Les Surnoms - jeu de mots entre petite et grande Histoire (Cinquième République, de Sarkozy à Macron) | L’Histoire en citations
Édito de la semaine

Les surnoms

Cinquième République, de Sarkozy à Macron

Au final, l’Histoire c’est l’actu et la plupart des noms cités restent dans le cirque politique. Les surnoms font florès, il y a parfois inflation. L’humour l’emporte définitivement, il n’y a plus de limite et les femmes ont presque la parité de traitement. Bien au mal, à vous de juger !  

(L’abondance des surnoms et des surnommés impose une règle formelle pour les deux derniers épisodes : une seule citation pour chaque nom. Seuls, les présidents de la République ont droit à deux et la France en a six !)

Nicolas Sarkozy : Sarko, le Nain, le Petit Nicolas, Nico le bigorneau, Naboléon (Nabot-Napoléon), SarkoLéon,  Sarko 1er, Super Président, Super Sarko, Omniprésident, Tsarkosy, Speedy Gonzales, Iznogood

« Ceux qui ne peuvent supporter d’être haïs ne doivent pas faire de la politique. Il n’y a pas de destin sans haine. »3470

Nicolas SARKOZY (né en 1955), sur son site : Présidentielle 2012

Phrase prémonitoire écrite en 2007, d’un animal politique ayant déjà connu une première traversée du désert avant 40 ans. Éloigné du pouvoir par Chirac (qu’il a trahi pour Balladur), il reviendra au gouvernement comme personnalité déjà incontournable, mais plus que jamais détesté par les chiraquiens.

En un quinquennat (2007-2012), aucun président n’aura atteint si vite une telle cote d’impopularité. Pratiquement pas d’état de grâce pour le président, alors que le Premier ministre François Fillon se maintient au-dessus de la moyenne.

Forme agressive, mouvement perpétuel, hyperactivité, omniprésidentialité et bien des maladresses ou provocations s’ajoutent à des actes démagogiques et des volte-face fréquentes. Cela masque les éléments positifs du bilan, le courage de faire passer des réformes impopulaires (retraite, service minimum en cas de grève, sécurité routière), utiles (autonomie des universités, révision générale des politiques publiques). Citons aussi la présidence de l’Union européenne et la bonne gestion de la crise mondiale en 2008, qui évite toute faillite bancaire français et soutient l’activité des entreprises. Mais la seconde campagne présidentielle en 2012 tournera au référendum « antisarkozy ».

Bonaparte, porté au pouvoir dans l’enthousiasme populaire, finit en Napoléon Ier haï. Chirac passa par des hauts et des bas, comme les autres présidents. « Mitterrand est aujourd’hui adulé, mais il a été l’homme le plus détesté de France. Ce qui laisse pas mal d’espoir pour beaucoup d’entre nous » déclare Laurent Fabius qui parle en connaissance de cause et remporte le prix Press Club, humour et politique, en 2011.

« Si Sarkozy existe en tant que phénomène social et historique, malgré sa vacuité, sa violence et sa vulgarité, nous devons admettre que l’homme n’est pas parvenu à atteindre le sommet de l’État malgré ses déficiences intellectuelles et morales, mais grâce à elles. »3334

Emmanuel TODD (né en 1951), Après la démocratie (2008)

Historien et politologue, il se montre polémiste pour faire de Sarkozy le reflet de notre société en crise : une clé du personnage et de sa trajectoire politique. Il évoque (déjà) la montée de l’individualisme, la fin des repères religieux et politiques qui ont structuré la société française au XXe siècle (déclin du christianisme, du Parti communiste et de toutes les idéologies).

Le réquisitoire de cet intellectuel de gauche contre Sarkozy est sans appel : « C’est sa négativité qui a séduit. Respect des forts, mépris des faibles, amour de l’argent, désir d’inégalité, besoin d’agression, désignation de boucs émissaires dans les banlieues, dans les pays musulmans ou en Afrique noire, vertige narcissique, mise en scène publique de la vie affective et, implicitement, sexuelle : toutes ces dérives travaillent l’ensemble de la société française ; elles ne représentent pas la totalité de la vie sociale, mais sa face noire, elles manifestent son état de crise et d’angoisse […] Au fond, nous devrions être reconnaissants à Nicolas Sarkozy de son honnêteté et de son naturel, si bien adaptés à la vie politique de notre époque. Parce qu’il a réussi à se faire élire en incarnant et en flattant ce qu’il y a de pire autour de nous, en nous, il oblige à regarder la réalité en face. Notre société est en crise, menacée de tourner mal, dans le sens de l’appauvrissement, de l’inégalité, de la violence, d’une véritable régression culturelle. »

Plus que jamais, les surnoms résument le personnage en situation.

Sarko, c’est sympa, mais le Petit Nicolas renvoie au personnage de BD créé par Goscinny. Le Nain et Nico le bigorneau visent aussi le physique de l’homme qui porte quand même des talonnettes. Naboléon marie Nabot et Napoléon, le Canard enchaîné créant aussi SarkoLéon. L’Omniprésident ou Superprésident (d’origine hongroise par son père) se transforme à la russe en Tsarkozy ou même Sarko Ier. Iznogoud (caricaturé par le dessinateur Plantu dans plusieurs journaux) renvoyait aux ambitions du Premier ministre semblable au personnage de Goscinny rêvant de devenir « calife à la place du calife ». À force d’être vu partout, l’omniprésident s’est vu affublé d’un drôle de sobriquet : Speedy Gonzales,  « la souris la plus rapide de tout le Mexique » et qui court partout, tiré d’un dessin animé devenu culte, au cinéma. D’autres surnoms couraient les médias, sur les mêmes thèmes d’inspiration. Citons pour finir le lapin Duracell, perpétuel agité – trouvaille attribuée à l’humoriste Jamel Debbouze… et à François Fillon, Premier ministre cinq ans à ses côtés.

François Fillon : le Ministre pipi, Mister Nobody, le Loser, « Courage Fillon », Faux-fuyons

« Ce sera un gouvernement libre, mais qui mettra en œuvre scrupuleusement le projet. »

François FILLON (né en 1954), Journal de 20h, TF1, 18 mai 2007

Il va tenir tout le temps du quinquennat et il manie déjà la langue de bois officielle. Il fera illusion et même impression, avec une cote de popularité souvent supérieure à celle du président. Le job n’est pas facile : c’est l’enfer de Matignon.

Mais cet homme a un secret, cet homme est un mystère. Bien au-delà du problème des emplois fictifs, de sa femme Pénélope et de ses deux enfants, et d’une série d’affaires qui courent dans les milieux « bien informés », bien au-delà d’une fascination pour l’argent commune à d’autres hommes politiques, en marge d’une carrière classique, d’une ascension locale puis nationale, des relations qu’il noue, des contacts qu’il entretient, des comtés, des conseils, des campagnes où il s’engage…

Élu député de Paris en 2012, candidat à la présidence de l’UMP (étape pour la future présidentielle), il conteste les résultats qui le donnent perdant face à Jean-François Copé. Il s’ensuit une incroyable bataille au sein du parti, sous les feux des médias et devant les Français qui n’y comprennent rien.

En 2016, il l’emporte sans conteste dans l’épreuve de la « primaire présidentielle de la droite et du centre » face aux favoris, Alain Juppé et Nicolas Sarkozy, en défendant un programme « libéral-conservateur ». Il devient le favori de l’élection présidentielle de 2017, mais son image de probité affichée est remise en question par une suite de révélations de la presse qui aboutit à l’« affaire Fillon ». Mais il maintient sa candidature, terminant en troisième position du premier tour, avec 20,01 % des voix. Il ne sera pas président et se retire de la vie politique.

Les surnoms assez cruels vont soudain renvoyer une image très négative du personnage : le Ministre pipi (selon Jean-Louis Debré) s’éclipsait quand un point délicat allait être traité à l’Assemblée, Mister Nobody réduit le personnage à rien,  le Loser renvoie à l’échec final, Courage Fillon fait écho à l’expression « Courage fuyons », Faux-fuyons étant deux fois injurieux. Cet homme reste un mystère et garde son secret. Un romancier ou un biographe se présentera tôt ou tard…

Patrick Buisson : l’hémisphère droit de Sarkozy

« Je ne veux pas laisser le monopole de la nation à l’extrême droite. Je veux parler de la nation française, parce que je n’accepte pas l’image qu’en donne Jean-Marie Le Pen. »

Nicolas SARKOZY (né en 1955) en campagne, mars 2007

L’idée lui vient de Patrick Buisson, ancien journaliste issu de l’extrême droite et surnommé « l’hémisphère droit de Sarkozy ». Il l’a convaincu de la possibilité de « siphonner » les voix du FN. D’habitude bien conseillé dans cette campagne gagnante, cette fois, c’est une fausse bonne idée. Le pire, c’est qu’il tient sa promesse. Dès le 18 mai, le président crée ce « ministère de l’Immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire », confié à Brice Hortefeux. Fin 2009, il lancera le débat sur l’identité nationale, abandonné en février 2010, après trois mois de polémiques sur l’Islam et des dérapages xénophobes. Un échec évident.

Finalement, Bayrou avait raison avec cette phrase toute simple : « L’identité nationale de la France, c’est la République. »

Brice Hortefeux : le porte-flingue de Sarkozy

« Il n’y a pas de ministres en difficulté. C’est la réalité qui est difficile. Même un secrétaire d’état aux Choux farcis aurait un jour un problème avec les choux ! »

Brice HORTEFEUX (né en 1958), ex ministre de l’Intérieur, nommé « conseiller politique » de Nicolas Sarkozy en vue de préparer la campagne présidentielle de 2012, Le Monde, 4 janvier 2012

Sous la présidence de Sarkozy, entre 2005 et 2011, il fut successivement : ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire, chargé des Collectivités territoriales ; puis ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Codéveloppement (devenu Développement solidaire) ; puis ministre du Travail, des Relations sociales, de la Famille, de la Solidarité et de la Ville ; puis ministre de l’Intérieur, de l’Outre-Mer et des Collectivités territoriales ; puis ministre de l’Intérieur, de l’Outre-Mer, des Collectivités territoriales et de l’Immigration. Ce n’est pas rien !

Cet entassement de compétences n’a pas toujours été clair, ni bien compris. Mais c’est clairement l’un des plus fidèles lieutenants de Sarkozy et il fut l’un des patrons de la cellule « Riposte » à l’Élysée, chargé de définir au jour le jour la ligne d’attaque ou de défense, avec les personnalités politiques intervenant dans les médias. En bref, guetter et créer les petits mots qui font mal.

En septembre 2009, sur le campus d’été de l’UMP à Seignosse (Landes), le ministre peine à plaider la « blague auvergnate », pour que ne soit pas visé le petit Arabe : « Quand il y en a un, ça va. C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes. » Peur de passer pour raciste et rien à craindre avec les Auvergnats, lui-même étant d’origine auvergnate, quoique né à Neuilly, proche du président, fidèle d’entre les fidèles depuis 1976, surnommé le « porte-flingue de Sarkozy » par la presse. L’affaire « fait le buzz » sur la Toile et va être jugée par la 17e chambre du tribunal de Paris. Le dérapage, assimilé à une injure raciale, vaut à l’ex-ministre (remplacé par Guéant) 750 euros d’amende, les juges ayant requalifié le délit en simple contravention. Un incident de parcours.

Il (re)devient ensuite député européen, il veille sur l’avenir politique et problématique de la droite après les quinquennats Hollande et Macron, il est parfois concerné par de menues affaires, mais en décembre 2020, il est mis en examen pour « financement illégal de campagne électorale », puis pour « association de malfaiteurs » avec Nicolas Sarkozy, Claude Guéant et Thierry Gaubert, dans le cadre de l’affaire Sarkozy-Kadhafi. Affaire à suivre pour le porte-flingue et ami de Sarkozy.

Claude Guéant : le Mazarin de l’Élysée, le Cardinal

« Le président a dû consacrer un peu de temps à régler ses soucis, et donc les Français ont eu le sentiment qu’il ne leur appartenait plus complètement. »3432

Claude GUÉANT (né en 1945), secrétaire général de l’Élysée, Le Figaro, 12 février 2008

Surprenante déclaration, neuf mois après l’élection ! C’est le bras droit du président depuis huit ans, « le Cardinal », « le Mazarin de l’Élysée », l’homme indispensable qui le rassure et connaît tout des arcanes politiques. En huit mois, la chute de popularité de Nicolas Sarkozy paraît d’autant plus inquiétante que le Premier ministre, Fillon, se maintient à un bon niveau : 52 % d’opinions favorables, face à 39 % pour le chef de l’État (baromètre Ipsos-Le Point du 14 février).

Guéant donne son interprétation : les Français approuvent la politique menée, mais les problèmes personnels parasitent la relation entre le peuple et son président. Seule certitude, Sarkozy vit très mal la rupture avec Cécilia, en attendant la rencontre avec Carla. Nul, avant lui, n’a exposé ainsi sa vie privée devant les Français.

Autre déclaration pour le moins amusante, Christian Estrosi, secrétaire d’État chargé de l’Outre-Mer qui s’adresse aux journalistes accompagnant le chef de l’État en Guyane : « Vous avez vu comme M. Sarkozy est populaire en forêt amazonienne ! » (cité dans Le Point, 10 juillet 2008).

Christian Estrosi : le Motodidacte, Bac moins cinq

« Français ou voyou, il faut choisir »

Christian ESTROSI (né en 1955), 9 août 2010, au micro d’Europe I

Ministre de l’Industrie et maire de Nice, il défend les propositions présidentielles sur la déchéance de nationalité de certains délinquants d’origine étrangère, un thème qui suscite de vives réactions en France depuis dix jours. « Accepter nos lois ou les violer, il faut choisir. Français ou voyou, il faut choisir ». Mais sans donner plus de précision sur le processus envisagé par Nicolas Sarkozy et le ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux. « Il appartient au Parlement de définir un seuil » au-delà duquel on ne peut pas être déchu de sa nationalité. » Mais il soutient les propositions sécuritaires du président, allant de la destitution de la nationalité française à la prison pour les parents de mineurs délinquants.

Janvier 2013 (sous la présidence socialiste de Hollande), le député UMP ira plus loin : « Ce qui me révolte le plus, c’est de donner le droit de vote à des personnes qui haïssent la France, qui détestent la laïcité et qui refusent nos lois. On va donner le droit de vote à des gens qui ne le demandent pas… Ils viennent avec des drapeaux étrangers faire du tohu-bohu autour de ma mairie, permettez-moi de vous dire que c’est un comportement contre la République, contre la Nation ! »

À droite toute et sans nuance, Estrosi a deux surnoms originaux dans le milieu politique où il évolue sans complexe : le Motodidacte pour son passé de champion de moto (quatre fois champion de France entre 1974 et 1979, vainqueur de deux épreuves mondiales 750 cm3 sur le circuit de Dijon-Prenois, en 1976 et 1977) et Bac moins cinq en raison de son niveau d’études – en fait, il a quitté le lycée pour mener sa carrière sportive.

Rachida Dati : la garde des Sceaux à Champagne, Sarkosette

« Je suis extrêmement libre et mon parcours en témoigne. Je ne suis pas une création ex nihilo du président de la République. »

Rachida DATI (née en 1965), ministre de la Justice, interrogée sur sa candidature aux élections européennes, Europe 1, 9 mars 2009

Magistrate et conseillère de Sarkozy, dont elle est porte-parole lors de la campagne pour l’élection présidentielle de 2007, elle est garde des Sceaux, ministre de la Justice au sein des gouvernements François Fillon I et II, ce qui fait d’elle la première personnalité politique née de parents immigrés maghrébins à occuper un ministère régalien dans un gouvernement français.

Pourtant, elle semble ne pas vouloir mettre en avant ce « détail » sur son impressionnant CV. En tout cas, elle refuse l’étiquette en forme de surnom : Sarkosette. D’ailleurs, elle n’a plus l’âge. La garde des Sceaux à Champagne, c’est bien trouvé, même pas méchant pour évoquer son chic toujours choc, son goût du luxe, sa passion pour la mode.

Députée européenne de 2009 à 2019 et maire du 7e arrondissement de Paris depuis 2008, elle est tête de liste des Républicains aux élections municipales de 2020 à Paris, qu’elle perd au second tour face à la maire sortante Anne Hidalgo. Dans la foulée, elle devient présidente du principal groupe d’opposition au Conseil de Paris. Dati l’ambitieuse a toujours les dents longues. Dans le genre belle femme politique de fort caractère, c’est l’anti-Panafieu par excellence. Elle fera feu de tout bois pour rester en scène, ayant toujours tout à prouver pour exister.

Nadine Morano : l’Autoroute, Ikéa

« Me faire passer pour quelqu’un qui serait raciste, alors que j’ai des amis qui sont justement arabes, et dont ma meilleure amie qui est tchadienne, donc plus noire qu’une arabe, je trouve ça choquant. »

Nadine MORANO (née en 1963), France 5, 21 juin 2012

Lorraine très attachée à sa région et jeune engagée en politique au sein du RPR, elle rencontre Nicolas Sarkozy à l’occasion de ses meetings et le soutient en 1995, quand la droite se fracture lors de l’élection présidentielle pour choisir finalement Chirac. Elle passe logiquement à l’UMP, le nouveau parti de la droite. Elle se fait remarquer en tant que porte-parole, traitée de « chauffarde de la République » par le journal VSD. La langue de bois ne sera jamais son style, mais la langue de vipère n’est pas toujours bien reçue. Députée à l’Assemblée nationale, ministre sous Sarkozy chargée de la famille, puis l’apprentissage et la formation professionnelle, elle devient députée européenne en 2014 et se droitise à l’extrême en adhérant au PPE (Parti populaire européen).

Ses deux surnoms « officiels » lui viennent de ses « amis » à l’UMP qui n’ont aucun scrupule à frapper au plus bas : l’Autoroute, tout le monde passe dessus et Ikéa, c’est facile à monter, avec une délicate allusion à sa blondeur naturelle. 

Michèle Alliot-Marie : MAM, les plus belles jambes du RPR

« Les voix, nous irons les chercher avec les dents ! »3471

Michèle ALLIOT-MARIE (née en 1946), à Pau. Sud-Ouest, 3 mars 2012

Encore une femme de pouvoir et qui l’a fait savoir avec des talents divers. Chaque personnage a ses armes et l’intelligence (ou pas) de s’en servir. La laideur médiatique est plutôt réservée aux hommes, même si la plupart sont très sensible à leur image, leur bon profil et tous ces « détails » qui font ou pas « le look ». Même Napoléon et de Gaulle ont eu l’art de plaire, très soucieux de leur « communication » - la chose existait bien avant le mot.

Tout cela pour revenir « plus belles jambes du RPR » qui avaient aussi une tête bien faite et un tempérament de battante. Retour de MAM devant les militants UMP des Pyrénées-Atlantiques. Profitant de l’inauguration d’une permanence rénovée, juste avant de se rendre au meeting de Nicolas Sarkozy à Bordeaux, elle se lance dans un discours combatif et reprend sa formule carnassière, d’ailleurs empruntée à Chirac.

Ministre dans les gouvernement Chirac (1986-1988) et Balladur (1993-1995), sa carrière politique culmine en 2002-2011. Elle enchaîne les quatre ministères régaliens (Défense, Intérieur, Justice et Affaires étrangères), ce qui constitue un record national. Toujours députée UMP des Pyrénées-Atlantiques, elle a été maire de Saint-Jean-de-Luz, et reste une personnalité de la droite gaulliste. Elle doit démissionner en 2011, déconsidérée par son attitude dans la révolution tunisienne, mais avec « le sentiment de n’avoir commis aucun manquement. » Si « droit dans ses bottes » peut se conjuguer au féminin, l’expression est faite pour elle – ironie de l’histoire, elle sera remplacée par Alain Juppé, le premier à qui le mot fut appliqué.

François Baroin, ministre du Budget, décocha une flèche le 4 mars 2011 : « Michèle Alliot-Marie conserve toute sa légitimité à Saint-Jean-de-Luz. » Qui a parlé de la perfidie féminine ? En 2021, ses amis de droite poussent l’éternel jeune homme de 55 ans à se déclarer candidat à la prochaine présidentielle, mais il se dérobe devant l’ampleur de la tâche : il y gagne son surnom de « pêcheur à la ligne », préférant vivre (et aimer) en retrait de l’arène politique.

Christine Lagarde : Marie-Antoinette, Christine Lagaffe

« Travaillez plus, vous multiplierez l’emploi; dépensez plus, vous participerez à la croissance; gagnez plus, vous augmenterez le pouvoir d’achat ! »

Christine LAGARDE (née en 1956), Discours à l’Assemblée nationale, 10 juillet 2007

Son passage au gouvernement Fillon s’inscrit dans un beau parcours politique. Elle poursuit en économiste émérite et convaincue dans la droite ligne du « Travailler plus pour gagner plus » du président Sarkozy : « C’est une vieille habitude nationale : la France est un pays qui pense. Il n’est guère d’idéologie dont nous n’ayons fait la théorie, et nous possédons probablement dans nos bibliothèques de quoi discuter pour les siècles à venir. C’est pourquoi j’aimerais vous dire : assez pensé, assez tergiversé, retroussons tout simplement nos manches ! »

Les médias relèvent quelques « gaffes » à ses débuts à Bercy. 20 août 2007, à la veille de la crise des subprimes et un an avant la faillite de Lehman Brothers, elle déclare que « le gros de la crise est derrière nous ». Son annonce d’un « plan de rigueur » quelques jours plus tard contraint François Fillon à intervenir pour clore la polémique. Face à la montée des prix de l’essence, elle préconise en novembre de changer les comportements en utilisant par exemple le vélo, ce qui lui vaudra quelques critiques.

La plus grosse blague de « Christine Lagaffe » reste attachée à une affaire ultra-médiatisée : « Est-ce que j’ai une tête à être copine avec Tapie ? » La Cour de Justice de la République (CJR) est saisie pour examiner les faits et gestes de la ministre dans l’incroyable feuilleton qui conduit l’État à verser 403 millions d’euros à Bernard Tapie. Pourquoi l’ex-avocate, brillante technicienne du droit, a-t-elle fait trancher le litige judiciaire opposant l’homme d’affaires à l’État et au Crédit lyonnais dans le dossier Adidas par un tribunal arbitral privé, au lieu de laisser faire la justice ? La ministre de l’Économie sait qu’elle n’échappera pas aux questions et aux soupçons.

La proposition de son amie Angela Merkel arrive à temps pour la sauver : partir à Washington pour remplacer DSK à la tête du FMI. Elle va donc sortir du bourbier judiciaire par le haut. En 2019, elle démissionnera du FMI pour devenir présidente de la Banque centrale européenne (BCE), succédant à Mario Draghi.

Première femme à avoir été ministre de l’Économie dans un pays du G8, première femme à avoir exercé les fonctions de directrice générale du FMI (hors périodes d’intérim) et première femme présidente de la BCE : « la reine Christine », c’est déjà le surnom de Christine Ockrent (belge, qui fit une longue et belle carrière de journaliste à la télévision), alors elle hérite du surnom de Marie-Antoinette qui sied à son allure grande dame. 

Dominique Strauss-Kahn : DSK, DSKK, le Gros dodo, la Porsche tranquille, Docteur Strauss et Mister Kahn, le Sénégalais

« L’argent, les femmes, ma judéité. »3452

Dominique STRAUSS-KAHN (né en 1949), propos d’avril 2011. Édition française du Jerusalem Post, 19 mai 2011

Alors que certains soutiens de DSK, favori pour la présidentielle de mai 2012, émettent l’hypothèse d’un complot ou d’un piège dans l’affaire du Sofitel de New York, Strauss-Kahn lui-même, devant un journaliste de Libération, avait énoncé les trois points faibles pouvant lui porter préjudice, juste avant que l’affaire éclate, le 14 mai 2011.

C’est d’abord une affaire judiciaire de droit commun : Nafissatou Diallo, employée comme femme de chambre, l’accuse d’agression sexuelle, tentative de viol et séquestration. Vue la gravité des faits, la juridiction de l’État de New York procède à la mise en détention provisoire du très médiatique directeur du FMI (Fonds monétaire international) et engage une procédure pénale. Il nie les accusations et fait savoir qu’il plaidera « non coupable ».

Blanchi au pénal à New York, ce qui va perdre DSK devenu DSKK, c’est la suite, d’autres affaires de mœurs en France, d’autres témoignages accablants et une certaine lassitude, voire un rejet d’une opinion publique qui attendait tant de lui, de ses compétences économiques et politiques. Bref, un immense gâchis.

Les surnoms fleurissent pendant quelques mois, d’un goût même pas douteux. Le Gros dodo renvoie à Dodo la saumure (surnom d’un proxénète lillois renvoyant lui-même à l’idée de maquereau) : propriétaire de plusieurs « salons de massage » en Belgique et dans le Nord de la France, dont le plus illustre client est DSK. La Porsche tranquille associe sa marque de voiture au slogan socialiste et mitterrandien de « la Force tranquille ». Docteur Strauss et Mister Kahn pointe la double personnalité de Strauss-Kahn qui rappelle le film mythique Dr. Jekyll and Mr. Hyde de Victor Fleming (1941). Quant au Sénégalais, c’est pire : c’est le tirailleur qui tire ailleurs.

Au-delà du cas DSK, ce fait divers renvoie à un fait de société qui va bientôt renforcer le mouvement féministe : « Ces propos prouvent à quel point la réalité des violences faites aux femmes est méconnue. De la part d’élites qui prétendent diriger notre société, c’est particulièrement inquiétant. 75 000 femmes sont violées chaque année dans notre pays, de toutes catégories sociales, de tous âges. Leur seul point commun est d’être des femmes. Le seul point commun des agresseurs, c’est d’être des hommes. » Pétition contre le sexisme, lancée par Paroles de femmes, Osez le féminisme et la Barbe, 25 000 signatures, 21 mai 2011. Le mouvement #MeToo encourageant la prise de parole des femmes a débuté en 2007, il deviendra mondialement célèbre en octobre 2017 à la suite de l’affaire Weinstein.

Bertrand Delanoë : De la nausée, Notre-Dame de Paris

« Le vrai changement au PS, ce serait de gagner. »3439

Bertrand DELANOË (né en 1950), maire de Paris, et socialiste, a remporté le prix Press Club, humour et politique, en 2009, avec cette vanne. Quand les politiques se lâchent ! : bons mots, lapsus et vachardises (2011), Olivier Clodong

L’homme fait bande à part au PS : élu maire de Paris en 2001 (avec l’appui des Verts), réélu en 2008, assuré de son poste jusqu’en 2015, il mène sa politique de la ville : contestée par les uns, populaire auprès des autres - les piétons de Paris qui retrouvent leur espace, les « vélolibistes » qui roulent tranquille et pas cher, les « plagistes sur Seine » qui profitent de l’été, les fans de la Nuit blanche annuelle et les « bobos », nouvelle catégorie sociale des bourgeois bohèmes, privilégiés originaux. Les homosexuels en font souvent partie et le coming out du sénateur Delanoë marque les esprits, le 22 novembre 1998, dans l’émission « Zone Interdite » sur M6. Très peu de politiciens parlent de leur homosexualité, c’est vrai aussi des footballeurs, alors que les artistes n’ont pas ce sens du secret. Les deux surnoms (De la nausée, Notre-Dame de Paris) visent naturellement l’orientation sexuelle de Bertrand Delanoë. Ce n’est ni plus ni moins injuste ou de mauvais goût que la plupart des sobriquets.

Pour en revenir à la politique, Delanoë a mal accepté le choix de Ségolène Royal pour représenter son parti en 2007, il augure peut-être mal de la bataille des primaires socialistes avec DSK en favori, cependant que le parti semble endormi, malgré les efforts du Premier secrétaire, Hollande à partir de 1997, remplacé par Martine Aubry en 2008. Alors, il dit ce qu’il pense ! Et les militants désespèrent, les sympathisants sympathisent de moins en moins. La droite n’est pas plus adroite pour autant et les extrêmes pourraient en profiter. Là est le risque. En 2022, le problème sera-t-il si différent ? L’Histoire ne se répète pas, mais elle bégaie.

Martine Aubry : Titine de fer, Miss Pétard, Mère Emptoire, Mairemptoire

« Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup. »3460

Martine AUBRY (née en 1950), citant sa grand-mère, pour critiquer François Hollande, son principal concurrent dans les primaires socialistes, 13 septembre 2011 sur RTL

Encore une femme de choc ! Un caractère « de mec ». Tous ses surnoms en font foi de manière plaisante et bon enfant, avec un jeu de mot ou plutôt de lettres sur Mère ou Maire (de Lille).

Candidate à la primaire socialiste qui doit décider du futur candidat à l’élection présidentielle de 2012, elle répond aux questions de Jean-Michel Aphatie. Elle a trouvé du « flou » chez François Hollande, lors du débat télévisé qui les opposait la veille. « J’ai bien compris qu’il essayait de passer entre les gouttes quand je lui posais un certain nombre de questions… Ma grand-mère disait : « Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup » », a-t-elle poursuivi. « J’ai essayé de mettre le doigt sur certains de ses loups. » Elle l’accuse aussi d’avoir employé « des mots de droite ».
En tout cas, le dicton de la grand-mère court les médias et pimente les discours d’un brin de bon sens populaire. C’est ainsi que naît une vraie citation.

François Hollande : Fraise des bois, Fraise Tagada, Fraise flagada, Flanby (le Pingouin (par Carla Bruni-Sarkozy), le Capitaine de pédalo (par Mélenchon), Pépére, Édredon, Monsieur Royal (lorsqu’il était le compagnon de Ségolène Royal, l’éventuelle future Première Dame de France), Guimauve le conquérant, Babar  (le roi des éléphants (socialistes) dont les histoires « endorment les enfants)

« La présidence normale, c’est une présidence qui doit être ambitieuse pour son pays et humble pour celui qui le représente. Elle doit être à la fois haute, c’est-à-dire digne, et proche, c’est-à-dire respectueuse. »3485

François HOLLANDE (né en 1954), Le Point, 26 mai 2011

En cas de victoire espérée, le candidat socialiste répondait alors par avance, tenant à afficher sa différence face à Sarkozy, l’omniprésident en place. Il se démarque aussi de ses confrères et consœurs en politique et semblera souvent mal à l’aise, voire en porte à-faux confronté à la presse, à l’opposition, aux réalités…

« Le président normal ne le sera pas longtemps. Parce que la fonction ne l’est pas. »3486

François FILLON (né en 1954), dépêche AFP, 29 mai 2012

Prédiction de l’ex-Premier ministre du précédent quinquennat, lancée sans grand risque d’erreur.

Une situation économique et financière anormalement grave (depuis quatre ans déjà) rend la fonction plus périlleuse et le rôle plus ingrat, face à une opinion publique prompte à critiquer, avec une opposition politique systématique de la droite et des extrêmes. Autre évidence, le président de la République, surtout sous la Cinquième, avec les responsabilités qui sont les siennes, est condamné à devenir un personnage de premier plan, surexposé face aux médias et aux citoyens.

François Hollande, homme de parti, habitué aux synthèses entre courants socialistes et adepte de la gentillesse en politique (ce qui lui vaudra le premier prix du genre, décerné par le très sérieux magazine Psychologie en novembre 2012), sera tôt ou tard forcé de trancher et de se battre en tête de ses troupes. Quant à prendre l’avion, le train ou la voiture, c’est un critère peu signifiant - disons, anecdotique. Il abandonnera vite ses bonnes intentions dont l’application se révéla inapplicable, vu les consignes de sécurité inhérentes au métier hors norme exercé.

Leçon de l’histoire : le président de la République, surtout sous la Cinquième, avec les responsabilités qui sont les siennes, est condamné à devenir un personnage de premier plan, surexposé face aux médias et aux citoyens.

Reste l’avalanche des surnoms gentiment médiocres et visant une faiblesse de caractère sans doute plus apparente que réelle. L’amusant, c’est qu’ils ont souvent une source, un auteur supposé : Fraise des bois ((imaginé par Fabius voyant l’homme tout petit face aux éléphants du parti), Fraise Tagada (sucré), Fraise flagada (mou), Flanby (dessert de lait gélifié, jeu de mot attribué à Arnaud Montebourg), le Pingouin (vu par Carla Bruni-Sarkozy), le Capitaine de pédalo (par Mélenchon qui sous-entend l’incompétence de l’homme dans la tempête politique), Pépére, Édredon, Monsieur Royal (adressé au compagnon de Ségolène Royal, éventuelle future Première Dame de France), Guimauve le conquérant, Babar (le roi des éléphants dont les histoires « endorment les enfants », les éléphants désignant naturellement les membres importants du parti socialiste)

François Bayrou : l’Immortel, Lou Bayrou, Cabourut

« Rassembler les centristes, c’est comme conduire une brouette pleine de grenouilles : elles sautent dans tous les sens. »3450

François BAYROU (né en 1951), mars 2011, avant de déclarer sa candidature à la présidentielle. Le Santini (2011), André Santini

L’image est évocatrice d’une réalité bien connue par Bayrou ! Président de l’ex-UDF (Union pour la démocratie française), il a créé le Modem (Mouvement démocrate) face à l’UMP, au lendemain de la présidentielle de 2007, cependant qu’il rame depuis 2002 pour rassembler, entre les deux pôles solidement ancrés d’une France plus que jamais bipolarisée. Vocation de troisième homme ou malédiction ?

Démocrate-chrétien et catholique pratiquant, ancien professeur de français et ministre de l’Éducation nationale sous Balladur, réformateur prudent accusé de gouverner « avec le sondoscope en bandoulière » (selon Roger Fauroux), il bénéficie d’une cote de popularité qui le met en tête de tous les candidats à la présidence. Mais seul Giscard d’Estaing a réussi le pari de gouverner au centre. Et sans un parti uni et fort, un homme seul a peu de chance d’être élu à la candidature suprême – Emmanuel Macron fera exception à la règle, en payant quand même le prix au cours de son quinquennat.

Bayrou reprend volontiers le mythe gaullien : « L’élection présidentielle, c’est la rencontre d’un homme et d’un pays, d’un homme et d’un peuple » dit-il dans son Meeting de Caen, 1er mars 2007. C’est tout à fait juste, mais… en état de paix, ça ne fonctionne pas aussi bien. Et un homme sans un parti puissant pour le porter et le supporter (au sens sportif du mot) a peu de chance d’aller au bout. Bayrou le sait. Depuis sa première tentative présidentielle en 2002, il a tenté d’installer au centre de l’échiquier politique l’UDF (Union pour la démocratie française), créée en 1978 par Giscard, seul président centriste de la Cinquième. Bayrou préside ce parti depuis 1998, à mi-chemin entre la gauche et la droite. Il va profiter de la droitisation de l’UMP, dont Sarkozy devient le président en 2004, et des déboires du PS qui peine à tirer les leçons de son échec de 2002. La bipolarisation de la France rend la manœuvre difficile.

Malgré tout, l’homme Bayrou bénéficie toujours d’une cote de vraie sympathie. Il le sait, il en joue. Il pense même, au vu des sondages, qu’il peut se qualifier au second tour, ce qui entraînerait automatiquement sa victoire. Il a fini d’espérer l’impossible, mais il reste présent sur la scène politique. D’où son surnom : l’Immortel. L’éternel retour le fait « Haut-commissaire au plan depuis le 3 septembre 2020 (fonction créée pour lui par Macron en reconnaissance de dette électorale). Lou Bayrou, c’est juste un mot de patois (Lou = Le) et Cabourut signifie en béarnais « tête dure ». Bien joué, pour cet homme politique au long parcours, né dans les Basses-Pyrénées (rebaptisées Pyrénées-Atlantiques) et maire de Pau.

Philippe de Villiers : le Fou du Puy, le Vicomte, le Bon chouan du paysan, l’agité du Bocage

« Combien de temps une patrie peut-elle ainsi s’oublier elle-même ? Combien de temps peut-elle vivre sans patriotisme ? Peut-elle seulement survivre, amnésique ? Nos politiciens ont perdu l’idée de la France. »

Philippe de VILLIERS (né en 1949), Le moment est venu de dire ce que j’ai vu (2015)

« Or une nation n’existe pas sans contour ni conteurs. Si elle cesse de se définir et de rêver, si elle perd ses frontières et son dédale historique et romanesque, elle s’abîme. Ainsi a-t-on soustrait tout un peuple à l’intuition précieuse du Temps long. Pendant que prospèrent en toute discrétion ceux qui sont ses ennemis mortels. »

Même génération que Bayrou, même attachement profond au terroir de naissance, mais ses convictions sont tout autre et son extrémisme fait obstacle à une véritable carrière politique, même si le Vicomte (Philippe Marie Jean Joseph Le Jolis de Villiers de Saintignon) garde sa place dans l’arène : créateur du Mouvement pour la France (1994-2018), député français et député européen, deux fois candidat à la présidence (1995 et 2007). Il hésite encore et toujours et souvent publiquement entre abandonner la politique qui le dégoûte et défendre des idées qui lui tiennent à cœur : contre l’Europe, contre l’islamisme, contre l’homosexualité et le mariage pour tous.

Il reste surtout comme le créateur du Puy-du-Fou, parc d’attraction à thème historique et grand spectacle très populaire, d’où son surnom : le Fou du Puy. Sa présentation très orientée de la Guerre de Vendée est sujet à controverse, mais aussi le recours excessif au bénévolat (avec les Puyfolais), la maltraitance de très nombreux animaux (drogués, tabassés, sacrifiés en fin de saison…), un partenariat économique avec Vladimir Poutine (finalement abandonné).

Les deux autres surnoms renvoient à l’ancrage vendéen d’un personnage très particulier, sinon folklorique, entre le Bon chouan du paysan et l’agité du Bocage.

Jean-Luc Mélenchon : Méchant Con

« Qu’ils s’en aillent tous ! Vite, la Révolution citoyenne. »3442

Jean-Luc MÉLENCHON (né en 1951), titre et sous-titre de son essai (Flammarion, 2010)

Le nouveau tribun de la gauche fourbit ses arguments, pour la prochaine présidentielle. Il sait que l’écrit deviendra parole, c’est clair, à la lecture : « La consigne, « Qu’ils s’en aillent tous », ne visera pas seulement ce président, roi des accointances, et ses ministres, ce conseil d’administration gouvernemental de la clique du Fouquet’s ! Elle concernera toute l’oligarchie bénéficiaire du gâchis actuel. « Qu’ils s’en aillent tous ! » : les patrons hors de prix, les sorciers du fric qui transforment tout ce qui est humain en marchandise, les émigrés fiscaux, les financiers dont les exigences cancérisent les entreprises. Qu’ils s’en aillent aussi, les griots du prétendu « déclin de la France » avec leurs sales refrains qui injectent le poison de la résignation. Et pendant que j’y suis, « Qu’ils s’en aillent tous » aussi ces antihéros du sport, gorgés d’argent, planqués du fisc, blindés d’ingratitude. Du balai ! Ouste ! De l’air ! »

En 2008, Mélenchon, ex-trotskiste, a quitté le PS, pour fonder le PG, Parti de Gauche. Le 21 janvier 2011, il proposera sa candidature à l’élection présidentielle de 2012.

Dans ce livre et dans les discours à venir, on voit clairement la haine des riches, sans doute plus morale ou légitime, mais aussi violente et dangereuse que la haine des noirs, des juifs, des émigrés, des étrangers, tout ce qu’il reproche au Front national, son ennemi numéro un. Il va se référer à Robespierre et Saint-Just, symboles de la Terreur révolutionnaire, et ce sont toujours des liaisons dangereuses, voire vertigineuses

Arnaud Montebourg : Arnaud Montebourde

« Ségolène Royal n’a qu’un seul défaut, c’est son compagnon. »3401

Arnaud MONTEBOURG (né en 1962), se lâchant sur le plateau de Canal Plus, 17 janvier 2007

Le porte-parole de la candidate stupéfie les présents, même s’il est coutumier des bons mots. « Je pensais vous faire rire », a-t-il ajouté.

« Ça a jeté un froid sur le plateau », avoue la députée UMP Nadine Morano, présente lors de l’émission et pourtant adepte du franc-parler, voire du « pavé dans la mare ». Madame Royal refuse sa démission, mais le met au silence médiatique pendant un mois.

Circonstance atténuante, ou aggravante, il est de notoriété presque publique que le couple socialiste se sépare. Étrange coïncidence, il en va de même entre Sarkozy et Cécilia, sa femme et très proche collaboratrice. Ce divorce fera plus de dégât, dans la carrière présidentielle.

Ségolène Royal : Ségo, la Zapatera, Bécassine, Couscous, la Mère-Sup, Marie-Ségolène, Mère Royal

« Comme le disent les Chinois, un Chinois qui ne vient pas sur la Grande Muraille n’est pas un brave et un Chinois qui vient sur la Grande Muraille conquiert la « bravitude ». »3403

Ségolène ROYAL (née en 1953), TF1, 6 janvier 2007, lors d’une visite sur la Muraille de Chine

Et le 5 mars 2007, à Berlin, devant les Français expatriés : « Je vois dans vos yeux votre intelligence collective. » Ses perles sont collectionnées par les médias, même loin de France.

Critiquée, elle a toujours une réponse originale : « C’est moi qui maîtrise la rareté de ma parole politique, pour dire des choses intelligentes quand j’ai besoin de les dire. » Cette phrase sera nommée pour le prix de l’humour politique 2010.

Jean-Pierre Raffarin a souvent le mot juste et l’humour en plus, mais naturellement, il l’assume : « Ségolène, elle séduit au loin et irrite au près. » Prix de l’humour politique 2006, cité dans Politiques et langue de bois ! (2011), Olivier Clodong, Nicolas Clodong.

Le 16 novembre, après une rude bagarre interne, elle est désignée candidate du Parti socialiste pour les présidentielles de 2007, dès le premier tour. Avec 60,65 % des voix, elle écrase littéralement Strauss-Kahn, 20,69 % et Fabius, 18,66 %. Elle se lance dans la présidentielle avec divers handicaps. Son adversaire numéro un, Nicolas Sarkozy, est en campagne permanente depuis sa prise de fonction au ministère de l’Intérieur. Il a étouffé les menaces de divisions internes et dispose d’un parti en ordre de bataille, dévoué à sa victoire. C’est un battant, et son volontarisme plaît naturellement à son électorat. À l’inverse, Ségolène Royal a été choisie « dans la douleur » et les perdants ne seront pas beaux joueurs. Le PS, divisé, donc affaibli, présente un projet illisible qu’elle peine à incarner. Le fait d’être la première femme candidate à la présidence peut se révéler un atout, comme un handicap. Ségolène Royal va beaucoup séduire, et beaucoup irriter. « Même quand je ne dis rien, cela fait du bruit », dit-elle dans L’Express, le 2 octobre 2006. Elle aussi, elle a de l’humour, pas toujours involontaire.

Une longue carrière de députée (PS), ministre (environnement, famille, enseignement scolaire), présidente du conseil régional de Poitou-Charentes. Dernier poste en 2007 : Ambassadrice chargée de la négociation internationale pour les pôles arctique et antarctique. Elle est nommée par Macron, mais démise en 2020 : pour ses critiques envers la politique de l’exécutif ou à cause d’un absentéisme remarqué dans cette fonction qui ne semblait pas vraiment la concerner.

Elle a presque autant de surnoms que son ex-compagnon, François Hollande, mais ils sont plus originaux : Ségo (c’est sympa et pas snob), la Zapatera (accueillie en 2007 par le chef du gouvernement socialiste espagnol José Luis Zapatero), Bécassine (pour ses gaffes et son humour pas toujours volontaire), Couscous (ça mérite une longue explication : elle fait beaucoup de boulettes, elle a un pois chiche dans la tête et elle pédale dans la semoule : C’est un couscous Royal !), Marie-Ségolène (son vrai prénom jusqu’à 28 ans, elle n’a gardé que le plus original, Ségolène), Mère Royal, la Mère-Sup (allusion à son « côté j’ordonne » pas toujours apprécié).

Marine Le Pen : la Châtelaine de Saint-Cloud, Marine le Pénis

« Ce qui s’est passé n’est pas l’affaire de la folie d’un homme, ce qui s’est passé est le début de l’avancée du fascisme vert dans notre pays. »3478

Marine LE PEN (née en 1968), Meeting sous le chapiteau du Port Lavigne, 25 mars 2012

Trois jours après le dénouement des tueries de Toulouse et Montauban, devant quelque 1 500 militants FN, la candidate, plus virulente que jamais, revient sur l’insécurité et l’immigration, ses thèmes favoris : « Combien de Mohamed Merah dans les bateaux, les avions qui chaque jour arrivent en France remplis d’immigrés ? […] Combien de Mohamed Merah parmi les enfants de ces immigrés non-assimilés ? […] Mohamed Merah n’est peut-être que la partie émergée de l’iceberg ! »

Elle évoque des quartiers entiers soumis aux lois de la drogue et de l’islam radical, cette « gangrène […] conséquence de l’immigration de masse. » Des quartiers où l’on aurait « acheté la paix sociale à coups de milliards d’euros de politique de la ville […] pris dans la poche du contribuable honnête. » Et en réponse au mot de Mohamed Merah, elle lance : « Je mettrai l’islam radical à genoux ! » Dans la salle survoltée, on scande « La France est chrétienne », « Sarko collabo ! ».

Quant aux surnoms, oublions « bébé, ma chérie » et autres mots saisis en coulisse. Deux vrais surnoms, c’est peu pour une personnalité aussi médiatique et extrême : le premier renvoie simplement à sa résidence de La-Celle-Saint-Cloud (près de Versailles) et le second lui vient des réseaux sociaux, avec une fine allusion sexuelle à son père.

Emmanuel Macron vu par la presse étrangère lors de son élection : Maharaja Mac, l’Homme parfait, le golden boy qui lit Goethe, le Barack Obama français, le nouvel empereur de l’Europe, le Persée qui a vaincu la Gorgone.
En France : ma petite encyclopédie, le petit marquis poudré, Jupiter, le Maitre des horloges, la petite Ferrari, Choupinet ou Choupinet Ier, le jouvenceau, le petit Mozart de la finance, le Macaron, le Président des riches.

« En même temps… Je continuerai de le dire dans mes phrases et dans ma pensée, car ça signifie que l’on prend en compte des principes qui paraissaient opposés »

Emmanuel MACRON (né en 1977), discours de campagne d’avril 2017

Il s’amuse de ce « tic de langage » qu’il veut bien reconnaître. « En même temps », ou le grand écart du nouveau président », titrera Libération du 23 juillet 2017.

Les observateurs font le lien entre cette expression récurrente et sa pensée politique. Ce « tic de langage permet de relier deux choses qui apparaissent logiquement irréconciliables » selon la linguiste Michèle Monte qui précise : « L’expression donne l’impression que la synthèse est possible, en refusant de penser le conflit et de l’arbitrer ». Pour ses adversaires politiques, c’est surtout une martingale et le symptôme d’un positionnement politique flou. Le psychanalyste Roland Gori s’interroge de son côté : « Paradoxe permanent ou imposture ? Emmanuel Macron a fait de cette expression sa marque de fabrique ». Volonté de « concilier Ricœur et le CAC 40 ». Ses partisans en font le signe d’une pensée complexe qui dépasse les anciens clivages, là où ses opposants voient surtout une ambiguïté typique du « centrisme social-libéral ».

En maniant la rhétorique avec un indiscutable talent et un plaisir non moins évident, il est possible de tout dire, de tout démontrer… et le contraire de tout, vu que tout est dans tout et son contraire. La doctrine du « en même temps », c’est surtout un coup à droite, un coup à gauche et la République en marche avance tant bien que mal. Mais parfois, il faut savoir prendre parti. Au risque d’effrayer un camp… et d’avoir finalement raison !

« Tout sera mis en œuvre pour protéger nos salariés et nos entreprises. Quoi qu’il en coûte. »

Emmanuel MACRON (né en 1977), mars 2020

Il reprend les mots de l’ancien président de la Banque centrale européenne Mario Draghi, crédité du sauvetage de la zone euro en 2012 grâce à cette petite phrase redoutable : « whatever it takes ». Macron veut rassurer le pays en pleine crise sanitaire comme le banquier italien a calmé les marchés financiers. Il veut aussi montrer que le « président des riches » n’est pas prisonnier de cette rigueur à laquelle on l’associe depuis son accession au pouvoir.

Il développe l’argumentation pour être clair : « La santé n’a pas de prix. Le gouvernement mobilisera tous les moyens financiers nécessaires pour porter assistance, pour prendre en charge les malades, pour sauver des vies quoi qu’il en coûte… Tout sera mis en œuvre pour protéger nos salariés et pour protéger nos entreprises quoi qu’il en coûte, là aussi…  L’ensemble des gouvernements européens doit prendre les décisions de soutien de l’activité puis de relance quoi qu’il en coûte. La France le fera. »

En juin 2021, la France a bien claqué « un pognon de dingue », mais la situation sanitaire s’est statistiquement améliorée (avec les masques, les tests, les vaccins… tout cela gratuit, en France).

Reste Macron et ses surnoms qui dessinent par touche un portrait pointilliste et contrasté.

La presse étrangère a encensé le séduisant  président de 39 ans au début de son quinquennat : état de grâce international.

“Maharaja Mac” (Mumbai Mirror, Bombay) associe le titre indien d’un grand roi, gouvernant une ville ou un territoire, au diminutif de Macron, mais aussi au burger au poulet vendu par McDonald’s sous ce nom. À Madrid, El Mundo voit  « l’Homme parfait », diplômé de l’ENA, en même temps que poète, pianiste et philosophe, adepte de Machiavel. Pour le Frankfurter Allgemeine Zeitung de Francfort, c’est « le golden boy qui lit Goethe ». Le Süddeutsche Zeitung de Munich voit en lui « le Barack Obama français ». The Spectator de Londres évoque « le nouvel empereur de l’Europe », lui prédisant quand même des lendemains difficiles avec ses idéalistes d’ « En marche », mais sans aller jusqu’à Waterloo. Plus lyrique, l’Adevarul de Bucarest : c’est « le Persée qui a vaincu la Gorgone », mauvais rôle attribué à Marine Le Pen, politicienne chevronnée crachant feu et flammes avant le second tour et affrontant le jeune homme jouant au faux timide.

La France n’est pas en reste d’imagination et le personnage l’inspire, mais sur d’autres registres.

Sa brillante scolarité lui vaut un surnom plaisant : « ma petite encyclopédie ». Fabius, présent avec lui au gouvernement sous la présidence de François Hollande, l’appelle « le petit marquis poudré ». Avant même d’arriver à l’Élysée, c’est « Jupiter » pour sa volonté proclamée d’être un président jupitérien, en référence au dieu des dieux romains, réputé pour son caractère impérieux et dominateur. Le « Maitre des horloges » viendra peu après. Nicole Bricq, une des premières parlementaires socialistes à rejoindre Macron candidat et déjà bluffée par son CV, le nommait « la petite Ferrari » intellectuelle.

Une fois élu, la journaliste politique Françoise Degois affirme en 2017 dans « C à vous » sur France 5 que des députés surnomment le chef de l’État « Choupinet » ou « Choupinet Ier », expression désuète qui n’était pas pour lui déplaire. Dans le même esprit, Jean-Paul Delevoye l’a surnommé  en 2019 « le jouvenceau », selon le magazine Challenges. Il est vrai qu’à 41 ans, Macron n’a pas l’expérience politique du haut-commissaire aux Retraites, âgé de 72 ans. Reste encore « le petit Mozart de la finance », le « Macaron » qui joue avec son patronyme, « Dark Vador » pour Greenpeace qui ne peut rien attendre de ce personnage masqué - dans la saga Star Wars créée par George Lucas.

Dernier mouvement de révolte en France : les gilets jaunes

« Le « gilet jaune » a soudain changé de fonction. Il est devenu étendard de révolte. Pas de responsable, pas de chef, pas de structure, pas d’idéologie, ce qui a permis de rassembler les mécontentements, déceptions, frustrations, colères diverses et hétérogènes, du retraité au cultivateur, du membre du Rassemblement national au jeune urbain insoumis. »

Edgar MORIN (né en 1921), Le Monde, 4 décembre 2018

Couleur mal aimée dans l’histoire, le jaune refait son apparition et le « peuple des ronds-points » rencontre une sympathie populaire, sans trouver de slogans dignes de ce nom comme en Mai 68. Les médias s’en emparent, les dérapages à Paris et dans d’autres villes sont repris en boucle sur les réseaux sociaux et les chaînes télé d’« info continue » : choc des images plus fortes que les mots sur BFMTV, Cnews, LCI… Mais cela ne fait pas sens, comme l’on dit.

Philosophe et sociologue, Edgar Morin observe le mouvement des Gilets jaunes qui stupéfie la France. Peu d’analyses ont été aussi pertinentes… en même temps qu’impertinentes : « La jaunisse est le signe d’une crise de foie. Les ‘gilets jaunes’ sont le signe d’une crise de foi. Crise de la foi dans l’État, dans les institutions, dans les partis, dans la démocratie, dans ce que les partis appellent le système tout en faisant partie du système. L’irruption soudaine de ce mouvement imprévu, son ampleur, ses désordres, puis les violences du samedi 1er décembre nous obligent à réviser les modes de penser prééminents sur notre société, sur sa civilisation, sur leurs carences et misères tant physiques que morales, sur notre République, sur notre présent, notre avenir et à repenser notre politique. La longue apathie de nos concitoyens devant les multiples restrictions et suppressions appelées réformes donnait l’illusion de l’acceptation ou de la résignation. Alors qu’une fois de plus un feu couvait dans le sous-sol d’un édifice qu’on croyait stable, et la taxe carbone a fait la brèche qui l’a déchaîné. »

Mais la force initiale du mouvement spontané, hors norme et affranchi de toute règle, est devenue un handicap au moment où il fallait annoncer sinon un programme du moins une orientation pour des réformes. Il manque une pensée directrice, alors même qu’une telle pensée conduirait à un éclatement entre les composantes hétérogènes d’un mouvement où les colères unies contre le pouvoir sont en fait antagonistes entre elles. Donc tout ce qui a fait la réussite du mouvement devait conduire à un échec final.

La France en six surnoms historiques

L’Hexagone

« La Gaule avait été fermée et fortifiée par la nature avec un art véritable. »1

Flavius JOSÈPHE (37-100), Guerres des Juifs

La Gaule (ancêtre de la France) a périodiquement subi des vagues d’invasions, profitant par ailleurs d’une exceptionnelle diversité de peuplements et de civilisations. Il faut attendre le Moyen Âge pour que le pays acquière un territoire à peu près hexagonal, en même temps que sa cohésion, sa conscience nationale et, plus tard, une notion précise de la frontière.

La théorie des frontières naturelles – selon laquelle Rhin, Alpes et Pyrénées doivent former les limites continentales de la France, Océan et Méditerranée complétant l’hexagone – existe sans doute à l’état latent dans la politique des rois de l’Ancien Régime, même si les historiens sont partagés sur ce point. Elle explosera sous la Révolution où « les armées victorieuses reculent les limites jusqu’aux barrières que la nature nous a données » (Carnot), avant que Napoléon ne franchisse les bornes.

Reste l’abus de langage toujours amusant qui consiste à parler des « quatre coins de l’Hexagone », figure géométrique ayant par définition six angles et six côtés.

La Fille aînée de l’Église

« Embrassant de bonne heure le christianisme à la suite de son roi Clovis, elle [la France] eut l’honneur d’être appelée ‘la fille aînée de l’Église’, témoignage et récompense tout ensemble de sa foi et de sa piété. »

Léon XIII (1810-1903), Nobilissima Gallorum Gens, Lettre encyclique du 8 février 1884

La formule est prononcée pour la première fois de façon certaine par Henri Lacordaire à Notre-Dame de Paris, et ce surnom très chrétien revient dans nombre de messages papaux plus anciens ou plus récents : « France, fille aînée de l’Église, es-tu fidèle aux promesses de ton baptême ? […] Permettez-moi de vous demander : France, fille aînée de l’Église et éducatrice des peuples, es-tu fidèle, pour le bien de l’homme, à l’alliance avec la sagesse éternelle ? » Jean-Paul II, Conclusion du sermon de la messe au Bourget, 1er juin 1980.

L’expression vient de loin.

Les rois de France ont reçu le titre de « fils aîné de l’Église » : la coutume naît avec Clovis le premier roi Franc, baptisé chrétien en 496 - première conversion d’un souverain en Europe. La religion va désormais marquer l’histoire de France.

La formule s’applique au royaume de France au XVIe siècle, puis à la France d’après la Révolution. L’expression « France, fille aînée de l’Église » est attestée pour la première fois lors du Discours sur la vocation de la nation française  du père dominicain Henri-Dominique Lacordaire (ex compagnon de route de Lamennais et Montalembert), prononcé le 14 février 1841 en la Cathédrale Notre-Dame de Paris. Elle survit ensuite à la séparation des Églises et de l’État instituant la laïcité (1905). Paradoxe institutionnel, c’est surtout le témoignage historique de ce passé qui imprègne notre culture, marque encore les esprits et dicte le calendrier de nos fêtes, Pâques, Noël, Pentecôte, Ascension, Toussaint.

Le Pays de Molière

« Les comiques jouent un rôle important dans une société. Par la dérision, par la caricature, mais aussi par l’invention. […] Le pays de Molière a cette tradition de l’humour qui élève, qui dénonce, mais aussi annonce. »

François HOLLANDE (né en 1954), Beaux Arts magazine, mars 2012

Le pays de Molière renvoie à la « langue de Molière » qui désigne le français. On associe toujours une grande langue à un auteur célèbre : la « langue de Shakespeare » en Angleterre, la « langue de Cervantès » (auteur de Don Quichotte) en Espagne, la langue de Goethe en Allemagne.

En France, c’est Molière. Au siècle de Louis XIV, ses comédies triomphent à la ville comme à la cour. L’expression « langue de Molière » apparaît après sa mort (1673), quand ses pièces sont jouées dans toutes les capitales européennes. À la même époque, la langue française devient aussi la « langue de la diplomatie » en Europe, pour souligner le fait qu’elle est alors parlée par tous les diplomates, familles royales et nobles du continent.

La Patrie des Lumières

« Notre siècle, j’en conviens encore avec Votre Majesté, ne vaut pas le siècle de Louis XIV pour le génie et pour le goût ; mais il me semble qu’il l’emporte pour les lumières, pour l’horreur de la superstition et du fanatisme. »950

D’ALEMBERT (1717-1783), Lettre au roi de Prusse, 14 février 1774. Correspondance avec Frédéric le Grand (1854)

Jean Le Rond d’Alembert, l’un des principaux encyclopédistes, correspond avec l’un des « despotes éclairés » du XVIIIe siècle, Frédéric le Grand. Taine écrit dans Les Origines de la France contemporaine : « Aux approches de 1789, il est admis que l’on vit ‘dans le siècle des lumières’, dans ‘l’âge de raison’, qu’auparavant le genre humain était dans l’enfance, qu’aujourd’hui il est devenu ‘majeur’ ». »

Les Lumières sont largement diffusées par les philosophes, Voltaire et Montesquieu, Rousseau et Diderot – celui qui donne le plus de son temps et de son génie à l’Encyclopédie. Les salons littéraires et philosophiques, les cafés et les clubs à la mode relaient cette pensée qui remet en question les fondements de l’Ancien Régime et sème plus ou moins consciemment les germes de la Révolution à venir.

La Patrie des droits de l’homme

« La Déclaration des droits de l’homme apprit au monde entier que la Révolution française était faite pour lui. »1347

Jules SIMON (1814-1896), La Liberté (1859)

La Déclaration énonce d’abord les « droits naturels et imprescriptibles » de l’homme : liberté, égalité devant la loi, propriété. Elle ajoute ceux de la nation : séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire ; souveraineté nationale.

Par son exigence de rationalité et d’universalité, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 dépasse les précédentes déclarations anglaise et américaine, même si elle s’inspire de la Déclaration d’Indépendance de 1776. Elle porte surtout la marque d’une bourgeoisie libérale nourrie de la philosophie des Lumières. Au XXIe siècle, le monde a perdu beaucoup de ses repères et de ses utopies, les Français sont souvent critiques et critiqués, mais la France reste dans la mémoire collective « la patrie des droits de l’homme ».

Le Pays du fromage 

« Comment voulez-vous gouverner un pays où il existe 258 variétés de fromage ? »

Charles de GAULLE (1890-1970), Les Mots du général (1962) Ernst Mignin

Le nombre varie à l’infini… Pays des 365 fromages, une centaine plus ou moins célèbres et en fait plus de 1 600 variétés proprement dites. Mais l’évidence demeure : la diversité des fromages français l’emporte sur tous les autres pays plus ou moins amateurs, producteurs et/ou consommateurs.

Terminer par ce surnom de bon aloi, « ça ne mange pas de pain » et c’est plutôt réconfortant.

Vous avez aimé ces citations commentées ?

Vous allez adorer notre Histoire en citations, de la Gaule à nos jours, en numérique ou en papier.

L'Histoire en citations -

L'Histoire en citations -

L'Histoire en citations -

L'Histoire en citations -

L'Histoire en citations -

L'Histoire en citations -

L'Histoire en citations -

L'Histoire en citations -

L'Histoire en citations -

L'Histoire en citations -

Partager cet article

L'Histoire en citations - Gaule et Moyen Âge

L'Histoire en citations - Renaissance et guerres de Religion, Naissance de la monarchie absolue

L'Histoire en citations - Siècle de Louis XIV

L'Histoire en citations - Siècle des Lumières

L'Histoire en citations - Révolution

L'Histoire en citations - Directoire, Consulat et Empire

L'Histoire en citations - Restauration, Monarchie de Juillet, Deuxième République

L'Histoire en citations - Second Empire et Troisième République

L'Histoire en citations - Seconde Guerre mondiale et Quatrième République

L'Histoire en citations - Cinquième République

L'Histoire en citations - Dictionnaire