Les États-Unis dans l’histoire de France | L’Histoire en citations
Édito de la semaine

L’élection présidentielle vole la vedette à la pandémie de Corona virus, c’est dire si le sujet passionne ! Émissions spéciales, correspondants sur place, suspenses nocturnes, tout ça pour un match entre deux septuagénaires : une bête de scène monstrueusement médiatique et un candidat politique désespérément normal. D’où cet édito dans le vif de l’actu : l’occasion de rappeler les relations franco-américaines et le rôle historique joué par la France des Lumières.

Notre pays a un long et lourd passé avec ses voisins anglais et allemands, les relations franco-américaines relevant d’une tout autre logique - et d’une forme de miracle historique. 

Faut-il rappeler la Guerre de Cent Ans née au Moyen Âge d’une crise de succession entre deux rois, Édouard III d’Angleterre et Philippe VI de France, suivie de la rivalité entre ces deux puissances mondiales, qui culmine avec Napoléon ?

Rappelons aussi que l’Allemagne et la France sont nées d’un même État, l’empire carolingien qui ne survit pas à Charlemagne. Deux dynasties s’affrontent dès la fin du Moyen Âge : les Bourbons de France contre les Habsbourg d’Autriche. Charles Quint sera le plus puissant ennemi de François Ier sous la Renaissance. La rivalité prend ensuite d’autres formes et le Premier Empire napoléonien bouleverse là encore une géopolitique européenne devenue plus complexe au XIXe siècle, avec l’hégémonie de la Prusse qui nous mène à la guerre de 1870.

L’histoire des relations entre la France et l’Amérique est plus récente, les États-Unis naissant à la fin de notre Ancien Régime. Avec la Déclaration d’indépendance proclamée le 4 juillet 1776, 13 colonies se fédèrent pour former les États-Unis d’Amérique, première nation décolonisée du monde, reconnue par la Grande-Bretagne à la fin de la guerre, en 1783. La France des Lumières a joué un grand rôle, volant au secours des Insurgents (colons américains) et incarnée par le Héros des deux mondes, le très jeune et romanesque La Fayette.

Juste retour des choses, devenus première puissance économique au monde, les USA rejoignent les Alliés européens (France et Angleterre) dans les deux Guerres mondiales du XXe siècle. C’est la relance de nos relations passionnelles au cœur de la tourmente, pour deux happy-ends historiques. L’Armistice du 11 novembre 1918 est toujours célébré. D’où la double actu de cet édito.

Après un demi-siècle de guerre froide entre les deux grandes puissances (USA et URSS), dans un contexte de mondialisation irréversible et de médiatisation forcenée, le XXIe siècle improvise une nouvelle géopolitique au fil des crises. L’avenir déjoue toujours les prédictions, mais l’Histoire reste un repère d’autant plus nécessaire.

Toutes les citations de cet édito sont à retrouver dans nos Chroniques de l’Histoire en citations : en 10 volumes, l’histoire de France de la Gaule à nos jours vous est contée, en 3 500 citations numérotées, sourcées, contextualisée, signées par près de 1 200 auteurs.

Naissance des États-Unis d’Amérique.

« Les relations républicaines me charmaient. »1224

LA FAYETTE (1757-1834), profession de foi adolescente. Mémoires, correspondance et manuscrits du général Lafayette (posthume, 1837)

Issu d’une grande et riche famille dont la noblesse remonte au XIème siècle, orphelin à 13 ans, il se veut militaire, se sait ambitieux, mais pas courtisan. D’où ce mot plaisant quand il fait exprès de déplaire, histoire de quitter une bonne place à la cour et de s’engager dans l’aventure américaine, avec les premiers volontaires français.

Benjamin Franklin, venu en mars 1777 défendre la cause des Insurgents, a convaincu les Français « éclairés » : la simplicité de mise et le franc-parler de cet ambassadeur septuagénaire, envoyé du Nouveau Monde, contrastent avec les airs de la cour et séduisent d’emblée les Parisiens. Voltaire le philosophe et Turgot le ministre l’admirent également. Et La Fayette, 19 ans, contre l’avis de sa famille et du roi Louis XVI, s’embarque à ses frais sur une frégate. L’aventure commence, épique et déjà historique.

Il débarque en Amérique en juin 1777, pour se joindre aux troupes de Virginie. Nommé « major général », le jeune marquis paie bravement de sa personne au combat. Plus que jamais charmé par les « relations républicaines », il s’enthousiasme pour l’égalité des droits et le civisme des citoyens, avec l’intuition de vivre un événement qui dépasse les frontières de ce pays.

« C’est au bras de la noblesse de France que la démocratie américaine a fait son entrée dans le monde. »1225

Paul CLAUDEL (1868-1955), ambassadeur de France aux États-Unis, prenant la parole devant la société des Cincinnati. La France et l’indépendance américaine (1975), duc de Castries

Claudel, poète et l’un des grands dramaturges français du XXème siècle, fut aussi diplomate pendant quarante ans, consul, ambassadeur, ministre plénipotentiaire, en poste partout dans le monde, y compris à Washington.

La Fayette, de retour en France en 1779, triomphalement accueilli, soutient Benjamin Franklin et pousse le gouvernement à s’engager ouvertement dans la guerre d’Indépendance. Devançant un premier corps expéditionnaire de 6 000 hommes, il repart et se distingue à nouveau en Virginie, contre les Anglais. 3 000 Français trouvent la mort dans ce combat d’outre-Atlantique, qui s’achèvera par la défaite anglaise, en 1783. Le fougueux marquis gagne son titre de « Héros des deux mondes ». C’est sans nul doute la plus brillante période de sa longue vie.

Les États-Unis se rappelleront cette dette historique, s’engageant en avril 1917 dans la guerre mondiale au cri de : « La France est la frontière de la liberté. » Le jour anniversaire de l’Indépendance, 4 juillet 1917, sur la tombe parisienne du marquis, la référence est encore plus précise : « La Fayette, nous voici ! »

« Pour tout homme, le premier pays est sa patrie et le second c’est la France. »1232

Thomas JEFFERSON (1743-1826). Le Peuple (1846), Jules Michelet

Jefferson deviendra en 1801 le troisième président des États-Unis, après Georges Washington et John Adams. Auparavant, il a été ambassadeur des États-Unis à Paris (de 1785 à 1789). Francophile et francophone, philosophe imprégné des Lumières, humaniste, c’est aussi un savant. Il exprime ici l’opinion générale : la France est très populaire outre-Atlantique, depuis 1777 et l’arrivée des volontaires, La Fayette en tête.

En 1780, Vergennes (qui a longtemps hésité) va déclarer la guerre à l’Angleterre, entraîner l’Espagne à sa suite et envoyer un corps expéditionnaire commandé par Rochambeau. La France arme également une flotte de guerre qui remporte quelques victoires mémorables. Last but not least, c’est à Versailles qu’est signé le traité de paix ratifiant l’indépendance des États-Unis (1783).

Notre pays avait deux raisons de participer à cette guerre : prendre la revanche tant attendue contre l’Angleterre et répondre à l’attente des colons anglais d’Amérique, dont l’idéologie s’inspire de Montesquieu et Rousseau. Mais comme prévu par Turgot qui s’y opposait en tant que ministre des Finances, les dépenses militaires creuseront un déficit abyssal, estimé à un milliard de livres tournois – trois à quatre fois le budget de l’État en 1783 !

« [Les législateurs] n’ont-ils pas violé le principe de l’égalité des droits, en privant tranquillement la moitié du genre humain de celui de concourir à la formation des lois, en excluant les femmes du droit de cité ? »1249

Marquis de CONDORCET (1743-1794), Lettres d’un bourgeois de Newhaven à un citoyen de Virginie (1787)

Philosophe et scientifique, il est l’auteur de cet écrit célèbre influencé par la Révolution américaine qui contribue à répandre plus largement en France les idées nouvelles de liberté et d’égalité, quand les officiers et leurs troupes reviennent de la guerre d’Indépendance gagnée.

Condorcet fait partie de ces nombreux intellectuels qui croient possible une réforme du régime : un pouvoir monarchique sauvé par une délibération publique rationnelle et une administration éclairée, dans une nation de citoyens et de citoyennes égaux devant la loi. La Révolution telle qu’il la vivra et en mourra sera pour lui un dramatique échec.

« Voici une cocarde qui fera le tour du monde. »1336

LA FAYETTE (1757-1834), 17 juillet 1789. Petite histoire de France depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours (1883), Victor Duruy

Nommé le 15 juillet commandant de la garde nationale à 32 ans, La Fayette prend la cocarde bleue et rouge aux couleurs de Paris, y joint le blanc, couleur du roi, et présente cette cocarde tricolore à Louis XVI, venu « faire amende honorable » à l’Hôtel de Ville de Paris. Le roi met la cocarde à son chapeau et, par ce geste, reconnaît symboliquement la Révolution.

« Dans le nouveau monde, Monsieur de La Fayette a contribué à la formation d’une société nouvelle ; dans le monde ancien, à la destruction d’une vieille société. »1337

François René de CHATEAUBRIAND (1768-1848), Mémoires d’outre-tombe (posthume)

Dans le « nouveau monde », le très populaire « Héros des deux mondes » s’est engagé personnellement et financièrement dans la guerre d’Indépendance des « Insurgents » contre l’Angleterre - et contre la politique étrangère de Louis XVI. Le Congrès des jeunes États-Unis d’Amérique l’a fait citoyen d’honneur en 1781. Dans le « monde ancien », la France des Lumières et de la Révolution y a gagné un allié, pour les siècles à venir !

« La Déclaration des droits de l’homme apprit au monde entier que la Révolution française était faite pour lui. »1347

Jules SIMON (1814-1896), La Liberté (1859)

Par son exigence de rationalité et d’universalité, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dépasse les précédentes déclarations anglaise et américaine, même si elle s’inspire de la Déclaration d’Indépendance de 1776. Elle porte surtout la marque d’une bourgeoisie libérale nourrie de la philosophie des Lumières. Deux autres Déclarations suivront, en 1793 et 1795.

Au XXIème siècle, le monde a perdu beaucoup de ses repères et ses utopies, les Français sont souvent critiques et critiqués, mais la France reste dans la mémoire collective « la patrie des droits de l’homme ».

« La Reine […] a été trompée, elle promet qu’elle ne le sera plus […] elle promet d’être attachée au peuple comme Jésus-Christ à son Église. »1353

LA FAYETTE (1757-1834), à la foule, Versailles, 6 octobre 1789. Procédure criminelle instruite au Châtelet de Paris : sur la dénonciation des faits arrivés à Versailles dans la journée du 6 octobre 1789 (1790), Assemblée nationale constituante

La manifestation, d’abord pacifique, a dégénéré après une nuit de liesse bien arrosée, alors que La Fayette, présent à Versailles avec ses gardes nationaux, n’a rien vu venir et dort ! Mirabeau lui donnera le surnom de Général Morphée.

Il s’adresse à la foule qui a forcé les grilles et envahi le château de Versailles, massacré deux gardes du corps. S’il n’a pu empêcher l’émeute, il calme quand même le jeu, apparaissant au balcon avec le roi, la reine (en larmes) et le dauphin dans ses bras : signe de réconciliation symbolique (et illusoire) entre Louis XVI et son peuple.

Auréolé de son aventure américaine, La Fayette à 33 ans se rêve le Washington d’une démocratie royale et sauve sans doute la vie à la famille du roi, ce matin du 6 octobre. Son destin sera moins brillant qu’espéré, malgré ses efforts.

Présent à la Fête de la Fédération qui comble ses vœux politiques le 14 juillet 1790, le jeune général vit un nouveau jour de gloire : on baise ses mains et même la croupe de son cheval, on frappera des médailles à son effigie. Mais Mirabeau qui a les mêmes idées politiques déteste ce « maire du palais », il le traite de « Gilles-César », de « sous-grand-homme » et Marat de « faux ami du peuple ». Un an plus tard, il sera tenu pour responsable du massacre du Champ de Mars en tant que commandant de la garde, le 17 juillet 1791. Dans une confusion totale, un coup de feu part d’on ne sait où et La Fayette fait tirer sur la foule. Il y aura 15 morts (50, selon d’autres sources). Ce n’est pas considérable pour l’époque. Soucieux d’éviter le pire, voyant des officiers prêts à employer l’artillerie, La Fayette a poussé son cheval face à la gueule des canons - un geste qu’il faut porter à son crédit. Malgré tout, le choc est immense : pour la première fois, la milice bourgeoise a fait feu contre le peuple. Du jour au lendemain, La Fayette le héros est détesté. Il sera bientôt accusé de trahison.

Sous l’Empire, le Républicain convaincu refuse les « hochets » que lui offre Napoléon pour le rallier à sa cause : Légion d’honneur, fauteuil de sénateur, poste d’ambassadeur. C’est plutôt à son honneur. Mais à 65 ans, il rêve de rejouer le 1789 de sa jeunesse et conspire contre Louis XVIII.

Septuagénaire actif, il réapparaît pour son dernier rendez-vous avec l’Histoire, la Révolution de 1830 ayant détrôné Charles X en trois glorieuses journées de juillet. Redevenu populaire à la tête de la garde nationale rétablie qui occupe l’Hôtel de Ville, rallié à la cause du duc d’Orléans, La Fayette lui donne l’accolade et fait de Louis-Philippe le futur roi des Français, avec ce dernier mot qui vaut citation (n° 2034) : « Voilà ce que nous avons pu faire de plus républicain ».

Les deux Guerres mondiales du XXe siècle.

« La France est la frontière de la liberté. »2601

Georges CLEMENCEAU (1841-1929) citant ce cri de l’Amérique tant espérée. Clemenceau journaliste (1841-1929) : les combats d’un républicain (2005), Gérard Minart

Lettre de Clemenceau au président américain Coolidge, datée de 1926 : « C’est le territoire français qui a été scientifiquement ravagé. Trois mortelles années, nous avons attendu cette parole américaine : « La France est la frontière de la liberté. » Trois années de sang et d’argent coulant par tous les pores. »

Le président Wilson, élu en 1912, réélu en 1916, est un neutraliste convaincu. Le peuple américain aussi, partagé entre une population anglo-saxonne favorable à l’Entente (France et Angleterre), des immigrés d’origine allemande ou irlandaise qui sont contre et d’autres, juifs et polonais, qui espèrent la défaite de la Russie. À plusieurs reprises, Wilson a tenté des médiations entre belligérants, mais la guerre sous-marine envenime ses rapports avec l’Allemagne de Guillaume II depuis l’affaire du Lusitania : paquebot britannique torpillé le 7 mai 1915 par un sous-marin allemand dans l’Atlantique, 1 200 victimes, dont 124 Américains.

Le Congrès américain vote enfin la guerre contre les Empires centraux et l’Amérique vient au secours de la France, se rappelant sa dette historique.

« La Fayette, nous voici ! »2602

Colonel Charles E. STANTON (1859-1933), Cimetière de Picpus (Paris), 4 juillet 1917. Également attribué au général Pershing (1860-1948). La Fayette, nous voici ! : l’entrée en guerre des États-Unis, avril 1917 (2007), Ministère de la Défense

La phrase historique est prononcée le jour de la fête nationale des États-Unis (Independence Day), sur la tombe de La Fayette, le Héros des deux mondes, général français volontaire dans la guerre d’Indépendance américaine en 1777. La solidarité franco-américaine va de nouveau jouer pour la bonne cause : la défense de la liberté.

Dès le 28 juin, la première division américaine débarque à Saint-Nazaire : 14 500 hommes, qui seront 365 000 en décembre. Intervention décisive en cette année charnière où tous les pays en guerre sont en crise (morale, politique, sociale, militaire). L’union sacrée n’est plus ce qu’elle fut. En France, outre les mutins, 100 000 grévistes protestent en mai-juin contre les salaires trop bas et les prix trop élevés. Même phénomène en Angleterre, mais le cabinet de guerre formé par Lloyd George est plus fort que les gouvernements Ribot ou Painlevé en France. L’Italie connaît des émeutes en août et une forte propagande neutraliste, d’où effondrement moral et défaite militaire. L’Allemagne a aussi ses 125 000 grévistes dans les usines de munitions et ses mutineries de marins. Quant à la Russie, elle vit sa révolution, en octobre 1917 : chute du tsar et armistice signé par les Soviets en décembre.

« L’Allemagne peut être battue, l’Allemagne doit être battue, l’Allemagne sera battue. »2607

Général PERSHING (1860-1948), au généralissime Foch. The Story of General Pershing (2009), Everett Titsworth Tomlinson

Commandant en chef de l’AEF (American Expeditionary Force, corps expéditionnaire américain) à partir de novembre 1917, il s’adresse à Foch qui reprend le commandement de toutes les forces alliées avec l’appui de Clemenceau, le 26 mars 1918.

L’unité de commandement s’imposait, pour contrer l’assaut allemand du 21 mars qui a rompu le front des alliés sur 50 km, avec une percée « en éventail » créant la poche de Montdidier. Preuve que la guerre peut encore être perdue ! Mais ce sera un mal pour un bien : l’Amérique accepte de servir sous les ordres d’une autre armée, avant d’acquérir son autonomie – pour la première fois et sur une opération militaire parfaitement organisée, à la bataille du Saillant de Saint-Mihiel, en septembre. Un cimetière américain y rappelle les 4 518 soldats de l’AEF inhumés en Meurthe-et-Moselle.

« L’armistice vient d’être signé par Lloyd George qui ressemble à un caniche, par Wilson qui ressemble à un colley et par Clemenceau qui ressemble à un dogue. »2614

Jean GIRAUDOUX (1882-1944), Suzanne et le Pacifique (1921)

Diplomate, romancier, auteur dramatique, il fera une longue carrière aux Affaires étrangères de 1910 à 1940.

L’armistice est signé le 11 novembre 1918, dans un wagon-salon près de la gare de Rethondes. Il impose à l’Allemagne l’évacuation des territoires envahis, de la rive gauche du Rhin, ainsi que d’une zone de 10 km sur la rive droite ; la livraison de matériel de guerre (canons, mitrailleuses, sous-marins, navires) pour prévenir toute reprise des hostilités ; la restitution immédiate des prisonniers de guerre. Signé pour 36 jours, l’armistice est reconduit jusqu’à la signature du traité de Versailles, le 28 juin 1919.

« Vous avez gagné la plus grande bataille de l’histoire et sauvé la cause la plus sacrée, la liberté du monde. »2615

Maréchal FOCH (1851-1929), Ordre du jour aux armées alliées, 12 novembre 1918. Histoire de France contemporaine depuis la Révolution jusqu’à la paix de 1919, volume IX (1922), Ernest Lavisse, Philippe Sagnac

Foch, généralissime, est promu maréchal, en août 1918. Son ordre du jour est rédigé le 11 novembre à Senlis, à l’heure même où Clemenceau parle à la Chambre des députés, et publié le 12 novembre : « Officiers, sous-officiers, soldats des armées alliées, après avoir résolument arrêté l’ennemi, vous l’avez pendant des mois, avec une foi et une énergie inlassables, attaqué sans répit […] Soyez fiers ! D’une gloire immortelle vous avez paré vos drapeaux. La postérité vous garde sa reconnaissance. »

« Il est un droit supérieur à tous les autres : c’est le droit, pour une collectivité nationale, de vivre dans son indépendance et dans sa fierté. »2657

Aristide BRIAND (1862-1932), Paroles de paix (1927)

L’Entre-deux-guerres est une période tourmentée. Notre pays est sorti victorieux de la Grande guerre, mais ruiné, épuisé. La montée des périls est d’actualité. Impossible d’ignorer la menace d’une nouvelle guerre en Europe, alors que les États-Unis sont en froid avec la France qui ne rembourse pas ses dettes et occupe la Ruhr en 1924, car l’Allemagne ne paie pas le montant (exorbitant) des réparations.

Inlassable partisan de la paix et de la collaboration internationale, notre ministre des Affaires étrangères Aristide Briand veut renouer d’heureuses relations avec les États-Unis et négocie avec son homologue Frank Billings Kellogg, secrétaire d’État aux Affaires étrangères du président Coolidge.

« Voilà ce qu’est le pacte de Paris. Il met la guerre hors la loi. Il dit aux peuples : la guerre n’est pas licite, c’est un crime. La nation qui attaque une autre nation, la nation qui déclenche ou déclare la guerre, est une criminelle. »2658

Aristide BRIAND (1862-1932), Chambre des députés, 1er mars 1929. La Mêlée des pacifistes, 1914-1945 (2000), Jean-Pierre Biondi

Ministre des Affaires étrangères, Briand est lyrique pour présenter à l’Assemblée le pacte Briand-Kellogg du 27 août 1928, conçu avec son homologue américain, couronné à son tour par le Nobel de la Paix à la fin de cette année.

Au terme de ce traité signé à Paris, 15 pays (bientôt suivis par 48 autres, y compris l’Allemagne, le Japon et l’URSS) condamnent la guerre « comme instrument de la politique nationale ». Malheureusement, nulle sanction n’est prévue en cas d’infraction ! Adolf Hitler a déjà rédigé Mein Kampf (1924), ne dissimulant rien de l’Ordre nouveau qu’il veut imposer à l’Europe ; déjà il organise le parti nazi (Parti national-socialiste ouvrier), ayant créé en 1926 les SS (police militarisée).

Le krach de Wall Street, ce « Jeudi noir » du 24 octobre 1929 où les valeurs boursières s’effondrent, avant d’entraîner l’économie mondiale dans la tourmente, ruine les rêves de paix et favorise l’arrivée d’Hitler au pouvoir. C’en est bientôt fini de l’ère Briand.

« [C’est] l’homme au micro entre les dents. »2661

La Vie socialiste (revue bimensuelle internationale) désignant André Tardieu en 1932. L’un des nombreux détournements de « l’homme au couteau entre les dents », affiche de 1919. La Plus longue des Républiques : 1870-1940 (1994), Jean-Yves Mollier, Jocelyne George

La radio fait son entrée dans la vie politique : Tardieu, président du Conseil, intervient dans la campagne électorale en vue des élections de mai 1932, incitant les radicaux à s’allier avec le centre et la droite contre les socialistes, et s’adressant directement dans ses discours à toute la France, par la voix des ondes.

L’opinion est choquée. On dénonce un « nouveau boulangisme ». Tardieu a un style trop « parisien » et son modernisme le dessert. En fait, il imite les Américains : dès 1925, le président Hoover utilisa le micro pour sa campagne électorale, alors qu’en 1928, Raymond Poincaré, chef du gouvernement, interdit toute intervention politique à la radio pendant la campagne électorale.

Mais rien ne peut empêcher l’irrésistible montée au pouvoir des médias. En 1934, le très populaire Gaston Doumergue s’exprimera régulièrement à la radio pour rendre compte de son action gouvernementale. La radio va jouer un rôle capital dans la prochaine guerre. La télévision viendra ensuite, concurrencée, sinon détrônée par Internet, devenu indispensable aux campagnes électorales comme aux mouvements révolutionnaires, au XXIème siècle.

« La France et l’Angleterre doivent désormais résister à toute nouvelle exigence de Hitler. »2702

Avis de 70 % des Français, selon un sondage de décembre 1938. Histoire de la France au XXe siècle, volume II (2003), Serge Berstein, Pierre Milza

Premier fait, de nature politique : le revirement de l’opinion publique. En septembre, 57 % des Français étaient encore favorables aux accords de Munich. Mais la montée de l’hitlérisme est mieux saisie et la bourgeoisie a moins peur de la révolution des rouges, après l’échec syndical de la CGT (mot d’ordre de grève générale non suivi, en novembre).

Autre fait, de société : l’apparition des sondages d’opinion publique en France. Ils sont nés aux USA, fin 1936, à l’initiative d’un journaliste et statisticien, George Horace Gallup, fondateur de l’institut portant son nom. D’août 1938 à juillet 1939, il y a près de trente sondages sur l’opinion face aux problèmes extérieurs : une source d’information devenue indispensable.

« Comment voulez-vous que je fasse avec un homme qui se prend à la fois pour Jeanne d’Arc et Napoléon ! »2724

Franklin Delano ROOSEVELT (1882-1945). La Vie politique en France de 1940 à 1958 (1984), Jacques Chapsal

Le président des États-Unis n’éprouve pas la sympathie d’un Churchill pour de Gaulle qu’il soupçonne de populisme – il le compare même au général Boulanger ! Le chef de la France libre devra se battre dans les coulisses de la guerre, pour ne pas être systématiquement éliminé des opérations.
Cela dit, la référence à ces deux personnages de l’histoire de France est assez juste : Napoléon est le grand homme de De Gaulle (avec César et Alexandre), cependant qu’il entretient avec la France un dialogue quasi-mystique dont il fait état dans ses Mémoires : « Je suis son fils qui l’appelle […] J’entends la France me répondre. »

« Aujourd’hui, 10 juin 1940, la main qui tenait le poignard l’a plongé dans le dos de son voisin. »2746

Franklin Delano ROOSEVELT (1882-1945), Université de Virginia, 10 juin 1940. Soixante jours qui ébranlèrent l’Occident (1956), Jacques Benoist-Méchin

Un malheur ne vient jamais seul : l’Italie a déclaré la guerre à la France qui est en pleine débâcle. Mussolini, prudemment non-belligérant jusqu’alors, voit déjà la victoire d’Hitler, veut « s’asseoir à la table des vainqueurs » et avoir sa part des dépouilles – il réclame la Corse, la Savoie, Nice et Menton.

Roosevelt, président des États-Unis, très populaire et sachant user des nouveaux mass media, voudrait lutter contre les pays totalitaires d’Europe. Mais le Sénat et l’opinion publique américaine, ignorant un danger encore lointain pour eux, demeurent profondément isolationnistes – comme ils le furent dans la Première Guerre mondiale jusqu’en 1917.

« La guerre nazie est une répugnante affaire. Nous ne voulions pas y entrer ; mais nous y sommes et nous allons combattre avec toutes nos ressources. »2782

Franklin Delano ROOSEVELT (1882-1945), Déclaration du président des États-Unis, faisant suite à l’attaque sur Pearl Harbor du 7 décembre 1941. Comment Einstein a changé le monde (2005), Jean-Claude Boudenot

L’aviation et la flotte japonaises, sans déclaration de guerre, ont détruit la flotte américaine du Pacifique à Pearl Harbor. C’est la chance des démocraties européennes qui vont avoir le plus puissant des alliés – mais pas le plus facile, surtout pour de Gaulle, toujours peu apprécié du président américain.

Roosevelt, très populaire et médiatique, voulait lutter contre les pays totalitaires d’Europe. Dès le 2 août 1939, une lettre d’Albert Einstein - savant le plus célèbre au monde et juif allemand ayant fui le nazisme - l’a convaincu de tout mettre en œuvre pour développer une bombe atomique (au plutonium). Et surtout d’être le premier, avant Hitler ! Mais le Sénat et l’opinion publique américaine restaient isolationnistes – jusqu’à la tragédie de Pearl Harbor qui touche directement la nation qui se croyait intouchable.

Les États-Unis entrent en guerre contre le Japon et indirectement contre ses deux alliés, Allemagne et Italie, qui lui ont déclaré la guerre le 11 décembre. Le premier « débarquement américain » se fera en Afrique du Nord, novembre 1942.

« Bien entendu, c’est la bataille de France et c’est la bataille de la France. »2808

Charles de GAULLE (1890-1970), Déclaration radiodiffusée du 6 juin 1944 à Londres, jour du débarquement allié en Normandie. Mémoires de guerre, tome II, L’Unité, 1942-1944 (1956), Charles de Gaulle

Il annonce aux Français le début des opérations. « Bien entendu », les résistants de l’intérieur vont y participer, avec les soldats de la France libre venus du monde entier.

Le premier jour, 90 000 Américains, Britanniques, Canadiens et 177 Français (commandos, fusiliers marins du capitaine Kieffer) dans les forces d’assaut, seront suivis de 200 000 hommes les jours suivants. Avec 9 000 navires, 3 200 avions.

« Le jour le plus long » a commencé la veille, à 23 heures, par un parachutage dans la région de Sainte-Mère-l’Église. La première unité débarque le 6 juin à 6 heures du matin à Sainte-Marie-du-Pont, sur une plage rebaptisée pour l’éternité Utah Beach. Les pertes de cette gigantesque opération Overlord dirigée par le général Eisenhower seront de 30 000 à 40 000 hommes chez les Alliés, 150 000 du côté allemand (et 70 000 prisonniers).

Au total, c’est une armée de 2 millions d’hommes qui débarque pour livrer cette nouvelle bataille de France.

« Qu’entre la mer du Nord et la Méditerranée, depuis l’Atlantique jusqu’au Rhin, soit libérée de l’ennemi cette nation […] Nous rapportons à la France l’indépendance, l’empire et l’épée. »2816

Charles de GAULLE (1890-1970), Mémoires de guerre, tome II, L’Unité, 1942-1944 (1956)

Après le débarquement en Normandie et avant la libération de Paris, un second débarquement a été mené en Provence par les Américains et la Première Armée française (avec de Lattre de Tassigny), le 15 août 1944. Ces forces qui remontent par les Alpes et la vallée du Rhône vont faire la jonction avec celles du nord, le 12 septembre. L’insurrection des villes et l’action des FFI précèdent ou achèvent l’œuvre des forces de libération.

« Notre politique n’est dirigée contre aucun pays, aucune doctrine, mais contre la famine, la pauvreté, le désespoir et le chaos. »2869

George MARSHALL (1880-1959), Discours de Harvard, 5 juin 1947. Une Europe inédite : documents des archives Jean Monnet (2001), Bernard Lefort, Fondation Jean-Monnet pour l’Europe

La guerre est finie. Le secrétaire d’État américain offre l’aide massive des États-Unis aux nations européennes pour favoriser leur redressement économique, indispensable à l’équilibre mondial et à la paix. Ces pays sont aussi des partenaires avec qui l’on doit dialoguer, échanger biens et services. L’intérêt et la morale, les affaires et la politique obéissent parfois à la même logique historique.

Le plan Marshall n’exclut pas, en principe, la zone d’influence soviétique. Mais en pleine guerre froide, l’URSS redoute l’extension de l’impérialisme américain, de sorte que la Tchécoslovaquie, tentée par l’aide, doit finalement refuser.

« Les États-Unis d’Europe se feront dans la douleur, et les États-Unis du monde ne sont pas encore là. »2874

André MALRAUX (1901-1976), Appel aux intellectuels, 5 mars 1948 à la salle Pleyel. André Malraux (1952), Pierre de Boisdeffre

Les rêves du XIXème siècle, ceux de Michelet, Hugo, Jaurès et autres apôtres des « États-Unis du monde », sont révolus selon Malraux : « Pour le meilleur comme pour le pire, nous sommes liés à la patrie. » Il défend la notion d’héritage culturel, au nom de quoi la France doit retrouver son rôle en Europe. C’est aussi de Gaulle qui parle par sa voix.

Mais l’appel n’est pas entendu. Malraux, inaccessible à la tentation des honneurs politiques, seul des écrivains de grand renom à s’associer étroitement au gaullisme, restera le plus fidèle des compagnons, durant « la traversée du désert ».

La guerre froide dans un monde bipolaire.

« La guerre froide avait trouvé un point chaud, même brûlant. »2877

Edgar FAURE (1908-1988), parlant de la guerre de Corée, déclarée le 25 juin 1950. Mémoires (1982), Edgar Faure

Dans un monde bipolaire, la guerre froide est un équilibre de la terreur qui va durer cinquante ans, entre les deux grandes puissances mondiales disposant de l’arme atomique, les États-Unis et l’URSS. Churchill le premier dénonce en 1946 le « rideau de fer » qui est tombé sur le continent européen. L’opinion publique comprend l’évidence en 1948, lors du coup de Prague, quand les communistes prennent le pouvoir en Tchécoslovaquie. L’année suivante, l’OTAN crée une alliance militaire occidentale et Staline riposte avec le Pacte de Varsovie.

La guerre de Corée est la première bataille de la guerre froide, bien vue par Edgar Faure (alors ministre des Finances). « La magistrature de René Pleven débutait dans une période de cyclone international. L’invasion de la Corée créait une situation nouvelle pour le monde et bouleversait les données des problèmes posés à la France. »

Deux questions vont polariser l’activité du nouveau gouvernement : armement (supplémentaire) de la France, réarmement « direct ou indirect » de l’Allemagne ? Pour éviter un réarmement purement allemand et satisfaire les Américains souhaitant que l’Europe participe à la défense du monde libre, on envisage de créer une armée européenne, avec commandement supranational : la querelle autour de la fameuse CED (Communauté européenne de défense) va marquer la vie politique en 1951.

« Il faut que la défense de la France soit française […] Un pays comme la France, s’il lui arrive de faire la guerre, il faut que ce soit sa guerre. Il faut que son effort soit son effort. »2938

Charles de GAULLE (1890-1970), Discours au Centre des hautes études militaires, 3 novembre 1959. Discours et messages : avec le renouveau, mai 1958-juillet 1962 (1970), Charles de Gaulle

C’est un militaire qui parle. Pendant sa guerre de Résistance, il a dû se battre aussi pour être reconnu du grand allié américain. Un peu plus tard, face aux USA, il affirmera : « Il est intolérable à un grand État que son destin soit laissé aux décisions et à l’action d’un autre État, quelque amical qu’il puisse être. »

La force de frappe atomique française, clé de voûte du système de défense, combattue du vivant du général de Gaulle, mais populaire dans l’opinion, sera développée par tous ses successeurs. Au XXIème siècle, hors tout contexte de guerre froide, la force de dissuasion nationale n’est pas vraiment remise en question.

« Cinquante ans après la révolution d’Octobre, le cinéma américain règne sur le cinéma mondial […] À notre échelon modeste, nous devons nous aussi créer deux ou trois Vietnams […] et tant économiquement qu’esthétiquement, c’est-à-dire en luttant sur deux fronts, créer des cinémas nationaux, libres, frères, camarades et amis. »2957

Jean-Luc GODARD (né en 1930), présentant La Chinoise en 1967. Encyclopædia Universalis, article : « Godard (Jean-Luc) »

La « Nouvelle Vague » naît dans les années 1960. C’est une expression de Françoise Giroud, pour désigner les 18-30 ans dans une enquête de L’Express (5 décembre 1957). Mais le mot passe dans l’histoire pour qualifier le jeune cinéma français des Godard, Truffaut, Chabrol, Rohmer, Rivette, Agnès Varda et quelques autres.

Dans les années 1980, le cinéma français, seul cinéma national en Europe, résiste au cinéma américain. Mais le cinéma américain, de même que la musique et la civilisation américaines, continuent de fasciner le vieux monde.

« Internet représente une menace pour ceux qui savent et qui décident. Parce qu’il donne accès au savoir autrement que par le cursus hiérarchique. »2963

Jacques ATTALI (né en 1943), Libération, 5 mai 2000

Multi diplômé (ENA, Polytechnique, Sciences Po, École des Mines, Université), professeur d’économie, auteur de nombreux essais, conseiller spécial auprès du président Mitterrand de 1981 à 1991, Attali est classé parmi les « cent intellectuels les plus importants du monde » (Magazine Foreign Policy, mai-juin 2008). Bien au-delà de l’intérêt économique, il souligne l’autre vertu de cet outil informatique universel.

Lancé à la fin des années 1960 par la Défense américaine (projet Arpanet), Internet devient le moyen de communication privilégié de la recherche scientifique, avant de séduire le monde des entreprises, dans les années 1990. Première fonction, l’échange de courriers électroniques. C’est aujourd’hui une révolution culturelle comparable à l’imprimerie au XVème siècle, mais sa vitesse de propagation est fulgurante.

C’est aussi une nouvelle civilisation dont l’histoire commence à peine, la perspective de tous les possibles, en matière de communication, d’information, de liberté. Le XXIème siècle est déjà celui d’Internet. Mais tout progrès technologique comporte des risques, à la démesure de sa puissance. Ici, la désinformation et les fake-news, la « vraie culture » noyée dans la foule innombrable des messages, la gratuité considérée comme un droit, le pouvoir quasi-incontrôlable et parfois dévastateur des réseaux sociaux – en tête, Facebook, You Tube, Twitter.

« C’est un petit pas pour l’homme, mais un grand bond pour l’humanité. »3115

Neil ARMSTRONG (1930-2012), premiers mots en direct de la Lune, 21 juillet 1969

L’astronaute américain pose une plaque en forme de message : « Ici, des hommes de la planète Terre ont mis pour la première fois le pied sur la Lune en juillet 1969 après J.-C., nous sommes venus pacifiquement au nom de toute l’Humanité. » L’humanité oublie d’être blasée : elle assiste en temps réel à ce rêve aussi vieux qu’elle, devenu réalité.

La conquête spatiale, prodige de technologie, fut aussi, ou d’abord, un enjeu politique, dans la « guerre froide » entre les États-Unis d’Amérique (incarnation du capitalisme) et l’Union soviétique (chantre du communisme). L’URSS a tiré la première, en lançant Spoutnik 1 en 1957. L’Amérique s’est rattrapée l’année suivante, avec Explorer 1. En 1961, le premier homme dans l’espace est russe, Youri Gagarine. Mais avec Apollo 11 qui décolle de Cap Kennedy en Floride, c’est un Américain qui marche enfin sur le sol lunaire.

Les explorations lunaires sont abandonnées au cours des années 1970 par les Américains comme par les Soviétiques. Mais la conquête de l’espace continue et la France y a sa place. En 1961, de Gaulle a créé le CNES (Centre national d’études spatiales), devenu un acteur majeur de l’Europe spatiale : après l’échec d’Europa, trop lourd, trop coûteux, trop ambitieux, Ariane 1 est le premier modèle d’une famille de lanceurs qui place l’Europe en tête du marché mondial, au XXIème siècle. Incontestable réussite, en termes d’emplois, de progrès économique et de recherche scientifique.

« Il y a plus inconnu que le Soldat inconnu : sa femme ! »3125

Banderole déroulée par le MLF sur la dalle du Soldat inconnu, place de l’Étoile, 26 août 1970. La Mémoire des femmes : anthologie (2002), Paulette Bascou-Bance

Autre banderole brandie : « Un homme sur deux est une femme. »

Elles sont une dizaine à manifester dans Paris déserté. Elles déposent une gerbe à la femme inconnue du célèbre Soldat inconnu. Et sont arrêtées. Dès le lendemain, la presse déclare la naissance du MLF, Mouvement de libération des femmes. C’est sa première sortie médiatique – bien modeste.

Le même jour à New York, 50 000 femmes célèbrent leur conquête du droit de vote, il y a cinquante ans. France-Soir ironise : « Quand les Américaines brûlent leurs dessous sur la place publique, la France du bœuf miroton hausse les épaules. Il n’y a pas eu d’autodafé de soutiens-gorge hier à l’Étoile. Seulement une bousculade. »

Le MLF, héritier spirituel de Mai 68, du Women’s Lib américain et de divers courants plus ou moins réformistes ou radicaux, va tenir sa première AG en octobre 1970. Au-delà d’un certain folklore, entre « provoc » et happening, les années 1970-1980 verront aboutir l’essentiel des revendications des femmes (dont l’IVG) et la vie quotidienne en sera changée, profondément.

« Les pacifistes sont à l’Ouest, et les missiles sont à l’Est. »3241

François MITTERRAND (1916-1996), 20 janvier 1983 au Bundestag à Bonn (RFA). La Vie politique sous la Ve République (1987), Jacques Chapsal

Conscient du déséquilibre des forces en Europe et de la supériorité de l’URSS, le président français tient à rappeler cette vérité aujourd’hui oubliée.

Depuis les années 1970, les Soviétiques installent dans les pays satellites d’Europe centrale des missiles nucléaires à moyenne portée (les SS-20), pointés sur les centres stratégiques de l’Europe occidentale. Pour répliquer à cette menace, les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN proposent d’installer en Allemagne fédérale des missiles d’une puissance égale (les Pershing), orientés vers l’URSS et l’Europe communiste.

Mais les mouvements pacifistes et gauchistes se mobilisent contre le projet américain, avec le slogan : « Plutôt rouges [communistes] que morts ! » Les jeunes Allemands sont les plus nombreux à manifester, contre le parapluie américain et pour le désarmement.

Devant les députés allemands, Mitterrand se montre ferme et son intervention est un soutien inespéré à l’OTAN. Il aidera au retournement de l’opinion publique occidentale. Dans les manifestations à venir, « Faites l’amour et pas la guerre » est contré par un nouveau slogan : « Il vaut mieux un Pershing dans son jardin qu’un Russe dans son lit ». Les Soviétiques vont finalement reculer et démanteler leurs SS-20. La guerre froide est bien finie. Mais d’autres guerres vont suivre.

« Ce que l’on expérimente au Proche-Orient, ce ne sont pas simplement de nouveaux types d’armes, de nouveaux médias, mais une nouvelle forme de guerre. »3291

Serge July (né en 1942), Libération, 21 janvier 1991

C’est la (première) guerre du Golfe (août 1990-février 1991). La France, en la personne du président Mitterrand, y va sans entrain, mais elle suit les États-Unis : par solidarité avec son puissant allié historique et par crainte de voir l’Irak contrôler le pétrole arabe du Golfe, dictant alors ses prix à l’Occident.

Est-ce pour faire accepter cette guerre à l’opinion publique que naît le concept moderne de « guerre propre », associé à celui de « guerre éclair » ? Pari réussi ! Le téléspectateur-citoyen, fasciné durant quelques jours, surtout le soir, assiste en temps réel à l’action titrée « Tempête du désert ». Il vit l’histoire en direct, une forme de téléréalité totalement scénarisée, avec des moyens audiovisuels parfaitement maîtrisés par CNN (Cable News Network), seule chaîne occidentale autorisée à rester à Bagdad et diffusant en continu, 24 heures sur 24 – comme la radio, mais avec des images.
Comme tout se passe en direct, il se croit parfaitement informé. Des experts défilent pour lui expliquer cette guerre d’un genre nouveau, on voit même des journalistes en battle-dress ! Il apprend le mot SCUD – missile balistique de fabrication russe, dont l’Irak use contre Israël à partir du 18 janvier – et il assiste aux ripostes ciblées des Alliés contre les zones sensibles de l’ennemi, avec des missiles sol-air Patriot.

Les images nocturnes des tirs de DCA feront le tour du monde et la fortune de CNN – chaîne bientôt critiquée, mais partout imitée pour ce concept d’information continue. Le 28 février, le président américain George Bush ordonne le cessez-le-feu. Mission accomplie : le Koweït est libéré, l’armée irakienne est défaite. Mais le Moyen-Orient reste une zone hautement inflammable, avec la montée de l’islamisme politique – rendez-vous  au 11 septembre 2001.

Mondialisation et nouvelle géopolitique du XXIe siècle.

« Que voulez-vous, je suis Français, et j’adore aller expliquer aux autres ce que je suis infoutu de faire chez moi. »3320

Jacques CHIRAC (1932-2019), Dans la peau de Jacques Chirac (2006), Karl Zéro et Michel Royer

Ce côté donneur de leçon remonte au siècle des Lumières et à la Révolution. Mais peu d’hommes publics confessent que c’est parfois un travers ridicule. Chirac note d’ailleurs : « En matière de politique internationale, on ne retient mes propos que si je dis une connerie. »

L’écologie est le dossier idéal ! Le Président plaide la cause, en annonçant « sa » Conférence de Paris et l’ONUE : « Chacun sait qu’une activité humaine non maîtrisée est en train de provoquer une sorte de lent suicide collectif. Seul le rassemblement des nations autour d’engagements consentis en commun permettra de prévenir un désastre. Créons l’Organisation des Nations unies pour l’environnement, conscience écologique du monde, lieu privilégié de notre action commune pour les générations futures. La France accueillera l’année prochaine, dans une conférence internationale, tous ceux qui veulent faire progresser ce projet capital pour l’avenir de la planète » (déclaration du 19 septembre 2006).

Ce que retiendra l’histoire, c’est aussi et surtout l’opposition de la France à la (seconde) guerre du Golfe, voulue par Georges Bush (junior) contre l’Irak en 2003.

« Internet n’est pas seulement une révolution industrielle. C’est aussi une révolution politique : elle touche au pouvoir ; elle bouleverse les rapports de force. Par là, elle est profondément déstabilisatrice. »3360

Jean-Marie MESSIER (né en 1956), J6m.com, Faut-il avoir peur de la nouvelle économie ? (2000)

Année 2000, apogée de la « bulle Internet » et sommet de la carrière de Messier, patron à 40 ans de Vivendi, la plus grosse entreprise privée française (200 milliards de francs de chiffre d’affaires, 220 000 salariés) qu’il a encore étendue au multimédia et aux télécommunications.

Débordant d’enthousiasme pour Internet, ce surdoué en affaires voit dans le développement de la nouvelle économie un nouvel avenir au capitalisme, tandis que les secteurs de l’informatique et des télécommunications s’emballent, avec la révolution des technologies. La métaphore des « autoroutes de l’information » fait florès. Deux ans plus tard, la bulle a crevé, ce qui est le sort de toutes les bulles spéculatives, ruinant un grand nombre de start-up, entraînant la chute du NASDAQ (New York) et du Cac 40 (Paris). Celui qui se croyait le maître du monde – J2M pour ses collaborateurs, devenu pour les Guignols de l’info J6M (Jean-Marie Messier, Moi-Même Maître du Monde) – a vu s’effondrer en bourse le titre de Vivendi Universal, doit démissionner et renoncer à des indemnités conventionnelles de 20 millions de dollars.

Depuis, Messier refait fortune outre-Atlantique, à un moindre degré, cependant que le Web 2.0 offre un second souffle aux jeunes créateurs d’entreprises : voir Facebook et Twitter. Parmi les réussites françaises : Rue du Commerce (créé en 1999), Free (1999), Meetic (2001). Et les rescapés de la bulle sont de solides géants : Google, Yahoo, eBay, Amazon.

« Comme 1914 a marqué l’entrée dans le XXème siècle le 11 septembre 2001 marque l’entrée dans le XXIème  siècle. »3363

Jean-François DENIAU (1928-2007), ex-ministre des Affaires étrangères et ambassadeur, Les Échos, 22 octobre 2001

Le 11 septembre, quatre avions-suicides s’écrasent sur le World Trade Center à New York, sur le Pentagone à Washington, et en Pennsylvanie. Les images, retransmises en direct devant des centaines de millions de téléspectateurs, repassent en boucle, pendant des semaines. L’effondrement des Twin Towers, tours jumelles au cœur de la City, rappelle les pires films-catastrophes. Au total, 2 977 victimes et 19 terroristes.

Le soir même, le président Chirac s’exprime sur TF1 : « C’est avec une immense émotion que la France vient d’apprendre ces attentats monstrueux – il n’y a pas d’autre mot – qui viennent de frapper les États-Unis d’Amérique… J’assure naturellement le président George Bush de mon soutien total. La France, vous le savez, a toujours condamné et condamne sans réserve le terrorisme, et considère qu’il faut lutter contre le terrorisme par tous les moyens. »

Le lendemain, Vladimir Poutine, président de la fédération de Russie, réagit de même et c’est cela qui est remarquable : « Les États-Unis ont aujourd’hui fait face à une agression sans précédent de la part du terrorisme international […] Il s’agit d’un défi effronté à l’humanité entière, du moins à l’humanité civilisée. Et ce qui s’est passé aujourd’hui est une preuve supplémentaire de la pertinence de la proposition russe de mettre en commun les efforts de la communauté internationale dans la lutte contre le terrorisme, ce fléau du XXIème siècle. »

« Dieu Tout-Puissant a frappé les États-Unis en leur point le plus vulnérable. Il a détruit leurs plus grands bâtiments. Louange à Dieu. Les États-Unis sont remplis de terreur du nord au sud et de l’est à l’ouest. Louange à Dieu. Il a permis à un groupe de musulmans à l’avant-garde de l’Islam de détruire les États-Unis. Je lui demande de leur accorder le paradis. »3364

Oussama BEN LADEN (1957-2011), 7 octobre 2001

À travers plusieurs vidéos et d’autres documents authentifiés, Ben Laden revendique son rôle dans ces attentats et se réjouit du résultat. Faut-il s’étonner qu’un terroriste fasse son métier ou remplisse sa mission – terroriser ?

Voilà le terrorisme placé au centre de la géopolitique internationale. Deux guerres vont suivre. D’abord en Afghanistan, pour traquer Ben Laden et son réseau Al-Qaïda. La France s’engage aux côtés des Américains, le 7 octobre 2001. Mais elle ne les suivra pas en 2003, dans la nouvelle guerre du Golfe ou guerre d’Irak.

Dans ce dossier plaidé à l’ONU le 14 février 2003, la voix de la France est celle de Dominique de Villepin, éloquent ministre des Affaires étrangères : « Et c’est un vieux pays, la France, d’un vieux continent comme le mien, l’Europe, qui vous le dit aujourd’hui… » À l’occasion de cette crise, notre pays retrouve, pour un temps, son rôle de grande puissance, conforme à son histoire et son génie. Chirac le gaulliste a dû adorer cet épisode d’un quinquennat souvent difficile.

Au terme d’une cavale de dix ans, Ben Laden sera finalement retrouvé dans une luxueuse résidence au Pakistan, et tué par les forces spéciales de l’US Navy, le 2 mai 2011, à une heure du matin.

« Je pense que les institutions bancaires sont plus dangereuses pour nos libertés que des armées entières prêtes au combat. Si le peuple américain permet un jour que des banques privées contrôlent leur monnaie, les banques et toutes les institutions qui fleuriront autour des banques priveront les gens de toute possession, d’abord par l’inflation, ensuite par la récession, jusqu’au jour où leurs enfants se réveilleront, sans maison et sans toit, sur la terre que leurs parents ont conquise. »3427

Thomas JEFFERSON (1743-1826), président des États-Unis, Discours de 1802. L’Économie mondiale à bout de souffle : L’ultime crise du capitalisme ? (2011), Jean Baumgarten

L’auteur de la Constitution américaine signait, deux siècles plus tôt, un discours véritablement visionnaire sur l’origine de la tourmente, partie des États-Unis en 2007.

C’est d’abord une crise financière, avec dégonflement de la bulle immobilière américaine et pertes considérables des établissements financiers, suite à la crise des subprimes – prêts immobiliers à risque que les emprunteurs ne peuvent plus rembourser. D’où le premier krach, avec chute des cours boursiers, faillites bancaires.

Pour éviter une crise systémique, les États interviennent pour sauver les banques, d’où crise de la dette publique. Suit une récession, avec recul du produit intérieur brut mondial de 2,2 % en 2009. En réaction, on prend des mesures pour la régulation du système bancaire et financier. Malgré tout, la crise perdure en 2010, l’afflux de liquidités fait craindre l’éclatement de nouvelles bulles dans l’immobilier chinois, les bourses, les emprunts d’États et les métaux. En Europe, la crise de la dette publique est un casse-tête non résolu en 2012. Mais chaque époque a ses problèmes.

En 2020, la crise sanitaire touche tous les pays du monde. Après la peste noire du Moyen Âge (1347-1351) qui décima les populations européennes (25 millions de victimes), la grippe espagnole des années 1918-1919 (deux fois plus mortelle que la Première Guerre mondiale !), le SIDA des années 1980 (30 millions de morts, bilan à suivre), voici la nouvelle pandémie. Partie de Chine, répandue en Europe, touchant bientôt les USA et le Brésil, la Covid-19 (famille des Corona-virus), sans traitement ni vaccin connu à ce jour, est d’ores et déjà historique par son bilan provisoire.

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