Flaubert : « La censure quelle qu'elle soit me paraît une monstruosité, une chose pire que l'homicide » | L’Histoire en citations
Chronique du jour

 

Deuxième République

Derniers mois de la République : Louis-Napoléon manœuvre habilement, toujours servi par son nom, une équipe, le destin.

Le Prince-président se taille un sur-mesure constitutionnel qui lui assure le gouvernement pour dix ans. Se posant à la fois comme une « gloire nationale, une garantie révolutionnaire et un principe d’autorité », il refait campagne en province. Un nouveau plébiscite approuve massivement la restauration de l’Empire et Louis-Napoléon est proclamé empereur, le 2 décembre 1852.

Napoléon III sort grand gagnant de cette Deuxième République, qui a par ailleurs prouvé que la France n’est pas mûre pour un bon usage du suffrage universel.

Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.

« La censure quelle qu’elle soit me paraît une monstruosité, une chose pire que l’homicide ; l’attentat contre la pensée est un crime de lèse-âme. La mort de Socrate pèse encore sur le genre humain. »2225

Gustave FLAUBERT (1821-1880), Lettre à Louise Colet (1852), Correspondance (posthume)

La répression a touché d’abord la presse républicaine. La plupart de ses journaux ont disparu au lendemain du coup d’État. Suivent quatre décrets de février et mars 1852, qui enlèvent en fait toute liberté à la presse, placée sous contrôle du ministère de la Police.

« Quand un homme a fait sa fortune par le travail, l’industrie ou l’agriculture, a amélioré le sort de ses ouvriers, a fait un noble usage de son bien, il est préférable à ce qu’il est convenu d’appeler un homme politique. »2226

Duc de MORNY (1811-1865). Histoire populaire contemporaine de la France (1865), Ch. de Lahuere

Pour les élections de février 1852, le ministre de l’Intérieur demande qu’on cherche des hommes neufs, pris hors de la classe politique traditionnelle – on dirait aujourd’hui dans la « société civile ».

« C’est beaucoup d’être à la fois une gloire nationale, une garantie révolutionnaire et un principe d’autorité. »2227

François GUIZOT (1787-1874), Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps (1858-1867)

Homme politique et historien, il résume l’alchimie du vote, avec « la force du parti bonapartiste, ou pour dire plus vrai du nom de Napoléon », à l’occasion des élections au Corps législatif, le 29 février 1852. Les opposants n’ayant aucun moyen de faire campagne (pas une affiche imprimée, pas une réunion électorale), ils obtiennent 800 000 voix, les candidats officiels plus de 5 millions. D’où 253 bonapartistes, face à 7 royalistes et 3 républicains (…)

« L’Empire, c’est la paix. »2228

Louis-Napoléon BONAPARTE (1808-1873), Discours de Bordeaux, 9 octobre 1852. Dictionnaire des idées reçues (posthume, 1913), Gustave Flaubert

Le message impérial est destiné aux puissances étrangères qui assistent à l’irrésistible ascension d’un nouveau Bonaparte et peuvent s’en inquiéter : « Par esprit de défiance, certaines personnes se disent : l’Empire, c’est la guerre. Moi, je dis… » La présidence de la République assurée pour dix ans, ce n’était pas suffisant. La propagande se remobilise (…) Les préfets veillent, actifs, dociles. Mais le personnage a incontestablement acquis autorité et popularité.

« Il est des morts qu’il faut qu’on tue. »2229

Fernand DESNOYERS (1828-1869), protestant contre une statue de Casimir Delavigne érigée au Havre, 1852

Homme de lettres et poète misanthrope, il a fait le voyage de Paris au Havre, pour dire son indignation : Delavigne est un auteur dramatique et poète libéral mort en 1843, à qui sa ville natale rend hommage. Durant les journées révolutionnaires de 1830, il écrivit La Parisienne, chant patriotique devenu immédiatement chant populaire, et La Varsovienne, chantée par les Polonais dans les combats qui les opposent aux Russes (…)

« Votre religion, comme la nôtre, apprend à se soumettre aux décrets de la Providence. Or, si la France est maîtresse de l’Algérie, c’est que Dieu l’a voulu, et la nation ne renoncera jamais à cette conquête. »2230

Louis-Napoléon BONAPARTE (1808-1873), Allocution à Abd el-Kader, 16 octobre 1852

L’émir, en lutte contre la France poursuivant la conquête de l’Algérie commencée le 5 juillet 1830, a dû se rendre le 23 décembre 1847. Fait prisonnier, il est libéré ce 16 octobre par Louis-Napoléon. Le guerrier va renoncer à se battre, se retirant au Proche-Orient pour consacrer la fin de sa vie à l’étude et à la méditation religieuse.

« Représentant à tant de titres la cause du peuple et la volonté nationale, ce sera la nation qui, en m’élevant au trône, se couronnera elle-même. »2231

Louis-Napoléon BONAPARTE (1808-1873), Sénat, 4 novembre 1852

Le message du prince-président s’adresse à la nation, invitée à un nouveau plébiscite. Les 21 et 22 novembre, la nation répond massivement oui : 7,8 millions de voix, contre 250 000 non. Zola explique les raisons de ce triomphe : « La société, sauvée encore une fois, se félicitait, se reposait, faisait la grasse matinée, maintenant qu’un gouvernement fort la protégeait et lui ôtait jusqu’au souci de penser et de régler ses affaires » (…)

« Aidez-moi tous à asseoir sur cette terre, bouleversée par tant de révolutions, un gouvernement stable qui ait pour base la religion, la propriété, la justice, l’amour des classes souffrantes. »2232

Louis-Napoléon BONAPARTE (1808-1873), Sénat, 1er décembre 1852

Le lendemain, 2 décembre, l’Empire est proclamé. C’est encore l’anniversaire d’Austerlitz, la plus grande victoire de l’oncle prestigieux, le souvenir vivant de Napoléon Ier. Respectant l’Aiglon, éphémère Napoléon II, le prince Louis-Napoléon prend le nom de Napoléon III.

« La République à votre vote expire
Devant Machin, votre unanime élu.
Soyez heureux : vous possédez l’Empire,
Soyez-en fiers, car vous l’avez voulu.
De ce succès dont votre âme s’enivre
Peut-être un jour vous vous mordrez les doigts :
Votre empereur, dit-on, aime bien vivre !
Et vous paierez la carte, bons bourgeois ! »2233

Charles GILLE (1820-1856), La Carte à payer, chanson. La République clandestine (1840-1856) : les chansons de Charles Gille (posthume, 2002)

La presse d’opposition n’existe pratiquement plus, depuis le coup d’État du 2 décembre 1851, mais la chanson reste un moyen d’expression, et l’humour se fait cinglant. Charles Gille, poète et ouvrier déjà persécuté, écrase de son mépris cette bourgeoisie qui, de nouveau, a trahi la République.

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