en cause […] Le gouvernement, de son côté, a pour charge de déterminer et de conduire la politique de la nation » (…)

« Une idée nouvelle se dégage : avec moi les Français ont aujourd’hui l’impression d’avoir gagné un arbitre. »3264

François MITTERRAND (1916-1996), Déclaration à Solutré, 18 mai 1986

Au bout de ces deux premiers mois de cohabitation, le stratège politique s’est trouvé un rôle à sa mesure et tient à le faire savoir au pays.

Politique étrangère et Défense nationale mises à part – ou la collaboration s’impose entre les deux têtes de l’exécutif –, le gouvernement gouverne comme le veut la Constitution, et le président arbitre : « J’ai pour devoir d’intervenir chaque fois qu’une décision pourrait nuire à l’intérêt des Français, pourrait apparaître injuste, ou exclure du mouvement général une partie des Français. » (…)

« La majorité parlementaire actuelle veut vendre aux intérêts étrangers une partie du patrimoine national. C’est son opinion, ce n’est pas la mienne. »3265

François MITTERRAND (1916-1996), interview sur TF1, 14 juillet 1986

A l’occasion du traditionnel rendez-vous qui suit le défilé de la Fête nationale, le président explique ainsi son refus de signer l’ordonnance portant privatisation de 65 banques et entreprises industrielles (…)

Pendant ces deux années de cohabitation, jamais le président ne recourra aux mesures exceptionnelles d’appel au peuple : référendum, dissolution de l’Assemblée, démission. Mais il rendra souvent l’opinion publique témoin de ses désaccords avec le gouvernement : refus de signer les ordonnances, commentaires en marge des décisions prises en Conseil des ministres.

« Avant la fin de l’année, la France aura un autre système de valeurs que celui sur lequel elle vivait précédemment. »3266

Jacques CHIRAC (1932-2019), conférence de presse, 21 juillet 1986

Il dresse un premier bilan des réformes en cours. En homme pressé, le Premier ministre a d’abord érigé le libéralisme en dogme, avec une priorité de l’économique sur le social : privatisations, suppression de l’impôt sur les grandes fortunes, diminution annoncée de la pression fiscale, libération accélérée des prix et des changes (…)

« Contrairement à ce qui se passe dans les westerns, c’est le premier qui dégaine qui est mort. »3267

Édouard BALLADUR (né en 1929), parlant de la cohabitation Mitterrand-Chirac en 1986. Manager en toutes lettres (2011), François Aelion

Contrairement à ce qui se passe dans les westerns, attaquer serait une stratégie suicidaire. Le Premier ministre, gouvernant, est logiquement le plus exposé aux critiques et aux sondages. Mais les Français sont très satisfaits de la cohabitation (…)

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