Le CV des acteurs de l’Histoire (Seconde Guerre mondiale, Quatrième et Cinquième République sous de Gaulle) | L’Histoire en citations
Édito de la semaine

Le CV est l’acronyme du latin « curriculum vitae », déroulement de la vie. Mot courant et commode, il est parfaitement applicable aux personnages de l’Histoire en citations.

Vocation de jeunesse (dans l’armée ou le clergé, les arts ou la politique), petits boulots alimentaires, premiers ou seconds métiers (avocat, médecin, enseignant, historien, journaliste…), galères dorées ou de misère, ambition déclarée ou hasard d’une rencontre, carrière classique ou chaotique, célébrité précoce ou tardive, fin de vie brutale ou confortable, tous les cas existent ! Le destin décide souvent, c’est aussi affaire de caractère. Mais le contexte historique reste le facteur déterminant : guerres de Religion, Fronde, Révolution(s), Commune, Guerres mondiales, Mai 68.

V. Seconde Guerre mondiale, Quatrième et Cinquième République sous de Gaulle : authentiques batailles des hommes et des idées.

Les événement s’imposent et s’enchaînent (guerres, reconstruction, planification, décolonisation, Mai 68), des Noms s’opposent (de Gaulle contre Pétain, Sartre contre Camus…), des juristes créent le cadre institutionnel de la nouvelle République et de l’Europe, des « fils du peuple » font carrière, y compris dans le syndicalisme, et l’ENA (École nationale d’administration fondée par de Gaulle en 1945) forme des hauts fonctionnaires qui se retrouveront aux plus hauts rangs de la vie politique (4 présidents de la République, 9 Premiers ministres, nombreux ministres).

Les femmes (toujours minoritaires) ont enfin droit de cité, un premier écologiste entre en politique (René Dumont), l’économie et la finance font souvent la loi. La bataille des idées et des hommes continue d’enflammer la presse, les nouveaux médias et l’opinion publique.

32 NOMS : Maréchal Pétain – Général de Gaulle – Jean Moulin – Jean Zay – Pierre Brossolette – Antoine de Saint-Exupéry – Robert Brasillach – Louis Aragon – Jean Monnet – Maurice Schumann – Édouard Herriot – Albert Camus – Jean-Paul Sartre – Simone de Beauvoir – Gisèle Halimi – Antoine Pinay – Abbé Pierre – Mendès France – Françoise Giroud – Vincent Auriol – René Coty – Michel Debré – Gaston Monnerville – Alain Peyrefitte – Jean-Jacques Servan-Schreiber – Jean Lecanuet – René Dumont – André Malraux – François Mauriac – Edgar Faure – Pierre Poujade – Jean-Marie Le Pen – Daniel Cohn-Bendit.

SECONDE GUERRE MONDIALE

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Maréchal Pétain : militaire de carrière, chef de l’État sous la Seconde Guerre mondiale.

« J’ai été avec vous dans les jours glorieux. Chef du gouvernement, je suis et je resterai avec vous dans les jours sombres. Soyez à mes côtés. Le combat reste le même. Il s’agit de la France, de son sol, de ses fils. »2757

Maréchal PÉTAIN (1856-1951), Conclusion de l’appel lancé à la radio, 20 juin 1940. Pétain et les Allemands (1997), Jacques Le Groignec

C’est le come-back du héros de la Première Guerre mondiale, le très populaire vainqueur de Verdun (1916) face aux Allemands : « On les aura ! ». Dans un duo-duel tragique avec le général de Gaulle, cette autre voix de la France parle aux Français pas encore vraiment déchirés entre les deux : cette radio nationale et officielle est bien plus écoutée.

Rappelé au pouvoir à 84 ans, nommé président du Conseil des ministres par le président de la République Albert Lebrun, Pétain dénonce les causes de la défaite et son constat n’est pas discutable : « Trop peu d’enfants, trop peu d’armes, trop peu d’alliés. » Tel un père sévère, le vieux maréchal fait la morale : « Depuis la victoire [de 1918], l’esprit de jouissance l’a emporté sur l’esprit de sacrifice. On a revendiqué plus qu’on a servi. On a voulu épargner l’effort. » L’armistice sera signé le 22 juin à Rethondes, très symboliquement dans le wagon où le maréchal Foch imposa à l’Allemagne vaincue les clauses de l’armistice du 11 novembre 1918. Il prend effet le 25. Le 10 juillet 1940, l’Assemblée nationale (réunion du Parlement composé de la Chambre des députés et du Sénat) est convoquée à Vichy (Allier) et vote les pleins pouvoirs pour le maréchal. Cette dictature légale met fin à la (Troisième) République.

De la défaite à la Libération, la France vaincue vit un « naufrage » avec Pétain avant d’être sauvée par de Gaulle, la Résistance, les Alliés.

Général de Gaulle : militaire de carrière, sous-secrétaire d’État à la Guerre et à la Défense nationale (gouvernement Reynaud), à la tête de la Résistance (1940-44), président du Gouvernement provisoire en 1944-46, président du Conseil, fin 1958, président de la République en 1959-69, historien.

« On ne fait rien de grand sans de grands hommes, et ceux-ci le sont pour l’avoir voulu. »2726

Charles de GAULLE (1890-1970), Le Fil de l’épée (1932)

La volonté et la croyance en son étoile sont venues très tôt au militaire pas encore bien haut dans la hiérarchie militaire ni bien important dans les affaires de son pays – ce sens du destin le rapproche de Napoléon Bonaparte qui le précède sur le podium de l’Histoire en citations. De Gaulle, autre génie du Verbe et de l’Action, se fait d’abord connaître par cet écrit d’histoire politique où il évoque « le Caractère, vertu des temps difficiles ».

Il marque l’Histoire sous la Seconde Guerre mondiale : « Un fou a dit « Moi, la France » et personne n’a ri parce que c’était vrai. » (François Mauriac). Simple général de brigade à titre temporaire, Charles de Gaulle en juin 1940, absolument seul et contre le destin, refuse la défaite entérinée par le gouvernement légal de la France face à l’Allemagne nazie, continue la lutte dans l’Angleterre toujours en guerre, mobilise des résistants, combattants français de plus en plus nombreux à entendre cette voix de la France parlant espoir et grandeur, se fait reconnaître non sans peine des Alliés, déchaîne des haines et des passions également inconditionnelles… et permet à la France d’être présente au jour de la victoire finale.

Après une traversée du désert politique, de Gaulle fera un come-back réussi, rappelé au pouvoir pour en finir avec « les événements en Algérie », en réalité une guerre civile qui divise les Français, avec des dizaines de milliers de morts de part et d’autre de la Méditerranée. On lui doit aussi la réforme des institutions donnant naissance à la Cinquième République.  Ébranlé par Mai 68, mais vainqueur aux législatives de juin, le président démissionne en avril 1969, après l’échec de son dernier référendum : « Cas sans précédent de suicide en plein bonheur », autre citation de Mauriac, chroniqueur politique et gaulliste en même temps que romancier.

Jean Moulin : préfet, marchand d’art, résistant et martyre, panthéonisé.

« Je ne savais pas que c’était si simple de faire son devoir quand on est en danger. »2748

Jean MOULIN (1899-1943), Lettre à sa mère et à sa sœur, 15 juin 1940. Vies et morts de Jean Moulin (1998), Pierre Péan

Sous-préfet à 27 ans (le plus jeune de France), chargé en 1936 d’acheminer vers l’Espagne républicaine le matériel de guerre soviétique, préfet de l’Aveyron à 38 ans (le plus jeune de France aussi), préfet d’Eure-et-Loir en janvier 1939, il refusera, le 17 juin, de signer une déclaration accusant de crimes de guerre les troupes coloniales engagées dans le secteur de Chartres. Révoqué comme franc-maçon par le gouvernement de Vichy en juillet, il rejoindra de Gaulle à Londres en automne. Il incarne mieux que personne la Résistance dont il est tout à la fois le chef (président du Conseil national de la Résistance), le héros, le martyr, le symbole.

Sa panthéonisation le 19 décembre 1964 fut l’occasion d’un des grands discours de Malraux : Entre ici, Jean Moulin, avec ton terrible cortège. Avec ceux qui sont morts dans les caves sans avoir parlé, comme toi; et même, ce qui est peut-être plus atroce, en ayant parlé; avec tous les rayés et tous les tondus des camps de concentration, avec le dernier corps trébuchant des affreuses files de Nuit et Brouillard, enfin tombé sous les crosses; avec les huit mille Françaises qui ne sont pas revenues des bagnes, avec la dernière femme morte à Ravensbrück pour avoir donné asile à l’un des nôtres. Entre avec le peuple né de l’ombre et disparu avec elle - nos frères dans l’ordre de la Nuit… »

Malgré le travail des biographes et autres historiens qui ont pu interroger nombre de témoins, beaucoup de zones d’ombre demeurent sur sa vie et sa mort, son cryptocommunisme, sa franc-maçonnerie réelle ou supposée, ses relations problématiques avec de Gaulle, les conditions de son arrestation.

Jean Zay : avocat, député, ministre, assassiné par la Milice à 39 ans.

« Malheur à celui sur lequel se referme la porte d’une prison et qui n’a point de vie intérieure, qui ne saura s’en créer ! A moins qu’il ne soit une simple brute, toutes les souffrances l’attendront et se multiplieront à l’envi. Pour lui, ni refuge, ni trêve. Aura-t-il même cette ressource inépuisable : le recours au souvenirs ? »

Jean ZAY (1904-1944), Souvenirs et solitude (posthume)

Parcours classique d’un homme de bonne volonté, mais c’est un surdoué, la France entre en guerre, il est juif et meurt assassiné à moins de 40 ans. Comme la Révolution, cette époque va offrir maints exemples de destins brisés.

Jean Zay crée un premier journal au lycée et une revue littéraire comme étudiant. Très tôt engagé en politique (républicain et laïque), inscrit au Parti radical à sa majorité (21 ans) et initié à la franc-maçonnerie, il est avocat à 24 ans, député radical-socialiste du Loiret à 27 ans, ministre visionnaire de l’Éducation nationale et des Beaux-Arts à 31 ans sous le Front Populaire de Léon Blum. Il engage une série de réformes parfois révolutionnaires et toujours humanistes : « J’ai essayé de répondre à la nécessité pour les enfants d’apprendre peut-être un peu moins, mais sûrement mieux. » Il lance aussi le Festival de Cannes…

L’irrésistible ascension s’arrête avec la guerre. Il s’engage dans l’armée en 1939, s’embarque en juin 1940 à bord du Massilia, paquebot de ligne réquisitionné pour transporter des personnalités politiques vers les territoires de l’Afrique française du Nord. Débarqué au Maroc (suite à une grève de l’équipage), arrêté pour « désertion devant l’ennemi » et visé comme juif, renvoyé en métropole, interné par le régime de Vichy le 20 août 1940, condamné en octobre pour désertion au bagne (comme le juif Dreyfus et le symbole est clair), il est finalement emprisonné à la maison d’arrêt de Riom (ou un autre juif, Léon Blum, subira un procès politique). 20 juin 1944, trois miliciens se font passer pour des résistants et viennent le chercher pour l’abattre. Il n’a pas quarante ans.

Réhabilité le 5 juillet 1945 par la cour d’appel de Riom, il est panthéonisé en 2015 avec Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Germaine Tillion et Pierre Brossolette, « grandes figures qui évoquent l’esprit de résistance ».

Pierre Brossolette : normalien devenu journaliste, résistant, arrêté, torturé, suicidé à 40 ans.

« Saluez-les, Français ! Ce sont les soutiers de la gloire. »,

Pierre BROSSOLETTE (1903-1944), Discours à la BBC, le 22 septembre 1942, à propos des résistants

Aussi précoce et brillant que Jean Zay, reçu premier à l’École normale supérieure et deuxième à l’agrégation d’histoire-géographie (ayant renoncé à traiter en 45mn un sujet qui n’en vaut que sept !), initié à la franc-maçonnerie, adhérent à la SFIO, journaliste dans la presse de gauche, dénonçant à la Radio PTT (radio d’État) où il travaillait en 1938 les accords de Munich, cette honte qui n’évitera pas la guerre, il est licencié en janvier 1939. Mobilisé dans la bataille de France, il reçoit la Croix de Guerre en 1940 (ayant réussi à ramener tous ses hommes avec leurs armes).

Ouvertement opposé au régime de Vichy et interdit d’enseigner, il commence une action secrète de résistance pour libérer le pays du joug nazi. Il achète à Paris, rue de la Pompe, une librairie qui sert de lieu de rencontres aux membres de la Résistance. Durant plus de trois ans, il se donne corps et âme à sa mission dans les services secrets, promu chef de la section opératoire du mouvement mené par le général de Gaulle. Il se rend fréquemment à Londres où il s’adresse au peuple français par l’intermédiaire de la BBC : « Les rides qui fanaient le visage de la Patrie, les morts de la France combattante les ont effacées; les larmes d’impuissance qu’elle versait, ils les ont essuyées; les fautes dont le poids la courbait, ils les ont rachetées. » Discours « Hommage aux morts de la France combattante » à Albert Hall, 18 juin 1943.

Février 1944, en partance pour l’Angleterre, il réchappe avec ses camarades à un naufrage. Dénoncés par un camarade du réseau (dissensions internes, luttes de pouvoir et d’influence), les hommes sont emprisonnés à Rennes. Les Allemands découvrent son identité (suite à une imprudence…), il est transféré au siège de la Gestapo à Paris (avenue Foch) et torturé. Il meurt en se jetant des fenêtres de sa geôle, sans avoir parlé. Il sera  panthéonisé en 2015 avec Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Germaine Tillion et Jean Zay, « grandes figures qui évoquent l’esprit de résistance ».

Antoine de Saint-Exupéry : aviateur, auteur, best-seller mondial.

« La guerre, ce n’est pas l’acceptation du risque. Ce n’est pas l’acceptation du combat. C’est, à certaines heures, pour le combattant, l’acceptation pure et simple de la mort. »2715

Antoine de SAINT-EXUPÉRY (1900-1944), Pilote de guerre (1942)

Pilote de ligne qui traça l’un des premiers la liaison France-Amérique, pilote d’essai et de raid alors même que le succès littéraire lui vint au début des années 1930 – Courrier du Sud, Vol de nuit –, journaliste partant pour de grands reportages, combattant en 1939-1940, il rejoint en 1943 les Forces françaises libres et meurt en 1944, pilote volontaire pour une mission de guerre. L’humanisme, le lyrisme, la façon simple et courageuse de faire ce métier d’aventurier, et cette fin à 44 ans, feront de « Saint-Ex » un héros et un écrivain très aimés, notamment de la jeunesse.

Le Petit Prince, best-seller mondial de la littérature dite pour enfants, s’adresse en réalité à chacun de nous. À travers cette histoire, l’auteur aborde des thèmes majeurs établis selon une constante dualité : visible et invisible, adulte et enfant, amour et amitié, voyage et sédentarité, espace et temps, danger et destruction, signes et significations, questions et réponses, bonheur et chagrin.

Robert Brasillach : romancier, journaliste politique d’extrême droite, exécuté à la Libération.

« Dans les lettres, comme en tout, le talent est un titre de responsabilité. »2821

Charles de GAULLE (1890-1970), refusant la grâce de Robert Brasillach. Mémoires de Guerre, tome III, Le Salut, 1944-1946 (1959)

Sur 2 071 recours présentés, de Gaulle en acceptera 1 303. Condamné à mort pour intelligence avec les Allemands, Brasillach est fusillé le 6 février 1945.

Jeune intellectuel séduit par le fascisme et la pensée de Maurras, écrivain de talent, il s’est engagé politiquement avec l’Action française (le mouvement et le journal) dans l’entre-deux-guerres, mais c’est comme rédacteur en chef de Je suis partout qu’il va se faire remarquer. Il prône un « fascisme à la française ». Sa haine du Front populaire et de la République va de pair avec celle des juifs, notamment ceux au pouvoir comme Léon Blum et Georges Mandel (né Rothschild), ex ministre et député dont il demande régulièrement la mise à mort. La chasse aux résistants, de plus en plus nombreux et organisés, se radicalise en janvier 1943 avec la Milice, police supplétive de volontaires chargés de les traquer. Le Service du travail obligatoire (STO) institué en février va augmenter considérablement le nombre de « ceux qui trahissent » (dénoncés frénétiquement par Brasillach) pour ne pas aller travailler en Allemagne. La résistance est alors une activité clandestine à haut risque. La responsabilité de Brasillach ne fait aucun doute.

Son talent littéraire est tout aussi évident. Peu avant sa mort (à 35 ans), il écrit ces vers en référence à Chénier, poète exécuté en d’autres circonstances sous la Révolution, à la fin de la Terreur, presque au même âge : « Et ceux que l’on mène au poteau / Dans le petit matin glacé, / Au front la pâleur des cachots, / Au cœur le dernier chant d’Orphée, / Tu leur tends la main sans un mot, O mon frère au col dégrafé. » (Poèmes de Fresnes, Chant pour André Chénier).

Dans la même prison de Fresnes, il écrit dans Les Frères ennemis (posthume) : « L’histoire est écrite par les vainqueurs. » Écrite par les vivants plus que par les vainqueurs et Brasillach ne sera pas fusillé pour cause de défaite, mais de trahison. L’histoire de la Seconde Guerre mondiale, page d’histoire de France encore brûlante, fut d’ailleurs réécrite tant de fois que les vaincus ont eu, légitimement, le droit de témoigner aux côtés des vainqueurs.

Louis Aragon : médecin, brancardier sous la Première Guerre mondiale, poète engagé (PC et résistance).

« Je vous salue ma France où le peuple est habile
À ces travaux qui font les jours émerveillés
Et que l’on vient de loin saluer dans sa ville
Paris mon cœur trois ans vainement fusillé […]
Ma France d’au-delà le déluge, salut ! »2803

Louis ARAGON (1897-1982), « Je vous salue ma France… » (1943). L’œuvre poétique, volume X (1974), Aragon

Aragon s’est engagé, communiste d’abord, résistant ensuite, avec tous les cas de conscience que cela pouvait poser… Ses vers, œuvres de circonstance au meilleur sens du terme, sont cités par le général de Gaulle à la radio de Londres.

Publié clandestinement, ce poème s’adresse aux prisonniers et aux déportés : « Lorsque vous reviendrez car il faut revenir / Il y aura des fleurs tant que vous en voudrez / Il y aura des fleurs couleur de l’avenir / […] Je vous salue ma France arrachée aux fantômes / Ô rendue à la paix vaisseau sauvé des eaux / Pays qui chante Orléans Beaugency Vendôme / Cloches, cloches, sonnez l’angélus des oiseaux. »

QUATRIÈME RÉPUBLIQUE

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Jean Monnet : homme d’affaires et financier international, « père de l’Europe » et de la planification, l’un des hommes d’État français les plus importants du XXe siècle, panthéonisé.

« Le choix est simple : modernisation ou décadence. »2865

Jean MONNET (1888-1980), Mémoires (1976)

Nommé secrétaire général adjoint de la SDN de 1919 à 1923, il croit au lendemain de la Grande Guerre « que l’avenir pouvait être assuré par une action commune et une coordination d’action des gouvernements, croyant à leur raison et leur modération. La Société des Nations a prouvé le contraire. Je suis donc parti. »

Rappelons aussi que sa famille produit du Cognac, très majoritairement exporté. Il vient d’un secteur ouvert sur le monde. Il travaille dans l’entreprise familiale et voyage beaucoup, en particulier aux USA Cela explique aussi son engagement pour l’Europe par l’économie et le libre-échange.

Il reste l’un des Pères fondateurs de l’Europe (avec Robert Schuman ministre des Affaires étrangères, mais aussi Churchill notre allié anglais, Adenauer le chancelier allemand) et le promoteur du premier plan français, dit de modernisation et d’équipement, lancé le 27 novembre 1946. Ces deux grands projets ont une base économique, mais leur ambition va bien au-delà.

Après la guerre, les priorités économiques s’imposent : reconstruire le pays, moderniser l’outil de production. Le plan est la solution rationnelle – de Gaulle, revenu au pouvoir, dira que « les objectifs à déterminer par le Plan revêtent pour tous les Français un caractère d’ardente obligation ».

Mais la planification à la française n’est pas dirigiste, se voulant surtout incitative, après concertation : « La modernisation n’est pas un état de chose, c’est un état d’esprit. » Présentation du premier Plan (1947). Près d’un millier d’acteurs économiques sont consultés pendant un an (patrons, syndicalistes, fonctionnaires), de sorte que le plan est bien accepté. Il bénéficie également du plan Marshall, initiative américaine au niveau européen.

La planification à la française est l’une des réussites incontestables de cette République si souvent décriée. Monnet sera aussi le farouche défenseur de l’idée d’Europe unie qui naît d’abord sous le signe de l’économie dans les années 1950, avec la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA). Suivront la Communauté économique européenne (CEE) avec le traité de Rome (1957) et le Marché commun européen (1968), ancêtres de notre Union européenne. La paix reste l’enjeu final, après l’épreuve de la Seconde Guerre mondiale qui a ravagé le continent.

Jean Monnet sera fait citoyen d’honneur de l’Europe en 1976. Mort à 90 ans, il est inhumé au Panthéon en 1988.

Maurice Schumann : journaliste, porte-parole de la France libre, fondateur du MRP, député, sénateur, ministre, président du Conseil.

« Je préfère un futur imprévisible à un futur imposteur. »

Maurice SCHUMANN (1911-1998), Dictionnaire de la langue française

Il rejoint le général de Gaulle à Londres dès juin 1940 et devient le porte-parole de la France libre. Il sera désormais « la voix de la France » sur Radio Londres durant tout le conflit.

Gaulliste fidèle, c’est aussi un démocrate-chrétien et un européen convaincu, l’un des fondateurs du Mouvement républicain populaire (MRP), parti centriste dont il est le premier président et qui domine la vie politique au début de la Quatrième République, avec le PCF (communiste) et la SFIO (socialiste).

Député du Nord pendant trente ans, puis sénateur pendant quinze ans, plusieurs fois ministre dans les gouvernements de Georges Pompidou, il finit comme ministre des Affaires Étrangères (1969-1973). Il est élu à l’Académie française en 1974. Belle carrière classique de l’époque pour une longue vie (86 ans).

Édouard Herriot : professeur de lettres, maire de Lyon, député, ministre, président de l’Assemblée.

« Quand un peuple n’a plus la direction de son armée, a-t-il encore la direction de sa diplomatie ? »2893

Édouard HERRIOT (1872-1957), Assemblée nationale, 30 août 1954. La France du XXe siècle : documents d’histoire (2004), Olivier Wieviorka, Christophe Prochasson

Question capitale pour la nation. Oui ou non, l’Assemblée va-t-elle ratifier le traité de la Communauté européenne de défense (CED) signé à Paris le 27 mai 1952 par les six membres de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) ? Pour contourner le réarmement de la RFA, on créerait une « armée européenne » supranationale intégrant des unités allemandes de petite dimension. L’affaire traîne depuis deux ans et Mendès France a promis de la régler, d’où le débat à l’Assemblée. Herriot est contre la CED. Communistes et gaullistes sont également « anticédistes ». Le MRP est pour. Radicaux et modérés sont partagés, comme le parti socialiste. Le traité ne sera donc pas signé. Fondamentale, la question se pose aujourd’hui encore, mais en d’autres termes, vu le contexte géopolitique différent.

Ministre au sein de nombreux gouvernements, Herriot présida la Chambre des députés sous la Troisième République et l’Assemblée nationale sous la Quatrième. Président du Conseil des ministres à trois reprises, c’est l’un des chefs du Cartel des gauches, coalition gouvernementale et parlementaire des années 1920. Il reste aussi comme maire de Lyon au total plus d’un demi-siècle. Auteur de nombreux essais et biographies, il entre à l’Académie française en 1946.

Au final, un long parcours d’homme politique avec une solide culture générale, d’où son portrait signé François Mauriac dans son Bloc-notes : « Édouard Herriot était un gros homme charmant. Son charme naissait de ce contraste entre la culture, tous les dons d’une intelligence royale et la ruse, disons la finesse politicienne. »

Albert Camus : philosophe humaniste, romancier, auteur dramatique, essayiste, résistant, journaliste militant de la gauche modérée.

« La liberté est un bagne aussi longtemps qu’un seul homme est asservi sur la terre. »2832

Albert CAMUS (1913-1960), Les Justes (1949)

Engagé dans la Résistance, Camus sera rédacteur en chef de la revue Combat de 1944 à 1946. Il fait partie de ces intellectuels qui se mêlent ardemment à l’actualité de leur temps marqué par le totalitarisme, pour crier sa soif de justice, revendiquer dans L’Homme révolté « la liberté, seule valeur impérissable de l’Histoire » et préférer la révolte à la révolution : « Je me révolte, donc nous sommes. » Son engagement marque aussi son théâtre, une des passions de sa vie … avec le sport et notamment le football pratiqué dans sa jeunesse algérienne. C’est un homme d’équipe qui aime et recherche toujours le contact humain – sa passion partagée avec la comédienne Maria Casarès donne lieu à une belle Correspondance (1944-1959) récemment éditée.

Camus, témoin passionné de son temps, a vécu la Seconde Guerre mondiale, le drame de l’Algérie française où il est né, le stalinisme de l’Union soviétique. Il ne cesse de lutter contre les mirages de l’absolu et les violences révolutionnaires, les idéologies et les abstractions qui détournent de l’humain. Il s’oppose à l’existentialisme et au marxisme. Sa critique du totalitarisme soviétique lui vaut d’ailleurs les anathèmes des communistes et sa rupture avec Sartre.

« Homme de la gauche modérée » qui se situe entre la gauche communiste de Sartre et la droite libérale de Raymond Aron, il développe un humanisme fondé sur la prise de conscience de l’absurde de la condition humaine, mais aussi sur la révolte comme réponse à l’absurde - révolte qui conduit à l’action et donne un sens au monde et à l’existence. Il reçoit le prix Nobel de littérature en 1957 pour avoir « mis en lumière les problèmes se posant de nos jours à la conscience des hommes ». Il meurt à 46 ans dans un accident d’automobile.

Le terme de « maître à penser » n’existe plus au XXIe siècle, mais la popularité de Camus reste grande auprès des jeunes qui lisent toujours La Peste ou L’Étranger, alors que Sartre appartient vraiment au passé.

Jean-Paul Sartre : philosophe, professeur, journaliste engagé, militant communiste puis gauchiste, auteur d’essais, de romans et de théâtre également engagés, prix Nobel de littérature (refusé).

« [Le marxisme], c’est le climat de nos idées, le milieu où elles s’alimentent, c’est le mouvement vrai de ce que Hegel appelait l’Esprit objectif […] Il est à lui seul la culture. »2905

Jean-Paul SARTRE (1905-1980). Les Temps modernes, nos 121 à 125 (1956), Jean-Paul Sartre

Peu de temps avant le XXe Congrès du PC de l’Union soviétique tenu en février 1956, Sartre assure : « Porté par l’Histoire, le PC manifeste une extraordinaire intelligence objective, il est rare qu’il se trompe. » La suite va vite démentir ces propos. Mais Sartre l’a dit : « Il ne faut pas désespérer Billancourt. » En réalité, c’est un mot apocryphe ou, plus exactement, un tour de passe-passe qu’on trouve dans Nekrassov : pièce à message, jugée communiste par les anticommunistes et anticommuniste par les communistes, c’est un échec théâtral. Mais c’est une manipulation, donc la preuve de l’importance du texte. On trouve deux répliques : « Il ne faut pas désespérer les pauvres » et « Désespérons Billancourt ». La contraction des deux donne cette fameuse phrase qu’il n’aurait jamais dite, mais le mot lui sera  prêté en Mai 1968 où il se situe clairement parmi les gauchistes les plus révolutionnaires. Quant à son communisme, il a quand même évolué par la force des choses…

4 novembre 1956, 2 500 chars soviétiques interviennent en Hongrie pour écraser la tentative de libéralisation du régime. Le 9, dans une interview à L’Express (hebdo de gauche à l’origine), Sartre dénonce « la faillite complète du socialisme en tant que marchandise importée d’URSS » et se tourne vers d’autres communismes, voulant préserver l’élan révolutionnaire de la classe ouvrière en France : « Il ne faut pas désespérer Billancourt. »

Maître à penser de sa génération et prix Nobel de littérature (qu’il refuse en 1964, cas unique et d’autant plus célèbre), le « père de l’existentialisme » tient à vulgariser sa pensée pour la rendre accessible à tous, d’où la formule : « L’existence précède l’essence. » En clair, l’homme n’a pas d’essence au départ. Il ne se constitue que par ses choix et se donne une essence par ses actes. Il en est donc responsable et jouit à ce titre d’une grande liberté. Sartre est également connu pour le couple (essentiellement libre et philosophiquement soudé) qu’il forme avec sa collègue Simone de Beauvoir.

Simone de Beauvoir : professeure, philosophe, romancière, féministe engagée.

« La vérité est une, seule l’erreur est multiple. Ce n’est pas un hasard si la droite professe le pluralisme. »2834

Simone de BEAUVOIR (1908-1986). Les Temps modernes, nos 109 à 115 (1955), Jean-Paul Sartre

Rarement cités, mais parfaitement sourcés, ces mots datent de la belle époque du terrorisme intellectuel en France ! Femme très libre dans ses amours, elle parle ici en « Notre-Dame de Sartre ». Le sectarisme de la gauche communiste sévit contre la droite. On pourrait dire que c’est de bonne guerre, entre partis opposés ! Mais il se déchaîne aussi en « guerre des gauches ». Il faut attendre la fin des années 1980 – démobilisation, désillusion, dépolitisation – pour voir le déclin de tous les « ismes » et des maîtres à penser.

Simone de Beauvoir, prix Goncourt pour Les Mandarins et auteure (née bourgeoise comme Sartre) d’une sincère autobiographie en trois tomes (Mémoires d’une jeune fille rangée, La Force des choses, Tout compte fait) reste surtout pour son livre-événement dans l’histoire du féminisme, Le Deuxième Sexe (1949) : « Le présent enveloppe le passé et dans le passé toute l’Histoire a été faite par des mâles. » Sa démonstration qui se veut existentialiste autant que féministe comporte une part évidente d’autobiographie. Le succès est mondial et l’œuvre très documentée est toujours citée.

Excluant tout déterminisme chez l’humain, elle incrimine les femmes dont elle dénonce la passivité, la soumission et le manque d’ambition, les hommes étant accusés de sexisme, de lâcheté, parfois de cruauté. L’émancipation féminine réussira grâce à la volonté solidaire des hommes et des femmes dont l’émancipation doit venir avec le contrôle des naissances et l’accès au monde du travail. En ce domaine, on peut assurer que l’Histoire progresse. Après le droit de vote accordé aux femmes françaises en avril 1944, la Cinquième République légalisera l’avortement avec la pratique de l’IVG votée en 1974. Au XXIe siècle, le mouvement #MeToo (né aux USA) encourage la prise de parole des femmes, en cas de viol et autres agressions sexuelles, cependant que la féminisation de la vie politique tendra tant bien que mal à la parité.

Gisèle Halimi : avocate et féministe active (en parfaite adéquation).

« J’ai très tôt choisi mon camp, celui des victimes. mais attention ! des victimes qui relèvent la tête, s’opposent, combattent. »

Gisèle HALIMI (1927-2020), La Cause des femmes (1992)

« Nous étions dans un monde coupé en deux, cela m’apparaissait clairement. D’un côté ceux qui opprimaient et en tiraient profit, et de l’autre, les humiliés, les offensés, bref, les victimes. J’ai très tôt choisi mon camp… »

Devenue avocate, elle défend les militants des indépendances tunisienne et algérienne et dénonce la torture, au péril de sa propre sécurité alors qu’elle est déjà maman de deux enfants. Mais c’est la « cause des femmes » qui sera son principal combat et le plus personnel. Elle s’engage en faveur de l’avortement et de la répression du viol, dans son métier aussi bien que dans son association « Choisir la cause des femmes ». En 1971, vu le risque de sanctions déontologiques du Barreau, c’est la  seule avocate à signer le Manifeste des 343 appelant à la légalisation de l’avortement en France. L’année suivante, une plaidoirie emblématique va faire date l’histoire : le fameux procès de Bobigny. « Quand j’entre dans le prétoire, j’emporte ma vie avec moi…(…) Monsieur le Président, il m’échoit aujourd’hui un très rare privilège. Je ressens aujourd’hui un parfait accord entre mon métier, qui est de plaider, qui est de défendre, et ma condition de femme.”

Ces phrases sont le début de sa plaidoirie pour la jeune Marie-Claire Chevalier (morte en janvier 2022). Gisèle Halimi s’apprête à révéler au juge qu’elle est aussi « coupable » que sa cliente qui a avorté (« acte citoyen de désobéissance civique ») et qu’elle vient défendre ses droits en même temps que ceux de toutes les femmes. Pour cette avocate, on ne peut exercer son métier sans une totale cohérence entre nos valeurs et notre travail : « Quand j’entre dans le prétoire, j’emporte ma vie avec moi… Ce n’est pas de l’héroïsme, c’est de la cohérence. Ma liberté n’a de sens que si elle sert à libérer les autres. »

Toute sa vie, sa raison d’être et de combattre s’inscrivent clairement dans la même logique passionnée, avec des mots très forts destinés à frapper l’opinion et les premières concernées – les femmes qui n’ont pas pris la conscience de leur situation et de leurs droits. Dans un autre contexte et avec d’autres armes, c’est le même engagement logique, philosophique et médiatique que Simone de Beauvoir.

Antoine Pinay : industriel, maire de Saint Chamond (Loire), conseiller général, député, ministre, président du Conseil.

« Jamais la marge n’a été aussi étroite entre l’abandon et le salut. Jamais l’abîme n’a côtoyé de plus près le chemin du redressement. »2880

Antoine PINAY (1891-1994), Discours d’investiture, Assemblée Nationale, 6 mars 1952. Histoire de la IVe République : la République des contradictions, 1951-1954 (1968), Georgette Elgey

Investiture obtenue de justesse (324 voix contre 206 et 89 abstentions) : c’est le retour aux responsabilités politiques de la droite, écartée du pouvoir depuis la Libération pour cause de non-résistance, sinon de collaboration. Mais le nouveau président du Conseil refuse toute étiquette, prend le portefeuille des Finances dont personne ne voulait et présente son programme de redressement économique et financier : maîtrise de l’inflation et défense du franc, échelle mobile des salaires (qui rassure les syndicats), avec réduction des dépenses de l’État et emprunt Pinay. Pari réussi – aidé il est vrai par une baisse mondiale des prix.

« Tenez bon, Monsieur Pinay ! » Cris de la foule à la foire de Lyon, avril 1952. Le petit homme au chapeau rond jouit d’une immense popularité, à la fois immédiate et durable. Un « Français moyen » qui a quitté l’école sans diplôme à la veille de la Grande Guerre, incorporé dans l’armée, blessé par éclats d’obus le 8 septembre 1914, évacué puis réformé, déclaré invalide de guerre et pensionné, un honnête homme devenu quasiment un mythe, a su rencontrer les Français et les rassurer sur un point éminemment sensible : sondés par l’IFOP (Institut français d’opinion publique) en novembre 1951, ils font passer les problèmes de prix et du niveau de vie bien avant la paix ou la CED… et en novembre 1958, bien avant l’Algérie. Quand le gouvernement Pinay tombe en décembre 1952 (sur des problèmes extérieurs, armée européenne et Union française), 56 % des Français le regrettent – fait unique dans les annales de la popularité gouvernementale sous ce régime.

Abbé Pierre : prêtre, résistant, député, fondateur du mouvement Emmaüs.

« Mes amis, au secours ! Une femme vient de mourir de froid sur le trottoir du boulevard de Sébastopol. Elle serrait dans ses mains le papier par lequel on l’avait expulsée de son logement. Chaque nuit dans Paris, ils sont plus de deux mille à geler dans la nuit, sans toit, sans pain. »2887

Abbé PIERRE (1912-2007), Premiers mots de l’appel lancé à la radio dans l’hiver 1954. Emmaüs et l’abbé Pierre (2008), Axelle Brodiez-Dolino

1er février 1954. Ce soir-là, dans un élan de colère, l’abbé Pierre fonce à Radio Luxembourg et s’empare du micro. Ce prêtre catholique a été résistant pendant la guerre et député MRP jusqu’en 1951, avant de renouer avec sa vocation première de prêtre aumônier dans le cadre du Mouvement Emmaüs, organisation caritative laïque, créée en 1949.

L’appel de l’abbé Pierre, mille fois plus entendu en direct que l’Appel du général de Gaulle en 1940, va droit au cœur des auditeurs : il demande que le soir même, dans tous les quartiers de Paris, s’ouvrent des centres de dépannage, qu’on y apporte couvertures, paille, pour accueillir tous ceux qui souffrent quels qu’ils soient, et qu’ils puissent y dormir, y manger, reprendre espoir, savoir qu’on les aime, et qu’on ne les laissera pas mourir. C’est la misère des laissés-pour-compte de la croissance économique.

Trente ans plus tard, le très populaire Coluche lancera ses « Restos du cœur » qui n’ont pas fini d’œuvrer pour la bonne cause. Le quart-monde existe toujours et chaque époque crée ses nouveaux pauvres, en dépit des minima sociaux et des secours publics.

Mendès France : plus jeune avocat de France, très jeune militant contre l’extrême droite, inscrit au parti radical à 16 ans, maire, plus jeune député de France en 1932, haut fonctionnaire international, président du Conseil en 1954, soutien socialiste de Mitterrand.

« Les hommes passent, les nécessités nationales demeurent. »2896

Pierre MENDÈS FRANCE (1907-1982), Assemblée Nationale, nuit du 4 au 5 février 1955

Plus jeune avocat de France en 1926, plus jeune docteur en droit, plus jeune député de France en 1932, plus jeune ministre en 1936 sous le Front populaire de Léon Blum - et au poste le plus exposé, celui des Finances.

En juin 1940, embarqué sur le Massilia après avoir entendu l’appel du général de Gaulle, arrêté, condamné pour « désertion » à six ans de prison, il s’évade en sciant les barreaux, rejoint de Gaulle à Alger en 1943, prend en charge le budget de la France libre, créant la Direction du plan qui deviendra plus tard le Commissariat au plan – autre forme de « nécessité nationale ».

Élu député après la guerre, il mène une carrière politique internationale : gouverneur du FMI et gouverneur adjoint de la BIRD, représentant permanent de la France au Conseil économique et social de l’ONU - il comprend alors les problèmes posés par la vague de décolonisation, notamment en Indochine. En 1947-1948, il enseigne avec passion à l’ENA : cours sur les finances publiques lié à son expérience pratique, suivi par Jacques Duhamel, Simon Nora, Jean-Jacques Servan-Schreiber, Valéry Giscard d’Estaing. C’est dire son expertise ! Et pourtant…

Après 7 mois et 18 jours, l’Assemblée vient de lui refuser la confiance (319 voix contre 273) : par peur d’une politique d’« aventure » en Afrique du Nord. On l’accuse, dans son discours de Carthage, d’avoir encouragé la rébellion des Tunisiens et des fellagas d’Algérie, alors qu’il est partisan déclaré de l’Algérie française, dont il a renforcé la défense. Contrairement aux usages et sous les protestations, il remonte à la tribune pour justifier son action.

Mendès France est resté populaire dans le pays, mais le « syndicat » des anciens présidents du Conseil et anciens ministres lui reproche de ne pas jouer le jeu politicien et de semer le trouble dans l’hémicycle et ses coulisses. De Gaulle l’avait prédit : « Ils ne vous laisseront pas faire ! » Et Mendès France, pour la dernière fois à la tribune, défie les députés : « Ce qui a été fait pendant ces sept ou huit mois, ce qui a été mis en marche dans ce pays ne s’arrêtera pas… » Dans son premier discours à l’Assemblée, 3 juin 1953, il avait dit : « Gouverner, c’est choisir. » - formule empruntée au duc Gaston de Lévis (Maximes politiques, 1808) et qui accompagna l’homme politique au pouvoir.

François Mitterrand, président de la République, lui rendra hommage à sa mort : « Il faudrait être bien inattentif pour croire que l’action de Pierre Mendès France fut limitée aux quelque sept mois et dix-sept jours passés de juin 1954 à février 1955 à la tête du gouvernement de la République. Un été, un automne, quelques jours. L’Histoire ne fait pas ces comptes-là. Léon Blum pour un an, Gambetta et Jaurès, pour si peu, pour jamais, pour toujours. »

Françoise Giroud : journaliste de gauche et patronne de presse, ministre de droite, romancière à succès, personnalité complexe cachée sous son sourire médiatique.

« Bonheur : faire ce que l’on veut et vouloir ce que l’on fait. »

Françoise GIROUD (1916-2003), Ce que je crois (1978)

Une belle devise pour une vie bien remplie et somme toute très réussie, malgré quelques drames : la mort d’un fils et la rupture avec JJSS, patron et cocréateur de l’Express, d’où sa tentative de suicide en 1960, une grave dépression et une longue psychanalyse avec Lacan à partir de 1963.
Françoise Giroud déclare avec l’intelligence et la lucidité qui caractérisent cette grande professionnelle : « Je ne crois pas à l’importance de ce que je fais, mais je crois important de savoir ce que je fais. » Elle ajoute avec franchise et pudeur : « Agir, c’est se protéger. » Fille d’un réfugié politique d’origine turque, tous ses emplois se résument en une vocation, écrire : articles, scénarios, romans, essais, témoignages et autobiographie sous divers titres et formes.

Personnalité parisienne très influente, elle est connue pour avoir la dent dure et le mot juste – elle invente en 1958 l’expression « nouvelle vague » qualifiant la jeunesse et bientôt les cinéastes issus des Cahiers du cinéma. Vice-présidente du Parti radical, mais deux fois secrétaire d’État sous la présidence centriste de Giscard d’Estaing, c’est la seule femme restée durablement à la tête d’un groupe de presse en France.

Vincent Auriol : avocat entré en politique en entendant Jaurès, carrière complète, député, ministre, président du Conseil, premier président sous la Quatrième République.

« Je vous avertis loyalement, je ne resterai pas cloîtré dans la maison où vous allez m’emmener. Ayant été en prison, je saurai faire des trous dans le mur. »2866

Vincent AURIOL (1884-1966), président de la République. Déclaration du 16 janvier 1947. La France de Vincent Auriol, 1947-1953 (1968), Gilbert Guilleminault

Il s’exprime ainsi, le jour de son élection. En toute occasion, il revendiquera l’importance de son rôle, « magistrature morale, pouvoir de conseil, d’avertissement et de conciliation ». Bref : « Je ne serai ni un président soliveau, ni un président personnel. » Mais de par la Constitution, il est quand même prisonnier du « régime des partis » : quatorze gouvernements se succèdent pendant son septennat !

Fils d’un boulanger, militant socialiste dans la tradition de Jaurès, avocat défenseur des grévistes, élu député en 1914, il sera l’un des plus fidèles amis de Léon Blum qui lui confie en 1936 le ministère des Finances dans le gouvernement de Front populaire. « Les banques, je les ferme, les banquiers, je les enferme. »

Avocat et expert financier de la SFIO, avant de devenir caution bourgeoise sous la prochaine république, Vincent Auriol apparaît à nombre de Français comme un parangon de la révolution. Il propose une dévaluation et l’institution d’un « franc flottant ». En 1937, on le retrouve garde des Sceaux dans le cabinet Chautemps, et de nouveau ministre dans un éphémère gouvernement Blum en 1938. Le 16 janvier 1947, le Congrès, réuni à Versailles, l’élit président de la République. Il apporte à la magistrature suprême une bonhomie enjouée et un accent méridional qui font la joie des chansonniers. Impuissant à exercer la présidence comme il le souhaiterait, il renonce à se présenter pour un second mandat, laissant place à René Coty.

René Coty : avocat, engagé en politique à 20 ans, carrière complète de député, sénateur, ministre, jusqu’à la présidence de la République.

« Dans le péril de la patrie et de la République, je me suis tourné vers le plus illustre des Français. »2925

René COTY (1882-1962), Message du président au Parlement, 29 mai 1958

Face à la menace de guerre civile, le président de la République fait savoir aux parlementaires qu’il a demandé au général de Gaulle de former un gouvernement. Chahuts et chants de la part des députés qui entonnent La Marseillaise – procédé contraire à tous les usages, et même à la lettre de la Constitution.

Né au Havre et mort dans la même ville, alternativement député et sénateur de la Seine-Inférieure entre 1923 et 1953, ministre de la Reconstruction et de l’Urbanisme de 1947 à 1948, il remportera l’élection présidentielle de 1953 au treizième tour de scrutin, avec le soutien de la droite et du centre.

Second et dernier président de Quatrième République, son mandat est marqué par le gouvernement du radical Pierre Mendès France, la fin de la guerre d’Indochine et le conflit algérien. En 1958, dépassé par les « événements d’Alger » qui mènent le pays à la guerre civile et les présidents du Conseil à l’impuissance, René Coty fait appel au général de Gaulle. Le « plus illustre des Français » va créer la Cinquième République sur mesure pour le personnage historique qu’il incarne.

Retiré de la vie politique après son départ de l’Élysée, René Coty siège au Conseil constitutionnel jusqu’à sa mort, à l’inverse de son prédécesseur Vincent Auriol, en désaccord avec l’orientation du nouveau pouvoir.

CINQUIÈME RÉPUBLIQUE SOUS DE GAULLE

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Michel Debré : résistant, maire, sénateur, conseiller général, député, ministre, Premier Ministre.

« La légitimité est le mot clé des époques difficiles. »2762

Michel DEBRÉ (1912-1996), Ces princes qui nous gouvernent (1957)

Inconditionnel du général de Gaulle comme André Malraux et résistant de la première heure, Debré comprend et partage le souci du général de refaire une France dans les règles du droit. En janvier 1960, au moment des barricades d’Alger, autre époque difficile, de Gaulle devenu président de la République invoquera publiquement « la légitimité nationale que j’incarne depuis vingt ans ».

Vigilant gardien de la Constitution de 1958, Debré choisira de démissionner en ces termes : « Être, avoir été le premier collaborateur du général de Gaulle est un titre inégalé. » Fin de la lettre du Premier ministre, rendue publique le 15 avril 1962. En réalité, il désapprouve la réforme constitutionnelle voulue par de Gaulle, au lendemain de l’attentat du Petit-Clamart dont il réchappa par miracle. Désormais, le président de la République sera élu au suffrage universel direct, ce qui va profondément changer le fonctionnement des institutions.

Michel Debré reste actif dans la vie politique, ministre de l’Économie et des Finances de 1966 à 1968, des Affaires étrangères de 1968 à 1969 et de la Défense nationale de 1969 à 1973 (sous la présidence de Pompidou). Candidat divers droite à l’élection présidentielle de 1981, n’étant soutenu par aucun parti et pas vraiment populaire, il obtient 1,66 % des suffrages - le plus mauvais score pour un ancien Premier ministre à un tel scrutin. Député de La Réunion jusqu’en 1988 et maire d’Amboise jusqu’en 1989, il reste dans l’histoire comme l’un des « barons du gaullisme ».

Il fait également partie d’une grande famille : fils du professeur Robert Debré, fondateur de la pédiatrie moderne en France, il a deux fils jumeaux dans la politique : Jean-Louis Debré (ministre de l’Intérieur, président de l’Assemblée nationale et du Conseil constitutionnel) et Bernard Debré (médecin urologue, député, ministre, maire d’Amboise).

Gaston Monnerville : mulâtre, petit-fils d’esclave, né en Guyane française, avocat, franc-maçon, engagé dans la Résistance, président du Sénat de 1958 à 1968 et opposant à de Gaulle.

« La Constitution est violée. »3012

Gaston MONNERVILLE (1897-1991), président du Sénat, 9 octobre 1962. Le Consensus à la française (2002), Sylvie Guillaume

Le deuxième personnage de l’État accuse le premier. Il y a un prétexte de forme : l’utilisation de l’article 11 au lieu de l’article 89 de la Constitution pour instituer l’élection du président de la République au suffrage universel. La vraie critique est de fond : la réforme prive les sénateurs (joints aux députés) de la prérogative d’élire le chef de l’État.

Monnerville, homme d’ordinaire nuancé, use ici de mots très durs, comme au Congrès radical de Vichy (fin septembre) : « Violation délibérée, voulue, réfléchie, outrageante de la Constitution […] Arbitraire […] Forfaiture du Premier ministre. » C’est la rupture définitive entre le Sénat et le général de Gaulle. Les autres présidents auront des relations plus ou moins tendues avec la « chambre haute » qui défend les collectivités territoriales (communes, départements, régions) et n’a pas la même couleur politique que l’Assemblée nationale.

Alain Peyrefitte : normalien, énarque, diplomate, ministre, puis député, sénateur, maire, essayiste et membre de l’Académie française.

« Le JT n’est pas au gouvernement, mais au public. »3016

Alain PEYREFITTE (1925-1999), ministre de l’Information, Chronique des années soixante (1990), Michel Winock

Avril 1963 : Léon Zitrone et Georges de Caunes présentent la nouvelle formule du Journal télévisé, grand-messe médiatique massivement suivie par les téléspectateurs. Mais la radio-télévision d’État, c’est encore la voix de la France et les Français ne sont pas considérés en adultes. À l’époque, c’est la presse écrite – une presse d’opinion – qui joue son rôle d’opposition, contestant le rôle tenu par Peyrefitte, « le ministre de la censure » qui supervise chaque jour le conducteur du JT ! La libéralisation des médias audiovisuels se fera sous la présidence de Giscard d’Estaing (éclatement de l’ORTF devenu « ingérable ») et la liberté viendra sous Mitterrand (multiplication des « radios libres » et privatisation de TF1).

Signe particulier de Peyrefitte : très croyant et pratiquant, marié en 1948 (et père de cinq enfants), il fit une retraite d’un an au couvent dominicain de Corbara en Corse, consignant par écrit son projet professionnel : « 1948-1958 : vie diplomatique ; 1958-1968 : vie politique ; 1968-1978 : vie littéraire ». Surprenante prémonition.

Après l’École normale supérieure, il intègre la première promotion de l’ENA (créée par de Gaulle en 1945) et choisit la carrière diplomatique : en Allemagne de l’Ouest, il constate le fulgurant redressement économique et en Pologne, c’est l’emprise soviétique qui s’affirme.
Il est élu député en 1958, avec cette génération entrée en politique au retour du général de Gaulle au pouvoir. Devenu l’un de ses proches collaborateurs, il noue avec lui une relation privilégiée. Ministre toujours remarqué et parfois critiqué dans de nombreux gouvernements sous les présidences de De Gaulle, Pompidou puis Giscard d’Estaing, on le retrouve au ministère de l’Information où il crée l’ORTF. Il accélère le programme de dissuasion nucléaire à la Recherche scientifique et fait voter à la Justice la loi liberté et sécurité. Député dans toutes les législatures entre 1958 et 1995, puis sénateur en 1995, c’est une des figures majeures de la droite, avec un ancrage local en Seine-et-Marne : député, conseiller général et maire de Provins de 1965 à 1997.

En 1971, dans le cadre d’une mission parlementaire, il part en Chine, fasciné par ce pays. Publié en 1973, Quand la Chine s’éveillera… le monde tremblera prédit un développement économique et politique fondé sur la pensée maoïste et porté par l’esprit révolutionnaire. Grand succès public, critiqué par les sinologues : l’auteur ne parle pas le chinois et n’est resté que trois semaines sur place. Il publie de nombreux essais. Le Mal français (1976) précède son élection à l’Académie française. C’était de Gaulle rend compte de sa relation privilégiée avec le général : « Plus qu’un livre : une date dans l’histoire contemporaine. L’habileté suprême du peintre est de s’effacer devant celui qu’il fait revivre en un portrait saisissant. Peyrefitte est à de Gaulle ce que Joinville est à Saint Louis » selon Jean d’Ormesson. Publication tardive, pour ne pas avoir l’air de profiter de la mort du général. Au final, un beau parcours politique, sans tomber dans les pièges politiciens, les combinaisons et l’arrivisme.

Jean-Jacques Servan-Schreiber : très jeune journaliste et patron de presse, essayiste et agitateur d’idées, député, ministre d’un ministère éphémère, il finit par tout perdre, en politique comme dans les affaires. 

« Le temps des croisades est terminé, celui de l’intelligence arrive. »3022

Jean-Jacques SERVAN-SCHREIBER (1924-2006), patron de L’Express, été 1964

L’Express fut créé en 1953 par « JJSS » (29 ans, premier à se désigner sous ses initiales selon l’usage américain et déjà éditorialiste au Monde) pour soutenir la candidature de Mendès France avec Françoise Giroud. À 30 ans, il dirige son journal aux signatures prestigieuses : Camus, Sartre, Malraux, Mauriac homme de droite dont le Bloc-Notes vaut toujours référence. Entre saisies et censures, le succès de L’Express grandit et en un an, l’objectif de la jeune équipe est atteint : suite à la défaite de Điện Biên Phủ, PMF est élu Président du Conseil. JJSS devient l’un de ses conseillers.

Très politisé durant la guerre d’Algérie, l’Express demeure un hebdo de gauche, partant pour toutes les croisades et fier de ses signatures. Mais en 1965, les hebdos font peau neuve et JJSS a compris l’évidence : il faut une certaine dépolitisation, un appui des annonceurs publicitaires, des photos, des infos, du beau papier, de la quadrichromie, tout ce qui fait le succès de Time, Newsweek ou Der Spiegel. Son hebdo va gagner en grande diffusion, mais perdre en grandes signatures. Il se généralise, devenant le reflet des changements de la société française.

Proche de Mitterrand et de Giscard d’Estaing (camarade de Polytechnique disant de lui qu’il « avait une case en trop »), l’éditorialiste virulent et influent est devenu un patron de presse fortuné. Agitateur d’idées, virtuose de l’analyse comme de la synthèse, il attire les cerveaux de sa génération, les grands noms de la presse des décennies à venir : Claude Imbert, Jean-François Kahn, Catherine Nay, Michèle Cotta, Ivan Levaï.

Atlantiste et pro-américain, de plus en plus antigaulliste, JJSS sent que le Général n’est plus l’homme d’une France moderne et passe à l’action politique, dans la gauche anti-communiste. Il pousse son ami Gaston Defferre à se présenter à la présidentielle de 1965, mais la campagne de « Monsieur X » fait un flop. Il décide alors d’entrer en politique, sans faire alliance avec Mitterrand (désormais lié à Marchais dans le Programme commun), d’où sa stratégie centriste au sein du Mouvement réformateur, la coalition avec le Centre démocrate et plusieurs petites formations de centre-gauche… qui brise peu à peu le Parti radical dont il est devenu président ! Imbroglio politicien…

Brillant orateur, il essaie d’amener dans le débat public des thèmes novateurs contre « l’État-UDR », autrement dit la mainmise des gaullistes sur l’appareil politique français. Mais mauvais négociateur, il échoue à entrer dans les jeux du pouvoir. Ministre des Réformes du 28 mai au 9 juin 1974 (12 jours, un record), il est écarté par Jacques Chirac qui le surnomme « le turlupin » pour son opposition à la reprise des essais nucléaires - et son ministère est supprimé.

Ne voulant plus diriger L’Express utilisé pour financer son action politique et diffuser ses idées, il le cède en 1977 à l’homme d’affaires James Goldsmith. Sans cet appui, sa carrière politique sombre rapidement. Bien que fondateur de l’UDF pour aider Giscard à contrer Chirac aux législatives de 1978, la perte de son mandat de député de Nancy amoindrit son influence. En 1979, il présente avec Françoise Giroud la liste « Emploi, Égalité, Europe ». Son score (1,84 % des voix) met un terme à sa carrière politique. Financièrement, il est ruiné. La fortune retirée de la vente de L’Express a été totalement dépensée pour ses dernières campagnes. Peut-on parler de naufrage public et personnel…

Jean Lecanuet : professeur de philosophie, résistant, centriste affiché, maire, ministre, sénateur.

« Le Centre existe. »3027

Jean LECANUET (1920-1993), au premier tour des présidentielles, 5 décembre 1965. La Mêlée présidentielle (2007), Michel Winock

Divine surprise : même sans le très populaire Antoine Pinay, le centre obtient près de 16 % des voix avec ce nouveau leader qui crève soudain le petit écran. Mitterrand qui rassemble les gauches fait 32 %. Trois autres candidats ont dispersé les voix de droite… Et le président sortant est en ballottage : moins de 45 % des suffrages. Furieux, de Gaulle songe à se retirer. Ses ministres le supplient de continuer le combat.

Agrégé de philosophie (le plus jeune de France, 22 ans), Jean Lecanuet s’est engagé dans la Résistance, travaillant ensuite dans plusieurs cabinets ministériels après la Libération. Sous la Quatrième, il est brièvement secrétaire d’État auprès de la présidence du Conseil, élu député à 31 ans. Même quand il perd son siège, il reste dans les allées du pouvoir à divers postes. Avec le soutien les démocrates-chrétiens, il se présente à la première élection présidentielle française au suffrage universel en 1965. Sa campagne novatrice et sa présence télévisuelle lui donnent une notoriété nationale, confortée par la mise en ballotage du général de Gaulle.

En 1968, il est élu maire de Rouen et le demeure jusqu’à sa mort, avec une vraie politique d’urbanisme et un nouveau réseau de tramway. Le « roi Jean » se retrouve ministre sous la présidence de Giscard d’Estaing (garde des Sceaux de 1974 à 1976 et ministre de l’Aménagement du Territoire de 1976 à 1977). Centriste toujours revendiqué, il préside le Mouvement républicain populaire (MRP), le Centre démocrate (CD), le Centre des démocrates sociaux (CDS) et l’Union pour la démocratie française (UDF). Il termine sa carrière politique nationale au Sénat sur les bancs du groupe centriste, à la tête de la prestigieuse commission des Affaires étrangères. On peut parler d’un mélange de chance et de compétence…

René Dumont : agronome, chercheur et professeur d’« agriculture comparée », essayiste, politiquement engagé à gauche, premier candidat écologiste à la présidence, père spirituel des Verts.

« Nous mangeons les enfants du Sahel par notre surconsommation de viande. »;

René DUMONT (1904-2001), L’Utopie ou la mort (1973)

Homme de science et de conviction, il a le sens de la formule dans ce livre-événement, menant deux combats de fond qui obéissent à la même logique écologique, dans le Tiers Monde où il a travaillé comme agronome et dans les pays développés où il enseigne à un poste créé pour lui : « Si nous ne parvenons pas à réduire les émissions de gaz carbonique, la dégradation des climats risque d’atteindre le point de non-retour à partir duquel on ne serait plus sûr de pouvoir rétablir un ordre climatique viable. » Sa conclusion est clairement politique : « Finalement, la rentabilité des capitaux d’entreprises soumises à la loi de la jungle, à la lutte concurrentielle, exige impérativement une croissance exponentielle continue ; laquelle nous mènera assez vite à la catastrophe universelle. » Ces mots prophétiques datent d’un demi-siècle !

Son combat pour le développement rural des pays pauvres rejoint son engagement écologiste. Premier candidat sous l’étiquette écologiste à une élection présidentielle, en 1974, il frappe l’opinion avec son pull rouge, sa pomme et son verre d’eau – affiché comme un bien précieux et une ressource en péril, prédisant aussi l’inévitable hausse du prix des carburants.

C’est aussi un auteur prolifique avec près de 70 ouvrages, dont L’Afrique noire est mal partie (1962) : « Pour la première fois peut-être dans l’histoire, les nations riches ont le plus strict intérêt à se montrer beaucoup plus généreuses. » Ce livre fait scandale à l’époque, dénonçant tous les méfaits de la colonisation qu’il a observés, décrivant méthodiquement les handicaps du continent africain, les problèmes de corruption, les conséquences de la décolonisation.

La plus longue rue de Paris (4,7 km) lui rend hommage. La coulée verte René-Dumont (ex « Promenade plantée ») suit le tracé de l’ancienne voie ferroviaire (ligne de Vincennes), de l’opéra Bastille au bois de Vincennes.

André Malraux : aventurier autodidacte, militant et combattant anti fasciste en Espagne, romancier, essayiste, historien, résistant, gaulliste, ministre de la Culture.

« Autant qu’à l’école, les masses ont droit au théâtre, au musée. Il faut faire pour la culture ce que Jules Ferry faisait pour l’instruction. »3031

André MALRAUX (1901-1976), Discours à l’Assemblée nationale, 27 octobre 1966

De Gaulle a créé le ministère de la Culture pour Malraux qui définit en ces termes les « maisons de la culture ». Leur dialogue au sommet, que seule la mort interrompra, est l’une des rencontres du siècle, saluée par François Mauriac : « Ce qu’ils ont en commun, c’est ce qu’il faut de folie à l’accomplissement d’un grand destin, et ce qu’il y faut en même temps de soumission au réel. »

Ministre emblématique de la Cinquième République, Malraux fut d’abord un autodidacte abandonnant ses études à 17 ans, auteur et éditeur précoce, aventurier parti en mission au Cambodge où il se fait arrêter pour contrebande d’œuvres khmères. Après son premier engagement politique contre la colonisation de l’Indochine, il gère sa carrière littéraire, occupant des postes importants dans le milieu de l’édition. Il écrit beaucoup, publie des romans inspirés de ses aventures en Orient, La Tentation de l’Occident, Les Conquérants. Prix Goncourt 1933, La Condition humaine le rend célèbre à 32 ans. Militant contre le fascisme, il participe à la guerre civile espagnole entre 1936 et 1937, d’où son nouveau roman L’Espoir. Sa mythomanie parfaitement reconnue et assumée lui a inspiré des chefs d’œuvre, parallèlement à une vie privée chaotique avec ses femmes et parfois tragique avec la mort de ses deux fils.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, André Malraux s’implique dans la Résistance, deux fois arrêté, deux fois évadé, avant de rencontrer Charles de Gaulle en 1944. D’où une admiration sans faille et partagée. Malraux revient à la politique après la traversée du désert de De Gaulle, ministre des Affaires culturelles au retour du Général en 1958, chargé du rayonnement de la culture française pendant onze ans : la « loi Malraux » permet de favoriser la restauration immobilière de certains quartiers anciens, grâce à un système de déductions d’impôts, les Maisons de la culture sont aussi connues que controversées. Il se retire en même temps que le général de Gaulle, en 1969. Vingt ans après sa mort, l’ex aventurier est panthéonisé, le président Chirac rendant hommage à l’homme de lettres et au gaulliste, témoin et acteur de son temps.

François Mauriac : romancier, dramaturge, poète, critique, journaliste et chroniqueur politique.

« Ils n’osent écrire qu’une police qui torture, si blâmable qu’elle soit, c’est une police qui fait son métier, une police sur laquelle on peut compter. »2909

François MAURIAC (1885-1970), Bloc-notes, I, 1952-1957

Il reste comme l’un des grands romanciers de son époque, mais ce n’est pas à ce titre qu’il a sa place dans l’Histoire en citations. Même s’il n’est pas entré en politique comme la plupart des Noms cités, même s’il n’est pas classé parmi les « maîtres à penser » comme Camus et Sartre, Mauriac fut un « influenceur » reconnu par la gauche comme par la droite, avec son Bloc-notes, billet d’humeur hebdomadaire publié dans l’Express.

Écrivain catholique ancré à Bordeaux, lancé en 1927 par son roman Thérèse Desqueyroux et triomphalement élu à l’Académie française en 1933, il reçoit le prix Nobel de littérature en 1952 pour « la profonde imprégnation spirituelle et l’intensité artistique avec laquelle ses romans ont pénétré le drame de la vie humaine ». Il n’a pas pris position dans la guerre d’Indochine, mais il s’engage en faveur de l’indépendance du Maroc, puis de l’Algérie, et condamne l’usage de la torture par l’armée française, sujet longtemps tabou. Dans une méditation intitulée Imitation des bourreaux de Jésus-Christ, il dénonce l’État tortionnaire et non plus seulement l’État policier en 1954. Il s’investit de plus en plus dans le drame algérien qu’il commentera jusqu’en 1958, alors convaincu que seul de Gaulle peut dénouer la situation.

Gaulliste fidèle, mais jamais « godillot », on lui doit deux des plus belles citations sur le Général, en début et en fin de carrière politique. À propos de l’Appel en juin 1940 et des autres appels lancés d’Angleterre : « Un fou a dit, moi la France, et personne n’a ri parce que c’était vrai. » Et après sa démission surprise de la présidence, suite à l’échec de son dernier référendum d’avril 1969 : « Cas sans précédent de suicide en plein bonheur. »

C’est un chroniqueur politique toujours attentif aux événements de son temps : « La Quatrième République doit, pour une large part, la suite ininterrompue de ses désastres et sa ridicule fin à un personnel politique mal préparé qui n’avait pas fait ses classes. » La citation la plus connue concerne la situation d’après-guerre : « J’aime tellement l’Allemagne que je suis ravi qu’il y en ait deux. » Mis à part ce mot, il fera souvent le « bon choix » : soutien du camp républicain lors de la guerre civile espagnole de 1936 à 1939, opposition au régime de Vichy pendant la Seconde Guerre mondiale et appui à la Résistance, condamnation des guerres d’Indochine et d’Algérie, anticolonialisme et soutien à la volonté d’indépendance des pays du Maghreb. Son aversion pour les idées communistes va de pair avec son appui à Charles de Gaulle et son éducation. Un des drames de sa vie fut une homosexualité longtemps cachée, avec une liaison passionnelle pour un jeune auteur suisse.

Edgar Faure : plus jeune avocat de France (à 21 ans), attiré par la politique au Parti radical, ministre, président du Conseil, président de l’Assemblée Nationale.

« Ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent. »2902

Edgar FAURE (1908-1988), à qui lui reprochait de souvent changer d’avis. Edgar Faure : le virtuose de la politique (2006), Raymond Krakovitch

Rallié à de Gaulle, trop heureux de retrouver des responsabilités, il est officieusement chargé de l’établissement des relations diplomatiques avec la Chine populaire en 1963 – mission réussie. Elles prendront effet le 27 janvier 1964. Raymond Cartier saluera l’événement : « L’initiative du général de Gaulle s’intègre dans un plan grandiose qu’il poursuit avec son goût du secret, son amour du risque, son sens des coups de théâtre et sa monumentale ténacité. C’est du réalignement du monde qu’il s’agit. »

Edgar Faure se retrouvera ministre de l’Agriculture en 1966. « C’est un trait de mon caractère, que le goût des honneurs et l’attachement aux titres. » Cette passion pour le pouvoir, revendiquée pendant quarante ans, pousse le député à être plusieurs fois ministre et même chef de gouvernement. Politiquement inclassable, sinon comme opportuniste, ses adversaires eux-mêmes apprécient son humour et ses élèves de Sciences Po auront à commenter un de ses aphorismes : « L’immobilisme est en marche et rien ne pourra l’arrêter. » L’homme ne se prend pas au sérieux, mais jusqu’à sa mort, il prendra très au sérieux ses fonctions et ses missions. Cet homme politique atypique aura finalement un beau CV.

Pierre Poujade : vichyste, puis résistant, petit patron (papeterie dans le Lot), créateur d’un syndicat antiparlementaire, membre du Conseil économique et social (nommé par Mitterrand).

Sortez les sortants !3244

Pierre POUJADE (1920-2003), slogan. Les Années Poujade, 1953-1958 (2006), Thierry Bouclier

Edgar Faure, dont le gouvernement a été renversé deux fois, dissout l’Assemblée le 2 décembre 1955 – aucun président du Conseil n’a osé, depuis 1877. Les députés se déchirent sur l’Algérie. Quand Poujade débarque, agitateur rassemblant les mécontents, exploitant un antiparlementarisme toujours latent, ameutant l’opinion contre le fisc, rassurant les petits commerçants et artisans effrayés par le capitalisme, la concurrence étrangère.

Assez représentatif du Français moyen, homme de droite, vichiste et maréchaliste en 1940, Poujade a rejoint la résistance, de Gaulle et Alger en 1942, s’engageant dans l’aviation. Après la guerre, il réalise le rêve social des classes moyennes de l’époque : se mettre à son compte, devenir un petit patron. La situation de pénurie de la guerre et de l’après-guerre avait artificiellement maintenu la prospérité des petits producteurs et des petits commerçants, mais avec la croissance économique de retour, beaucoup de petites entreprises commerciales, artisanales et agricole se révèlent inadaptées au marché et à la concurrence. L’amertume se cristallise autour des contrôles fiscaux exercés par les « polyvalents » qui surveillent la comptabilité (souvent sommairement tenue), procédant à des redressements fiscaux, voire à des saisies. S’opposant par la force à ces contrôles fiscaux, Pierre Poujade acquiert sa notoriété, se présentant face aux agents du fisc comme une sorte de Robin des Bois, défenseur des « petits ».

En novembre 1953, il fonde l’Union de défense des commerçants et artisans (UDCA). Soutenue par le Parti communiste qui appuie ce mouvement de protestation sociale, l’UDCA qui se veut apolitique évolue vers une mise en accusation sommaire du régime parlementaire et des élus, retrouvant les thèmes des courants ligueurs de l’entre-deux-guerres : refus de l’impôt qui pèse sur les « petits » et épargne les riches, dénonciation de l’impuissance et du bavardage parlementaires, appel à balayer les politiciens (« Sortez les sortants ! »), exaltation du nationalisme contre les abandons coloniaux, xénophobie et antisémitisme nourri par le passage au pouvoir de Mendès France en 1954-1955. Mouvement corporatiste à l’origine, le poujadisme devient l’expression d’un populisme d’extrême droite, rassemblant des adversaires convaincus du régime et des nationalistes activistes profitant de la guerre d’Algérie pour retrouver un rôle politique.

Populisme ! Poujadisme ! Les professionnels de la politique s’inquiètent de cette popularité qui complique encore le jeu des partis. Mais le déclin du mouvement est rapide, déchiré par les conflits entre ses dirigeants, l’exclusion des membres les plus activistes, mal organisé par un chef plus propre aux effets de tribune qu’à la structuration d’un mouvement. Poujade traverse en météore le ciel politique français des années 1950 sans laisser d’autre trace dans l’histoire qu’un terme, le « poujadisme », négativement connoté et servant à désigner un mouvement de protestation à courte vue, corporatiste, populiste et réactionnaire. Sous la Troisième République et dans un autre contexte de crise, le boulangisme du général Boulanger fut une aventure comparable et mémorable. Après deux échecs aux élections européennes, il se retire de la vie politique… pour cultiver des topinambours, avec l’intention d’en extraire des biocarburants, de contribuer à l’indépendance énergétique à la France et d’apporter des ressources directes et renouvelables au monde rural. Mitterrand se souviendra de lui en le nommant membre du Conseil économique et social.

En janvier 1956, Poujade réussit quand même à faire élire 52 députés (11,6% des suffrages), dont un pâtissier, un blanchisseur, deux mécaniciens, un charcutier, un maraîcher… et un étudiant en droit, de retour des guerres d’Indochine et d’Algérie, Jean-Marie Le Pen, élu à 27 ans.

Jean-Marie Le Pen : militaire (Indochine et Algérie) plutôt qu’avocat, député français (poujadiste) et européen, conseiller régional, co-créateur du FN.

« La victoire du Front national est une percée politique comme il n’y en a jamais eu. Tout commence aujourd’hui. Le destin de l’Europe et même du monde est en train de changer. »

Jean-Marie LE PEN (né en 1928), au lendemain de la victoire de son parti aux élections européennes du 17 juin 1984. La Vie politique sous la Ve République (1987), Jacques Chapsal

Avec 10,95 % des suffrages exprimés (2,2 millions de voix), il se trouve presque à égalité avec le PC (dont la belle époque est quand même passée). Et Le Pen devient président du groupe des droites européennes au Parlement européen.

Cette résurgence (chronique) de l’extrême droite sur l’échiquier politique en France se mesure à moyen terme : 0,74 % des suffrages aux présidentielles de 1974, 14,41 % à celles de 1988. Et 11,73 % aux européennes de 1989. Pour 43 % des Français, la montée du FN est l’événement politique le plus important des années 1980 (sondage Paris Match - BVA, septembre 1989).

La présence de Le Pen au second tour des présidentielles, après élimination du candidat socialiste Lionel Jospin en 2002, est un séisme politique que l’on peut qualifier d’accidentel. L’arrivée de sa fille, Marine, peut être considérée comme un événement plus inquiétant pour les adversaires du Front et plus prometteur pour l’extrême droite. Aux présidentielles de 2012, le « troisième homme », c’est elle. En prenant des distances avec son père et en rebaptisant le FN en RN (Rassemblement national), elle redevient fréquentable, forte d’un groupe de 89 députés à l’Assemblée en juin 2022.

Daniel Cohn-Bendit : militant libertaire, porte-parole de Mai 68 expulsé en Allemagne, député écologiste européen des Verts allemands en 1994, des Verts français en 1999, journaliste, éducateur.

« Je vivais au jour le jour […] Je n’avais aucune idée de l’issue. Je ne savais pas où était la limite, s’il y avait une limite. Je me sentais isolé, coupé. J’étais déraciné politiquement, incapable de mener le débat avec les militants gauchistes qui avaient, eux, leurs certitudes. Je suis parti parce que j’étais dépassé. C’était une fuite. »3062

Daniel COHN-BENDIT (né en 1945), témoignage de 1986. Génération, tome I, Les Années de rêve (1987), Hervé Hamon, Patrick Rotman

Dany le Rouge a fui, le 20 mai 1968 : à Saint-Nazaire chez son frère, à Berlin dans son pays, à Amsterdam où on l’appelle. Au cours d’un meeting fou, il déclare : « Le drapeau tricolore est fait pour être déchiré, pour en faire un drapeau rouge. » Pour insulte au drapeau national à l’étranger, il est interdit de séjour en France, le 22 mai.

Le leader charismatiques de Mai 68 gardera son charisme dans une carrière politique aussi atypique que le personnage, avec l’écologie comme nouvelle idéologie. Aux élections européennes de 2009, il mène la liste d’Europe Écologie en Île-de-France et récolte 20,9% des voix, un record pour le parti. Nationalisé français en 2015, Dany le Rouge se convertit avec l’âge et les cheveux gris (toujours en bataille) au libéralisme économique, nuance « libérale-libertaire ». Il veut une Europe fédérale (fidèle au projet de Robert Schuman).

Son incontestable présence médiatique va de pair avec nombre de polémiques. La plus grave est une accusation récurrente de pédophilie à replacer « dans le contexte des années 1970 ». Son frère aîné, Gaby, enseignant, libertaire et proche de l’écologiste Noël Mamère, fut sélectionné en 2011 au prix Press Club, humour et politique : « Les écolos sont capables du meilleur comme du pire ; mais c’est dans le pire qu’ils sont les meilleurs. »

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