Thiers : « La République existe, elle est le gouvernement légal du pays, vouloir autre chose serait une nouvelle révolution et la plus redoutable de toutes. » | L’Histoire en citations
Chronique du jour

 

Troisième République

La République conservatrice existe

Thiers est renversé par la droite conservatrice, et Mac-Mahon lui succède (24 mars 1873). Le populaire maréchal est royaliste, mais il comprend que la restauration d’« Henri V » est impossible. Il conserve donc la présidence de la République et entend instaurer l’« Ordre moral » dans le pays.

Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.

« La République existe, elle est le gouvernement légal du pays, vouloir autre chose serait une nouvelle révolution et la plus redoutable de toutes. »2422

Adolphe THIERS (1797-1877), Discours de rentrée parlementaire, 13 novembre 1872

Discours parlementaires de M. Thiers : 1872-1877 (posthume, 1883).

Le Président veut défendre « sa » République qui n’est toujours qu’un régime provisoire. Il assure que c’est « le régime qui nous divise le moins » (autre idée « opportuniste ») et met en garde les monarchistes, majoritaires de l’Assemblée.

« La République sera conservatrice ou elle ne sera pas. »2423

Adolphe THIERS (1797-1877), Discours de rentrée parlementaire, 13 novembre 1872. Les Opportunistes : les débuts de la République aux républicains (1991), Léo Hamon

Il prêche toujours pour sa paroisse, en l’occurrence sa personne. Et d’insister : « Tout gouvernement doit être conservateur et nulle société ne pourrait vivre sans un gouvernement qui ne le serait point. » Il vise alors les républicains avancés de l’Assemblée.

C’est la tactique classique du « un coup à droite, un coup à gauche ». Fort de son autorité, Thiers veut rassurer le pays et pour faire la République, jouer l’alliance des républicains modérés et des orléanistes, contre les extrêmes : légitimistes ultras inconditionnels du drapeau blanc et nostalgiques de la Commune révolutionnaire (…)

« Cette presse démagogique qui sollicite l’ouvrier, l’attend à son retour du travail, prend place avec lui au café et au cabaret. »2424

Jean-Chrysogone GUIGUE de CHAMPVANS (1813-1900), préfet du Gard. Histoire générale de la presse française : de 1871 à 1940 (1969), Claude Bellanger

Cet homme politique de la droite légitimiste fait allusion aux brochures de cinq à trente centimes, diffusées par les colporteurs et répandant la propagande républicaine jusque dans les campagnes, dans les années 1872-1873.

Est-ce l’efficacité de ces petits journaux, mais les républicains gagnent pratiquement toutes les élections partielles à l’Assemblée.

Nommé préfet du Gard en 1871, Guigue de Champvans prend des mesures rigoureuses contre cette presse démocratique (…)

« Ce qui peut m’arriver de pire, c’est d’être fusillé, cela vaut mieux que de mourir en exil et dans son lit. »2425

NAPOLÉON III (1808-1873). Napoléon III et le Second Empire (2004), Walter Bruyère-Ostells

Il préméditait de rentrer en France clandestinement et de soulever Lyon avec le général Bourbaki, commandant de la garde impériale au début de la guerre de 1870. En fait, l’empereur déchu mourra en exil (en Angleterre) et dans son lit (des suites d’une opération à la vessie), le 9 janvier 1873. Il reste encore au mouvement bonapartiste le jeune prince impérial, poussé par sa mère Eugénie.

« Vous faites appel à mon patriotisme… soit, j’accepte ! »2426

MAC-MAHON (1808-1893), 18 mai 1873. Cent ans de République (1970), Jacques Chastenet

Chef de l’armée à 65 ans, héros du siège de Malakoff (« J’y suis, j’y reste »), vaincu et prisonnier à Sedan, mais vainqueur à la tête des Versaillais contre les insurgés de la Commune, ce qui lui vaut une nouvelle popularité. Réputé pour sa piété, son honnêteté, l’homme n’a rien d’un politique. Gambetta méprise « ce caporal, le plus insignifiant des reîtres de l’Empire », et Thiers ne l’appelle que « cet imbécile de maréchal ». Et pourtant…

Monarchiste, il s’est entendu avec le duc de Broglie pour occuper la présidence de la République et rétablir ensuite la monarchie – étonnant marché. Reste à se débarrasser de Thiers, de plus en plus contesté par les conservateurs.

« Il faut tout prendre au sérieux, mais rien au tragique. »2427

Adolphe THIERS (1797-1877), Discours à la Chambre des députés, 24 mai 1873. Annales de l’Assemblée nationale, volume XVIII (1873), Assemblée nationale

Contesté pour son parti pris républicain par les monarchistes majoritaires, Thiers a perdu son droit de parole à l’Assemblée (…)

La veille, de Broglie l’a interpellé sur la nécessité de défendre l’« ordre moral (…) Le 24 mai au matin, avant la séance à la Chambre, il réaffirme sa position républicaine : « La monarchie est impossible : il n’y a qu’un trône, et on ne peut l’occuper à trois ! » Outre le comte de Paris et le comte de Chambord, il y a encore le prince impérial, fils de Napoléon III.

L’après-midi, en son absence, par 360 voix contre 334, l’Assemblée vote un blâme contre Thiers. Il offre sa démission. Il n’y est pas obligé, mais il est sûr qu’on le rappellera, sa position en sera renforcée. Le soir, sa lettre est lue à l’Assemblée, qui procède aussitôt à l’élection du nouveau président. La gauche s’abstient, et Mac-Mahon, candidat des royalistes, est élu. Thiers a joué, et perdu.

« La présidence est un enfer, je n’y retournerai pas. Et vous-même, mon cher Maréchal, n’y entrez pas. Aujourd’hui le pouvoir est un guêpier dans lequel une nature militaire telle que la vôtre perdrait patience en quarante-huit heures. »2428

Adolphe THIERS (1797-1877), 24 mai 1873. Cent ans de République (1970), Jacques Chastenet

Dans la nuit qui suit la démission de Thiers et l’élection à la présidence de Mac-Mahon, le « cher Maréchal » s’est rendu au domicile de Thiers, au cas où celui-ci regretterait sa lettre de démission. En vieux routier de la politique, Thiers lui tient ce discours, sans résultat. Mac-Mahon reste droit dans ses bottes, investi de sa mission monarchique. Il sera donc président de la République.

« Avec l’aide de Dieu, le dévouement de notre armée qui sera toujours l’esclave de la loi, l’appui de tous les honnêtes gens, nous continuerons l’œuvre de la libération du territoire et du rétablissement de l’ordre moral dans notre pays. »2429

MAC-MAHON (1808-1893), Message présidentiel du 25 mai 1873. Histoire de France contemporaine depuis la Révolution jusqu’à la paix de 1919 (1921), Ernest Lavisse, Philippe Sagnac

Le nouveau président de la République définit ainsi la politique du ministère de Broglie qu’il vient d’appeler. Cet « ordre moral » va, aux yeux de l’histoire, caractériser ce gouvernement. La formule est assez vague pour avoir l’accord de la majorité monarchiste, sans raviver les disputes entre légitimistes et orléanistes (…)

« Le duc de Broglie caresse la France, mais c’est à rebrousse-poil ! »2430

Edmond ABOUT (1828-1885). Cent ans de République (1970), Jacques Chastenet

Écrivain en même temps que journaliste politique, cet anticlérical déplore les mesures prises par le nouveau ministère.

L’« ordre moral », c’est d’abord le renforcement de la puissance de l’Église catholique et de son ascendant sur les masses pratiquantes.

« Sauvez Rome et la France Au nom du Sacré-Coeur ! »2431

Chant de ralliement des pèlerins monarchistes à Notre-Dame de Chartres et à Paray-le-Monial, les 27 et 28 mai 1873. Annales de l’École libre des sciences politiques, volume VI (1891), École libre des sciences politiques

Une cinquantaine de députés, cierge à la main, marchent en tête des 20 000 pèlerins (…)

Pèlerinages, processions, manifestations cléricales vont cependant moins soutenir que compromettre le ministère. Le duc de Broglie lui-même parle de « bizarreries cléricales », de « regrettables ostentations ».

Renan, Taine, Flaubert l’accusent d’« obscurantisme », et Gambetta aura beau jeu de crier bientôt : « Le cléricalisme, voilà l’ennemi ! »

« Le roi a été assassiné, rien ne sera stable en France tant que le sceptre ne retournera pas au sang légitime. »2432

Louis VEUILLOT (1813-1883), L’Univers. La Fièvre hexagonale : les grandes crises politiques de 1871 à 1968 (1987), Michel Winock

Le « roi assassiné » est Louis XVI et le « sang légitime » est celui du comte de Chambord, prétendant légitimiste au trône de France. Veuillot, directeur du journal L’Univers de 1848 à 1874, est le chantre d’un courant de populisme chrétien qui régente les esprits d’une bonne partie des 220 000 religieux et religieuses que compte le clergé.

« Je sens une odeur de sacristie qui monte. »2433

George SAND (1804-1876), Lettre à Flaubert (1873). Cent Ans de République (1970), Jacques Chastenet

Le régime d’attente et de conservatisme fait l’objet de très vives attaques. Les républicains, en province, agitent devant les paysans l’épouvantail d’une restauration qui, en même temps qu’un roi, risque de ramener la dîme et les privilèges nobiliaires ! Les bonapartistes, souvent anticléricaux eux aussi, mènent à nouveau campagne et vont connaître un regain de popularité aux élections partielles.

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