La Guerre, histoire en citations d’une tragédie séculaire et quotidienne (Gaule et Moyen Âge) | L’Histoire en citations
Édito de la semaine

 

« La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens. »

Carl von CLAUSEWITZ (1780-1831), général prussien, stratège et théoricien, De la Guerre (1832)

« Si vis pacem, para bellum »

« Si tu veux la paix, prépare la guerre ». Devise de l’École de Guerre

« Il y a des guerres justes. Il n’y a pas d’armée juste. »

André MALRAUX (1901-1976), L’Espoir (1937)

Les hommes se font la guerre depuis la préhistoire et les guerres antiques sont aussi historiques que légendaires.

L’histoire de la France à venir commence avec la guerre des Gaules et l’occupation du territoire par les Romains. Après les guerres féodales du Moyen Âge et la guerre de Cent Ans, la Renaissance lance les guerres de conquête en Italie, suivies des guerres (civiles) de Religion : le XVIe siècle totalise 85 années de guerre ! La Fronde est une vraie guerre civile de cinq ans. La monarchie absolue de Louis XIV multiplie les guerres de conquête. Le siècle des Lumières est le moins guerrier, mais la Révolution déclare la guerre à toutes les monarchies européennes et Napoléon enchaîne, multipliant les guerres de conquête jusqu’en Russie. Au XIXe, la guerre franco-prussienne met fin au Second Empire. La IIIe République sort victorieuse de la Première guerre mondiale, définit les lois de la guerre… et s’écroule sous la Seconde, finalement gagnée par de Gaulle et les Alliés. La IVe République gère l’après-guerre, survit à la guerre d’Indochine, mais tombe avec la guerre d’Algérie. La Ve République du général de Gaulle donne l’indépendance à l’Algérie, met fin à la guerre civile et dote la France de l’arme atomique. La Guerre froide et les tensions géopolitiques entre blocs cessent après la chute du mur de Berlin, l’Union européenne reçoit le prix Nobel de la paix… Mais la guerre redevient sujet d’actualité !

24 février 2022 : guerre d’Ukraine, conflit post-soviétique avec la Russie de Poutine.
7 octobre 2023, guerre Israël-Gaza après l’attaque du Hamas, dans le cadre du conflit israélo-palestinien. C’est aussi le retour des guerres à l’ancienne : après la guerre moderne des combats à distance, « guerre propre » avec SCUDS et ripostes ciblées (guerre du Golfe en 1990-1991), on retrouve le siège destiné à affamer les populations à Gaza, les tranchées occupées par l’envahisseur en Ukraine, les combats au corps à corps et l’infanterie, essentielle à la progression des forces sur le terrain.

GAULE (VIe siècle av. J.-C.- 481 apr. J.-C.)

« [Les Gaulois] ont deux passions dominantes, être braves à la guerre et parler avec habileté. »5

CATON l’Ancien (234-149 av. J.-C.). Histoire de la Gaule (1908-1921), Camille Jullian

Les deux qualités dont fait ici état cet homme politique et écrivain romain du IIe siècle av. J.-C. vont se retrouver tout au long de l’histoire. Mais d’autres défauts nationaux ne manqueront pas d’être dénoncés…

« Malheur aux vaincus » « Vae Victis »15

BRENNUS (IVe s. av. J.-C.), aux Romains, 390 av. J.-C. Histoire romaine, Tite-Live (historien romain né en 59 av. J.-C.).

Brennus est le chef des hordes gauloises qui déferlent sur l’Italie du Nord : conquise vers 390, elle devient la Gaule cisalpine. Rome est prise, pillée, incendiée. Catastrophe nationale et stupeur de toute l’Antiquité : pour la première et dernière fois (avant sa chute finale, mille ans après), la capitale de l’Empire romain tombe sous les coups d’une armée étrangère !

Brennus, vainqueur, jette son épée dans la balance où se pesait la rançon de la ville, pour augmenter le poids d’or réclamé comme prix de son départ. Aux protestations des Romains, il répond : « Vae Victis ». L’expression, devenue proverbe, signifie que les vaincus n’ont droit à aucune justice de la part des vainqueurs.

« Nous ne craignons rien, sinon que le ciel ne tombe sur nos têtes. »16

Un guerrier gaulois à Alexandre le Grand, 335 av. J.-C. Géographie, livre VII, Strabon (géographe grec né en 58 av. J.-C.). Fière réplique, également citée par Arrien, historien romain

Les Gaulois, tribus nomades, ont traversé l’Europe et poursuivi leur expansion jusqu’aux rives du Danube. Alexandre, roi de Macédoine, a convié à sa table ces guerriers. Âgé de 20 ans, déjà conquérant dans l’âme et prêt à devenir le héros mythique de l’Antiquité, Alexandre demande durant le repas aux Gaulois ce qu’ils craignent le plus, s’attendant naturellement à ce qu’ils répondent que c’est lui. Eh bien, non, ces Gaulois ne craignent véritablement rien, ni personne.

« Depuis que Rome existe, tous les sages politiques ont pensé qu’elle n’avait point d’ennemis plus redoutables que les Gaulois. »18


CICÉRON (106-43 av. J.-C.), Discours sur les provinces consulaires, Œuvres complètes de Cicéron

Cette remarque du célèbre orateur romain rappelle la prise de Rome par les Gaulois de Brennus, trois siècles plus tôt, et justifie ou, tout au moins, fait comprendre le désir des Romains de soumettre un peuple aussi turbulent.

Il s’agit à présent de dompter la Gaule demeurée indépendante, dite aussi celtique (ou chevelue, en raison de ses vastes forêts). À l’inverse de la Province (romaine) exploitée comme une colonie, mais où régnaient paix et prospérité, la Celtique restait le théâtre de luttes permanentes entre tribus. Nul État constitué, en Gaule, pas de capitale ni d’administration centrale, pas même de vie urbaine – les villes n’étaient que des places fortes où les paysans se réfugiaient en cas d’invasion. Le dernier acte des « guerres celtiques » sera joué par César.

« Le javelot romain brisa la fierté gauloise. »17

POLYBE (vers 202-vers 120 av. J.-C.), Histoire générale, livre II

Le mot de cet historien grec souligne la supériorité de l’esprit de discipline propre aux Romains sur la fougue anarchique des Gaulois. Le retournement de l’histoire se joua en plusieurs épisodes et sur deux siècles.

À partir de 236 av. J.-C., les Romains entreprennent la conquête du nord de l’Italie, Gaule cisalpine aux mains de tribus gauloises – la plus importante étant celle des Boïens. Vaincus définitivement en 191, les Boïens auraient alors émigré vers le Danube, donnant leur nom à la future Bohême.
Marseille (Massilia) attaquée par des barbares appellera Rome au secours en 154 : c’est la première intervention des Romains sur le territoire de la France d’aujourd’hui. Nouvel appel, nouvelle intervention en 124. Cette fois, pas question de repartir : les Romains se sentent trop heureux dans ce pays. Par son climat, son relief, sa végétation, il rappelle l’Italie. Deux ans plus tard, Sextius Calvinus fonde Aquae Sextiae (Aix-en-Provence). Ligures, Ibères, Gaulois occupent le Languedoc occidental, mais ne résistent pas longtemps aux armes romaines. Toute la côte méditerranéenne est annexée jusqu’à l’Espagne. Narbonne, fondée en 118, devient capitale de la Province romaine.

La fougue anarchique des Gaulois ne pouvait résister durablement à la discipline des Romains dont l’Empire s’étendait sur l’Europe et au-delà. L’histoire est d’abord une interminable suite de guerres.

« L’infériorité des armées gauloises donna l’avantage aux Romains ; le sabre gaulois ne frappait que de taille, et il était de si mauvaise trempe qu’il pliait au premier coup. »6

Jules MICHELET (1798-1874), Histoire de France, tome I (1835)

Les Romains disposent en effet d’un armement supérieur à celui des Gaulois. Ce sera l’une des raisons de leur victoire, quand ils vont être amenés à faire la conquête de la Gaule.

« Des tyrannies, des guerres, voilà ce qu’on trouvait dans les Gaules jusqu’à ce qu’elles fussent rangées sous nos lois. »7

Petilius CEREALIS (Ier siècle). Histoires (nombreuses éditions et traductions), Tacite, historien romain du Ier siècle

Ce général romain du Ier siècle évoque l’état du territoire, avant l’intervention romaine en deux étapes : conquête du sud-est de la Gaule et création de la Province romaine (Provincia) avec Narbonne pour capitale (124-118 av. J.-C.) ; conquête par César de la Gaule restée indépendante (58-51 av. J.-C.). Jules Michelet confirme dans son Histoire de France : « Ce chaos bourbeux et belliqueux de la Gaule était une superbe matière pour un tel génie [César]. »

« César s’était présenté comme un protecteur. Sa conquête avait commencé par ce que nous appellerions une intervention armée. »8

Jacques BAINVILLE (1879-1936), Histoire de France (1924)

Fait capital de notre histoire. En 58 av. J.-C., la tribu des Helvètes décide d’émigrer vers la Saône pour fuir la pression des Germains d’Arioviste. Les Éduens établis entre Loire et Saône se sentent menacés par cette migration et appellent à leur secours César, nommé l’année précédente proconsul de la Gaule cisalpine (Italie du Nord) et de la Province romaine. Cerealis (cité par Tacite) rappellera plus tard aux Gaulois ce fait historique : « Si nos chefs et empereurs sont entrés dans votre pays, c’est à la requête de vos ancêtres. »

César, fort de six légions, oblige les Helvètes à retourner chez eux (vers l’actuelle Suisse) et refoule les Germains au-delà du Rhin. Voulant éclipser la gloire militaire de son rival Pompée, il en profite pour conquérir en huit campagnes annuelles toute la Gaule, y compris Belgique et Suisse, avec une incursion en [Grande-]Bretagne.

« Quand nous ne formerons en Gaule qu’une seule volonté, le monde entier ne pourra nous résister. »22

VERCINGÉTORIX (vers 82-46 av. J.-C.), à ses troupes, mai 52 av. J.-C., à Gergovie. La Gaule (1947), Ferdinand Lot

Les tribus gauloises, victimes de leur désunion, viennent d’élire ce jeune noble, chef suprême d’une coalition contre les Romains qui se veulent maîtres de l’Europe. Quand César marche vers la Loire, Vercingétorix ordonne de brûler tous les villages pour affamer l’ennemi. Mais on ne peut se résoudre à incendier Avaricum (Bourges), seule grande et belle ville de Gaule, puissamment fortifiée. Après deux mois de résistance, elle tombera, le 20 avril. Dans sa Guerre des Gaules, César parle de 40 000 morts – il a décuplé le chiffre. Mais il note, en bon observateur : « Si l’adversité diminue d’habitude l’autorité des chefs, elle grandit de jour en jour le prestige de Vercingétorix. »

Le mois suivant, le Gaulois remporte la plus grande victoire de sa courte carrière : Gergovie (près de Clermont-Ferrand). César doit lever le siège, minorant ses pertes à 700 légionnaires. Les statistiques truquées nourrissent la légende ou la propagande, et l’histoire de Vercingétorix nous est surtout connue par le récit de son adversaire, César.

« Prends-les ! Je suis brave, mais tu es plus brave encore, et tu m’as vaincu. »23

VERCINGÉTORIX (vers 82-46 av. J.-C.), jetant ses armes aux pieds de César, fin septembre 52 av. J.-C., à Alésia. Abrégé de l’histoire romaine depuis Romulus jusqu’à Auguste, Florus

Ces mots du vaincu rapportés par le vainqueur servent d’épilogue à la brève épopée du guerrier gaulois, face au plus illustre des généraux romains.

Grand stratège, César est parvenu à enfermer Vercingétorix et son armée à Alésia (en Bourgogne). L’armée de secours, mal préparée, est mise en pièces par César qui exagère encore les chiffres : 246 000 morts chez les Gaulois, dont 8 000 cavaliers. Vercingétorix juge la résistance inutile, et se rend pour épargner la vie de ses hommes – quelque 50 000, mourant de faim après quarante jours de siège.

La chute d’Alésia marque la fin de la guerre des Gaules et l’achèvement de la conquête romaine. Mais le mythe demeure bien vivant, en France : Vercingétorix, redécouvert par les historiens au XIXe siècle et popularisé jusque dans la bande dessinée, est notre premier héros national.

« Sa courte vie de combattant eut cette élégante beauté qui charmait les Anciens et qui était une faveur des Dieux. »24

Camille JULLIAN (1859-1933), Vercingétorix (1902)

L’auteur de la première biographie savante de Vercingétorix juge ainsi sa carrière de chef de guerre. L’épopée n’a duré que dix mois. Emmené captif à Rome, le vaincu est jeté dans un cachot où il attendra six ans, pour être finalement exhibé comme trophée, lors du triomphe de César, puis décapité en 46 av. J.-C. : « Vae Victis ! »

« Vous serez châtiés pour avoir voulu souhaiter la paix et vous apprendrez que, moi vivant, rien n’est plus sûr qu’une guerre, quand on m’a pour chef. »25

Jules CÉSAR (101-44 av. J.-C.), Commentaires de la guerre des Gaules. La Pharsale (La Guerre civile), Lucain, poète latin du Ier siècle

Toute la Gaule est conquise par les armées romaines, mais la ville grecque de Marseille (Massilia), alliée du peuple romain, demeure indépendante.

Au début de l’année 49 av. J.-C., César entre en conflit avec Pompée qui a en main le Sénat. Il franchit le Rubicon, petite rivière formant la frontière de sa province de Gaule cisalpine, en prononçant le fameux « alea jacta est » (« le sort en est jeté »). Dans cette guerre civile qui se déclenche,

Marseille voudrait rester neutre et ménager les deux partis, voire jouer les arbitres, mais les Marseillais (Massaliotes) ont un penchant pour les Pompéiens, chose naturelle pour une république aristocratique. César, venu d’Italie pour se rendre par la terre en Espagne, où s’étaient fortifiés les partisans de Pompée, entreprend le siège de Marseille (avril-mai 49 av. J.-C.). Il ne va pas la prendre personnellement, laissant à son lieutenant Trebonius le soin d’en finir.

Marseille se rend six mois après. Annexée à la Province, la grande cité méditerranéenne perd son indépendance.

« Cette race [les Huns] dépasse toutes les formes de la sauvagerie […] Ils sont affreusement laids. On dirait des bêtes à deux pattes. Ils ne se nourrissent pas d’aliments cuits au feu ni assaisonnés, mais de racines de plantes sauvages et de chairs demi crues d’animaux de toute sorte qu’ils échauffent quand ils sont à cheval entre leurs cuisses. »42

AMMIEN MERCELLIN (vers 330-vers 400), Res Gestae (Histoires)

C’est le plus grand historien de cette Antiquité tardive, le dernier à écrire en latin et l’un des derniers auteurs païens. Le 31e et dernier livre nous conte des événements dont il est contemporain : la fuite des Goths devant les Huns.

Peuplade turco-mongole, très provisoirement unifiée par Attila en un vaste empire, les Huns massacrent les autres barbares, pillent l’Empire d’Orient, et envahissent la Gaule en 451 : « Là où Attila a passé, l’herbe ne repousse plus. »

« Là où Attila a passé, l’herbe ne repousse plus. »12

Adage symbolisant la sauvagerie des Huns. Histoire des Francs (première impression française au XVIe siècle), Grégoire de Tours

Ce mot recueilli par Grégoire de Tours un siècle et demi après l’invasion des Huns (en 451) montre que la mémoire était encore vive, en Gaule, de ces barbares et de leur chef, Attila surnommé Fléau de Dieu. Beaucoup de chroniqueurs s’inspireront de ses Dix livres d’histoire – titre originel de sa somme historique –, ce qui contribue à renforcer le mythe d’Attila.

« Ce fut une lutte atroce, pleine de péripéties, furieuse, opiniâtre, telle que l’Antiquité n’en avait jamais vu. »44

JORDANÈS (VIe siècle), Histoire des Goths (551)

Après avoir pillé la Gaule, Attila s’apprête à retourner vers le Rhin.

Aetius, général romain d’origine barbare, a pris la tête d’une armée composée de Romains, Wisigoths, Burgondes et Francs – Mérovée, roi des Francs saliens et grand-père de Clovis, est de cette aventure et donnera bientôt son nom à la première dynastie des rois francs. La coalition inflige aux Huns d’Attila une sanglante défaite aux champs Catalauniques, situés dans la région de Troyes (juillet 451). La défaite laisse quand même les Huns assez nombreux et forts pour déferler sur l’Italie du Nord l’année suivante, n’épargnant Rome à la demande du pape Léon Ier que moyennant tribut. Seule la mort subite d’Attila, en 453, met fin à cette chevauchée sanglante.

« Finie la guerre, rendez-nous nos charrues ! »46

Guerrier goth à Avitus, porteur d’accords de paix, 456. Panégyrique d’Avitus (456), Sidoine Apollinaire

Gallo-romains et peuples barbares aspirent naturellement à la paix, suite à cette période des Grandes Invasions du Ve siècle.

Mais après la chute de l’Empire romain d’Occident (476), de vrais royaumes barbares se constituent en Gaule : les Wisigoths au sud, les Burgondes le long de la Saône et du Rhône, et les Francs, guerriers germaniques installés au nord, prêts à conquérir le pays en plein chaos, avec leur chef, Clovis, qui va devenir roi en 481. Les Gaulois prendront alors le nom de Francs.

« La mort seule les fait succomber, jamais la crainte. [Les Francs] restent sur place invaincus et leur courage survit, pour ainsi dire, à leur dernier souffle. »49

SIDOINE APOLLINAIRE (430-487), Carmina, V. Histoire de la chrétienté d’Orient et d’Occident (1995), Jacques Brosse

Les Francs, peuple germanique, ont déjà fait des incursions en Gaule au IIIe siècle, avant de participer aux Grandes Invasions du vé siècle. Installés au nord, profitant de la désagrégation de l’Empire romain d’Occident et du chaos général en Gaule, ils tirent parti de leurs évidentes qualités guerrières et de l’exceptionnelle valeur de leurs chefs – surtout Clovis, devenu roi des Francs en 481.

Ils vont finalement imposer leur hégémonie aux autres peuples de la Gaule. Les Gaulois prendront alors le nom de Francs – ce qui veut dire « errant » (wrang) ou « brave » (frak) en francique, langue des anciens Francs. Ainsi se prépare lentement la naissance de la France.

MOYEN ÂGE (431-1483)

1/ Mérovingiens et Carolingiens (431-987)

« Ceux qui prient, ceux qui combattent, ceux qui travaillent. »52

Évêques ADALBÉRON de Laon (??–v.1030) et ANSELME (1033-1109). Histoire de France, tome II, Le Temps des principautés. De l’An mil à 1515 (1992), Jean Favier (entre autres sources)

Cette claire définition des trois ordres sociaux représente le fondement de la société médiévale telle que la concevaient les envahisseurs germaniques - et ils vont l’imposer à l’Europe.

« Du temps de Charlemagne, on était obligé, sous de grandes peines, de se rendre à la convocation pour quelque guerre que ce fût. »58

MONTESQUIEU (1689-1755), L’Esprit des Lois (1748)

Cette remarque se fonde sur une lettre de Charlemagne à l’abbé de Saint-Quentin : « Tu te présenteras [au lieu de rendez-vous] avec eux [ses hommes], prêt à entrer en campagne dans la direction que j’indiquerai avec armes, bagages et tout le fourniment de guerre en vivres et vêtements ».

Après un siècle de décadence dynastique, c’est le « coup de force » de Pépin le Bref, maire du palais élu roi par les Grands du royaume et sacré par les évêques ; puis le règne de Charles le Grand, devenu l’empereur Charlemagne.

« Dieu de Clotilde, si tu me donnes la victoire, je me ferai chrétien. »74

CLOVIS (vers 465-511), invoquant le Dieu de sa femme chrétienne, bataille de Tolbiac, 496. Histoire des Francs (première impression française au XVIe siècle), Grégoire de Tours

Le mot est peut-être légendaire, mais nombre de mots, présumés apocryphes, ont une valeur symbolique et méritent d’être cités.

Clovis s’apprête à repousser les Alamans (futurs Allemands), tribu germanique qui ne cesse de faire des incursions sur la rive gauche du Rhin. L’affrontement des deux armées tourne au massacre, et Clovis redoute la défaite. D’où ce mot lancé au Ciel.

Ce premier roi du Moyen Âge semble avoir avec Dieu les mêmes rapports que le dernier, mille ans plus tard : Louis XI, fort superstitieux et en constant marchandage avec la Vierge ou saint Michel archange.

« Quand tu combats, c’est à nous qu’est la victoire. »75

AVIT (vers 450-vers 518), à Clovis, à Tolbiac, 496. Histoire de France, tome I (1835), Jules Michelet

Par ces paroles, l’évêque de Vienne (futur saint) encourage Clovis, qui a promis de se faire baptiser s’il est vainqueur. En fait, c’est la mort du chef ennemi qui a provoqué la déroute inespérée des Alamans.

« Cesse de faire périr notre peuple, car nous sommes à toi. »76

Les Alamans à Clovis, Tolbiac, 496. Histoire des Francs (première impression française au XVIe siècle), Grégoire de Tours

Après la bataille, les vaincus se rendent au vainqueur et demandent grâce.

Cependant que la très chrétienne Clotilde va faire en sorte que son royal époux ne puisse plus différer la cérémonie. Elle convie en secret Rémi, évêque de la ville de Reims. Qui parle à son tour à Clovis, lequel s’apprêtera au baptême pour le prochain jour de Noël.

« Tel au combat sera ce grand Martel
Qui, plein de gloire et d’honneur immortel,
Perdra du tout par mille beaux trophées
Des Sarrasins les races étouffées,
Et des Français le nom victorieux
Par sa prouesse enverra jusqu’aux cieux. »86

Pierre de RONSARD (1524-1585), La Franciade (1572)

Dans son épopée inachevée, le plus célèbre poète de la Renaissance présente ainsi Charles Martel, fils de Pépin de Herstal, maire du palais qui doit son surnom (« Martel » signifiant marteau) à l’énergie déployée pour imposer sa politique. Il reste dans l’histoire pour avoir arrêté l’avancée impétueuse des Arabes à la bataille de Poitiers (732). Ses dépenses de guerre sont telles que pour y faire face il procède à une vraie spoliation des biens de l’Église (déjà riche) – mais d’un autre côté, il soutient la politique d’évangélisation de Rome.

« Les soixante ans de guerre, qui remplissent les règnes de Pépin et de Charlemagne, offrent peu de victoires, mais des ravages réguliers, périodiques ; ils usaient leurs ennemis plutôt qu’ils ne les domptaient, ils brisaient à la longue leur fougue et leur élan. »87

Jules MICHELET (1798-1874), Histoire de France, tome I (1835)

C’est parfaitement résumer la manière dont les deux premiers Carolingiens, Pépin le Bref, fils de Charles Martel, et son fils Charles, futur empereur Charlemagne, vont se tailler l’un des plus grands empires qu’ait connu l’Europe.

« Quand vous verrez la campagne se hérisser comme d’une moisson de lances, quand les flots assombris du Pô et du Tessin, ne réfléchissant plus que le fer des armes, auront jeté autour des remparts de nouveaux torrents d’hommes couverts de fer, alors vous reconnaîtrez que Charles est proche. »92

Duc OTKZE (VIIIe siècle), à Desiderius, roi des Lombards, 773. De gestis Caroli Magni, moine de Saint-Gall

Le biographe anonyme de Charlemagne trouve un ton shakespearien pour donner à voir la puissance de Charles et de ses troupes, partant à la conquête de la Lombardie. Le plus illustre des rois carolingiens mérite son nom de Charles le Grand, ou Charlemagne, empereur un quart de siècle plus tard.

« Les derniers corps de l’armée royale furent massacrés dans ce passage des Pyrénées. Je n’ai pas à rapporter le nom des morts, ils sont assez connus. »93

L’Astronome du Limousin, biographe anonyme de Louis le Débonnaire. Charlemagne (1877), Alphonse-Anatole Vétault, Léon Gautier

L’Astronome narre ici la destruction de l’arrière-garde de l’armée de Charlemagne, attaquée dans le défilé de Roncevaux par les montagnards vascons (basques), alors que le souverain rentrait d’une campagne contre les Maures en Espagne, le 15 août 778.

Éginhard, biographe de Charlemagne, donne plus de détails, avec quelques noms de chefs francs : « Là périrent, entre autres, Éginhard, sénéchal du roi, Anselme, comte du palais, et Rothland [Roland], gouverneur de la marche de Bretagne. » Selon les sources, les Francs se battent ici contre une milice basque et/ou contre les Sarrasins.

« Ce revers ne put être vengé sur-le-champ, parce que les ennemis, le coup fait, se dispersèrent si bien que nul ne put savoir en quel coin du monde il eut fallu les chercher. »94

ÉGINHARD (vers 770-840), Vie de Charlemagne (écrite dans les années 830)

Allusion au massacre de Roncevaux : défaite transformée en haut fait d’armes, par un de ces miracles dont l’histoire littéraire ne nous livre pas le secret.

« La Chanson de Roland […] est le plus ancien monument de notre nationalité […] Ce n’est pas seulement la poésie française qu’on voit naître avec ce poème. C’est la France elle-même. »95

Louis PETIT de JULLEVILLE (1841-1900), l’un des traducteurs de la Chanson de Roland (anonyme)

L’escarmouche entre les Vascons (Basques) et l’arrière-garde de l’armée de Charlemagne va donner naissance, trois siècles et demi plus tard, à la première chanson de geste en (vieux) français, poème épique de quelque 4 000 vers, maintes fois traduits, et célèbre bien au-delà de la France.
Passage héroïque, celui où le preux Roland refuse de sonner du cor, ce que lui conseille le sage Olivier, préférant se battre et risquer la mort, plutôt que d’alerter Charlemagne et de trouver le déshonneur. « Olivier dit : « Les païens viennent en force, / Et nos Français, il me semble qu’ils sont bien peu. / Roland, mon compagnon, sonnez donc votre cor : / Charles l’entendra et l’armée reviendra. » / Roland répond : « Ce serait une folie ! / En douce France j’en perdrais ma gloire. / Aussitôt, de Durendal, je frapperai de grands coups ; / Sa lame en saignera jusqu’à la garde d’or. / Les païens félons ont eu tort de venir aux cols : / Je vous le jure, tous sont condamnés à mort. » »

Mais Roland va périr avec son compagnon, et toute l’arrière-garde des Francs. Charlemagne le vengera en battant les païens (Sarrasins) avec l’aide de Dieu ; et le traître Gamelon, beau-frère de Charlemagne et beau-père de Roland, qui a organisé le guet-apens par jalousie, sera jugé, condamné à mort et supplicié.

2/ Capétiens directs (987-1328)

« La France fut faite à coups d’épée. La fleur de lys, symbole d’unité nationale, n’est que l’image d’un javelot à trois lances. »126

Charles de GAULLE (1890-1970), La France et son armée (1938)

Formule lapidaire, mais vérité historique : les rois, en particulier les Capétiens, ont dû combattre d’abord les puissants vassaux, ensuite les nations frontalières, pour créer la France.

« Il est interdit d’assaillir son ennemi depuis la neuvième heure du samedi jusqu’à la première heure du lundi. »136

Concile d’Elne (1027). Histoire de France depuis les origines jusqu’à la Révolution (1911), Ernest Lavisse, Paul Vidal de La Blache

Il établit la trêve de Dieu « afin que tout homme puisse rendre ce qu’il doit à Dieu pendant la journée dominicale ». Ce concile ne fait que confirmer un ancien état de fait dans le monde chrétien. La trêve est ensuite étendue du mercredi soir au lundi matin par l’assemblée de Nice en 1041. Puis à de nombreuses périodes de fêtes religieuses (autour de Noël, Pâques, Pentecôte, fête de la Vierge et de divers saints) par des conciles ultérieurs.

C’est dire si la guerre médiévale est codifiée par la religion – et en cela moins inhumaine. Cela n’empêche pas « la folie des Croisades ».

« Tu feras aux Infidèles une guerre sans trêve et sans merci. »129

Sixième commandement du parfait chevalier. La Chevalerie (1960), Léon Gautier

Le Moyen Âge, époque de foi et temps des cathédrales, va vivre sous le signe des croisades, appelées aussi guerres saintes : huit au total, de 1095 à 1270.

« Il y avait bien longtemps que ces deux cœurs, ces deux moitiés de l’humanité, l’Europe et l’Asie, la religion chrétienne et la musulmane, s’étaient perdues de vue, lorsqu’elles furent replacées en face par la croisade, et qu’elles se regardèrent. Le premier coup d’œil fut d’horreur. »166

Jules MICHELET (1798-1874), Histoire de France, tome II (1833)

L’historien du XIXe siècle évoque la première croisade (1096-1099). L’événement épique sollicite naturellement le lyrisme et le romantisme d’une œuvre infiniment riche, basée sur une documentation rigoureuse, et relative non seulement aux faits, mais aussi à tous les aspects de la vie du passé.

« Ils deviendront des soldats, ceux qui, jusqu’à ce jour, furent des brigands ; ils combattront légitimement contre les barbares, ceux qui se battaient contre leurs frères et leurs cousins ; et ils mériteront la récompense éternelle, ceux qui se louaient comme mercenaires pour un peu d’argent. »167

URBAIN II (vers 1042-1099), Concile de Clermont, 1095. Les Croisades (1934), Frantz Funck-Brentano

Ce pape, par ailleurs grand orateur, commence à prêcher la première croisade. Il s’agit d’abord de la « délivrance des Lieux saints » – notamment Jérusalem et le tombeau du Christ – occupés par les musulmans. Le pape encourage cette entreprise militaire, en promettant aux croisés le paradis (indulgence plénière).

Guibert de Nogent, dans son Histoire des croisades, dit l’effervescence qui suivit : « Dès qu’on eut terminé le concile de Clermont, il s’éleva une grande rumeur dans toutes les provinces de France et aussitôt que la renommée portait à quelqu’un la nouvelle des ordres publiés par le pontife, il allait solliciter ses parents et ses voisins de s’engager dans la voie de Dieu. »

« Dieu le veut ! »168

Cri de guerre et de ralliement des croisés, lancé dès la première croisade. Dictionnaire historique, géographique et biographique des croisades (1852), Édouard d’Ault-Dumesnil

Deux expéditions se succèdent, de nature bien différente.

La « croisade populaire » part en 1096, conduite par Pierre L’Hermite et Gautier sans Avoir. Foule de pèlerins à peine armés, indisciplinés, bientôt malades et affamés, ils traversent l’Europe en massacrant les juifs et en pillant pour vivre. Ils seront anéantis en Anatolie.

La croisade des barons part en 1097, forte de 30 000 hommes et de quatre armées qui convergent sur Constantinople, chacune par son chemin. Ces chefs ont pour nom Godefroy de Bouillon, Baudoin de Flandre, Hugues de Vermandois, frère du roi de France, Robert Courteheuse, duc de Normandie, Raymond de Toulouse et Bohémond de Tarente. Une campagne de deux ans les mènera à la prise d’Antioche, d’Édesse et de Jérusalem (1099).

« La folie des croisades est ce qui a le plus honoré la raison humaine. »170

Léon BLOY (1846-1917), La Femme pauvre (1897)

Catholique ardent, visionnaire et mystique, il encense les croisades que, de son côté, Nietzsche qualifie d’« entreprises de haute piraterie ». Ces deux lectures quasiment concomitantes montrent la difficulté de donner un sens aux événements historiques les mieux documentés et la nécessité de préciser les sources.

« Pourquoi, malheureux, massacrez-vous l’armée du Christ, qui est aussi la mienne ? Je n’ai pourtant aucune querelle avec votre empereur. »171

BOHÉMOND Ier (1057-1111), prince normand, janvier 1097. Gesta Francorum, Histoire de la première croisade, anonyme

Futur prince d’Antioche, participant à la première croisade et l’un de ses chefs, il apostrophe des Turcs au service de l’empereur de Byzance, qui ont attaqué l’armée des croisés.

À quoi ils répondent : « Nous ne pouvons pas agir autrement : nous nous sommes loués à la solde de l’empereur, et tout ce qu’il nous ordonne, il nous faut l’accomplir. »

La Gesta Francorum et aliorum Hierosolimitanorum (Geste des Francs et des autres peuples lors du pèlerinage à Jérusalem) ou Histoire anonyme de la première croisade (version française) est un récit écrit entre 1099 et 1101 par un chevalier qui vit l’événement au quotidien. C’est l’une des rares sources originales, témoignage pris sur le vif, naïf, sincère, évidemment partial.

« Entrons ensemble et pillons la ville : que celui qui aura la plus grosse part la garde et que celui qui pourra prendre prenne. »174

BAUDOIN (1058-1118), frère de Godefroy de Bouillon, à Tancrède, neveu de Bohémond, septembre 1097. Gesta Francorum, Histoire de la première croisade, anonyme

Tancrède, parvenu avec les croisés en Turquie, assiège Tarse. Les bourgeois de la ville, tous chrétiens, lui proposent de lui remettre les clés de leur cité. Le comte Baudoin (futur Baudouin Ier, premier roi de Jérusalem) et son armée arrivent, la garnison turque s’enfuit – et les bourgeois remettent les clés. Mais les deux chevaliers se disputent : Baudoin appelle toujours au pillage, Tancrède s’y refuse, et abandonne à Baudoin la ville et sa seigneurie. La ville ne sera pas pillée.

« Sache que cette guerre n’est pas charnelle, mais spirituelle. Sois donc le très courageux athlète de Christ ! »175

BOHÉMOND Ier (1057-1111), au connétable Robert, février 1098. Gesta Francorum, Histoire de la première croisade, anonyme

Les croisés sont parvenus en vue d’Antioche, mais une armée turque de secours est annoncée. Bohémond, seigneur franc et l’un des chefs de la première croisade, vient attendre l’ennemi près du lac d’Antioche (à une trentaine de kilomètres de la ville).

Attaqués par des forces supérieures, les croisés commencent à reculer, quand Bohémond adresse ces mots à son connétable : « Va aussi vite que tu peux comme un vaillant homme. Secours avec énergie la cause de Dieu et du Saint-Sépulcre et sache que cette guerre n’est pas charnelle… » Les Turcs, chargés par les croisés, sont mis en déroute.

« Si vous désirez savoir ce qu’on a fait des ennemis trouvés à Jérusalem, sachez que dans le portique de Salomon et dans le temple, les nôtres chevauchaient dans le sang immonde des Sarrasins et que leurs montures en avaient jusqu’aux genoux. »177

Lettre au pape Urbain II, après la prise de Jérusalem, 15 juillet 1099. Signée par Godefroy de Bouillon (1061-1100), Raymond de Saint-Gilles (1042-1105), comte de Toulouse, et Adhémar de Monteil (??-1098), légat du pape. Recueil des cours, volume LX (1937), Hague Academy of International Law

La population de Jérusalem fut massacrée par les croisés. Le « temple » (esplanade de l’ancien temple d’Hérode) et les rues de la ville ruisselèrent de sang, selon l’auteur de l’Histoire anonyme de la première croisade. Les chroniqueurs chrétiens donnent le chiffre de 80 000 morts musulmans.

« Tuez-les tous ! Dieu reconnaîtra les siens ! »191

Arnaud AMAURY (1135-1225), avant le sac de Béziers, 22 juillet 1209. Dialogi miraculorum (posthume), Césaire d’Heisterbach, savant et religieux allemand du XIIIe siècle

Digne des croisades (1095-1291) et des plus sanglantes guerres de Religion à venir (1562-1598), l’ordre est attribué à Amaury (ou Amalric), abbé de Cîteaux et légat du pape, chargé de ramener les dévoyés à la foi catholique. C’est sans doute une invention de Césaire d’Heisterbach, moine qui conta la prise miraculeuse de Béziers par les croisés de Simon de Montfort, dans ses Dialogi miraculorum.

Chef spirituel de la croisade contre les Albigeois, et même s’il n’a pas donné l’ordre, Amaury écrit dans une lettre à Innocent III : « Sans égard pour le sexe et pour l’âge, vingt mille de ces gens furent passés au fil de l’épée. » Catholiques et cathares confondus, et Dieu reconnaîtra les siens…

« Il s’agissait moins de piller, moins encore de vaincre, que de détruire ; il s’agissait de renvoyer à la pauvreté, à la barbarie et à la servitude ces bourgeois insolents qui osaient se croire hommes à côté des nobles. »196

Simonde de SISMONDI (1773-1842), Histoire des Français (1821-1844)

L’historien voit dans la dévastation de la Flandre en 1213 une tentative désespérée, menée de concert par la féodalité, l’Église et la royauté française pour étouffer dans l’œuf l’esprit de liberté et les promesses de bouleversement révolutionnaire – ce que représentaient à leurs yeux les prospères et turbulentes villes flamandes. On trouve la même opinion chez Michelet, dans son Histoire de France.

Cette dévastation est à l’origine de la coalition que Philippe Auguste va trouver contre lui à Bouvines.

« Une nation est née. La bataille de Bouvines est le premier événement national de notre histoire. »197

Achille LUCHAIRE (1846-1908), Philippe Auguste et son temps (réédité en 1980)

Philippe Auguste s’est aliéné Jean sans Terre, nouveau roi d’Angleterre, en lui confisquant ses fiefs sur le continent. En 1214, Jean sans Terre et Othon de Brunswick, empereur d’Allemagne, forment contre le roi de France une coalition qui réunit nombre de grands féodaux, tels Renaud, comte de Boulogne et Ferrand de Portugal, comte de Flandre. Philippe, appuyé sur les milices communales, va remporter à Bouvines une victoire considérée par les historiens comme « la défaite majeure de la haute féodalité ».

« Ma couronne au plus brave ! »198

PHILIPPE II Auguste (1165-1223), à ses troupes, avant la bataille de Bouvines, 27 juillet 1214. Chroniques du ménestrel de Reims (contemporain anonyme et souvent cité, éditions posthumes à partir du XIXe siècle)

Le roi remporta la victoire et conserva la couronne. Il fait mieux encore. À partir de cette date, la royauté française va développer sa suzeraineté sur les féodaux encore si puissants. Et la dynastie capétienne s’en trouve légitimée. C’est de cette date que Philippe II, Roi Très Chrétien, prend aussi le titre d’Auguste.

La victoire met en verve les vainqueurs. « Jamais depuis ne fut personne qui osa faire la guerre au roi Philippe, mais il vécut depuis en grande paix et toute la terre fut en grande paix un grand moment. » Chroniqueur anonyme, Le Dimanche de Bouvines, 27 juillet 1214.

Philippe Auguste reste dans l’histoire comme un « grand rassembleur de terres » : sous son règne de quarante-trois ans et celui, éphémère, de son fils Louis, ont été opérées des réunions durables et importantes au Domaine royal, soit par mariage et héritage (Amiénois, Vermandois, Artois, Boulenois), soit par conquête (Normandie, Maine, Anjou, Poitou – l’essentiel des fiefs anglais en France).

La paix revenue avec les étrangers, la guerre civile continue : croisade contre les Albigeois presque ininterrompue de 1209 à 1244.

« Beau sire Dieu, gardez-moi mes gens ! »213

LOUIS IX (1214-1270), 1249. L’Épopée des croisades (1936), René Grousset

Prière à Dieu du futur Saint Louis, alors que les Sarrasins lancent contre son armée des feux grégeois - un mélange inflammable, brûlant même au contact de l’eau, employé au Moyen Âge pour la fabrication d’engins incendiaires utilisés au cours des sièges et des combats navals.

La septième croisade a conduit le roi en Égypte, maîtresse des Lieux saints. Il part ensuite en Palestine. Joinville, précieux chroniqueur du règne, accompagne son roi, admire le guerrier et témoigne.

« Jamais ne vis si beau chevalier sous les armes, car il dominait toute sa suite des épaules, son heaume doré sur le chef, son épée en la main. »150

Jean de JOINVILLE (vers 1224-1317), Le Livre des saintes paroles et des bons faits de notre saint roi Louis

Il admire ici le guerrier - à la bataille de Mansourah, en 1250. Joinville accompagne Louis IX en Égypte, lors de la septième croisade (1248). C’est un aspect mois connu du personnage.

C’est plus tard, à la demande de la reine Jeanne (femme de Philippe le Bel) qu’il dictera cette histoire de Saint Louis, achevée en 1309. Il sera très utile, après la mort du roi, pour l’enquête qui va suivre, à la demande du pape Boniface VIII, et aboutira au procès en canonisation.

« Vive la Commune ! Mort aux Français ! »239

Cris du peuple de Bruges, 18 mai 1302. Histoire des Français, volume XIX, nos 1711 à 1742 (1836), Simonde de Sismondi

Massacre des Français : ce sont les Mâtines de Bruges, rappelant les Vêpres siciliennes de 1282. Les « métiers » de Bruges et la plupart des villes flamandes se soulèveront contre le roi de France, en juin.

« Connétable, est-ce que vous avez peur de ces lapins, ou bien avez-vous peur de leur poil ? »240

Robert d’ARTOIS (1250-1302), à Raoul de Nesle, Courtrai, 11 juillet 1302. Histoire des Français (1821-1844), Simonde de Sismondi

Robert d’Artois, cousin du roi, juge inutile la stratégie prudente du connétable Raoul de Nesle, chef de l’armée française, face aux milices communales des Flamands, apparemment en fuite après leur révolte contre l’occupant. Piqué au vif, le connétable décide de charger. Mais cette fuite n’était qu’un piège… et les chevaux des cavaliers français vont s’embourber et chuter !

« Là, on put voir toute la noblesse de France gésir en de profonds fossés, la gueule bée et les grands destriers, les pieds amont et les chevaliers dessous. »241

Frantz FUNCK-BRENTANO (1862-1947), Chronique artésienne, 1295-1304

Dans ce désastre de Courtrai périront Robert d’Artois, Raoul de Nesle et Pierre Flotte (le chancelier), avec 6 000 hommes de pied et chevaliers. La noblesse française est décimée.

Cette « bataille des Éperons d’or » marque un tournant dans l’histoire militaire : pour la première fois, des fantassins (dits piétons) l’emportent sur les cavaliers. Les précieux éperons sont récupérés par les Flamands pour orner l’église Notre-Dame de Courtrai. Beaucoup de Belges verront dans cette victoire l’acte de naissance de leur nation.

« Cette victoire ne saurait être attribuée à aucun homme. Elle est l’œuvre de Dieu. »244

PHILIPPE IV LE BEL (1268-1314), Mons-en-Pevèle, 10 août 1304. La Revue de France, volume XVI (1936), Marcel Prévost, Raymond Recouly

Le roi, à la tête de son armée, a triomphé de l’armée flamande composée de 80 000 hommes, commandés par Guillaume de Juliers et Jean de Namur. 6 000 Flamands restent sur le champ de bataille et Guillaume de Juliers est décapité, sa tête promenée devant la tente de Philippe : deux ans après, c’est la revanche sur le désastre de Courtrai.

« N’aurons-nous donc jamais fait [fini] ? Je crois qu’il pleut des Flamands ! »245

PHILIPPE IV LE BEL (1268-1314), Lille, automne 1304. L’Art de vérifier les dates des faits historiques (1818), David Bailie Warden

Le roi de France, toujours menant ses troupes, renversé avec son cheval, a pu se dégager à coups de hache. Il met ensuite le siège devant Lille et pousse cette exclamation, apprenant l’arrivée d’une nouvelle armée de 60 000 Flamands.

Plutôt que la poursuite de la guerre, il va choisir la diplomatie. Ce sera le traité d’Athis-sur-Orge (23 juin 1305) : les Flamands devront payer une lourde indemnité et démolir toutes leurs fortifications. En gage d’exécution de ces clauses, Philippe occupe Lille, Douai et Béthune. En 1312, les clauses du traité ne sont toujours pas exécutées : le roi annexe les trois villes à titre définitif, en vertu du traité de Pontoise, dit Transport de Flandre. Ainsi, le royaume s’agrandit.

3/ Premiers Valois (1328-1483)

« Qui m’aime me suive ! »279

Philippe VI de VALOIS (1294-1350), avant la bataille du mont Cassel, 23 août 1328. Les Proverbes : histoire anecdotique et morale des proverbes et dictons français (1860), Joséphine Amory de Langerack

Première source de cette expression fameuse : les Grandes Chroniques de France de l’abbaye de Saint-Denis. C’est le « roman des roys », entrepris à la demande de Louis IX, précieux manuscrit enrichi d’enluminures, compilation de documents, qui nous conte l’histoire de la monarchie, des origines jusqu’à la fin du XVe siècle.

Devenu régent à la mort de Charles IV, Philippe de Valois, neveu de Philippe le Bel, s’est fait couronner roi le 29 mai 1328, la veuve de Charles IV ayant mis au monde une fille posthume, écartée du trône par la loi salique.

Le roi veut aider Louis Ier de Nevers, comte de Flandre, qui fait appel à lui pour mater la révolte des Flamands sur ses terres. Il prend conseil auprès des barons qui l’ont élu le 29 mai dernier, mais qui protestent, trouvant la saison trop avancée dans l’été pour partir en campagne. Mieux vaut attendre. Le connétable de France, Gautier de Châtillon, n’est pas de cet avis et le dit bien haut : « Qui a bon cœur trouve toujours bon temps pour la bataille. »

À ces mots, le roi embrasse son connétable (chef des armées) et lance cet appel : « Qui m’aime me suive ! » Et tous les barons le suivent. L’autorité de ce premier Valois encore contesté s’en trouve renforcée.

« Nous conquerrons par notre puissance notre héritage de France, et, de ce jour, nous vous défions et vous tenons pour ennemi et adversaire. »281

ÉDOUARD III d’Angleterre (1327-1377), Lettre à Philippe VI de Valois, 19 octobre 1337. Archers et arbalétriers au temps de la guerre de Cent Ans (2006), Joël Meyniel

Cette « lettre de défi » vaut déclaration de guerre. Le roi d’Angleterre, petit-fils de Philippe le Bel par sa mère, Isabelle de France, revendique son héritage. Philippe de Valois, certes élu par les barons français, est malgré tout le premier roi à n’être pas fils de roi, mais seulement neveu du dernier Capétien, dédaigneusement appelé « le roi trouvé », par les Flamands révoltés.

Entre la France et l’Angleterre, c’est la « guerre larvée », avant la guerre ouverte : une guerre dynastique de cent ans ! Fin 1337, premières escarmouches navales et terrestres. Les Anglais veulent s’assurer des alliés sur le continent : les Flamands, avec qui ils signent un traité de commerce favorable à ces négociants toujours en quête de débouchés pour leurs draps et leurs laines.

En 1340, Édouard III se proclame « roi de France et d’Angleterre » et sa flotte bat la flotte française à l’Écluse. Après deux trêves sans lendemain, les Anglais débarquent dans le Cotentin. Multipliant les raids victorieux, ils remontent la Somme, et arrivent presque aux portes de Paris, à Crécy.

« Si lui mua le sang, car trop les haïssait. »282

Jean FROISSART (vers 1337-vers 1400), parlant du roi de France face aux Anglais, bataille de Crécy, 26 août 1346. Histoire de France depuis les origines jusqu’à la Révolution (1911), Ernest Lavisse, Paul Vidal de La Blache

Le chroniqueur conte par le menu les hauts faits de la chevalerie. Cette fois, le désastre va être complet, pour les Français. À la vue des Anglais, Philippe VI perd son sang-froid et charge imprudemment. C’est le premier choc frontal de la guerre de Cent Ans.

Et pour la première fois, l’artillerie apparaît sur un champ de bataille.

« Ces bombardes menaient si grand bruit qu’il semblait que Dieu tonnât, avec grand massacre de gens et renversement de chevaux. »283

Jean FROISSART (vers 1337-vers 1400), Chroniques, bataille de Crécy, 26 août 1346

Les canons anglais, même rudimentaires et tirant au jugé, impressionnent les troupes françaises, avec leurs boulets de pierre. L’artillerie anglaise, jointe à la piétaille des archers gallois, décime la cavalerie française réputée la meilleure du monde, mais trop pesamment cuirassée pour lutter contre ces armes nouvelles. À cela s’ajoutent un manque d’organisation total, l’incohérence dans le commandement, la panique dans les rangs.

C’est la fin de la chevalerie en tant qu’ordre militaire. C’est aussi une révolution dans l’art de combattre. Malheureusement, les Français n’ont pas compris la leçon, à cette première défaite.

« Là périt toute la fleur de la chevalerie de France : et le noble royaume de France s’en trouva cruellement affaibli, et tomba en grande misère et tribulation. »297

Jean FROISSART (vers 1337-vers 1400), Chroniques

Le chroniqueur dresse le bilan de la bataille de Poitiers : « Avec le roi et son jeune fils Monseigneur Philippe, furent pris dix-sept contes, outre les barons, chevaliers et écuyers et six mille hommes de tous rangs. » Chiffres considérables pour l’époque et « fortuneuse bataille » pour les Anglais : leur Prince Noir a capturé le roi de France ! Il a aussi ordonné le massacre des soldats français blessés qui ne pouvaient payer rançon, chose contraire à toutes les règles de la chevalerie – une légende veut qu’il en ait eu grande honte devant son père, le roi d’Angleterre, et qu’il ait alors mis son armure à la couleur du deuil.

Jean II le Bon a préféré se rendre plutôt que fuir, pensant que son sacrifice allait sauver l’honneur perdu de l’armée. En fait, la France va le payer très cher. Outre la guerre à financer, il faut verser la rançon du roi prisonnier en Angleterre : 4 millions d’écus d’or, somme proportionnelle à son prestige. Les impôts s’alourdissent (gabelle et taille). Les paysans pauvres, les Jacques, vont se révolter (d’où le mot de « jacquerie »), tandis que les Grandes Compagnies (bandes de mercenaires bien organisées) pillent et rançonnent les plus riches provinces. Et pour comble, Paris va se soulever contre le pouvoir royal représenté par le dauphin Charles, la guerre civile s’ajoutant alors à la guerre étrangère.

« [Ils] pillent, ardent, rançonnent, destruent tout le pays, mettent à mort et tiennent prisonniers tous les hommes et ravissent et déshonorent toutes les femmes qu’ils peuvent trouver. »303

Chroniques du Laonnois. Histoire de la France et des Français (1972), André Castelot, Alain Decaux

Mêmes événements et témoignages comparables, en Normandie, Bourgogne, Languedoc et un peu partout en France. Les mercenaires recrutés par les divers belligérants constituent des bandes solidement armées, qui refusent de se dissoudre en cas de trêve ou de paix et forment les Grandes Compagnies. La plupart sont retranchées dans des forteresses qu’elles ont conquises et d’où elles s’élancent pour piller et rançonner alentour. Ce brigandage d’une cruauté et d’une rapacité sans bornes devient l’un des pires fléaux du Moyen Âge.

« La journée est nôtre, mes amis ! »308

Bertrand DU GUESCLIN (1320-1380), Cocherel, 16 mai 1364. Chronique de Charles le Mauvais (1963), François Piétri

La guerre a repris, après quatre ans de trêve, à la suite du traité de Brétigny (1360) qui a libéré le roi Jean II le Bon, mais laissé aux Anglais Calais, le Poitou et le Sud-Ouest – soit un tiers de la France.

Les Français ont désormais dans leur rang un vaillant capitaine : Du Guesclin, 45 ans, l’aîné de dix enfants d’une famille bretonne.

Pour fêter l’avènement du nouveau roi, il affronte près d’Évreux les Anglo-Navarrais, commandés par Charles le Mauvais. Prenant leçon des erreurs commises à Crécy et Poitiers, Du Guesclin adopte une nouvelle tactique de harcèlement, contraignant l’ennemi à un corps à corps où les archers anglais deviennent inutiles.

« Les archers d’Angleterre, légèrement armés, frappaient et abattaient les Français à tas, et semblaient que ce fussent enclumes sur quoi ils frappassent […] et churent les nobles français les uns sur les autres, plusieurs y furent étouffés et les autres morts ou pris. »323

Jean JUVÉNAL (ou Jouvenel) des URSINS (1350-1431), Chronique de Charles VI

Le roi d’Angleterre Henri V débarque près de l’embouchure de la Seine, en août 1415. Le 25 octobre, Anglais et Français s’affrontent à Azincourt.

Les chevaliers français, empêtrés dans des armures pesant plus de 20 kg, sont une fois encore décimés par les archers anglais. Comme le déclare l’un des témoins oculaires de la bataille, Lefebvre de Saint-Rémy : « C’était pitoyable chose à voir, la grande noblesse qui là avait été occise, lesquels étaient déjà tout nus comme ceux qui naissent de rien. »

La seconde période de la guerre de Cent Ans débute bien mal : 7 000 Français tués, pour la plupart chevaliers, 1 500 prisonniers, dont le duc Charles d’Orléans qui passera vingt-cinq années de captivité à écrire des poèmes.

« Roi d’Angleterre et vous, duc de Bedford, rendez à la Pucelle qui est ici envoyée par le roi du Ciel, les clefs de toutes les bonnes villes que vous avez prises et violées en France. »340

JEANNE d’ARC (1412-1431), Lettre au roi d’Angleterre et au duc de Bedford, 22 mars 1429. Histoire des ducs de Bourgogne et de la maison de Valois (1835), baron Frédéric Auguste Ferdinand Thomas de Reiffenberg

Rappelons que le duc de Bedford est régent, le roi d’Angleterre n’ayant que 8 ans. Par le traité de Troyes, le roi cumule les deux couronnes, de France et d’Angleterre.

La chevauchée fantastique de Jeanne et de ses compagnons remonte la Loire pour entrer par le fleuve dans Orléans assiégée par l’ennemi, le 29 avril.

« Vous, hommes d’Angleterre, qui n’avez aucun droit en ce royaume, le roi des Cieux vous mande et ordonne par moi, Jehanne la Pucelle, que vous quittiez vos bastilles et retourniez en votre pays, ou sinon, je ferai de vous un tel hahu [dommage] qu’il y en aura éternelle mémoire. »341

JEANNE d’ARC (1412-1431), Lettre du 5 mai 1429. Présence de Jeanne d’Arc (1956), Renée Grisell

Le 4 mai, à la tête de l’armée de secours envoyée par le roi et commandée par le Bâtard d’Orléans (jeune capitaine séduit par sa vaillance, et fils naturel de Louis d’Orléans, assassiné), Jeanne attaque la bastille Saint-Loup, et l’emporte. Le 5 mai, fête de l’Ascension, on ne se bat pas, mais elle envoie par flèche cette nouvelle lettre.

Le 7 mai, elle attaque la bastille des Tournelles. Après une rude journée de combat, Orléans est libérée. Le lendemain, les Anglais lèvent le siège. Et toute l’armée française, à genoux, assiste à une messe d’action de grâce.

« Entrez hardiment parmi les Anglais ! Les Anglais ne se défendront pas et seront vaincus et il faudra avoir de bons éperons pour leur courir après ! »342

JEANNE d’ARC (1412-1431), Harangue aux capitaines, Patay, 18 juin 1429. 500 citations de culture générale (2005), Gilbert Guislain, Pascal Le Pautremat, Jean-Marie Le Tallec

Nouvelle victoire, à Patay : défaite des fameux archers anglais, et revanche de la cavalerie française. Ensuite, Auxerre, Troyes, Chalons ouvrent la route de Reims aux Français qui ont repris confiance en leurs armes et se réapproprient leur terre de France.

« Paix est trésor qu’on ne peut trop louer.
Je hais guerre, point ne doit la priser. »266

Charles d’ORLÉANS (1394-1465), Ballade, vers 1430. Histoire de la langue française jusqu’à la fin du XVIe siècle (1881), Arthur Loiseau

Ce prince, petit-fils de Charles V et père du futur Louis XII, prisonnier à Azincourt en 1415, demeura vingt-cinq ans captif en Angleterre, faute de pouvoir payer sa rançon ! « Les chansons les plus françaises que nous ayons furent écrites par Charles d’Orléans. Notre Béranger du XVe siècle, tenu si longtemps en cage, n’en chanta que mieux » (Jules Michelet, Histoire de France).

Ces vers disent un désir de paix qui se retrouve dans les deux camps et dans toutes les classes de la population. Après la reconquête d’une partie de la France anglaise (Nord et Centre), Charles VII et le duc de Bourgogne, réconciliés, signent la paix d’Arras (1435). Ce renversement des alliances ramène l’espoir dans le pays. Paris est repris en avril 1436, et le roi y fait une « joyeuse entrée », le 12 novembre 1437.

Mais la paix d’Arras laisse « sans emploi » les bandes de mercenaires bourguignons. Voici revenu le temps des Grandes Compagnies, des routiers, et des écorcheurs qui sèment le désordre et la terreur. Une épidémie de peste décime la population, puis c’est la famine. Et la guerre de Cent Ans avec les Anglais n’est pas finie.

« Réjouis-toi, franc royaume de France.
À présent, Dieu pour toi combat ! »357

Charles d’ORLÉANS (1391-1465), bataille de Formigny, 18 avril 1450. Histoire des Français (1972), Pierre Gaxotte

Les Anglais ont rompu la trêve de Tours, ayant pris Fougères, et n’ont pas tenu leur parole d’évacuer Le Mans. Le Conseil royal autorise la guerre à outrance. C’est la reconquête de la Normandie. La victoire de la nouvelle armée française à Formigny a un immense retentissement dans le pays : 4 000 tués ou blessés, 1 200 prisonniers anglais, et seulement 12 morts français.

C’est le « début de la fin » de la guerre de Cent Ans, et la chevauchée du roi à la reconquête de son royaume, avec son connétable Richemont et Dunois, le Bâtard d’Orléans, déjà présent lors de l’épopée de Jeanne d’Arc.

« Faites le gast [dégât] en manière qu’il n’y demeure un seul arbre portant fruit sur bout, ni vigne qui ne soit coupée. »379

LOUIS XI (1423-1483), Lettre à Ymbert de Batarnay, 10 mars 1475. Histoire de France depuis les origines jusqu’à la Révolution (1911), Ernest Lavisse, Paul Vidal de La Blache

Le roi charge son grand chambellan et très fidèle conseiller de reprendre le Roussillon. Province la plupart du temps sous domination française de 1462 à 1492, ses villes connurent un bel essor économique, surtout Perpignan. Jean d’Aragon, comte de Barcelone, l’a laissée en gage à Louis XI et le Roussillon a été uni au Domaine, le 16 juin 1463, mais il se révolte durant l’été 1472, et Jean d’Aragon en profite pour y rétablir son autorité.

Perpignan vit un terrible siège de huit mois, d’où son titre de Fidelissima vila (Fidèle Ville) donné par Jean d’Aragon. Une partie de la population émigra ensuite vers Barcelone, pour échapper à la répression. La reconquête est si dure que la province est nommée « le cimetière aux Français ».

Louis XI se fait craindre et se soucie peu de se faire aimer. Sa devise reflète ce trait de caractère : « Qui s’y frotte, s’y pique. » Mais l’emblème est le chardon, non pas le hérisson.

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