Azouz Begag : « Je voterais Dominique de Villepin, même s'il ne se présentait pas. » | L’Histoire en citations
Chronique du jour

 

Les années Chirac, Sarkozy et Hollande

L’élection présidentielle de 2007

Mai 2007 : Sarkozy affronte Ségolène Royal, candidate de la gauche pas vraiment soutenue par son parti et accumulant les maladresses à vouloir trop plaire. Le duel « Sarko contre Ségo » passionne le pays : deux acteurs politiques plus jeunes, très médiatiques. Et la droite garde le pouvoir, sans surprise.

Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.

« Je voterais Dominique de Villepin, même s’il ne se présentait pas. »3397

Azouz BEGAG (né en 1957), fin octobre 2006 sur Canal Plus, à propos de l’élection présidentielle à venir

Le premier cas public d’« antisarkozysme primaire » se trouve à droite. Ministre chargé de la Promotion de l’égalité des chances, il est entré en conflit ouvert avec Nicolas Sarkozy, candidat déclaré. Le conflit se durcit des octobre 2005, Azouz Begag réagissant contre l’emploi répété du mot « racaille » par le ministre de l’Intérieur (…)

« Un jour, je finirai par retrouver le salopard qui a monté cette affaire et il finira sur un croc de boucher. »3398

Nicolas SARKOZY (né en 1955), ministre de l’Intérieur, citation authentifiée après coup par « le salopard » visé, Dominique de Villepin. La Tragédie du Président (2006), Franz-Olivier Giesbert

Dans la série « duels fratricides », voici la séquence Villepin-Sarkozy, et l’affaire Clearstream, obscure histoire de corbeaux et de manipulations, feuilleton financier, politique et judiciaire, qui commence en 2004 et trouve son épilogue juridique en 2010 (…)

« Qui gardera les enfants ? »3399

Laurent FABIUS (né en 1946), apprenant la déclaration de candidature de Ségolène Royal. Le Féminisme à l’épreuve des mutations géopolitiques : Congrès international (2012), Françoise Picq, Martine Storti

Le 29 septembre 2006 à Vitrolles, celle qu’on appelle simplement Ségolène se présente à l’investiture socialiste en vue des présidentielles. Fabius est également candidat, et son humour pêche un peu par sexisme. Avec son compagnon François Hollande, Premier secrétaire du parti socialiste, elle a quatre enfants, dont la dernière a 13 ans. Cela n’a pas empêché Ségolène Royal d’être quatre fois ministre, entre 1992 et 2002, députée depuis 1988, et seule femme à présider un conseil régional.

« Ségolène, elle séduit au loin et irrite au près. »3400

Jean-Pierre RAFFARIN (né en 1948), parlant de Ségolène Royal, prix de l’humour politique 2006. Politiques et langue de bois ! (2011), Olivier Clodong, Nicolas Clodong

Le 16 novembre, après une rude bagarre interne, elle est désignée candidate du Parti socialiste pour les présidentielles de 2007, dès le premier tour. Avec 60,65 % des voix, elle écrase littéralement Strauss-Kahn, 20,69 %, et Fabius, 18,66 %. Elle se lance dans la présidentielle avec divers handicaps.

(…) Ségolène Royal a été choisie « dans la douleur » et les perdants ne seront pas beaux joueurs. Le PS, divisé, donc affaibli, présente un projet illisible, qu’elle peine à incarner. Le fait d’être la première femme candidate à la présidence peut se révéler un atout, comme un handicap.

Ségolène Royal va beaucoup séduire, et beaucoup irriter. « Même quand je ne dis rien, cela fait du bruit », dit-elle dans L’Express, le 2 octobre 2006. Elle aussi, elle a de l’humour, pas toujours involontaire.

« Ségolène Royal n’a qu’un seul défaut, c’est son compagnon. »3401

Arnaud MONTEBOURG (né en 1962), se lâchant sur le plateau de Canal Plus, 17 janvier 2007

Le porte-parole de la candidate stupéfie les présents, même s’il est coutumier des bons mots. « Je pensais vous faire rire », a-t-il ajouté (…)

Circonstance atténuante, ou aggravante, il est de notoriété presque publique que le couple socialiste se sépare. Étrange coïncidence, il en va de même entre Sarkozy et Cécilia, sa femme et très proche collaboratrice. Ce divorce fera plus de dégât, dans la carrière présidentielle.

« J’ai mis en place et beaucoup défendu l’idée de démocratie participative, c’est-à-dire qu’on considère que les citoyens sont les meilleurs experts de ce qui les concerne. »3402

Ségolène ROYAL (née en 1953), lors de son voyage en Chine, début janvier 2007

La démocratie participative est l’une des idées originales de la candidate. Mais est-ce réalisable, dans un pays aussi ingouvernable que la France ? (…)

Les premiers sondages lui sont favorables. On parlera d’une campagne esthétique et mystique. Mais la rigueur manque souvent, et l’incantation qui peut séduire sur l’instant peine à convaincre dans la durée.

« Comme le disent les Chinois, un Chinois qui ne vient pas sur la Grande Muraille n’est pas un brave et un Chinois qui vient sur la Grande Muraille conquiert la “bravitude”. »3403

Ségolène ROYAL (née en 1953), TF1, 6 janvier 2007, lors d’une visite sur la Muraille de Chine

Et le 5 mars 2007, à Berlin, devant les Français expatriés : « Je vois dans vos yeux votre intelligence collective. »

Ses perles sont collectionnées par les médias, même loin de France (…)

« Travailler plus pour gagner plus, c’est mon programme. »3404

Nicolas SARKOZY (né en 1955), Discours de Rungis, 1er février 2007

La « valeur travail » avait une connotation marxiste, le candidat de la droite lui redonne un autre sens, économique, politique et idéologique. Rungis est un lieu symbolique : ce marché international remplace les anciennes halles de Paris, les travailleurs se lèvent tôt et travaillent dur.

Le « travailler plus pour gagner plus » est l’un des points forts de sa campagne, décliné en plusieurs versions : « Je veux être le président du pouvoir d’achat », « La crise morale française porte un nom : c’est la crise du travail », « Il faut tout faire pour que le travail rapporte davantage que l’assistance » (…)

« Nous nous engageons à mettre la préoccupation de l’environnement au centre de nos décisions, et à prendre les mesures qui s’imposent pour conjurer des périls qui menacent la survie même de l’Humanité, en particulier celui du changement climatique. Il est temps d’admettre que nous sommes parvenus au seuil de l’irréversible, et que nous ne pouvons plus nous permettre d’attendre. »3405

Jacques CHIRAC (1932-2019), Appel qui clôt la Conférence de Paris, 3 février 2007

Plus de 200 participants sont venus d’une quarantaine de pays, en vue d’une gouvernance écologique mondiale. Le chef de l’État met à profit l’une de ses dernières apparitions publiques pour lancer cet Appel à la mobilisation internationale : « Nous nous engageons à mettre au centre de nos décisions et de nos choix, chacun dans notre domaine, la préoccupation de l’environnement. » (…)

« Je suis le premier homme politique de droite à dire qu’il faut une immigration choisie. »3406

Nicolas SARKOZY (né en 1955), émission « J’ai une question à vous poser », TF1, 6 février 2007

Il répond à la question d’un invité sur cette phrase qui lui fut prêtée, en avril dernier : « La France, tu l’aimes ou tu la quittes. » (…)

« Siphonner les voix du FN », tel fut l’un des buts avoué, et la réussite de cette campagne menée tambour battant.

« C’est à la France, européenne et méditerranéenne à la fois, de prendre l’initiative avec le Portugal, l’Espagne, l’Italie, la Grèce et Chypre, d’une Union Méditerranéenne comme elle prit jadis l’initiative de construire l’Union européenne. »3407

Nicolas SARKOZY (né en 1955), Discours de Toulon, 7 février 2007

Plus que jamais en campagne - et déjà avec les mots d’Henri Guaino, l’auteur de ses grands discours présidentiels -, il annonce l’un des axes de sa politique étrangère. Faisant d’une pierre deux coups, il remet en question le Processus de Barcelone (1995) engagé par l’UE à l’initiative de Jacques Chirac, et s’apprête à lancer son Union pour la Méditerranée, qui prendra forme institutionnelle et intergouvernementale a Paris ou se tient le sommet fondateur de l’UPM le 13 juillet 2008 (…)

« Nous devons lutter contre toutes les peurs, et n’avoir peur de rien pour nous-mêmes. »3408

François HOLLANDE (né en 1954), Discours de Villepinte, 11 février 2007

C’est le 12e Rassemblement des secrétaires de section du PS, et Hollande se tient aux côtés de sa compagne, Ségolène Royal qui expose son pacte présidentiel. Il a renoncé à se présenter pour lui laisser la place, au vu des intentions de vote qui lui étaient alors favorables (…)

« Le débat politique revient à peu près à ceci : “Mon poêle à mazout est tombé en panne, que comptez-vous faire quand vous serez élu ?” »3409

Claude ALLÈGRE (né en 1937), Le Point, 28 février 2007

Toutes les campagnes présidentielles sont plus ou moins dénigrées, celle de 2007 étant plutôt bien jugée, comparée a celle de 2012 qui ne sera pas non plus calamiteuse. Mais tous les candidats doivent sacrifier au rite du micro et du plateau, courant de radios en télés, pour répondre aux questions des « vrais gens », alors… (…)

« L’élection présidentielle, c’est la rencontre d’un homme et d’un pays, d’un homme et d’un peuple. »3410

François BAYROU (né en 1951), Meeting de Caen, 1er mars 2007

Il reprend le mythe gaullien. C’est tout a fait juste, mais… en état de paix, ça ne fonctionne pas aussi bien. Et un homme sans un parti puissant pour le porter et le supporter (au sens sportif du mot) a peu de chance d’aller au bout. Bayrou le sait.

Depuis sa première tentative présidentielle en 2002, il a tenté d’installer au centre de l’échiquier politique l’UDF (Union pour la démocratie française), créée en 1978 par Valéry Giscard d’Estaing, seul président centriste de la Cinquieme République (…)

« Moi et mes amis, on n’est pas la jet-society, on est la tractor-society. »3411

François BAYROU (né en 1951), Le Point, 8 mars 2007

C’est de bonne guerre médiatique, et le Béarnais a une belle cote de popularité auprès des Français. On ne vote pas pour le candidat le plus « sympa », mais il va réussir sa campagne, et placer quelques idées qui ne sont ni de gauche, ni de droite, juste de bon sens, de facture bien française, et républicaine. C’est l’homme à suivre, qui va peut-être créer la surprise…

« Il n’y a pas eu beaucoup de puissances coloniales dans le monde qui aient tant œuvré pour la civilisation et le développement et si peu pour l’exploitation. On peut condamner le principe du système colonial et avoir l’honnêteté de reconnaître cela. »3412

Nicolas SARKOZY (né en 1955), Discours à Caen, 9 mars 2007

Il traite de l’identité française, de la spécificité et la grandeur de la France. Il s’inscrit en faux contre la « mode exécrable » de la repentance. 11 000 présents à ce meeting y sont sensibles, à l’image du pays qui va l’élire (…)

« Ne composez jamais avec l’extrémisme, le racisme, l’antisémitisme ou le rejet de l’autre. »3413

Jacques CHIRAC (1932-2019), allocution radiotélévisée, 11 mars 2007

Le président de la République annonce qu’il ne briguera pas un troisième mandat. Ce n’est pas un scoop, le suspense n’existait pas vraiment. Il livre simplement son dernier message, destiné à son successeur, et capital pour l’avenir de la France.

« L’identité nationale de la France, c’est la République. »3414

François BAYROU (né en 1951), Discours à Perpignan, 16 mars 2007

Cette phrase d’allure banale répond à une idée apparemment originale de Sarkozy, qui vient d’annoncer la création d’un ministère de l’Immigration et de l’identité nationale, évidemment destiné à séduire l’électorat populaire tenté par le FN (…)

« La croissance, j’irai la chercher avec les dents. »3415

Nicolas SARKOZY (né en 1955), en campagne présidentielle, mars 2007. Le Spectacle du monde, nos 536 à 540 (2007)

Expression carnassiere du candidat, plusieurs fois répétée avec de menues variantes, inspirée par Chirac, son père en politique : « Dans une campagne, il faut aller chercher les électeurs avec les dents. »

(…) Ce volontarisme politique affiché aboutira à quatre lois pour plus de liberté et plus de concurrence, au prix d’une déréglementation de notre économie trop corsetée : loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat (loi TEPA) de l’été 2007, surnommée « paquet fiscal », destinée à accroître l’activité économique et donc l’emploi ; loi pour le développement de la concurrence, en automne ; loi pour le pouvoir d’achat, en janvier 2008 ; loi de modernisation de l’économie (LME) en août 2008, inspirée du rapport Attali (…)

« La France attendait une rencontre du troisième type. Le troisième type, c’est François Bayrou. »3416

Azouz BEGAG (né en 1957), ancien ministre du gouvernement Villepin, Marseille, 12 avril 2007. Le Monde, 13 avril 2007

Dominique de Villepin ne se présente pas : il est ouvertement critiqué au sein de l’UMP vouée à Sarkozy, il est compromis dans l’affaire Clearstream ou son comportement est trop clairement antisarkozyste. Il espère des jours plus favorables, pour la prochaine présidentielle (…)

« Je veux une République irréprochable. »3417

Nicolas SARKOZY (né en 1955), 13 avril 2007

La formule reste dans les mémoires, déjà prononcée au congres de l’UMP en janvier, reprise à Épinal, déclinée en diverses versions : « Je veux être le Président qui va remettre la morale au cœur de la politique » ; « Je veux une démocratie irréprochable »… « Une République exemplaire, caractérisée notamment par des nominations irréprochables » ; « Si l’État veut être respecté, il doit être respectable. Je ne transigerai pas. »

Après les années Mitterrand et les années Chirac, riches en « affaires », le quinquennat sera loin d’être irréprochable ! Et le président est responsable, sinon coupable. Cinq ministres devront démissionner, dont Michele Alliot-Marie et Éric Woerth (…)

« Si je suis élue, les agents publics seront protégés et en particulier les femmes, elles seront raccompagnées chez elles. »3418

Ségolène ROYAL (née en 1953), débat de l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle, TF1 - France 2, 2 mai 2007

Un exemple (parmi tant d’autres) qui décrédibilise la parole politique. Imaginons le coût de cette promesse sympathique, mais totalement irréaliste ! La candidate du PS, logiquement finaliste au second tour, après un parcours atypique, ou elle à ses fans et, de plus en plus nombreux, ses détracteurs, ne fait plus illusion, et les sondages le reflètent depuis deux mois (…)

« Pour être président de la République, il faut être calme, et utiliser des mots qui ne sont pas des mots qui blessent, parce que quand on emploie des mots qui blessent, on divise son peuple alors qu’il faut le rassembler… »3419

Nicolas SARKOZY (né en 1955), débat de l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle, TF1 - France 2, 2 mai 2007

C’est un jeu théâtral parfaitement réglé, avec un enjeu considérable : le pouvoir pour cinq ans. Chacun, dans son dialogue, doit placer ses « petites phrases », et se montrer ferme, sans avoir l’air de mépriser ou d’écraser l’autre.

Cette fois, sur le thème du handicap, Ségolène Royal perd son sourire et sa sérénité « naturelle » – chose somme toute normale : « Je ne suis pas énervée. Je suis en colère. Il y a des colères que j’aurai encore quand je serai présidente. »

Son adversaire, déjà connu pour son tempérament qui est tout, sauf calme, ne va pas rater l’occasion de décocher sa flèche, avec un calme souriant.

(…) Sarkozy gagnera la présidentielle avec plus de 53 % des voix.

Reste l’évidence : ce débat ne restera pas dans les annales du genre, comparé aux deux grands classiques, les duels entre Giscard d’Estaing et Mitterrand (…)

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