Les Surnoms - jeu de mots entre petite et grande Histoire (Troisième République) | L’Histoire en citations
Édito de la semaine

Les surnoms de l’histoire

IX. Troisième République

La violence verbale (voire physique) domine même en temps de paix : agressivité systématique et partialité de rigueur dans le jeu politique et social, carrières résumées en quelques surnoms.  Mais l’humour fait (presque) tout passer, l’art s’invite volontiers, tandis que grande et petite histoire se mêlent.

Bismarck : le Chancelier de fer

« Ce n’est pas par des discours et des votes de majorité que les grandes questions de notre époque seront résolues, mais par le fer et par le sang. »2306

Otto von BISMARCK (1815-1898), chancelier de la Confédération d’Allemagne du Nord. Bismarck (1961), Henry Valloton

Ces mots posent le personnage, surnommé le Chancelier de fer. « Par le fer et par le sang » est une expression qui lui est chère, tout comme « la force prime le droit » – traduction de sa Realpolitik. Bismarck a commencé par ravir à l’Autriche sa place à la tête de l’ex-Confédération germanique. Il veut faire l’unité allemande sous l’égide de la Prusse, mais pour cela, il lui faut prouver sa force : écraser la France est le moyen le plus sûr.

Face au futur chancelier du Reich, il y avait Napoléon III. « L’empereur est une grande incapacité méconnue », disait Bismarck en 1864. C’est surtout un homme prématurément vieilli, physiquement atteint et devenu maladivement indécis.

La défaite de Sedan met fin au Second Empire, la capitulation est signée le 1er octobre 1870, la République est proclamée à Paris dans l’élan d’une journée révolutionnaire (4 septembre). Un gouvernement provisoire de Défense nationale est formé pour faire la « guerre à outrance ». Mais la capitale est encerclée par l’armée prussienne le 19 septembre. Notre Troisième République commence sous les pires auspices et le personnel politique va devoir faire face.

Thiers : Mirabeau-mouche, singe à portefeuilles, Foutriquet, le Libérateur du territoire

« Faisons donc la République, la République honnête, sage, conservatrice. »2060

Adolphe THIERS (1797-1877), Manifeste de M. Thiers. Portraits historiques (1883), H. Draussin

Sa carrière commence un demi-siècle avant, sous la Monarchie de Juillet. La Charte approuvée par la majorité des députés reconnaît la liberté de la presse, l’abolition de la censure, l’initiative des lois à la Chambre, la suppression des justices d’exception et le catholicisme n’est plus religion d’État. Mais l’on se retrouve quand même en monarchie.

Thiers, républicain modéré de la première heure (et jusqu’à la fin de sa longue vie), va cautionner cette monarchie constitutionnelle. Il irrite de plus en plus Louis-Philippe qui nomme cet orateur républicain Mirabeau-mouche (pour sa petite taille) et singe à portefeuilles (pour ses ambitions politiques évidentes). Il sera plusieurs fois ministre sous ce règne.

« Gouverner, c’est prévoir. »2331

Adolphe THIERS (1797-1877). Le Spectacle du monde, nos 358 à 363 (1992)

Très longue carrière politique et personnalité très diversement jugée, comme en témoignent ses surnoms. Entré en politique en 1830, ministre sous la Monarchie de Juillet, républicain et dans l’opposition républicaine sous le Second Empire, il se fait remarquer pour sa défense des libertés, puis son hostilité à la guerre franco-allemande.

Son nom reste surtout attaché à la répression de la Commune. 1871 est l’année de tous les pouvoirs pour cet homme de 74 ans, élu député par vingt-six départements à la fois et devenu « chef du pouvoir exécutif de la République » le 17 février. Lourde tâche, dans une France vaincue et déchirée. Gambetta (républicain de gauche) rendra finalement hommage au « Libérateur du territoire » lors de funérailles nationales imposantes qui témoignent (en 1877) de la très grande popularité de Thiers, dans la France profonde comme dans la capitale.

« Paris sera soumis à la puissance de l’État comme un hameau de cent habitants. »2373

Adolphe THIERS (1797-1877), Déclaration du 15 mai 1871. La Commune (1904), Paul et Victor Margueritte

Ces mots plusieurs fois répétés annoncent la Semaine sanglante du 22 au 28 mai. La postérité ne retient de Thiers que cet épisode tragique : la répression de la Commune. C’est injuste et partial. Un article du Monde d’octobre-novembre 2007 titre sur l’ « antisocialiste sanglant » (Olivier Pironet), oubliant son rôle capital pour l’institution de la République dans une France majoritairement royaliste et conservatrice.

« Chef, c’est un qualificatif de cuisinier ! »2418

Adolphe THIERS (1797-1877). Histoire de la France et des Français (1972), André Castelot, Alain Decaux

Sachant garder son humour en maintes occasions et très à l’aise dans la « politique politicienne », le petit homme surnommée Foutriquet pour sa houppe de cheveux et son mètre cinquante-cinq troque son titre de chef du pouvoir exécutif pour celui, plus prestigieux, de président de la République, le 31 août 1871, l’Assemblée se proclamant Constituante : c’est la loi Rivet.

Profitant de son prestige, le Libérateur du territoire s’impose enfin, toujours aussi conservateur que républicain, soutenu par Gambetta, républicain d’extrême gauche à la tête de l’Union républicaine. Comme Clemenceau et Gambetta, également admirés, contestés, détestés, Thiers demeure l’un personnages politiques importants de cette période.

Gambetta : fou furieux, commis voyageur de la République

« Gambetta […] ce n’est pas du français, c’est du cheval ! »2465

Jules GRÉVY (1807-1891). Histoire des institutions et des régimes politiques de la France (1985), Jean Jacques Chevallier, Gérard Conac

Deux avocats, deux républicains, mais trente ans les séparent et la haine éclate au grand jour. Le rigide Grévy se moque de Gambetta qui parle, passionnément, précipitamment, impressionnant à la tribune, tapant si fort du poing sur la table qu’il perd son œil de verre et déchaîne l’assistance… Il l’écartera du pouvoir, car il peut effrayer le pays, surtout les ruraux. L’Assemblée prendra des présidents de la République choisis pour leur effacement, lesquels nommeront des présidents du Conseil eux-mêmes insignifiants pour ne pas leur porter ombrage. Ce sera l’une des faiblesses du régime.

La mort accidentelle (et mystérieuse) de Gambetta explique sa carrière relativement courte. Il est entré en politique comme avocat en 1868, pour défendre des opposants au régimes impérial. Tribun de choc, il fait partie du gouvernement (provisoire) de la Défense nationale en septembre 1870. Quand Paris capitule, il veut continuer le combat. Nommé ministre de la Guerre à 32 ans, il recourt au système D dans Paris assiégé : les pigeons voyageurs, baptisés par lui « premier service de l’État », permettent les communications entre Paris et la province. Il s’échappe de la capitale en ballon (montgolfière) au soulagement de ses collègues déjà exaspérés par son agitation, pour animer une résistance provinciale, organiser la levée en masse de 600 000 hommes. Il tente en vain de galvaniser la France profonde, aussi pacifiste qu’elle est peu républicaine, avec son adjoint Freycinet qui n’est malheureusement pas le meilleur des généraux.

Son bellicisme « à outrance » lui vaut l’inimitié de nombreux politiques, journalistes ou écrivains et le surnom de « fou furieux » par Thiers qui juge aussi ses proches collaborateurs : « Ils se sont trompés, gravement trompés : ils ont prolongé la défense au-delà de toute raison ; ils ont employé les moyens les plus mal conçus qu’on ait employés à aucune époque, dans aucune guerre […] Nous étions tous révoltés contre cette politique de fous furieux qui mettaient la France dans le plus grand péril ». L’armistice est finalement signé avec la Prusse.

Mais dans ce combat perdu d’avance, Gambetta s’inscrit dans la tradition bien française de la débrouillardise et du panache, à l’image des d’Artagnan, Murat ou Cyrano de Bergerac. Ce geste épique et cet acharnement dans la lutte patriotique marquèrent durablement les esprits : on dénombre aujourd’hui plus de 1 500 rues Gambetta en France : sixième nom propre le plus donné à nos rues.

« La république, c’est l’inévitable et vous devriez l’accepter. Vous devriez prendre votre parti de l’existence dans le pays d’une démocratie invincible à qui restera certainement le dernier mot. »2442

Léon GAMBETTA (1838-1882), Chambre des députés, 5 août 1874. Les Partis politiques sous la IIIe République (1913), Léon Jacques

Orateur infatigable, sillonnant la France jusque dans les campagnes pas encore acquises au nouveau régime pour diffuser les idées républicaines, il gagne son surnom de « commis voyageur de la République ». Il proposera une constitution républicaine. Légitimistes et conservateurs n’en veulent toujours pas, mais Gambetta va rallier une partie de la gauche à la cause du seul régime possible dans la France de cette époque : une république modérée qui n’effraie pas le pays.

« Quand la France aura fait entendre sa voix souveraine, […] il faudra se soumettre ou se démettre. »2453

Léon GAMBETTA (1838-1882), Discours de Lille, 15 août 1877. Histoire de la France (1947), André Maurois

Ce discours s’adresse au président de la République, après la crise institutionnelle ouverte le 16 mai : renvoi du président du Conseil et dissolution de la Chambre des députés. Mac-Mahon a tenté d’imposer au pays un régime présidentiel et c’est toute l’orientation de la Troisième République qui se joue alors. La campagne électorale est dure, le peuple étant rendu arbitre de l’opposition entre le législatif et l’exécutif – le Parlement et le président. Mac-Mahon finira par donner sa démission. La Troisième République est devenue un régime parlementaire pour le meilleur et pour le pire

Comte de Chambord : l’enfant du miracle, Henri V

« Il est né, l’enfant du miracle
Héritier du sang d’un martyr,
Il est né d’un tardif oracle,
Il est né d’un dernier soupir. »1980

Alphonse de LAMARTINE (1790-1869), Méditations poétiques (1820)

Encore un flash-back d’un demi-siècle pour mieux comprendre les difficultés de la République à ses débuts !

Le poète gentilhomme (qui fut un temps dans les gardes du corps de Louis XVIII et joue les attachés d’ambassade en Italie) saluait avec lyrisme la naissance du duc de Bordeaux, le 29 septembre 1820. Fils posthume du duc de Berry (assassiné en février) et de la duchesse de Berry Marie-Caroline, il prendra le nom de comte de Chambord et deviendra Henri V pour les royalistes légitimistes. Plus de cinquante ans après, il croit son heure venue.

« J’ai reçu le drapeau blanc comme un dépôt sacré, du vieux roi mon aïeul. Il a flotté sur mon berceau, je veux qu’il ombrage ma tombe ! »2417

Comte de CHAMBORD (1820-1883), Manifeste du 5 juillet 1871, à Chambord. La Droite en France, de la première Restauration à la Ve République (1963), René Rémond

Henri de Bourbon, comte de Chambord, se fait appeler Henri V et se voit déjà roi de France. On frappe des monnaies à son effigie, on construit des carrosses pour son entrée à Paris… Les deux partis, légitimistes et bonapartistes, se sont en effet mis d’accord sur son nom et sa plus grande légitimité. Il a toutes ses chances, dans une France majoritairement rurale et encore monarchiste (hors la capitale acquise à la République).

Dans ce discours, il renie le drapeau tricolore. Certains de ses partisans, scandalisés, en deviennent républicains ! L’« Affaire du drapeau » sert la stratégie politicienne de Thiers qui pavoise devant tant de maladresse. Il dit même avec humour que le prétendant mérite d’être « appelé le Washington français, car il a fondé la république ! »

Louise Michel : la Vierge rouge

« La révolution sera la floraison de l’humanité comme l’amour est la floraison du cœur. »2365

Louise MICHEL (1830-1905), La Commune, Histoire et souvenirs (1898)

Star de la Commune, elle symbolise cette brève révolution et porte bien son surnom ! Ex-institutrice, militante républicaine et anarchiste (prête à un attentat contre Thiers), auteur de poèmes et de théâtre, c’est d’abord une idéaliste comme tant de communards et l’héroïne restée la plus populaire. Un quart de siècle après, elle fera revivre ces souvenirs vibrants et tragiques.

Véritable pasionaria des barricades, la Vierge rouge appelle les quartiers populaires à l’insurrection et jusqu’au sacrifice : « Montmartre, Belleville, ô légions vaillantes, / Venez, c’est l’heure d’en finir. / Debout ! La honte est lourde et pesantes les chaînes, / Debout ! Il est beau de mourir. » Face aux Communards (ou Fédérés), les Versaillais se préparent, troupes commandées par les généraux Mac-Mahon et Vinoy. En plus des 63 500 hommes dont l’État dispose, il y a les 130 000 prisonniers libérés par Bismarck – hostile à tout mouvement populaire de tendance révolutionnaire. Le 30 mars, Paris est pour la seconde fois ville assiégée, bombardée, et à présent par des Français.

« Puisqu’il semble que tout cœur qui bat pour la liberté n’ait droit qu’à un peu de plomb, j’en réclame ma part, moi ! Si vous n’êtes pas des lâches, tuez-moi ! »2375

Louise MICHEL (1830-1905). Histoire de ma vie (2000), Louise Michel, Xavière Gauthier

Semaine sanglante : la Vierge rouge se retrouve sur les barricades, fusil sur l’épaule. Paris est reconquis, rue par rue, et incendié. La dernière barricade des Fédérés, rue Ramponeau, tombe le 28 mai 1871. À 15 heures, toute résistance a cessé.

« On ne peut pas tuer l’idée à coups de canon ni lui mettre les poucettes [menottes]. »2381

Louise MICHEL (1830-1905), La Commune, Histoire et souvenirs (1898)

Condamnée, déportée en Nouvelle-Calédonie, amnistiée en 1880, elle reviendra en France, pour se battre du côté des « damnés de la terre ».

« Le cadavre est à terre, mais l’idée est debout », dit aussi Hugo à propos de la Commune. La force des idées est l’une des leçons de l’histoire et la Commune en est l’illustration, malgré l’extrême confusion des courants qui l’animèrent. Un chant y est né, porteur d’une idée qui fera le tour du monde et en changera bientôt le cours : L’Internationale.

Gaston de Galliffet : le Marquis aux talons rouges, le Massacreur de la Commune

« C’est une guerre sans trêve ni pitié que je déclare à ces assassins. »2366

Général Gaston de GALLIFFET (1830-1909), 3 avril 1871. Histoire socialiste, 1789-1900, volume XI, La Commune, Louis Dubreuilh, sous la direction de Jean Jaurès (1908)

Galliffet a fait fusiller sans jugement 5 Fédérés prisonniers : « J’ai dû faire un exemple ce matin ; je désire ne pas être réduit de nouveau à une pareille extrémité. N’oubliez pas que le pays, que la loi, que le droit par conséquent sont à Versailles et à l’Assemblée nationale, et non pas avec la grotesque assemblée de Paris, qui s’intitule Commune. » Sa férocité lui vaudra le surnom bien mérité de « Marquis aux talons rouges », ou « Massacreur de la Commune ».

Cependant qu’à Paris, les clubs réclament la Terreur, veulent « faire tomber cent mille têtes », rétablir la loi des Suspects. On joue la mort de la peine de mort en brûlant une guillotine. Les Communards les plus extrêmes semblent eux aussi prêts à tout, mais le combat est trop inégal face aux forces de l’ordre républicain !

« J’ai vu des prisonniers sanglants, les oreilles arrachées, le visage et le cou déchirés, comme par des griffes de bêtes féroces. »2367

Camille BARRÈRE (1851-1940), témoignage en date du 3 avril 1871. Les Convulsions de Paris : Épisodes de la commune (1883), Maxime Du Camp

Futur ambassadeur à Rome, ce Communard est témoin des combats aux premiers jours d’avril entre Versaillais et Fédérés. Ce qui le choque plus que tout, c’est la foule déchaînée contre les convois de prisonniers ramenés à Versailles.

« Ce ne sont plus des soldats qui accomplissent leur devoir, ce sont des êtres retournés à la nature des fauves. »2379

La France, juin 1871. Les Révoltes de Paris : 1358-1968 (1998), Claude Dufresne

Les journalistes unanimes condamnent la répression. La Seine est devenue un fleuve de sang. Le Siècle écrit : « C’est une folie furieuse. On ne distingue plus l’innocent du coupable. » Et Paris-Journal du 9 juin : « C’est au bois de Boulogne que seront exécutés à l’avenir les gens condamnés par la cour martiale. Toutes les fois que le nombre des condamnés dépassera dix hommes, on remplacera par une mitrailleuse le peloton d’exécution. »

3 500 insurgés sont fusillés sans jugement dans Paris, près de 2 000 dans la cour de prison de la Roquette et plusieurs centaines au cimetière du Père-Lachaise : c’est le « mur des Fédérés », de sinistre mémoire. 400 000 dénonciations écrites sur 2 millions de Parisiens : fort pourcentage de délateurs montrant la haine accumulée ! 40 000 Fédérés prisonniers sont entassés à Versailles, internés dans des pontons flottants et dans les forts côtiers, faute de places dans les prisons. Il y aura  22 000 non-lieux, près de 2 500 acquittements, plus de 10 000 condamnations, dont la moitié à la déportation, avec de nombreux morts à la suite de mauvais traitements. Pour juger ces vaincus de la Commune, quatre conseils de guerre siègeront  jusqu’en 1874.

Au journaliste Henri Rochefort qui lui dit : « Je suis le seul Communard que vous n’ayez pas fait fusiller ! » Galliffet le Massacreur de la Commune répondit : « Ce sera le regret de toute ma vie ! »

Jules Ferry : Ferry-Famine, Ferry l’Affameur, « Néron, Dioclétien, Attila, préfigurateur de l’antéchrist ! », Ferry-Tonkin, le Tonkinois.

« Néron, Dioclétien, Attila, préfigurateur de l’antéchrist ! »2466

Les catholiques insultant Jules Ferry. Histoire de la France et des Français (1972), André Castelot, Alain Decaux

Encore un homme politique très actif et contesté, d’où ses nombreux surnoms ! Clemenceau sera dans le même cas.

Député républicain et opposant sous le Second Empire, maire de Paris en novembre 1870, il a (entre autres) la mission impossible du ravitaillement de la capitale assiégée, d’où ses deux premiers surnoms : Ferry-Famine et Ferry l’Affameur.

Ferry est attaqué ici en tant que ministre de l’Instruction publique : son projet de réforme de l’enseignement public primaire (laïc, gratuit et obligatoire) réduit l’importance de l’enseignement privé qui a ses fervents défenseurs. Le 16 juin 1879, la loi Ferry enflammera la Chambre. Gambetta défend son ami Ferry et tape si fort du poing sur la table qu’il perd son œil de verre. Les députés en viennent aux mains. Et volent manchettes et faux cols ! Il faut encore trois ans avant que passe le train des lois Ferry. En ce domaine, la postérité reconnaîtra le rôle exemplaire du ministre.

« Rayonner sans agir, sans se mêler aux affaires du monde, vivre de cette sorte pour une grande nation […] c’est abdiquer, […] c’est descendre du premier rang au troisième ou au quatrième. »2399

Jules FERRY (1832-1893). Discours et opinions de Jules Ferry (1897), Jules Ferry, Paul Robiquet

Deux fois président du Conseil entre septembre 1880 et mars 1885 et ministre des Affaires étrangères à partir de novembre 1883, il promeut la nouvelle politique coloniale de la France : à la place des conquêtes continentales devenues impossibles, il prône l’aventure au-delà des mers. Pour lui, « les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures […] le devoir de [les] civiliser. » Cette mission civilisatrice de la France est une idée répandue à l’époque, défendue notamment par Hugo et Jaurès. Mais cette politique coloniale est très attaquée par la droite – elle coûte cher en crédits et en hommes – et par la gauche nationaliste – elle détourne de la politique de revanche contre l’Allemagne qui a annexé l’Alsace-Lorraine. Un échec provoquera la chute de « Ferry-Tonkin » et l’arrêt de cette première expansion coloniale qui recommencera vers 1890. Un ministère des Colonies sera créé en 1894.

« La politique coloniale est fille de la politique industrielle. »2400

Jules FERRY (1832-1893). Discours et opinions de Jules Ferry (1897), Jules Ferry, Paul Robiquet

Il donnera plus tard une théorie de sa politique coloniale, menée au coup par coup quand il était au pouvoir. L’expansion est nécessaire à un grand pays comme la France, pour satisfaire des besoins à la fois militaires (bases dans le monde entier), commerciaux (marchés et débouchés pour son expansion économique), culturels (prestige national oblige, pour « sa langue, ses mœurs, son drapeau, son armée et son génie »). La Troisième République édifie peu à peu le second empire colonial du monde (après l’Angleterre), aussi vrai qu’« un mouvement irrésistible emporte les grandes nations européennes à la conquête de terres nouvelles » (Jules Ferry).

« Faire passer avant toute chose la grandeur du pays et l’honneur du drapeau. »2477

Jules FERRY (1832-1893), Chambre des députés, 30 mars 1885. Discours et opinions de Jules Ferry (1897), Jules Ferry, Paul Robiquet

La conquête de l’Indochine a commencé sous Napoléon III et Ferry poursuit cette colonisation française en Extrême-Orient. Par le traité de Hué (25 août 1883), l’empereur du Vietnam a été contraint de céder, au nord, le Tonkin devenu un protectorat français, mais la Chine voisine conteste ce traité et envahit le Tonkin : ses troupes, les « Pavillons noirs », se heurtent aux troupes françaises. Sièges et batailles navales se succèdent durant près de deux ans.

Le 29 mars 1885, les journaux ont appris l’attaque des Chinois à Lang-Son (ville du Vietnam sur la frontière chinoise) et la retraite du corps expéditionnaire français, avec quelque 200 tués ou blessés. L’incident est démesurément grossi : on parle du « désastre de Lang-son » comme d’un second Waterloo et d’un nouveau Sedan ! Les radicaux, groupés autour de Clemenceau, dénoncent la politique coloniale de Jules Ferry, surnommé pour l’occasion « Ferry-Tonkin » et accusé de haute trahison pour avoir engagé des troupes, sans bien en informer les députés.

Président du Conseil, Ferry garde son calme et le 30 mars, invoquant la grandeur du pays et l’honneur du drapeau, il demande une augmentation des crédits pour envoyer des renforts au Tonkin. Il déchaîne des clameurs, à la gauche comme à la droite de l’Assemblée. C’est le jour de sa chute. Il finira sénateur.

Boulanger : le Général Revanche

« La popularité du général Boulanger est venue trop tôt à quelqu’un qui aimait trop le bruit. »2481

Georges CLEMENCEAU (1841-1929). Le Boulangisme (1946), Adrien Dansette

Boulanger est imposé au gouvernement le 7 janvier 1886 par les radicaux, Clemenceau en tête. Le nouveau ministre de la Guerre devient vite le « brav’général Boulanger » pour l’armée, sachant se rendre populaire par diverses réformes qui améliorent l’ordinaire du conscrit. Sa popularité va gagner dans les rangs des innombrables mécontents du régime. Au 14 juillet 1886, le défilé national marque la première apothéose de son ascension.

« Il reviendra quand le tambour battra,
Quand l’étranger m’naç’ra notre frontière
Il reviendra et chacun le suivra
Pour cortège il aura la France entière. »2485

Refrain populaire en l’honneur du général Revanche (1887), chanson. Le Général Boulanger jugé par ses partisans et ses adversaires (1888), Georges Grison

8 juillet 1887, la foule se masse à la gare de Lyon pour empêcher le départ de son idole, devenu le général Revanche – dans un pays qui pense toujours à récupérer l’Alsace-Lorraine et à venger l’humiliante défaite de Sedan. La popularité de Boulanger était devenue trop gênante pour les républicains qui ont par ailleurs jaugé le personnage, irresponsable et bien léger : en mai 1887, il perd son portefeuille. Le voilà expédié à Clermont-Ferrand, pour commander le 13e corps d’armée. Mais il est désormais éligible.

« Pourquoi voulez-vous que j’aille conquérir illégalement le pouvoir quand je suis sûr d’y être porté dans six mois par l’unanimité de la France ? »2496

Général BOULANGER (1837-1891), réponse aux manifestants, 27 janvier 1889. Histoire de la Troisième République, volume II (1963), Jacques Chastenet

C’est sa réponse aux manifestants qui lui crient : « À l’Élysée ! » et marchent vers le palais où le président Carnot fait déjà ses malles ! Boulanger choisit la légalité, il choisit aussi d’écouter les conseils de Marguerite de Bonnemains, sa maîtresse passionnément aimée – on apprendra bientôt qu’elle travaillait pour la police.

Cela laisse le temps au gouvernement de réagir : le ministre de l’Intérieur l’accuse de complot contre l’État. Craignant d’être arrêté, il fuit à l’étranger. Son prestige s’effondre. Le boulangisme a vécu.

« Il est mort comme il a vécu : en sous-lieutenant. »2499

Georges CLEMENCEAU (1841-1929), apprenant le suicide du général Boulanger sur la tombe de sa maîtresse à Ixelles (Belgique), le 30 septembre 1891. Histoire de la France (1947), André Maurois

L’épitaphe est cinglante, mais la fin du « Brave Général » qui fit trembler la République est un fait divers pitoyable. Accusé de complot contre l’État et craignant l’arrestation, il s’est enfui le 1er avril 1889 à Londres, puis à Bruxelles, avec sa maîtresse. Le 14 août, le Sénat, réuni en Haute Cour de justice, le condamne par contumace à la déportation.

Mme de Bonnemains meurt du mal du siècle (la phtisie), le 16 juillet 1891. Sur sa tombe, toujours fou d’amour, le général Boulanger fait graver ces mots : « Marguerite… à bientôt ». Le 30 septembre, il revient se tirer une balle dans la tête, pour être enterré dans la même tombe où l’on gravera : « Ai-je bien pu vivre deux mois et demi sans toi ? » Clemenceau qui n’avait rien d’un sentimental ne va pas rater le mot. Mais le général Boulanger a quand même menacé la République et inventé une forme de populisme toujours dangereux.

Jules Grévy : le Jules au gendre

« Jadis on était décoré et content. Aujourd’hui on n’est décoré que comptant ! »2486

Alfred CAPUS (1857-1922), Le Gaulois, 7 octobre 1887

Ce journal, comme bien d’autres, dénonce le scandale de l’Élysée. La corruption, tant reprochée aux républicains qui sont au pouvoir, atteint la famille du président Grévy. Son gendre, Daniel Wilson, est accusé d’avoir créé à l’Élysée un « ministère des Recommandations et Démarches ». Bien entendu, il fait payer ses services. Ce trafic des décorations, découvert en septembre 1887, porte notamment sur la Légion d’honneur. La chanson d’Émile Carré résume la situation : « Ah ! quel malheur d’avoir un gendre […] J’suis un honnête père de famille / Ma seule passion, c’est l’jeu de billard / Un blond barbu, joli gaillard / Une fois m’demande la main d’ma fille […] / Y sont mariés, mais c’que j’m’en repens ! / Ah ! quel malheur d’avoir un gendre ! […] Avec lui, j’en ai vu de grises, / Fallait qu’j’emploie à chaque instant / Mon nom, mon crédit, mon argent / À réparer toutes ses sottises. / Ah ! quel malheur d’avoir un gendre. »

Devant la crise, il est poussé à la démission et reste comme le Jules-au-gendre, à cette époque où le prénom est très porté : Jules Grévy, Jules Ferry, Jules Favre, Jules Simon, mais aussi Jules Dufaure. C’est la « République des Jules », la « République des camarades », sous-entendu aussi des copains et des coquins.

Jean Casimir-Périer : le Prisonnier, Casimir d’Anzin

« Le poids des responsabilités est trop lourd pour que j’ose parler de ma reconnaissance. J’aime trop ardemment mon pays pour être heureux le jour où je deviens son chef. Qu’il me soit donné de trouver dans ma raison et dans mon cœur la force nécessaire pour servir dignement la France. »

Jean CASIMIR-PERIER (1847-1907), Message du nouveau président de la République élu le 27 juin 1894

Sadi Carnot est mort poignardé à Lyon par Caserio, anarchiste illuminé, le 24 juin. Il voyait en Casimir-Perier son héritier. Soutenu par la droite, il hésite à poser sa candidature, mais se laisse convaincre. Facilement élu par le Sénat et la Chambre, pâle et défait, il éclate en sanglots. L’Intransigeant d’Henri Rochefort titre un entrefilet : « Premières larmes ! »

À 46 ans, c’est le troisième plus jeune président (après Louis-Napoléon Bonaparte en 1848 et Emmanuel Macron en 2017). Il détient surtout le record du mandat présidentiel le plus court, toutes républiques confondues : 6 mois et 20 jours.

Les radicaux et les socialistes le caricaturent très vite comme « président de la réaction ». Il appartient à la haute bourgeoisie.  Propriétaire de la majeure partie des actions des mines d’Anzin, « Casimir d’Anzin » est trop riche aux yeux de la France démocratique. Les campagnes de presse hostiles se multiplient, parallèlement aux procès pour offense au chef de l’État.

Casimir-Périer prend aussi conscience du faible rôle réservé au président. Tenu à l’écart des Affaires étrangères (domaine toujours réservé au chef de l’État), marginalisé par le président du Conseil, il sombre dans l’abattement. « Le prisonnier de l’Élysée » ne supporte plus cette prison dorée, « décor menteur où l’on ne fait que recevoir des coups sans pouvoir les rendre ». Sous ses allures hautaines, l’homme est sensible, fragile et angoissé. Cloitré à l’Élysée, il n’ose plus sortir dans la rue de peur d’être insulté ou sifflé. Il a demandé aux cochers de retirer leur cocarde tricolore pour qu’on ne remarque pas la voiture présidentielle dans la capitale. Se croyant espionné, il reçoit ses intimes sur la pelouse de l’Élysée pour pouvoir parler librement. Il va démissionner au premier prétexte.

Leçon de l’histoire ?  La politique est un métier interdit aux faibles. Et la « souveraineté parlementaire » l’emporte  une fois de plus au détriment de la présidence toujours rabaissée. À son décès, la famille, fidèle à son vœu, refusa toute cérémonie officielle : obsèques sans fleurs, ni couronnes, ni discours.

Émile Zola : le Grand fécal, le Maître de Médan

« J’accuse. »2517

Émile ZOLA (1840-1902), titre de son article en page un de L’Aurore, 13 janvier 1898

L’article en forme de lettre ouverte au président de la République Félix Faure est l’œuvre du romancier (naturaliste) le plus populaire, après la mort de Balzac et Hugo. C’est dire le poids de cette intervention dans l’affaire Dreyfus qui va devenir la plus grave crise sous la Troisième République.  
Zola accuse deux ministres de la Guerre, les principaux officiers de l’état-major et les experts en écriture d’avoir « mené dans la presse une campagne abominable pour égarer l’opinion » et le Conseil de guerre qui a condamné Dreyfus d’« avoir violé le droit en condamnant un accusé sur une pièce restée secrète ». Le ministre de la Guerre, général Billot, intente alors au célèbre écrivain un procès en diffamation.

Le procès Zola en cour d’assises (7-21 février 1898) fait connaître l’affaire Dreyfus au monde entier. Formidable tribune pour l’intellectuel converti aux doctrines socialistes et aux grandes idées humanitaires ! « Tout semble être contre moi, les deux Chambres, le pouvoir civil, le pouvoir militaire, les journaux à grand tirage, l’opinion publique qu’ils ont empoisonnée. Et je n’ai pour moi que l’idée, un idéal de vérité et de justice. Et je suis bien tranquille, je vaincrai. »

En attendant, Zola est condamné à un an de prison et 3 000 francs d’amende. Léon Daudet le poursuit désormais de sa haine, dénonçant l’influence néfaste de Zola sur la littérature associée à un surnom scatologique et infâmant.

« Il avait le goût du déshonneur, de la déchéance et de la mort de son prochain. Il m’apparaît dans mon souvenir comme ruisselant de fiel et assouvissant dans son œuvre, la rage de dégradation qui le tenait contre l’ensemble du genre humain. […] Lisez les meilleurs scatologicons de sa série : L’Assommoir, Germinal, Nana, La Terre. Regardez-le se vautrer dans le purin, en faire dégouliner sur sa page […]. D’où le surnom de Grand Fécal, que je lui appliquai et qui resta. »

Léon DAUDET (1867-1942), Au temps de Judas (1920)

Fils aîné d’Alphonse Daudet (l’auteur des Lettres de mon moulin) et marié un temps à Jeanne-Hugo (petite-fille de Victor Hugo), écrivain, journaliste à l’Action française et homme politique, intellectuel d’extrême droite, tour à tour et souvent tout à la fois nationaliste et royaliste, antisémite, antiallemand et viscéralement antidreyfusard, Léon Daudet est une figure de la vie culturelle et politique : articles polémiques au style populaire, vif et amusant, charriant les injures, voire les appels au meurtre, mais aussi essais, livres d’histoire et romans se succèdent à un rythme soutenu.

Le personnage est un colosse truculent, sanguin, pittoresque, mangeant, buvant (plusieurs bouteilles de Bourgogne par repas), écrivant, discourant sans cesse. Surnommé « le gros Léon », il  défraye la chronique, autant par ses écrits que par les duels que lui valent ses insultes et les coups qu’il donne ou reçoit au cours de manifestations qui se terminent souvent au poste. On ne dira jamais assez l’extrême violence de cette époque.

« Je ne suis pas heureux. Ce partage, cette vie double que je suis forcé de vivre finissent par me désespérer. J’avais fait le rêve de rendre tout le monde heureux autour de moi, mais je vois bien que cela est impossible. »

Émile ZOLA (1840-1902), Lettre de juillet 1894

Zola peut être comparé à Voltaire au siècle des Lumières. Ces deux « intellectuels engagés » ont interrompu leur œuvre pour défendre un innocent victime de l’injustice – affaire Calas, affaire Dreyfus. Et chacun finit sa vie en « recevant le monde à domicile », l’un en « Aubergiste de l’Europe » à Ferney, l’autre en « Maître de Médan », tout en travaillant avec acharnement entre quelques moments de loisirs bien mérités.

À 38 ans, Zola a trouvé la maison de ses rêves à Médan, dans les Yvelines. Au fur et à mesure que le romancier s’enrichit avec les droits d’auteur de ses romans et leur diffusion en feuilleton dans la presse, il peut agrandir et transformer cette « cabane à lapin » qui impressionne aujourd’hui le visiteur par son allure et par ses dimensions. Il aime construire : sa vie, son œuvre, son domaine. Ce romancier de génie a une force de travail et une régularité résumées par sa devise peinte sur la cheminée de son cabinet de travail à Médan : « Nulla dies sine linea » - pas un jour sans une ligne.

Mais sa vie privée lui pose un problème de conscience tout à l’honneur de l’homme. Il aime toujours son épouse Alexandrine, mais il est tombé très amoureux de Jeanne Rozerot, jeune orpheline de mère, « montée » à Paris pour se placer comme lingère, engagée et très appréciée par Alexandrine – jadis modeste lingère. Jeanne lui donne deux enfants, il l’installe près de Médan et va la voir chaque jour. Seuls quelques très proches amis de l’écrivain savent… Quand Alexandrine Zola apprend l’infidélité de son époux, le couple si uni est au bord du divorce. Mais l’homme est soulagé, il ne supportait plus ce mensonge. Alexandrine assurée de ne pas être abandonnée se résigne finalement à cette situation, elle s’occupe même des enfants, reportant sur eux un amour maternel dont elle a été privée. Après la mort de l’écrivain, elle fera reconnaître les deux enfants, afin qu’ils puissent porter le nom de leur père.

Signalons que la mort de Zola à 62 ans reste une énigme. Assurément asphyxié par la fumée de son poêle à charbon, la cheminée fut vraisemblablement bouchée à l’occasion de travaux sur le toit voisin. Ce serait une suite de l’affaire Dreyfus que nombre d’antidreyfusards et antisémites ne lui pardonneront jamais.

Arthur Rimbaud : l’Homme aux semelles de vent

« Elles ont pâli, merveilleuses
Au grand soleil d’amour chargé,
Sur le bronze des mitrailleuses
À travers Paris insurgé. »2329

Arthur RIMBAUD (1854-1891), Les Mains de Jeanne-Marie (1871)

« On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans. » Premier vers autobiographique de Roman. Mais la suite de sa brève existence prouvera que l’âge n’était pas en cause !

Bouleversé par la déclaration de guerre, puis par l’échec de la Commune, l’adolescent né à Charleville (dans les Ardennes) fugue deux fois à Paris, en 1870 et 1871. Il chante Le Dormeur du val, jeune soldat cueilli par la mort, mais aussi les communardes sur les barricades, mêlant poésie, révolte, soif de révolution sociale et morale. Mais il comprend très vite l’impuissance des vers à « changer la vie ».

A vingt-ans, il cesse d’être poète pour se lancer dans une vie d’explorateur, journaliste, aventurier, trafiquant d’armes, négociant en café. Parti de Charleville, il part vers l’Abyssinie et passe de l’Aden au Yémen. Volonté de vivre à en mourir, toujours plus intensément, d’être sans cesse en mouvement dans une quête éperdue vers l’inconnu, l’inexploré. Course folle, marche vaine. L’Homme aux semelles de vent rêvait de s’enrichir, mais plus encore de découvrir, sans savoir quoi ni comment ni pourquoi. Quête épuisante. Il en meurt à trente-sept ans.

Il laisse une œuvre incomprise de son vivant et qui fascine toujours. Comme son histoire d’amour fou avec Verlaine, épisode tragique dans deux vies chaotiques de poètes inspirés.

Paul Verlaine : le Prince des poètes, le Clochard céleste

« Les sanglots longs / Des violons / De l’automne
Bercent mon cœur / D’une langueur / Monotone. »2807

Paul VERLAINE (1844-1896), vers entendus à la BBC le 5 juin 1944. Extrait de « Chanson d’automne », Poèmes saturniens (1866)

Vers mondialement connus depuis la Seconde Guerre mondiale : c’est le code choisi pour annoncer sur la radio anglaise le jour J du débarquement en France, autrement dit l’opération Overlord sous le commandement suprême du général Eisenhower. Ces mots tant attendus sont enfin entendus, le soir du 5 juin : le débarquement est pour le lendemain.

Verlaine est mort un demi-siècle plus tôt, alcoolique au dernier degré, violent au point de vouloir étrangler plusieurs fois sa mère, « clochard céleste » mais bien réel, hantant les cafés et les hôpitaux, condamné à des amours « misérables », souffrant de diabète, d’ulcères et de syphilis, pour finir emporté par une pneumonie aiguë à 51 ans. 

Le destin a fait se rencontrer Verlaine et Rimbaud, les deux poètes maudits de l’après-guerre de 1870. Verlaine vit par intermittence avec son amant : leur relation affichée fait scandale, comme la violence de Rimbaud l’adolescent séduisant et surdoué. Ses provocations perpétuelles finissent par irriter ses confrères d’abord indulgents pour son jeune âge, mais de plus en plus perplexes sur ses poèmes indéchiffrables et son caractère littéralement insupportable.

Le couple fuit Paris, part à Londres et se réfugie finalement en Belgique. L’aventure s’achève au cours d’une « scène de ménage » le 10 juillet 1873 à Bruxelles : Verlaine veut empêcher son « époux infernal » de le quitter, tirant sur lui avec un revolver de poche et le blessant légèrement au poignet. Incarcéré dans un centre de détention provisoire, inculpé pour son geste et stigmatisé pour son homosexualité, il est condamné à deux ans de prison le 8 août 1873. Rimbaud a retiré sa plainte, mais la pédérastie est un élément aggravant.

Cette dernière aventure achève de ruiner son mariage avec Mathilde sa femme. Il l’a frappée à plusieurs reprises, violée après s’être saoulé à l’absinthe, s’en prenant même à leur fils, le petit Georges né fin 1871. La mère entame une procédure de séparation pendant que Verlaine est en prison. Il suppliera son ami Hugo d’intervenir en sa faveur auprès de Mathilde reçue régulièrement chez lui, mais rien n’y fera. La séparation est actée en mai 1874 par le Tribunal de la Seine.

« Effroyable histoire de Paul Verlaine. Pauvre jeune femme ! Pauvre petit enfant ! Et lui-même, qu’il est à plaindre. »

Victor HUGO (1802-1885), Choses vues, 1870-1885

Libéré le 16 janvier 1875 avec une remise de peine pour bonne conduite, Verlaine tente en vain une réconciliation avec Mathilde – qui obtiendra le divorce rétabli en 1884 (loi Naquet). Il passe deux jours avec Rimbaud à Stuttgart « reniant son dieu » qu’il avait retrouvé en prison avec la foi catholique : c’est leur dernière rencontre. Rimbaud remet à Verlaine le texte des Illuminations que Verlaine fera publier en 1886. Il aura largement contribué à sa gloire posthume.

Seul l’art triomphe dans cette aventure, les deux poètes maudits faisant toujours l’objet d’un véritable culte. Notons qu’à l’inverse de Rimbaud, Verlaine écrivit en prison et jusqu’à la fin de sa vie, sacré « Prince des poètes » en 1894 par la profession avec laquelle il avait malgré tout renoué.

Sarah Bernhardt : la Négresse blonde, la Voix d’or, la Divine, l’Impératrice du théâtre, Mère la Chaise

« Buvons à la France, mais à la France tout entière, Monsieur le ministre de Prusse ! »2471

Sarah BERNHARDT (1844-1923), en tournée au Danemark, automne 1880. Ma double vie, Mémoires de Sarah Bernhardt (1907)

La star du théâtre français, mondialement célèbre, a déjà fait preuve de son patriotisme pendant la guerre de 1870, transformant la scène de l’Odéon en hôpital militaire : devenue infirmière et parfaite dans son rôle, elle joua aussi de ses relations pour obtenir de la nourriture aux soldats blessés.

Lors d’une triomphale tournée en Europe, elle entend le baron Magnus porter ce toast : « Je bois à la France qui nous donne de si grands artistes ! À la France, à la belle France que nous aimons tous. » D’où la fière réplique de la comédienne. L’orchestre de la cour fait aussitôt éclater La Marseillaise - les Danois détestent les Allemands, à l’époque. Bismarck s’indigne et l’on frise l’incident diplomatique. Mais c’est bon aussi pour « la réclame » de Sarah.

« Maigre à faire pleurer les oies » dans sa jeunesse, à l’époque où Renoir peint les femmes bien en chair, « pire que jolie », elle fascine le photographe Nadar qui nous laisse d’elle des portraits d’une étonnante beauté ! Surnommée la Négresse blonde pour sa tignasse indomptée, elle apprendra l’art de se coiffer, se grimer, changer de visage pour chaque rôle tout en restant elle-même. En 1872, elle reprend le rôle de la reine dans Ruy Blas et le vieil Hugo tombe amoureux de « la Voix d’or » – peut-être aussi de la femme, rien n’est sûr, mais l’un et l’autre eurent d’innombrables liaisons.

C’est aussi « la Divine », « l’Impératrice du théâtre », une des plus grandes tragédiennes françaises du XIXe siècle. En 1900, la cinquantaine légèrement bedonnante, elle crée (en travesti) un personnage mort de phtisie à 19 ans, l’Aiglon de Jean Rostand, dans le théâtre à son nom (place du Châtelet). Reine de Paris avec son amie Réjane qui excelle dans la comédie et le naturel, première « star » internationale, elle multiplie les tournées triomphales sur les cinq continents « pour remplir la sacoche » et par passion de la scène, jouant jusqu’à la fin, amputée d’une jambe - mais jamais appareillée. « On me portera » dit-elle, devenue la Mère la chaise, fascinant toujours son public. C’est pour elle que le jeune Jean Cocteau inventa l’expression de « monstre sacré ».

Samuel Pozzi : Docteur Dieu, l’Amour médecin

« Mon Docteur Dieu… Nul être ne m’est plus cher que vous. Ai-je donc besoin, ami chéri, d’ouvrir la boîte des souvenirs qui nous sont communs pour vous faire respirer le parfum de ces fleurs, cueillies ensemble dans les jardins de la vie ? Je vous aime tendrement, infiniment… Sarah. »

Sarah BERNHARDT (1844-1923), Lettre au docteur Pozzi, citée dans Sarah Bernhardt et le Docteur Pozzi, Caroline De Costa, Francesca Miller (2013)

Depuis leur première rencontre au Quartier latin en 1868, lui étant étudiant à l’École de médecine, elle jouant à l’Odéon un rôle à succès, et jusqu’à la mort tragique de Pozzi (poignardé par l’un de ses anciens patients qui se disait mal opéré et voulait  une nouvelle intervention qu’il lui refusait), ils ne cessèrent de s’envoyer des lettres d’amour puis d’affection, des télégrammes et des cartes postales, comme aujourd’hui on échange des textos ou des mails.

Samuel Pozzi (1846-1918), fils de pasteur protestant, grand voyageur et collectionneur d’art, politicien le temps d’un engagement dreyfusard, était comme Sarah aussi ardent au travail qu’en amour. Les avis divergent quant à ses compétences chirurgicales. Robert Proust (frère de Marcel) fut son assistant à l’hôpital Broca en 1914 et le tenait en haute estime, les États-Unis reconnurent ses talents, mais Léon Daudet, lui-même ancien carabin, disait : « Je ne lui confierais pas mes cheveux, surtout s’il y avait là une glace. » Pozzi était en effet extrêmement coquet : il s’est fait peindre par John Singer Sargent enveloppé dans une somptueuse robe de chambre écarlate – sans doute appréciée par Sarah.

Les femmes de la haute société parisienne réclamaient les services du séducteur surnommé « l’Amour médecin », à l’hôpital comme en privé : il opérait ses patientes à domicile en amenant matériel et assistant d’anesthésie. Il avait acquis la maîtrise des sutures des plaies abdominales et fut le premier à réaliser une gastro-entérostomie.

En 1898, Samuel avait opéré Sarah d’un kyste ovarien de la « grosseur d’une tête d’enfant de 14 ans ». Elle l’appela à son secours en 1915, souffrant atrocement d’une tuberculose osseuse au genou droit, suite à une première chute sur le pont du bateau qui la ramenait d’une tournée aux Amériques en 1887. Elle s’était ensuite blessée dans le rôle-titre de Tosca (pièce de Victorien Sardou), se jetant du haut d’une tour du château Saint-Ange. Continuant de jouer, le mal s’était aggravé. Devenue invalide, il fallait opérer – pas d’autre solution à cette époque que l’amputation au-dessus du genou. Mais pas un chirurgien au monde ne voulait se risquer sur cette star de 70 ans, au risque de perdre sa réputation et de compromettre à jamais sa carrière. Sarah menaça Pozzi de se tirer un coup de revolver dans le genou ! Il la savait capable de tout.

Il la confia à son ancien interne Maurice Denucé, professeur d’orthopédie à Bordeaux qui l’opéra dans la clinique privée Saint-Augustin où avait séjourné le roi Alphonse XIII. Sarah Bernhardt y fut traitée comme l’impératrice du théâtre, avec bulletins de santé remis à la presse quotidiennement. La Mère Lachaise devint la plus célèbre unijambiste de l’époque.

Émile Loubet : le Nougateux

« Je ne serai ni sénateur, ni député, ni même conseiller municipal. Rien, absolument rien. »

Émile LOUBET (1838-1924) quittant l’Élysée en 1906

Dégoûté de la vie politique, il revient à la vie civile. Il est quand même le seul président de la République à avoir terminé son septennat sans être poussé à la démission ou assassiné !

Loubet a mené la carrière la plus classique et la plus complète : élu en 1870 maire de Montélimar (capitale du nougat, d’où son surnom de Nougateux), député en 1876, sénateur en 1885, mais aussi président du Conseil (chef du gouvernement), président du Sénat… et finalement président de la République. Modéré, soutenu par Clemenceau, il parvient à ce poste en plein scandale de Panama, accueilli au cri de de « Loubet démission » ou « Loubet Panama ».

Mais c’est l’Affaire Dreyfus qui va marquer son septennat. Élu par les partisans de la révision, il gracie le capitaine en 1906 dans un climat passionné. Ce fut aussi l’homme de l’Exposition universelle de 1900, de la Tour Eiffel, de la première ligne de métro et de la « Belle Époque ». Grand diplomate, il participe au rapprochement avec l’Angleterre et la Russie, scellé par la signature de l’Entente cordiale en 1904.

La fin de son mandat est plus difficile : rupture des relations avec le Saint-Siège en lien avec la politique anticléricale d’Émile Combes qu’il désapprouve. Il voit la séparation des Églises et de l’État définitivement actée en 1905, ce qui déchire la France presque autant que l’Affaire Dreyfus. Bref, le Nougateux a bien mérité sa retraite sur ses terres à Marsanne, proche de Montélimar dans la Drôme.

Armand Fallières : l’Hippopotame

« La place n’est pas mauvaise, mais il n’y a pas d’avancement. »2561

Armand FALLIÈRES (1841-1931), à Raymond Poincaré reçu à l’Élysée, 17 janvier 1913

Fallières, huitième président de la Troisième République, fit lui aussi une carrière politique classique : maire, député, sénateur, plusieurs fois ministre, président du Conseil. Il a le physique de l’emploi : la barbe et la moustache, le ventre – et même un embonpoint qui lui vaut le surnom d’Hippopotame - et une assurance tranquille.

De son septennat, retenons la réintégration de Dreyfus dans l’armée et la création de l’isoloir pour assurer le secret des votes. Il choisit de ne pas se représenter. Poincaré est élu, avec une carrière et un physique comparables à Fallières. Son premier septennat sera bouleversé par la plus grande tragédie du siècle.

Raymond Poincaré : Pointu, Poincaré-la-guerre

« Il n’est possible à un peuple d’être efficacement pacifique qu’à la condition d’être prêt à la guerre. »2564

Raymond POINCARÉ (1860-1934), message aux Chambres, 20 février 1913. Histoire illustrée de la guerre de 1914 (1915), Gabriel Hanotaux

Ayant donné sa version du «  si vis pacem, para bellum » (« Si tu veux la paix, prépare la guerre »), le président ajoute : « Une France diminuée, une France exposée, par sa faute, à des défis, à des humiliations, ne serait plus la France. »

Alors que Jaurès le pacifiste déclare « la guerre à la guerre », Poincaré va renforcer l’alliance avec la Russie, mais aussi l’armée. Le 1er août 1914, il lance son Appel au pays : « La mobilisation n’est pas la guerre. » Il fait afficher cet appel sur les murs des communes de France, en même temps que l’ordre de mobilisation générale. L’Allemagne déclare la guerre le 3 août et envahit la Belgique pour arriver aux frontières françaises. C’est aussitôt l’« union sacrée » : tandis que le gouvernement élargit sa base avec l’arrivée de ministres socialistes, tous les Français se retrouvent unis pour servir la patrie : royalistes, princes d’Orléans et princes Bonaparte s’engagent, comme les militants d’extrême gauche, hier encore pacifistes et internationalistes.

Ce président de la République reste dans l’Histoire sous le surnom de Poincaré-la-Guerre. Pour la petite histoire, Pointu est juste un jeu de mot avec son patronyme, Poincaré.

Soldats combattants des tranchées : les Poilus

« J’admire les poilus de la Grande Guerre et je leur en veux un petit peu. Car ils m’eussent, si c’était possible, réconcilié avec les hommes, en me donnant de l’humanité une idée meilleure… donc fausse ! »2577

Georges COURTELINE (1858-1929), La Philosophie de Georges Courteline (1929)

L’auteur à succès comique le plus applaudi par la génération d’avant 1914, ex-cavalier au 13e régiment de Chasseurs à Bar-le-Duc, s’est pourtant moqué des militaires, des Gaietés de l’escadron (1886) au Train de 8 h 47 (1891), du capitaine Hurluret et du sergent Flick. Le « poilu » est synonyme de brave soldat, les poils étant associés à l’idée de virilité.

Soldats allemands : les Boches

« Je vais chanter le bois fameux / Où chaque soir, dans l’air brumeux,
Rode le Boche venimeux / À l’œil de traître,
Où nos poilus au cœur altier / Contre ce bandit de métier  
Se sont battus sans lâcher pied / Au Bois le Prêtre. »2592

Lucien BOYER (1876-1942), Au Bois le Prêtre (1915), chanson

Destinée à maintenir le moral des troupes, cette chanson évoque un épisode de l’interminable guerre de tranchées.  L’origine du mot Boche est incertaine : sans doute à rapprocher de « bosch », bois en bas allemand. Tête de « bosch » signifie tête de bois. En France, ce terme péjoratif désigne un soldat allemand ou une personne d’origine allemande pendant la guerre franco-allemande de 1870, puis plus largement par les Français, les Belges et les Luxembourgeois de la Première Guerre mondiale jusque bien après la Seconde Guerre mondiale, concurrencé par d’autres expressions péjoratives comme « Fritz », « Chleuhs », « Fridolins », « Frisés », « Vert-de-gris », « Doryphores » et « Teutons ».

15 000 grands blessés au visage : les Gueules cassées

« C’est dans les cicatrices des gueules cassées que l’on peut lire les guerres, pas dans les photos des généraux engoncés dans leurs uniformes amidonnés et tout repassés de frais. »,

Jean-Paul DIDIERLAURENT (né en 1962), Le Liseur du 6h27 (2014)

Les Gueules cassées est une expression inventée par le colonel Picot, premier président de l’Union des blessés de la face et de la tête, pour désigner les survivants de la Première Guerre mondiale ayant subi une ou plusieurs blessures au combat et affectés par des séquelles physiques graves, notamment au niveau du visage. Les photos de ces visages opérés sont tragiquement éloquentes. La chirurgie faciale a heureusement fait des progrès fantastiques en un siècle. Le récit de Philippe Lançon en témoigne, dans le Lambeau (2018). Survivant miraculé de l’attentat de Charlie-Hebdo en 2015, il dit les mois d’hospitalisation dans le service de chirurgie maxillo-faciale de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière : 22 passages au bloc, dont 13 opérations sur la mâchoire, suivi du passage aux Invalides, afin de récupérer une mâchoire fonctionnelle pour parler et manger, avec de lourdes conséquences psychiques dues au traumatisme.

Félix Faure : le Président-Soleil

« Voici un homme satisfait. Le nouveau chef de l’État ne manque ni d’intelligence ni de bon sens ni de finesse ; toutefois, légitimement fier de son ascension sociale, peut-être apparaît-il un peu trop ouvertement content de soi. L’idée qu’il se fait de la dignité présidentielle est très haute. ».

Maxime TANDONNET (né en 1958), Histoire des présidents de la République, 7. Félix Faure, l’ombre d’un « président-Soleil » (2013)

La presse est sévère pour sa « rayonnante sottise » et son « contentement de soi ». Fier de sa réussite sociale, il présente bien comme l’on dit : « Taille exiguë, barbe blanchissante, teint fleuri, yeux très clairs, sourire facile, pointe d’accent provençal, mise proprette : l’homme est plus avenant qu’imposant. Il est d’ailleurs fin, connaît à fond son monde politique et sait à point rendre des services. Modéré de tempérament, socialement plutôt conservateur, fort peu sectaire, la simplicité de ses manières et sa bonhomie lui valent néanmoins beaucoup d’amis à gauche » selon Jacques Chastenet (Histoire de la IIIe République). Il est plutôt populaire.

Ironiquement comparé à Louis XIV en raison de son attachement obsessionnel à l’étiquette et de sa fascination pour la cour de Louis le Grand, la légende veut qu’il ait ambitionné de créer, pour la fonction suprême, un habit d’apparat chamarré qui puisse rivaliser avec ceux des empereurs et des rois. D’où une importance extrême au côté représentatif de la fonction. Reste au crédit de l’homme sa conscience professionnelle, son application au travail, son patriotisme. Peu connu du grand public lors de son élection, il devient vite populaire : les foules acclament ce bel homme souriant, cet ancien apprenti tanneur devenu grand seigneur.

Son septennat abrégé (1895-1899) occupe un moment clé, avec la crise majeure et la déchirante question de la révision du procès Dreyfus. Pour l’opinion générale, Félix Faure est un adversaire du capitaine. Son Journal à l’Élysée (récemment publié) apporte une nuance. Convaincu au départ de la culpabilité de Dreyfus comme l’immense majorité des Français, il finit par penser le contraire, mais il se réfugie dans un « légalisme commode ». Mais il reste connu moins pour sa présidence que pour sa fin tragique, dans les bras de sa maîtresse Marguerite Steinheil.

« Cela ne fait pas un homme de moins en France. Néanmoins, voici une belle place à prendre. »2523

Georges CLEMENCEAU (1841-1929), L’Aurore, au lendemain de la mort de Félix Faure, fin février 1899. Contre la justice (1900), Georges Clemenceau

« Le Galant » est bien mort en galante compagnie. Ce mot cruel rappelle certaines sorties de scène historiques plus ou moins ratées, mais le bilan du président défunt reste assez nul. Autre mot assassin en relation avec son surnom de Président-Soleil, son goût pour le faste et la raison supposée de sa mort en compagnie de sa maîtresse : « Il voulait être César, il ne fut que Pompée. »

Marguerite Steinheil : la Pompe funèbre

« Le président a-t-il toujours sa connaissance ?
— Non, elle est sortie par l’escalier. »2522

L’anecdote qui court dans Paris le 16 février 1899. Petit Journal (avec illustration), 26 février 1899

Le président de la République Félix Faure, bel homme de 58 ans, meurt ce jour-là en galante compagnie. La « connaissance » prit la fuite et le concierge de l’Élysée témoigne en ces termes (à quelques variantes près selon les sources), répondant à la question du prêtre appelé en hâte pour le confesser.

La rumeur murmure le nom de Cécile Sorel, actrice célèbre. En fait, la compagne de ses derniers instants est une demi-mondaine, Marguerite Steinheil (1869-1954), bientôt surnommée la Pompe funèbre… Et le président Félix Faure reste finalement dans l’histoire pour ce fait divers élyséen sur lequel on épilogue encore.

Clemenceau : le Tigre, le Tombeur de ministères, le Premier flic de France, le Briseur de grèves, le Père la Victoire, le Vieux, le Perd la victoire

« Je vous promets une de ces crises comme on n’en a pas encore vu dans le monde parlementaire ! »2489

Georges CLEMENCEAU (1841-1929). L’Affaire Wilson et la chute du président Grévy (1936), Adrien Dansette

Parole du célèbre « tombeur de ministères » qui se ressemblent tous – « il s’agit toujours du même », dira-t-il, puisque les mêmes hommes reviennent toujours, changeant seulement de portefeuille. Cette fois, il attaque la tête de l’État, le président Grévy ni plus ni moins utile que tous ses prédécesseurs et successeurs qui se ressemblent tous, dans cette République des camarades, des copains et des coquins qui accumule les crises : « Il y a deux organes inutiles : la prostate et le président de la République. »

Clemenceau le radical (incarnant la gauche pure et dure, comme jadis Gambetta) surnommé aussi le Tigre pour sa dent dure et sa conduite assassine ne va pas rater cette occasion. Le gouvernement qui a soutenu Daniel Wilson est renversé le 20 novembre 1887. Le Figaro du 21 novembre vise plus haut : « La crise, c’est M. Grévy ; c’est par son obstination qu’elle s’est ouverte, c’est par sa démission qu’elle peut finir. »

« Pas ça ou pas vous ! »2547

Jean JAURÈS (1859-1914) à Aristide Briand, Chambre des députés, 10 mai 1907

Le gouvernement de Clemenceau, dont Briand fait partie à divers postes ministériels, est confronté à une dramatique agitation sociale en 1906 : mineurs, ouvriers électriciens à Paris, dockers à Nantes, etc. Clemenceau doit prendre des mesures énergiques pour rétablir l’ordre. En avril 1907, il décide la révocation de fonctionnaires qui se sont élevés contre sa politique. La CGT déclenche la grève que Jaurès défend, en chef de l’opposition socialiste, invectivant Briand devenu ministre, mais ancien propagandiste de la grève générale. Jaurès prendra souvent à partie Clemenceau en personne. Étant au pouvoir, cet ancien républicain de choc et impitoyable « tombeur de ministères », constate l’évidence : « Je suis de l’autre côté de la barricade. » Donc, dans la logique de son rôle qu’il définit lui-même : premier flic de France.

« La guerre ! C’est une chose trop grave pour la confier à des militaires. »2579

Georges CLEMENCEAU (1841-1929). Soixante Années d’histoire française : Clemenceau (1932), Georges Suarez

À 76 ans, il est appelé à la tête du gouvernement et en dernier recours par le président Poincaré (16 novembre 1917). Jusque-là, le Tigre s’est tenu à l’écart, accablant de sarcasmes les chefs civils et militaires. Désormais, plus question de laisser carte blanche au général en chef ! À la tête d’une France fatiguée, divisée, à bout de nerfs et de guerre et défaitiste par lassitude, il saura imposer son autorité à l’armée comme au pays, gagnant son nouveau surnom de Père la Victoire.

« Sur le front, les soldats voyaient apparaître un vieil homme au feutre en bataille, qui brandissait un gourdin et poussait brutalement les généraux vers la victoire. C’était Georges Clemenceau. »2605

André MAUROIS (1885-1967), Terre promise (1946)

L’auteur des Silences du colonel Bramble (1918), agent de liaison auprès de l’armée britannique, évoque ses souvenirs dans ce livre dont le succès décidera de sa carrière d’écrivain.

Clemenceau cherche le contact avec les poilus des tranchées qui l’appellent affectueusement et simplement le Vieux. « Le vieux Gaulois acharné à défendre le sol et le génie de notre race » auquel de Gaulle rend hommage dans ses Discours et messages, va restaurer la confiance dans le pays.

Après s’être battu pour l’amnistie des Communards, contre la politique coloniale de Jules Ferry, contre Boulanger et le boulangisme, pour Dreyfus et avec Zola, pour la laïcité de l’État, pour l’ordre et contre les grèves, Clemenceau va mener son dernier grand combat national.

« Il est plus facile de faire la guerre que la paix. »2633

Georges CLEMENCEAU (1841-1929), Discours de Verdun, 14 juillet 1919. Discours de paix (posthume), Georges Clemenceau

Le Père la Victoire est toujours à la tête du gouvernement d’une France épuisée par l’épreuve des quatre ans de guerre, même si une minorité artiste et privilégiée fête les Années folles d’après-guerre. Le vieil homme est devenu le « Perd la Victoire » : piètre négociateur au traité de Versailles signé le 28 juin, il a laissé l’Anglais Lloyd George et l’Américain Wilson l’emporter sur presque tous les points. Et il ne sera pas président de la République, l’Assemblée préférant voter en 1920 pour un homme qui ne lui portera pas ombrage, Deschanel.

Raymond Poincaré : Pointu, Poincaré-la-guerre

« Il n’est possible à un peuple d’être efficacement pacifique qu’à la condition d’être prêt à la guerre. »2564

Raymond POINCARÉ (1860-1934), message aux Chambres, 20 février 1913. Histoire illustrée de la guerre de 1914 (1915), Gabriel Hanotaux

Ayant donné sa version du « si vis pacem, para bellum » (« Si tu veux la paix, prépare la guerre »), le président ajoute : « Une France diminuée, une France exposée, par sa faute, à des défis, à des humiliations, ne serait plus la France. »

Alors que Jaurès le pacifiste déclare « la guerre à la guerre », Poincaré va renforcer l’alliance avec la Russie, mais aussi l’armée. Le 1er août 1914, il lance son Appel au pays : « La mobilisation n’est pas la guerre. » Il fait afficher cet appel sur les murs des communes de France, en même temps que l’ordre de mobilisation générale. L’Allemagne déclare la guerre le 3 août et envahit la Belgique pour arriver aux frontières françaises. C’est aussitôt l’« union sacrée » : tandis que le gouvernement élargit sa base avec l’arrivée de ministres socialistes, tous les Français se retrouvent unis pour servir la patrie : royalistes, princes d’Orléans et princes Bonaparte s’engagent, comme les militants d’extrême gauche, hier encore pacifistes et internationalistes.

Ce président de la République reste dans l’Histoire sous le surnom de Poincaré-la-Guerre. Pour la petite histoire, Pointu est juste un jeu de mot avec son patronyme, Poincaré.

Paul Deschanel : Fou-fou-train-train

« Ce peuple m’acclame mais je ne suis pas digne de lui. »

Paul DESCHANEL (1855-1922) A la suite de l’élection présidentielle du 17 janvier 1920

Figure des Républicains modérés, partisan d’une troisième voie entre libéralisme économique et socialisme, il est élu à la surprise générale président de la Chambre des députés en 1898. En 1912, il retrouvera  ce poste qu’il conserve pendant toute la Grande Guerre, refusant de devenir président du Conseil.

Lors de la réunion préparatoire en vue de l’élection présidentielle de janvier 1920, il tient en échec Clemenceau, « père la Victoire », trop forte personnalité aux yeux du personnel politique, la paix revenue. Deschanel est élu avec le plus grand nombre de voix jamais obtenu pour ce type d’élection sous la Troisième République ! Mais l’homme est malade et il le sait. Victime d’un état anxio-dépressif, surmené et sous hypnotique, il ouvre la fenêtre pour respirer et tombe du train présidentiel en pleine nuit, se retrouvant sur les rails en pyjama, ensanglanté. Ce fait divers défraie la chronique en mai 1920.  Ce n’est pas sa première « excentricité ». Sept mois après son investiture, objet de rumeurs de folie infondées, « Fou-fou-train-train » démissionne. Malade des poumons, il meurt à 67 ans.

Gaston Doumergue : le Gastounet

« Je suis un républicain de gauche. Je ne fais appel qu’aux voix de gauche. J’entends gouverner à gauche avec une majorité de gauche. »

Gaston DOUMERGUE (1863-1937), Discours du nouveau président du Conseil, décembre 1913. L’Appel au père, de Clemenceau à de Gaulle, Jean-Pierre Guichard (1991)

Comme Loubet et Fallières, c’est un enfant de la terre. Surnommé « le Gastounet » par les Parisiens, il apportera à la fonction présidentielle sa joviale rondeur, sa constante affabilité, une santé solide, un accent qui fleure bon le Midi et une autorité indiscutée de radical convaincu.

Fils de vignerons du Gard, il commence sa carrière dans la magistrature coloniale en Indochine et en Algérie avant de se lancer en politique. Député de Nîmes à 30 ans, constamment réélu,  vice-Président de l’Assemblée nationale, il devient un pilier des ministères à partir de 1902 et jusque pendant la Grande Guerre (Colonies, Commerce, Instruction publique, Affaires étrangères). Sénateur du Gard en 1910, il accède à la présidence du Sénat en 1923. Il est finalement élu président en 1924, à la surprise générale.

Comme Fallières, chaque matin, il marche une heure, histoire de réfléchir aux difficultés présentes. Ce méridional n’est pas du genre à rester muet au Conseil des ministres. Depuis Jules Grévy, on n’a pas vu un président aussi prompt à intervenir. Avec sa popularité sans égale, il pouvait solliciter le renouvellement de son septennat. Mais le 12 juin 1931, il se leva à la fin de son dernier Conseil et s’exclama : « Ouf ! » Il avait une bonne raison de quitter l’Élysée : Jeanne Marie Joséphine Gaussal, veuve, riche et quinquagénaire. Le Gastounet avait réalisé son rêve : épouser son amour d’enfance. Le vieux célibataire s’était marié le 1er juin 1931, dans le salon vert au premier étage du palais. Le personnel de l’Élysée attendait les mariés avec les bras chargés de fleurs. Doumergue qui s’était montré discret en fut surpris. « C’est l’Ambassade d’Angleterre qui nous a prévenu », lui répondit-on.

Aristide Briand : le Pèlerin de la Paix, l’Arrangeur

« Certes, nos différends n’ont pas disparu, mais, désormais, c’est le juge qui dira le droit […] Arrière les fusils, les mitrailleuses, les canons ! »2654

Aristide BRIAND (1862-1932), ministre des Affaires étrangères, Discours du 10 septembre 1926. Histoire de l’Europe au XXe siècle : de 1918 à 1945 (1995), Jean Guiffan, Jean Ruhlmann

À l’inverse de Poincaré qui (avec le président Doumergue) incarne la fermeté face à l’Allemagne, Briand croit à la réconciliation, au désarmement, au droit international et à la Société des nations (SDN) garante de la paix. Après le pacte de Locarno d’octobre 1925 qui garantit les frontières fixées au traité de Versailles, le ministre des Affaires étrangères salue l’entrée de l’Allemagne au sein de la SDN.

« Moi, je dis que la France […] ne se diminue pas, ne se compromet pas, quand, libre de toutes visées impérialistes et ne servant que des idées de progrès et d’humanité, elle se dresse et dit à la face du monde : « Je vous déclare la Paix ! » »2655

Aristide BRIAND (1862-1932), Paroles de paix (1927)

Le 10 décembre 1926, le « Pèlerin de la Paix », surnommé aussi « l’Arrangeur » pour son aptitude à trouver à tout problème une solution de compromis, plus de vingt fois ministre (notamment aux Affaires étrangères), reçoit le prix Nobel de la paix – avec son homologue allemand, Gustav Stresemann.

Paul Doumer : Barbe en zinc, le Colbert de l’Indochine

« Un homme n’est grand que s’il a vu la mort de près et l’a regardée en face, froid et impassible. »

Paul DOUMER (1857-1932), Livre de mes fils, 1906

6 mai 1832. Moins d’un an après le début de son septennat, inaugurant un salon d’écrivains anciens combattants à Paris, il est assassiné à coup de pistolet par Paul Gorgulov, immigré russe aux motivations confuses qui sera guillotiné par la suite.

Issu d’un milieu modeste, il travaille à douze ans, comme coursier puis ouvrier graveur. Entré en politique comme radical, plusieurs fois élu député entre 1888 et 1910, il est nommé gouverneur général de l’Indochine française en 1896, dans le cadre de la politique coloniale française menée par la Troisième République. Cinq ans à ce poste, il se rend sur le terrain, administre sans chercher à gouverner et gagne son surnom (flatteur) : Colbert de l’Indochine. Pour comprendre l’autre surnom, il suffit de regarder ses photos : la barbe est à la mode, mais la sienne est spectaculairement sculptée.

La Grande Guerre coûte la vie à quatre de ses cinq fils ! Il dirige le cabinet civil du gouvernement militaire de Paris, sa carrière politique se poursuit, de plus en plus à droite. En 1931, il se présente à la présidence et devance au premier tour le républicain-socialiste et pacifiste Aristide Briand. Partisan d’un renforcement de la puissance militaire française, il appellera à l’unité nationale, critiquant l’attitude partisane des partis politiques. Sa vie comme sa mort en firent l’un des personnages les plus populaires de la Troisième République – avec Gastounet, alias Gaston Doumergue

Paul Valéry : Poète d’État, Petit monsieur sec

« Le temps du monde fini commence. »2693

Paul VALÉRY (1871-1945). Regards sur le monde actuel (1931), Paul Valéry

Croulant sous les honneurs, nommé en 1937 professeur au Collège de France, il se définit lui-même comme « poète d’État », chargé la même année des inscriptions ornant le Palais de Chaillot, ouvert pour l’Exposition internationale et renfermant, outre un théâtre, trois musées (des Monuments français, de la Marine et de l’Homme). Mais son second surnom (donné par les filles du poète José-Maria de Heredia) exaspère ce petit homme au grand cœur parfois bien caché, hypersensible, sujet aux angoisses et passionné à ses heures.

Cette réflexion sur le destin de notre civilisation et le devenir de la science pourrait figurer en bonne place sur le fronton. C’est l’une des plus citées de Valéry : mise en abyme intellectuelle, éternellement d’actualité.

« Si l’État est fort, il nous écrase. S’il est faible, nous périssons. »2630

Paul VALÉRY (1871-1945), Regards sur le monde actuel, « Fluctuations sur la liberté » (1938)

Observateur toujours lucide des problèmes qui se font drames de ce temps, Valéry se refuse à tout engagement politique, mais tire (dans cet ensemble de textes rédigés à partir de 1930) une des leçons de l’histoire. Le dilemme est d’autant plus terrible que la faiblesse des démocraties fait la force des dictatures. Cela reste toujours vrai !

Daladier : le Taureau du Vaucluse

« S’il s’agit de démembrer la Tchécoslovaquie, la France dit non. S’il s’agit de permettre à trois millions de Sudètes qui veulent être allemands de le devenir, nous sommes d’accord. »2698

Édouard DALADIER (1884-1970), président du Conseil, Conférence de Munich (29-30 septembre 1938). 1934-1939 (1968), Michel Ragon

Voulant sauver la paix à tout prix, France et Grande-Bretagne cèdent face à Hitler, abandonnant un pays allié en reconnaissant l’annexion des Sudètes, au prétexte d’une minorité allemande dans ce territoire. L’accord de Munich est ratifié par la Chambre, 535 voix contre 75). L’Humanité dénonce « le brigandage commis à Munich » et Henri de Kerillis écrit dans un journal de droite, L’Époque : « Trente divisions allemandes débarrassées de tout souci vont se tourner vers nous. » Les menaces de guerre se précisent, l’opinion publique est partagée, les pacifistes étant encore majoritaires.

Daladier est surnommé « le taureau de Vaucluse », mais le Premier ministre britannique Chamberlain est plus cruel pour  « le taureau avec des cornes d’escargot », dénonçant sa prudence, ses hésitations, son énergie plus apparente que réelle.

Picasso : le Minotaure

« Je ne cherche pas, je trouve. »3142

Pablo PICASSO (1881-1973). Le Sens ou La Mort : essai sur Le Miroir des limbes d’André Malraux (2010), Claude Pillet

Le 8 avril 1973 meurt à Mougins le plus grand peintre du siècle, âgé de 91 ans et travaillant jusqu’à la fin – il fut aussi dessinateur, graveur, sculpteur, céramiste. Un mythe toujours vivant. En 1907, ses Demoiselles d’Avignon, rupture avec l’art figuratif et attentat contre la vraisemblance, provoquèrent stupeur et scandale. Malraux voit dans l’ensemble de son œuvre « la plus grande entreprise de destruction et de création de formes de notre temps. »

Les années 1970 et 1980 marquent l’explosion du marché de l’art, avec une inflation record des prix de vente : Yo Picasso (Moi Picasso, autoportrait) voit son prix décupler de 1981 à 1989 (310 millions de francs). En 2010, Nu au plateau de sculpteur (portrait de sa maîtresse et muse Marie-Thérèse Walter en 1932) bat le record de l’œuvre d’art la plus chère jamais vendue aux enchères : adjugée pour 106,4 millions de dollars chez Christie’s à New York.

Le thème du Minotaure, inspiré du taureau et des légendes grecques, revient dans une série d’œuvres à forte connotation sexuelle, rassemblées sous le titre Minotauromachie, tel Le Minotaure et la jeune fille (1934-1936). Dans ce style, Picasso illustre les Métamorphoses d’Ovide. En 1933, il réalise la couverture du premier numéro de la revue surréaliste Minotaure fondée par Georges Bataille.

Dans la mythologie grecque, le Minotaure est un monstre fabuleux au corps d’homme et à tête de taureau ou mi-homme et mi-taureau. La sexualité dominatrice de Picasso, son naturel de prédateur vis-à-vis des femmes de sa vie renvoie obsessionnellement au mythe antique.

Lire la suite : les Surnoms / Seconde Guerre Mondiale, Quatrième et Cinquième Républiques avec de Gaulle

Vous avez aimé ces citations commentées ?

Vous allez adorer notre Histoire en citations, de la Gaule à nos jours, en numérique ou en papier.

L'Histoire en citations -

L'Histoire en citations -

L'Histoire en citations -

L'Histoire en citations -

L'Histoire en citations -

L'Histoire en citations -

L'Histoire en citations -

L'Histoire en citations -

L'Histoire en citations -

L'Histoire en citations -

Partager cet article

L'Histoire en citations - Gaule et Moyen Âge

L'Histoire en citations - Renaissance et guerres de Religion, Naissance de la monarchie absolue

L'Histoire en citations - Siècle de Louis XIV

L'Histoire en citations - Siècle des Lumières

L'Histoire en citations - Révolution

L'Histoire en citations - Directoire, Consulat et Empire

L'Histoire en citations - Restauration, Monarchie de Juillet, Deuxième République

L'Histoire en citations - Second Empire et Troisième République

L'Histoire en citations - Seconde Guerre mondiale et Quatrième République

L'Histoire en citations - Cinquième République

L'Histoire en citations - Dictionnaire