L’Histoire en chantant (Troisième République et Seconde Guerre Mondiale) | L’Histoire en citations
Édito de la semaine

 

Chaque époque donne le ton, d’où l’extrême diversité de ce résumé chantant qui alterne à l’infini comique et tragique, populaire et poétique, avec une dose de fantaisie propre à l’esprit français.

Quelques constantes en font l’originalité.

  • Le peuple est le premier acteur de cette histoire, qu’il s’exprime dans le répertoire des traditionnelles chansons populaires ou dans le registre patriotique des chants de guerre. Mais ballades et chansons de geste furent aussi à la mode, en leur temps.

  • Beaucoup de titres sont anonymes, à commencer par les quelque 6 500 mazarinades chantées sous la Fronde contre Mazarin qui bat tous les records d’impopularité. De manière plus générale, « en France et sous nos rois, la chanson fut longtemps la seule opposition possible ; on définissait le gouvernement d’alors comme une monarchie absolue tempérée par des chansons. » (Eugène Scribe). Cet anonymat perdure bien après la Révolution, aussi longtemps qu’il y aura censure, au XIXe siècle et au-delà. Dernier cas, le Déserteur pendant la guerre d’Indochine (1954), mais le texte est signé (Boris Vian et Serge Reggiani).

  • La chanson sous toutes ses formes reste malgré tout un espace de liberté d’expression et reflète l’opinion publique, bien avant la grande presse créée au XIXe siècle, les sondages nés à la veille de la Seconde Guerre mondiale et les réseaux sociaux, inventions de notre siècle.

  • La Révolution est toujours la « grande époque » de l’Histoire (en chantant, en citations et en général). Deux « tubes » sont nés : la Marseillaise et le Ça ira. Leur petite histoire vous réserve des surprises… Surprise aussi de trouver Il pleut, il pleut bergère, entre quelques dizaines de titres de circonstance à découvrir.

  • La Commune de Paris, autre paroxysme héroïque, nous offre l’Internationale au destin historique mondial… et le Temps des cerises au sens resté mystérieux.

  • Les guerres sont toujours très chantées à divers titres et sur divers tons. Signalons un doublon « bon enfant » avec la Madelon, deux versions, 1914 et 1918, confondues par Clemenceau lui-même,  chargé de décorer l’auteur de la seconde…

L’apparition des chansons et des chanteurs engagés donne un tout autre ton à la Quatrième et la Cinquième Républiques. C’est l’âge d’or de la chanson française et l’embarras du choix grandit avec quelques « standards » incontournables des protest songs venus d’Amérique.

Là encore, quelques surprises. À côté des Ferré, Ferrat, Brel, Brassens et autres artistes engagés à divers propos (peine de mort, racisme, homophobie, émigration, écologie, anarchie, féminisme…), on découvre Johnny Halliday avec un titre tout à son honneur et à celui de son auteur (Philippe Labro).

Plus d’une centaine de vidéos YouTube servent d’illustration sonore à cette Histoire en chantant.

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Troisième République

La chanson suit l’actualité, sur tous les tons et plus librement que jamais.

1/ Guerre franco-prussienne et Commune de Paris.

« Bon voyage, vieux Badinguet,
Porte aux Prussiens ta vieille Badinguette !
Bon voyage, vieux Badinguet,
Ton p’tit bâtard ne régnera jamais. »2334

Les Actes de Badinguet (1870), chanson anonyme. La Commune en chantant (1970), Georges Coulonges

Ces couplets vengeurs s’adressent à l’empereur déchu dont la popularité s’est écroulée en quelques jours – Badinguet est le nom du maçon dont Louis-Napoléon Bonaparte (emprisonné suite à son coup d’État) emprunta les vêtements pour s’enfuir du fort de Ham, en 1846. Quant à l’impératrice, elle ne fut jamais aimée du peuple.

« D’vant l’boucher, d’vant l’boulanger,
On grelotte dans la rue :
Ni pain ni viand’ pour changer,
Mais quelqu’fois y’a d’la morue.
C’est dans l’plan de Trochu.
Refrain : Savez-vous l’plan de Trochu ?
Grâce à lui rien n’est fichu. »2348

Le Plan de Trochu, chanson (1871) - « œuvre collective des journalistes du Grelot ». Les Communards (1964), Michel Winock, Jean-Pierre Azéma

Paris trouve encore la force de rire et de chanter. Trochu, gouverneur de la capitale, est sa tête de Turc favorite, lui qui répète encore et toujours : « J’ai un plan, j’ai un plan. »

Rien moins que 30 couplets détaillent avec un humour parfois noir les misères quotidiennes des Parisiens. On voit aussi venir la défaite. « Le jour où Paris n’aura / Plus d’quoi nourrir une puce / S’disait chacun, l’on fera / Semblant d’se rendre à la Prusse / Ça doit être l’plan de Trochu. » Hugo ne va pas rater le mot, quand le général Trochu démissionne, après une résistance bien passive : « Trochu : participe passé du verbe trop choir. »

« Bismarck qui n’est pas en peine
D’affamer les Parisiens
Nous demande la Lorraine,
L’Alsace et les Alsaciens.
La honte pour nos soldats,
Des milliards à son service.
Refrain : Ah ! zut à ton armistice,
Bismarck, nous n’en voulons pas. »2354

Alphonse LECLERCQ (1820-1881), L’Armistice (1870), chanson. La Chanson de la Commune : chansons et poèmes inspirés par la Commune de 1871 (1991), Robert Brécy

Thiers et Favre ont cédé au chancelier allemand. Mais le peuple résiste, si bien que les Prussiens n’entreront dans Paris qu’un mois après la capitulation de la capitale, signée avec l’armistice, le 28 janvier 1871.

« Paris suinte la misère,
Les heureux même sont tremblants,
La mode est au conseil de guerre
Et les pavés sont tout sanglants.
Refrain : Oui, mais ! ça branle dans le manche,
Les mauvais jours finiront,
Et gare à la revanche
Quand tous les pauvres s’y mettront. »2377

Jean-Baptiste CLÉMENT (1836-1909), paroles, et Pierre DUPONT (1821-1870), musique (prise au Chant des paysans), La Semaine sanglante, chanson. La Chanson de la Commune : chansons et poèmes inspirés par la Commune de 1871 (1991), Robert Brécy

Chant dédié aux fusillés de 1871. L’auteur du Temps des cerises est devenu républicain en 1868 et s’est lancé dans le journalisme d’opposition - collaborant au Cri du peuple de Jules Vallès.

Membre de la Commune, il participe aux combats de la Semaine sanglante, échappe aux Versaillais… De sa cachette, quai de la Gare, il écrit ce chant vengeur qui dit les horreurs de la répression : « On traque, on enchaîne, on fusille / Tout ce qu’on ramasse au hasard / La mère à côté de sa fille / L’enfant dans les bras du vieillard. »

« Quand nous chanterons le temps des cerises
Et gais rossignols et merles moqueurs
Seront tous en fête
Les belles auront la folie en tête
Et les amoureux du soleil au cœur
Quand nous chanterons le temps des cerises
Sifflera bien mieux le merle moqueur… »,

Jean-Baptiste CLEMENT (1836-1909), parolier et Antoine RENARD (1825-1872), compositeur, Le Temps des cerises (1866)

Écoutez Le Temps des cerises sur Youtube.

Symbole de la Commune ou simple chanson d’amour ? Elle fut écrite à la fin du Second Empire par Clément,  amoureux en peine et poète aux métaphores étranges : « Mais il est bien court, le temps des cerises / Où l’on s’en va à deux cueillir en rêvant / Débordant de rêves / Cerises d’amour aux robes pareilles / Tombant sur la faille / En gouttes de sang / Mais il est bien court le temps des cerises / Pendant de corail / Qu’on cueille en rêvant / J’aimerai toujours le temps des cerises / C’est de ce temps-là que je garde encore / Une plaie ouverte. »

Cette chanson du patrimoine national garde une part de mystère, indissolublement liée au souvenir sanglant de la Commune et à ses combattants dont l’auteur fait partie. En 1882, chansonnier toujours militant républicain, il la dédie à Louise, ambulancière morte pendant la Semaine sanglante. Elle devient un hymne à la résistance, chanson engagée reprise par divers artistes, dont Yves Montand en 1955.

« Debout ! Les damnés de la terre !
Debout ! Les forçats de la faim ! »2382

Eugène POTTIER (1816-1888), paroles de L’Internationale, chanson. La Chanson de la Commune : chansons et poèmes inspirés par la Commune de 1871 (1991), Robert Brécy

Eugène Pottier, comme Jean-Baptiste Clément, se cache dans Paris livré aux Versaillais. Membre élu de la Commune et maire du IIIe arrondissement, alors que tout espoir semble perdu, il dit, il écrit en ce mois de juin 1871 sa foi inébranlable en la « lutte finale » : « Du passé faisons table rase […] Le monde va changer de base. » Le texte ne sera publié et mis en musique (par Pierre Degeyter) que plus tard. Nous allons le retrouver en 1899.

2/ La République s’installe malgré les crises.

« Y’en a qui s’plaisent à contredire,
Qui n’aiment rien et qui s’plaignent de tout :
Royauté, République, Empire,
On n’peut jamais faire à leur goût.
Quoiqu’on fasse, quoiqu’on écrive,
Moi j’n’y mets pas d’acharnement,
Mais toujours et quoi qu’il arrive […]
J’suis d’l’avis du gouvernement. »2398

Aristide BRUANT (1851-1925), J’suis d’l’avis du gouvernement, chanson. Histoire de France par les chansons (1982), France Vernillat, Pierre Barbier

Parolier populaire et un brin « anar », il donne un reflet de la réalité sociale à la fin du XIXe siècle. Les oppositions s’expriment plus librement que jadis, mais la majorité du pays va s’habituer à la République.

« L’insurgé, son vrai nom c’est l’homme !
Qui n’est plus la bête de somme,
Qui n’obéit qu’à la raison
Et qui marche avec confiance
Car le soleil de la science
Se lève rouge à l’horizon. »2407

Eugène POTTIER (1816-1888), paroles, et Pierre DEGEYTER (1848-1932), musique, L’Insurgé (1884), chanson

Poète et révolutionnaire, chansonnier socialiste le plus important (et sincère) du siècle, Pottier a déjà écrit son Internationale. Membre de la Commune, réfugié aux États-Unis après la Semaine sanglante, il rentre de son exil après la loi d’amnistie et l’Insurgé « à Blanqui et aux Communards » : « Devant toi, misère sauvage, / Devant toi, pesant esclavage, / L’insurgé se dresse / Le fusil chargé. / On peut le voir en barricades / Descendr’ avec les camarades, / Riant, blaguant, risquant sa peau… »

Nombre de chansons communistes voient le jour dans les années 1880 : lutte des classes, guerre sociale contre les patrons, appel à la révolte armée des ouvriers, mineurs, paysans. L’agitation sociale connaîtra une nouvelle flambée avant la Première Guerre mondiale. Ni l’État, ni les patrons, ni les syndicats français de cette époque ne sont aptes à résoudre les conflits sociaux nés du développement économique et du capitalisme.

« Sauvez Rome et la France
Au nom du Sacré-Cœur ! »2431

Chant de ralliement des pèlerins monarchistes à Notre-Dame de Chartres et à Paray-le-Monial, les 27 et 28 mai 1873. Annales de l’École libre des sciences politiques, volume VI (1891), École libre des sciences politiques

Une cinquantaine de députés, cierge à la main, marchent en tête des 20 000 pèlerins : « Ce fut le cri de ralliement, le chant de guerre de l’ultramontanisme, une sorte de Marseillaise catholique. Nous touchons ici au point culminant du mouvement d’enthousiasme que nous avons vu se dessiner dans l’Église de France en faveur du pape et des idées romaines. »

Pèlerinages, processions, manifestations cléricales vont moins soutenir que compromettre le ministère. Le duc de Broglie lui-même parle de « bizarreries cléricales », de « regrettables ostentations ». Renan, Taine, Flaubert l’accusent d’« obscurantisme », et Gambetta aura beau jeu de crier bientôt : « Le cléricalisme, voilà l’ennemi ! »

« Ce gazon que le soleil dore
Quand mai sort des bois réveillés,
Ce mur que l’Histoire décore
Qui saigne encore,
C’est le tombeau des fusillés. »2435

Jules JOUY (1855-1887), Le Tombeau des fusillés, chanson. La Chanson de la Commune : chansons et poèmes inspirés par la Commune de 1871 (1991), Robert Brécy

Ce chant d’un poète montmartrois résonne comme une menace : que le bon bourgeois tremble, car le peuple tout entier s’assemble et pleure ceux qu’on croit oublier.

Mais jusqu’à la Première Guerre mondiale, toute apologie de la Commune reste interdite. Devant le mur des Fédérés au cimetière du Père-Lachaise, la cérémonie du 28 mai, dernier jour de la Semaine sanglante, deviendra ensuite tradition.

« Premier magistrat du pays,
L’honneur me met, je vous l’atteste,
Au-dessus de tous les partis.
Aussi, Messieurs, j’y suis, j’y reste. »2439

Paul AVENEL (1823-1902), J’y suis, j’y reste (1873), chanson. Histoire de France par les chansons (1982), France Vernillat, Pierre Barbier

Le vieux maréchal, pourtant royaliste, a compris que la restauration est chose impossible avec ce « Henri V » qui serait funeste à la France : « La Chambre à mon honnêteté / A confié la République / Je dois garder sa liberté / Et protéger sa politique. »

Le 20 novembre 1873, la loi du septennat lui garde son poste pour sept ans encore – entre-temps, le vieux comte de Chambord ne sera peut-être plus de ce monde, et le comte de Paris aura ses chances. Mais l’histoire déjoue ce genre de calculs politiques : la France, sous le régime provisoire qui dure, va devenir de plus en plus républicaine.

« Va, passe ton chemin, ma mamelle est française,
N’entre pas sous mon toit, emporte ton enfant,
Mes garçons chanteront plus tard La Marseillaise,
Je ne vends pas mon lait au fils d’un Allemand. »2413

Gaston VILLEMER (1840-1892), paroles, et Lucien DELORMEL (1847-1899), musique, Le Fils de l’Allemand, chanson. Les Chansons d’Alsace-Lorraine (1885), Gaston Villemer et Lucien Delormel

« Vrais frères siamois de la littérature des beuglants », ce couple auteur-compositeur exploite systématiquement la veine patriotique et revancharde – après la mort de son confrère, Delormel fera équipe avec Garnier, mais dans un autre style : le music-hall et la vedette Paulus.

Les refrains patriotico-sentimentaux se multiplient après la guerre et l’amputation du territoire. Toute une littérature et une imagerie populaires se développent naturellement, sur ce thème douloureux qui va hanter la République jusqu’à la guerre mondiale et la revanche contre l’Allemagne.

« La patrouille allemande passe,
Baissez la voix, mes chers petits,
Parler français n’est plus permis
Aux petits enfants de l’Alsace. »2420

Gaston VILLEMER (1840-1892), paroles, et Lucien DELORMEL (1847-1899), musique, Le Maître d’école alsacien, chanson. Les Chansons d’Alsace-Lorraine (1885), Gaston Villemer et Lucien Delormel

On retrouve les deux confrères et compères du chant patriotique, cependant que s’impose dans l’imagerie populaire ce personnage émouvant du maître alsacien donnant sa dernière leçon de français. Le dessinateur Hansi (1873-1951), né et mort à Colmar, fera carrière en exploitant le même sentiment, d’une manière beaucoup plus sincère et avec un vrai talent d’artiste.

« En passant par la Lorraine, / Avec mes sabots,
En passant par la Lorraine, / Avec mes sabots,
Rencontrai trois capitaines, / Avec mes sabots,
Dondaine, oh ! Oh ! Oh ! / Avec mes sabots… ».

En passant par la Lorraine, chanson du XVIe siècle, nouvelle version en 1885

Écoutez En passant par la Lorraine sur Youtube.

La République a besoin d’un répertoire bien français pour ses écoles qui lui permettent aussi de préparer ses enfants à la guerre. Selon les historiens de la chanson, cette évocation de la Lorraine serait originaire… de Bretagne, au XVIe siècle, mise en musique par Roland de Lassus. Remaniée en 1885 avec une connotation patriotique, cette marche au rythme lancinant reste au répertoire des chansons populaires pour enfants :

« Rencontrai trois capitaines, / Avec mes sabots, / Rencontrai trois capitaines, / Avec mes sabots,
Ils m’ont appelée : Vilaine ! / Avec mes sabots, / Dondaine, oh ! Oh ! Oh ! / Avec mes sabots.
Je ne suis pas si vilaine, / Avec mes sabots / Puisque le fils du roi m’aime, / Avec mes sabots…
Il m’a donné pour étrenne, / Avec mes sabots / Un bouquet de marjolaine, / Avec mes sabots…
Je l’ai planté sur la plaine, Avec mes sabots…/ S’il fleurit, je serai reine, / Avec mes sabots…
S’il y meurt, je perds ma peine, / Avec mes sabots, / Dondaine, Oh ! Oh ! Oh ! / Avec mes sabots. »

« Partout la joie est générale
Depuis qu’en vertu d’un décret
Notre fête nationale
Doit avoir lieu l’quatorze juillet ! »2463

Aristide BRUANT (1851-1925), J’suis d’l’avis du gouvernement (1879), chanson. Histoire de France par les chansons (1982), France Vernillat, Pierre Barbier

Un couplet de la chanson de Bruant célèbre l’événement et chante le consensus du pays : « Quand je vois pour fêter la France / Choisir la date d’un événement / Qui lui rappelle sa délivrance / J’suis d’l’avis du gouvernement. »

La Marseillaise est proclamée hymne national en même temps que le 14 juillet devient fête nationale – mais l’on discute encore pour savoir si l’on célèbre 1789 ou 1790, la prise de la Bastille ou la Fête de la Fédération. Plus qu’un détail, il s’agit du sens donné à notre Révolution !

La loi est promulguée le 6 juillet 1880. C’est le premier vote des Chambres revenues de Versailles à Paris. Huit ans après la Commune, Paris redevient capitale de la France.

« Gais et contents / Nous marchions triomphants
En allant à Longchamp / Le cœur à l’aise,
Sans hésiter, / Car nous allions fêter,
Voir et complimenter / L’armée française. »2482

Lucien DELORMEL (1847-1899) et Léon GARNIER (1857-1905), paroles, et Louis-César DÉSORMES (1840-1898), musique, En r’venant d’la r’vue (1886), chanson. Cent ans de chanson française, 1880-1980 (1996), Chantal Brunschwig, Louis-Jean Calvet, Jean-Claude Klein

Écoutez En r’venant d’la r’vue sur Youtube.

Le nouveau couple auteur-compositeur à la mode écrit pour Paulus cette chanson, créée le 14 juillet 1886 à l’Alcazar, l’un des grands music-halls parisiens. « Marseillaise des mitrons et des calicots », dit Anatole France, mais surtout « hymne boulangiste » et immense succès cocardier pour le « brave général » acclamé à Longchamp, barbe blonde et fière allure, rendant encore plus terne et vieillot le cortège du président de la République octogénaire, Jules Grévy, usé politiquement.

Paul Déroulède, propagandiste numéro un de Boulanger, lui invente le surnom de « général Revanche » et affirme qu’il est « le seul ministre qui fasse peur à l’Allemagne ». La droite va exploiter Boulanger qui se prétend pourtant général d’« extrême gauche ». Le boulangisme sera la réunion de tous les contraires et le lieu de bien des paradoxes.

« Il reviendra quand le tambour battra,
Quand l’étranger m’naç’ra notre frontière
Il reviendra et chacun le suivra
Pour cortège il aura la France entière. »2485

Refrain populaire en l’honneur du général Revanche (1887), chanson.  Le Général Boulanger jugé par ses partisans et ses adversaires (1888), Georges Grison

8 juillet 1887, la foule se masse à la gare de Lyon pour empêcher le départ de son idole. La popularité de Boulanger est vraiment trop gênante pour les (républicains) opportunistes qui ont par ailleurs jaugé le personnage, irresponsable et bien léger. En mai 1887, il perd son portefeuille sous le nouveau ministère Rouvier. Le voilà expédié à Clermont-Ferrand, pour commander le 13e corps d’armée. Mais le voilà aussi éligible. Quand survient une nouvelle crise.

« Ah ! quel malheur d’avoir un gendre […]
Avec lui, j’en ai vu de grises,
Fallait qu’j’emploie à chaque instant
Mon nom, mon crédit, mon argent
À réparer toutes ses sottises. »2487

Émile CARRÉ (1829-1892), Ah ! quel malheur d’avoir un gendre (1887), chanson. Jules Grévy, ou la République debout (1991), Pierre Jeambrun

Ainsi fait-on chanter le vieux président de la République, Jules Grévy : « J’suis un honnête père de famille / Ma seule passion, c’est l’jeu de billard / Un blond barbu, joli gaillard / Une fois m’demande la main d’ma fille […] / Y sont mariés, mais c’que j’m’en repens ! / Ah ! quel malheur d’avoir un gendre ! » Son gendre, Daniel Wilson, est accusé d’avoir créé à l’Élysée un « ministère des Recommandations et Démarches ». Bien entendu, il fait payer ses services. Ce trafic des décorations, découvert en septembre 1887, porte notamment sur la Légion d’honneur. Le régime est gravement ébranlé par la série des affaires, autrement dit scandales qui multiplient les crises politiques.

« Vous regretterez le beau temps des crises
Quand, pauvres sans pain et riches gavés
Nous serons aux prises ! […]
Profitez-en bien du beau temps des crises
Où le peuple jeûne et pense en rêvant
Aux terres promises ! »2488

Jules JOUY (1855-1887), Le Temps des crises (1886), chanson. Histoire de France par les chansons (1982), France Vernillat, Pierre Barbier

Chanté sur l’air du Temps des cerises. L’instabilité des gouvernements est devenue un jeu politique qui lasse l’opinion publique, mais aussi une tactique encouragée par le président de la République Jules Grévy… jusqu’à sa chute provoquée par la crise qui l’atteint personnellement. Le temps des crises parlementaires va de pair avec celui des sales affaires et le personnel politique est gravement déconsidéré. Le « boulangisme », forme de populisme né  cette époque, en est la conséquence directe. Il faut bien que le peuple se raccroche à un personnage.

« Parlez-nous de lui, grand-mère,
Grand-mère, parlez-nous de lui ! »2500

Mac-Nab (1856-1889), Les Souvenirs du populo, chanson. Chansons du chat noir (1890), Camille Baron, Maurice Mac-Nab

Parodie de la célèbre chanson de Béranger, comme si Bonaparte et Boulanger étaient également sensibles au cœur du peuple : « Devant la photographie / D’un militaire à cheval / En habit de général / Songeait une femme attendrie. / Ses quatre petits-enfants / Disaient « Quel est donc cet homme ? » / « Mes fils, ce fut dans le temps / Un brave général comme / On n’en voit plus aujourd’hui / Son image m’est bien chère ! » »

Le phénomène Boulanger aura duré trois ans. Le nationalisme revanchard va lui survivre dans les milieux de droite.

« Il y a les magistrats vendus, / Il y a les financiers ventrus,
Il y a les argousins, / Mais pour tous ces coquins,
Il y a d’la dynamite, / Vive le son, vive le son,
Il y a d’la dynamite ! / Dansons la ravachole ! / Vive le son d’l’explosion. »2504

Sébastien FAURE (1858-1942), La Ravachole, version anarchiste de La Carmagnole (1892), chanson. Ravachol et les anarchistes (1992), Jean Maitron

Écoutez La Ravachole sur Youtube.

Sébastien Faure a un long parcours militant : ex-séminariste, ex-marxiste, il devient anarchiste à la fin des années 1880, libertaire avec Louise Michel, dreyfusard au moment de l’Affaire, avant de s’afficher pacifiste et antimilitariste au siècle suivant.

L’anarchie va occuper la vie publique un quart de siècle : avec ses chansons, sa presse, ses héros et ses criminels, ses attentats, ses victimes – jusqu’au président de la République en personne.

« Avec un geste cynique
Il prépare son poignard,
Puis il frappe sans retard
Le chef de la République. »2512

Léo LELIÈVRE (1872-1956), Le Crime de Lyon, chanson. Cent ans de chanson française, 1880-1980 (1996), Chantal Brunschwig, Louis-Jean Calvet, Jean-Claude Klein

Chanson écrite et interprétée par le chansonnier qui relate l’assassinat de Sadi Carnot. Le 24 juin, visitant l’Exposition de Lyon, le président est poignardé par Caserio, un illuminé, jeune anarchiste italien.

Casimir-Perier remplace Carnot à la présidence. Il va faire adopter la troisième loi scélérate, votée le 28 juillet, interdisant tout type de propagande anarchiste. La répression et même la prévention vont être impitoyables, et l’action directe est remplacée par l’action syndicale. Les anarchistes dominaient les premiers syndicats, autorisés depuis 1884 et d’autant plus violents que leurs effectifs sont modestes – les rares grands syndicats (cheminots, ouvriers du livre) sont plus modérés. Les derniers anarchistes célèbres en France seront ceux de la bande à Bonnot : 20 accusés, 4 condamnés à mort, exécutés en 1912.

« Alors tendant ses longs bras roux
Bichonnée, ayant fait peau neuve,
Elle attend son nouvel époux,
La Veuve. »2513

Jules JOUY (1855-1887), La Veuve (1887) - nom de la guillotine, en argot, chanson. Les Chansons de l’année (1888), Jules Jouy

L’auteur finira dans un asile, en camisole de force, hanté par le spectacle (public) des exécutions capitales. Damia crée la chanson (mise en musique par Pierre Larrieu) en 1928 : « Voici venir son prétendu / Sous le porche de la Roquette / Appelant le mâle attendu / La Veuve, à lui, s’offre coquette. / Pendant que la foule autour d’eux / Regarde, frissonnante et pâle / Dans un accouplement hideux / L’homme crache son dernier râle. »

Un décret de 1871 a supprimé les exécuteurs de province. Il ne reste plus qu’un « national ». Après la dynastie des Sanson (six générations) vint celle des Deibler. Louis Deibler cesse d’exercer à 79 ans et meurt en 1904. Il exécuta plus de 1 000 condamnés en une trentaine d’années. L’exécution cesse d’être publique en 1939. La peine de mort sera abolie en 1981.

«  Debout ! Les damnés de la terre !
Debout ! Les forçats de la faim ! …
C’est la lutte finale ;
Groupons-nous et demain
L’Internationale
Sera le genre humain. »2527

Eugène POTTIER (1816-1888), paroles, et Pierre DEGEYTER (1848-1932), musique, L’Internationale (refrain), chanson

Écoutez L’Internationale sur Youtube.

Le chant écrit par Pottier durant la Commune, mis en musique en 1888 par un ouvrier tourneur Pierre Degeyter, chanté pour la première fois au Congrès de Lille du Parti ouvrier en 1896, devient l’hymne du mouvement ouvrier français en 1899. C’est un immense succès dans les classes populaires sensibles à ces mots : « Du passé faisons table rase / Foule esclave, debout ! debout ! / Le monde va changer de base / Nous ne sommes rien, soyons tout ! »

1899, ce n’est pas la révolution souhaitée, mais un progrès pour la gauche : elle arrive au pouvoir avec les radicaux. Elle va y rester au prix de diverses alliances, jusqu’à la Première Guerre mondiale.

« Allons Combes, chasseur de nonnes,
À ton cor, mets vite un bouchon […]
Tu mets sous scellés les nonettes,
T’y mettras pas la religion. »2541

Antonin LOUIS (1845-1915), Le Chasseur de nonnes, chanson. Histoire de France par les chansons (1982), France Vernillat, Pierre Barbier

On cible le « petit père Combes » : ancien séminariste devenu franc-maçon, militant provincial, esprit petit-bourgeois radical et borné, conservateur et anticlérical, il est président du Conseil de juin 1902 à janvier 1905. Il va lasser sa propre majorité, irriter le pape et, plus grave, révolter une partie du pays, en faisant fermer des milliers d’« écoles libres » et en dispersant quelque 18 000 religieux de congrégations.

La chanson reflète l’hostilité de l’opinion publique qui veut simplement « la liberté pour tout le monde ». L’imbroglio de la question religieuse, qui dure depuis 1880, aboutira enfin le 9 décembre 1905 (sous le nouveau ministère de Rouvier) à la loi sur la séparation des Églises et de l’État, rapportée par Aristide Briand.

« D’abord faut pus d’gouvernement,
Pis faut pus non pus d’République,
Pus d’Sénat et pus d’Parlement […]
Pus d’lois, pus d’armées, pus d’église,
Faut pus d’tout ça, faut pus rien !
Alors c’est nous qui s’ra les maîtres
C’est nous qui f’ra c’que nous voudrons,
Y’aura pus d’chefs, pus d’contremaîtres,
Pus d’directeurs et pus d’patrons. »2546

Aristide BRUANT (1851-1925), Plus d’patrons, chanson. L’Argot au XXe siècle (1901), Aristide Bruant, Léon de Bercy

C’est le reflet d’un certain climat social à partir de 1905 : effervescence ouvrière et hostilité confuse à tout pouvoir. L’anarchisme révolutionnaire fait la loi dans les syndicats, autrement dit le désordre dans le pays. S’il pose les vraies questions - la condition ouvrière - il ne permet aucune solution.

D’où la réaction de Clemenceau, à la tête du gouvernement. Devenu le « premier flic de France », confronté à une dramatique agitation sociale dès 1906 (mineurs, ouvriers électriciens à Paris, dockers à Nantes, etc.), il doit prendre des mesures énergiques pour rétablir l’ordre. En avril 1907, le « Briseur de grèves » décide la révocation de fonctionnaires qui se sont élevés contre sa politique et on aura à déplorer quelques morts chez les manifestants.

« Salut, salut à vous,  
Braves soldats du dix-septième […]
Vous auriez, en tirant sur nous,
Assassiné la République ! »2549

MONTÉHUS (1872-1952), Gloire au dix-septième, chanson. La République nous appelle (1965), Gaston Bonheur

Écoutez Gloire au dix-septième sur Youtube.

Ce refrain célèbre un fait divers social. 1907, année de crise dans le Midi viticole. Le 18 juin, le 17e régiment d’infanterie de Béziers, déplacé à Agde, se mutine pour ne pas tirer sur une manifestation de vignerons. La plupart des fantassins sont natifs de la région : « On ne doit pas tuer ses père et mère, pour les grands qui sont au pouvoir. » Cette mutinerie est restée célèbre. Bien postérieur à l’événement, cet hymne est devenu un classique de la chanson antimilitariste française.

« Vive les camelots du roi, ma mère !
Vive les camelots du roi.
Ce sont des gens qui s’foutent des lois,
Vive les camelots du roi !
Refrain :  Et vive le roi, à bas la république !
Et vive le roi, la gueuse, on la pendra ! »2552

Maxime BRIENNE (1886-1926), paroles et René de BUXEUIL (1867-1959), musique, Chanson des camelots du roi. Les Hommes de bonne volonté, volume XIII (1973), Jules Romains

Écoutez la Chanson des camelots du roi sur Youtube.

La droite monarchiste a son grand homme, Charles Maurras. « Les Camelots du Roi » (fédération nationale) créés en novembre 1908, se recrutent à l’origine parmi ses disciples étudiants pour vendre son journal L’Action Française. Ils deviendront de véritables commandos royalistes défendant le « nationalisme intégral » qui participe du renouveau nationaliste des années 1905-1914. Le mouvement, très minoritaire, sans vraie influence électorale, touche les milieux intellectuels et catholiques parisiens, où libéralisme et socialisme sont en perte de vitesse.

« Du passé faisons table rase,
Foule esclave, debout ! debout !
Le monde va changer de base :
Nous ne sommes rien, soyons tout ! »2558

Eugène POTTIER (1816-1888), paroles, et Pierre DEGEYTER (1848-1932), musique, L’Internationale, chanson

Né sous la Commune, devenu hymne du mouvement ouvrier français depuis 1899, ce chant est adopté par l’ensemble des partis socialistes au lendemain du congrès de la IIe Internationale à Stuttgart en 1910 et connaît alors un énorme succès populaire. Il sera bientôt hymne national soviétique, jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, et demeure aujourd’hui encore le chant des partis socialistes et communistes : « C’est la lutte finale / Groupons-nous et demain / L’Internationale / Sera le genre humain. »

« Ne croyez pas à la bonn’ République
Si Poincaré veut s’mettre à gouverner,
Il devra l’l’endemain quitter la boutique
Comm’ Mac-Mahon et Casimir-Périer. »2563

Vive Poincaré ! chanson.  Histoire de France par les chansons (1982), France Vernillat, Pierre Barbier

Chanson de l’Action française : le titre est naturellement ironique. Même si Poincaré, en mai 1912, a érigé la fête de Jeanne d’Arc en fête nationale et s’est rallié d’indispensables suffrages de droite, même s’il ne s’est pas engagé pour Dreyfus au temps de l’Affaire et vient de mener une politique de fermeté face à l’Allemagne, ce n’est pas encore assez pour l’extrême droite qui se moque : « Qui donc parlait de renverser la gueuse ? / Il n’y a plus pour nous en séparer / Que tout’ l’étendu’ d’la question religieuse / Mais… vive Poincaré ! »

« Depuis quelque temps, c’est du délire !
En Europe, il se fait un boucan !
Ça n’est pas très drôle et je peux dire
Que nous dansons sur un volcan. »2567

Victor TOURTAL (1862-1917), Le Conflit européen, chanson. Histoire de France par les chansons (1982), France Vernillat, Pierre Barbier

Titre de chanson comme de journal : actualité de plus en plus brûlante, jusqu’à cet été 1914 où le conflit éclatera.

Les sujets de discorde s’accumulent, en Europe. La France pense toujours à prendre sa revanche et à récupérer l’Alsace et la Lorraine. L’Allemagne effraie ses voisins par son pangermanisme et ses ambitions coloniales à la mesure de sa puissance industrielle et de son expansion démographique. La question balkanique oppose par ailleurs la Russie à l’Autriche-Hongrie. L’attentat de Sarajevo – assassinat de l’archiduc François-Ferdinand d’Autriche, le 28 juin 1914 – est l’étincelle qui mettra le feu à la poudrière européenne : les Empires centraux (Allemagne et Autriche-Hongrie) et leurs alliés contre l’Entente (France et Angleterre) et ses alliés.

« Quand Madelon vient nous servir à boire
Sous la tonnelle on frôle son jupon
Et chacun lui raconte une histoire
Une histoire à sa façon. »

Louis BOUSQUET (1870-1941), mis en musique de Camille ROBERT (1872-1957), Madelon (la) ou Quand Madelon, chanson populaire commandée et créé au café-concert par Bach (Charles-Joseph Pasquier), le 19 mars 1914

Écoutez Quand Madelon sur Youtube.

Lancé par Bach (vedette au café-concert de l’Eldorado) quelques mois avant la mobilisation générale, ce portrait d’une servante d’auberge pas farouche finira par devenir la rêverie favorite d’une armée en guerre : « La Madelon pour nous n’est pas sévère / Quand on lui prend la taille ou le menton / Elle rit, c’est tout le mal qu’elle sait faire / Madelon, Madelon, Madelon ! » La chanson qui a gagné la guerre, dira-t ’on.

« Demandez-vous belle jeunesse
Le temps de l’ombre d’un souvenir
Le temps du souffle d’un soupir
Pourquoi ont-ils tué Jaurès ? »2510

Jacques BREL (1929-1978), auteur et compositeur. Pourquoi ont-ils tué Jaurès ? (1977)

Écoutez Pourquoi ont-ils tué Jaurès ? sur Youtube.

Vibrant hommage au dirigeant socialiste, assassiné le 31 juillet 1914, la veille de la déclaration de guerre à l’Allemagne. Dans cette chanson engagée de son dernier album, Brel tient à rappeler l’image du combattant inlassable pour la justice sociale et la paix.

Professeur de philosophie, journaliste et député́ républicain, il devient à partir de 1892 le porte-parole des revendications ouvrières, s’engage dans la défense de Dreyfus et pour la participation des socialistes au gouvernement. Fondateur de L’Humanité́ (1904), leader du Parti Socialiste français, pacifiste militant, il s’attire l’hostilité́ des milieux nationalistes.

Revivez toute l’Histoire en citations dans nos Chroniques, livres électroniques qui racontent l’histoire de France de la Gaule à nos jours, en 3 500 citations numérotées, sourcées, replacées dans leur contexte, et signées par près de 1 200 auteurs.

Première Guerre mondiale (1914-1918)

« L’un d’nous est mort, et mort joyeux
En s’écriant : tout est au mieux !
Voilà ma tombe toute préparée
Dans la tranchée. »2578

Théodore BOTREL (1868-1925), Rosalie, chanson

À la déclaration de guerre, le « petit sergent de Déroulède » comme il se qualifie lui-même part sur le front pour soutenir le moral des combattants. Voilà le genre de refrain qu’on y chante.

Entre la brève guerre de mouvement des débuts et la grande bataille de France à la fin, la guerre de tranchées, de fin 1914 à début 1918, se révélera longue et sanglante, toujours épuisante et souvent vaine.

« C’est pour notre indépendance
Que l’on march’ sans défaillance,
Comme si c’était le grand soir,
Que l’on soit syndicaliste,
Anarcho ou socialiste,
Tout chacun fait son devoir. »2582

MONTÉHUS (1872-1952), Lettre d’un socialo, chanson

Même les plus pacifistes, comme le chansonnier Montéhus, ont perdu leurs illusions sur les socialistes allemands – avec qui Jean Jaurès, jusqu’aux derniers jours avant sa mort, tenta de conclure une entente pour faire « la guerre à la guerre ».

C’est donc bien l’unité nationale retrouvée : « Qu’il sach’ que dans la fournaise / Nous chantons La Marseillaise / Car dans ces terribles jours / On laisse L’Internationale / Pour la victoire finale / On la chantera au retour ! »

« Une chanson suffit au soldat français, pourvu qu’elle ait des ailes. »2583

Édouard HERRIOT (1872-1957), Lettre à Mayol. Mémoires de Mayol (1929), Félix Mayol, Charles Cluny

Célèbre maire de Lyon, radical depuis l’affaire Dreyfus, sénateur en 1914, il rend hommage à ce répertoire patriotique, de Madelon en Père la Victoire. Il rend aussi hommage à l’artiste patriote, dans une lettre émouvante : « Quel carnet de route vaudrait le vôtre, cher Monsieur Mayol ? Tout le long de votre chemin, vous mettez au cœur du soldat français cette gaîté, qui est la fleur charmante du courage. Une chanson suffit au soldat français, pourvu qu’elle ait des ailes, et la chanson de notre temps, c’est vous qui l’avez le mieux exprimée. Je savais tout votre talent, vous m’avez fait connaître la générosité de votre grand cœur et l’ardeur de votre patriotisme… Merci ! »

« Je vais chanter le bois fameux / Où chaque soir, dans l’air brumeux,
Rode le Boche venimeux / À l’œil de traître,
Où nos poilus au cœur altier / Contre ce bandit de métier
Se sont battus sans lâcher pied / Au Bois le Prêtre. »2592

Lucien BOYER (1876-1942), Au Bois le Prêtre (1915), chanson

Destinée à maintenir le moral des troupes, cette chanson évoque un épisode de l’interminable guerre de tranchées. Le front s’étend de Craonne (dans l’Aisne) à l’Argonne (aux confins des Ardennes, de la Meuse et de la Marne). La France est occupée, en ses plus riches provinces, et c’est elle qui doit reconquérir sa terre perdue. Le Bois le Prêtre est, avec les Éparges, un des points de l’Argonne témoin des combats les plus acharnés, en cette année 1915. « Après la guerre nous irons / Et nous nous agenouillerons / Sur chaque croix, nous écrirons / En grosses lettres : / Ci-gît un gars plein d’avenir / Qui sans un mot, sans un soupir / Pour la France est tombé martyr / Au Bois le Prêtre. »

« Ceux qu’ont l’pognon, ceux-là r’viendront, / Car c’est pour eux qu’on crève.
Mais c’est fini, car les trouffions / Vont tous se mettre en grève.
Ce s’ra votre tour, messieurs les gros, / De monter sur l’plateau,
Car si vous voulez la guerre, / Payez-la de votre peau ! »2599

La Chanson de Craonne, printemps 1917.  La Chanson en son temps : de Béranger au juke-box (1969), Georges Coulonges

Anonyme, interdite pour son antimilitarisme, elle dit les souffrances des soldats révoltés contre les attaques inutiles et meurtrières lancées par des chefs comme Nivelle. Craonne, chef-lieu de canton de l’Aisne où Napoléon vainquit Blücher en mars 1814, devient, un siècle après, la tragédie du Chemin des Dames : 30 000 morts en deux semaines d’avril 1917. La « grève des attaques » commence le 2 mai. La répression touche quelque 30 000 mutins ou manifestants, d’où 3 427 condamnations, dont 554 à mort et 57 exécutions. Pétain a repris le commandement en chef à Nivelle, limogé le 15 mai. Fin des offensives inutiles, dès le 19.

« Madelon, ah ! verse à boire,
Et surtout, n’y mets pas d’eau,
C’est pour fêter la victoire,
Joffre, Foch et Clemenceau. »2616

Lucien BOYER (1876-1942), paroles, et Charles BOREL-CLERC (1879-1959), musique, La Madelon de la victoire (1918). Chansons de la revanche et de la Grande Guerre (1985), Madeleine Schmid

Écoutez La Madelon de la victoire sur Youtube.

Cette chanson à boire, créée en 1919, éclipse presque l’autre Madelon. Clemenceau (ou plutôt l’administration) confond d’ailleurs les deux chansons, quand il décore par erreur Lucien Boyer de la Légion d’honneur, le prenant pour l’auteur de Quand Madelon. Créée par Rose Amy et reprise par Chevalier, La Madelon de la victoire va devenir mondialement célèbre : « Après quatre ans d’espérance / Tous les peuples alliés / Avec les poilus de France / Font des moissons de lauriers […] / Madelon, emplis mon verre / Et chante avec les poilus / Nous avons gagné la guerre / Hein, crois-tu qu’on les a eus ! »

Entre-deux-guerres

« C’est moi qui suis sa petite
Son Anana, son Anana, son Anammite
Je suis vive, je suis charmante
Comme un p’tit z’oiseau qui chante.
Il m’appelle sa p’tite bourgeoise
Sa Tonkiki, sa Tonkiki, sa Tonkinoise
D’autres lui font les doux yeux
Mais c’est moi qu’il aime le mieux. »

Henri CHRISTINÉ (1867-1941) auteur des paroles sur une musique de Vincent SCOTTO, (1874-1952), La Petite Tonkinoise

Écoutez La Petite Tonkinoise sur Youtube.

La Petite Tonkinoise est l’œuvre de deux monstres de la chanson populaire du XXe siècle, le compositeur Vincent Scotto et le parolier Henri Christiné. Ni l’un ni l’autre n’avaient mis les pieds au Tonkin ,mais ils étaient comme tous les Français, fascinés à un titre ou à un autre par l’aventure coloniale. Depuis quelques décennies, la France avait pris pied en Asie du Sud Est et des milliers de jeunes conscrits partaient là-bas faire leur service militaire. La Petite Tonkinoise évoque les agréments du service au Tonkin…

La chanson  est créée par Polin en 1906, avant de triompher en version femme par Joséphine Baker (1930) et bien d’autres. Énorme succès dès sa création par Polin en 1906, cette chanson n’est pas seulement l’histoire d’un soldat français aux colonies, mais la célébration de la consommation des femmes de l’ »ailleurs »..

« L’soir on cause d’un tas d’choses / Avant de se mettre au pieu / J’apprends la géographie / D’la Chine et d’la Mandchourie : : Les frontières, les rivières : Le Fleuve Jaune et le Fleuve Bleu : Y a même l’Amour c’est curieux : Qu’arrose l’Empire du Milieu…’ »

« À bas la Marianne, la fille à Bismarck,
La France est à nous, la France de Jeanne d’Arc. »2646

Me MAGNIER (fin XIXe-début XXe siècle), Quand on pendra la gueuse au réverbère, chanson

Dans cette chanson écrite quelques années plus tôt (sans doute en 1909), signée d’un avocat à la cour d’appel de Paris et très en vogue chez les Camelots du roi dans l’entre-deux-guerres, la République est traitée de « gueuse », femme de mauvaise vie. Il est aussi question de régler leur compte aux « youpins » (juifs), aux « métèques » (étrangers) et aux francs-maçons, à Briand, Painlevé, Doumergue et autres politiciens honnis par l’extrême droite. Maurras prône le nationalisme intégral, dont la violence répond d’ailleurs à celle des militants de gauche.

« Y’a d’la joie ! »2675

Ray VENTURA (1908-1979) et Charles TRENET (1913-2001), titres et refrains des deux succès de l’année 1936, chansons

Écoutez Y’a d’la joie ! sur Youtube.

Ray Ventura et ses Collégiens (aidé de ses paroliers, Paul Misraki, Bach et Henri Laverne) promoteur de l’orchestre à sketchs en France, et sur un tout autre registre, Charles Trenet, le « fou chantant », auteur-compositeur-interprète parti pour une très longue carrière, tentent de faire oublier aux Français la montée des périls.

Trois dictateurs, trois fascismes sont à nos frontières : Hitler, Mussolini, bientôt Franco. Et le Japon d’Hiro-Hito, qui mène une politique impérialiste et expansionniste, s’allie à l’Allemagne et à l’Italie.

Cependant que la France va vivre quelques mois sous le signe du Front populaire : un mouvement qui fait se lever un immense espoir.

Revivez toute l’Histoire en citations dans nos Chroniques, livres électroniques qui racontent l’histoire de France de la Gaule à nos jours, en 3 500 citations numérotées, sourcées, replacées dans leur contexte, et signées par près de 1 200 auteurs.

Deuxième Guerre Mondiale

Toute la gamme des chants, comique, tragique, poétique, patriotique

« On ira pendr’ notre linge sur la ligne Siegfried. »2734

Paul MISRAKI (1908-1998), paroles, chanson entendue à la radio, adaptation d’une chanson canadienne. Les Grands orchestres de music-hall en France (1984), Jacques Hélian

La ligne Siegfried est l’équivalent de la ligne Maginot, destinée donc à empêcher l’invasion française en Allemagne. On plaisante, tout est calme et on peut même aller pêcher à la ligne sur le Rhin. Ray Ventura et ses Collégiens font un nouveau « tube » avec cette parodie d’air militaire scandé à l’allemande, mimé sur le rythme d’un défilé au « pas de l’oie ».

Mais l’Allemagne vient de rayer la Pologne de la carte en trois semaines de guerre éclair, et s’est partagé les dépouilles du malheureux pays avec son alliée, la Russie, en octobre 1939 – effet du pacte germano-soviétique de non-agression signé le 23 août 1939, union contre nature entre les deux dictatures idéologiquement opposées.

Commence alors la « drôle de guerre » – l’expression est de Roland Dorgelès, les Anglais diront « guerre bidon », les Allemands « guerre assise ». Huit mois d’attente pas drôle du tout pour les militaires qui s’ennuient dans les casemates de la ligne Maginot. Le moral des civils pourrit de la même façon.

« Le colonel est d’Action française,
Le commandant un modéré,
Le capitaine un clérical,
Le lieutenant un mangeur de curé […]
Et tout ça, ça fait d’excellents Français ! »2735

Georges VAN PARYS (1902-1971), paroles, et Jean BOYER (1901-1965), musique, Ça fait d’excellents Français (1939), chanson

Écoutez Ça fait d’excellents Français sur Youtube.

Maurice Chevalier remporte un franc succès avec ces couplets – d’où ses ennuis à la Libération. La guerre n’a pas fait l’union sacrée des Français comme en 1914. Elle va au contraire les diviser. Goebbels, ministre allemand de l’Information, veille aux campagnes d’« intoxication » : appels aux soldats sur le front, tracts antimilitaristes dans les usines, émissions radio dans tout le pays.

« Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine
Et malgré tout nous resterons Français,
Vous avez pu germaniser la plaine,
Mais notre cœur, vous ne l’aurez jamais. »2768

Gaston VILLEMER (1840-1892), paroles, et Ben TAYOUX (1840-1918), musique, Alsace-Lorraine, chanson. Mémoires et Antimémoires littéraires au XXe siècle (2008), Annamaria Laserra, Nicole Leclercq, Marc Quaghebeur

Écoutez Alsace-Lorraine sur Youtube.

Chanson créée en 1873 et dédiée aux villes de Strasbourg et de Metz, reprise par les patriotes français en 1940, quand les Allemands annexent les trois départements martyrs (Haut-Rhin, Bas-Rhin, Moselle) le 24 juillet 1940 (et officiellement le 30 novembre).

« Maréchal, nous voilà !
Devant toi, le sauveur de la France !
Nous jurons, nous tes gars
De servir et de suivre tes pas !
Maréchal, vous voilà !
Tu nous as redonné l’espérance ! »2778

André MONTAGNARD (1887-1963), paroles, et Charles COURTIOUX (1880-1946), musique, Maréchal, nous voilà, chanson

Chanson témoin d’une époque et reflet d’un régime, on la fait chanter aux enfants des écoles et elle passe quotidiennement à la radio, interprétée notamment par André Dassary, ce qu’on lui reprochera plus tard. La « collaboration » des artistes sous l’Occupation est un phénomène complexe : la plupart, auteurs, acteurs, chanteurs, réalisateurs, font un métier qu’ils aiment, avant d’aimer les Allemands.

« Ami, entends-tu
Le vol noir    
Des corbeaux
Sur nos plaines ?
Ami, entends-tu
Ces cris sourds
Du pays
Qu’on enchaîne ? »2798

Joseph KESSEL (1898-1979) et Maurice DRUON (1918-2009), neveu de Kessel, paroles, et Anna MARLY (1917-2006), musique, Le Chant des partisans (1943)

Éccoutez Le Chant des partisans sur Youtube.

Chant de la Résistance, composé à Londres, sifflé par Claude Dauphin à la BBC, largué par la RAF (Royal Air Force, force aérienne royale) sur la France occupée, créé par Germaine Sablon (dans le film Pourquoi nous combattons), et repris par Yves Montand, entre autres interprètes. Marche au rythme lent, lancinant : « Ohé Partisans / Ouvriers / Et paysans / C’est l’alarme / Ce soir l’ennemi / Connaîtra / Le prix du sang / Et des larmes… / Ami si tu tombes / Un ami sort de l’ombre / À ta place. »

La Résistance, devenue un phénomène national, mêle tous les milieux, tous les courants d’opinion, toutes les régions, recréant une union sacrée contre l’ennemi dont la présence se fait de plus en plus insupportable, à mesure que ses « besoins de guerre » le rendent plus exigeant en hommes, en argent, en matières premières.

« Ils se croyaient des hommes
N’étaient plus que des nombres. »2720

Jean FERRAT (1930-2010), Nuit et brouillard (1963), chanson sur les prisonniers des camps nazis

Écoutez Nuit et brouillard sur Youtube.

Nuit et brouillard est d’abord le titre d’un film de 1955, d’Alain Resnais et Jean Cayrol (poète et romancier, ancien déporté), qui évoque les camps d’extermination. Après les témoignages au présent, l’atrocité de la guerre fait surgir les œuvres du souvenir. C’est aussi une chanson de Jean Ferrat qui évoque la déportation de millions de personnes par les nazis. Il a connu l’antisémitisme de la Seconde Guerre mondiale : son père, Macha Tenenbaum, juif d’origine russe, est arrêté, emmené à Drancy, puis à Auschwitz en 1942. Il n’est jamais revenu.

Ferrat qui ne « chante pas pour passer le temps » se pose en artiste engagé : « On me dit à présent que ces mots n’ont plus cours / Qu’il vaut mieux ne chanter que des chansons d’amour / Que le sang sèche vite en entrant dans l’histoire / Et qu’il ne sert à rien de prendre une guitare / Mais qui donc est de taille à pouvoir m’arrêter ? / Je twisterais les mots s’il fallait les twister / Pour qu’un jour les enfants sachent qui vous étiez / Vous étiez vingt et cent, vous étiez des milliers / Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons plombés / Qui déchiriez la nuit de vos ongles battants / Vous étiez des milliers, vous étiez vingt et cent. »

Mais en 1963, l’heure était à la réconciliation avec l’Allemagne, la chanson fut interdite à la radio et à la télévision. Elle passa quand même sur la première chaîne, dans Discorama de Denise Glaser. Le succès suivit, Ferrat reçut l’année même le grand prix du disque de l’Académie Charles-Cros. Début  du succès pour un artiste exemplaire qui fait honneur à la chanson française et que nous retrouverons avec les Ferré, Brel, Brassens et autres noms sous la Quatrième et la Cinquième Républiques.

« Vous n’avez réclamé la gloire, ni les larmes
Ni l’orgue, ni la prière aux agonisants (…)
Vous vous étiez servis simplement de vos armes
La mort n’éblouit pas les yeux des Partisans…. »

Louis ARAGON (1897-1982), L’Affiche rouge, poème mis en musique et interprété par Léo FERRÉ (1916-1993) en 1959

Éccoutez L’Affiche rouge sur Youtube.

21 février 1944. Exécution au Mont-Valérien. Le texte dit tout : « Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes / Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants, / L’affiche qui semblait une tache de sang / Parce qu’à prononcer vos noms sont difficiles / Y cherchait un effet de peur sur les passants… Ils étaient 20 et 3 quand les fusils fleurirent / 20 et 3 qui donnaient leurs cœurs avant le temps / 20 et 3 étrangers et nos frères pourtant / 20 et 3 amoureux de vivre à en mourir / 20 et 3 qui criaient ‘la France’ en s’abattant. »

80 ans après l’exécution, Missak Manouchian, héros de la Résistance, entrera au Panthéon (avec sa femme, sa Mélinée apatride et tant aimée qui lui survivra), rejoignant les personnalités qui ont marqué l’histoire de la nation française.

« Les sanglots longs
Des violons
De l’automne
Bercent mon cœur
D’une langueur
Monotone. »2807

Paul VERLAINE (1844-1896), vers entendus à la BBC le 5 juin 1944. « Chanson d’automne », Poèmes saturniens (1866)

C’est le code choisi pour annoncer sur la radio anglaise le jour J du débarquement en France, autrement dit l’opération Overlord (Suzerain, en anglais) sous le commandement suprême du général Eisenhower. Ces mots tant attendus sont enfin entendus, le soir du 5 juin : le débarquement est donc pour le lendemain. La libération de Paris n’est plus qu’une question de jour.

« Division de fer
Toujours en avant
Les gars de Leclerc
Passent en chantant. »2813

André LEDUR (1904-1975) et Victor CLOWEZ (1908-1973), paroles, Marche officielle de la Division Leclerc (refrain)

Écoutez la Marche officielle de la Division Leclerc sur Youtube.

Leclerc entre dans Paris à la tête de ses troupes (2e division blindée) qui chantent : « Après le Tchad, l’Angleterre et la France / Le grand chemin qui mène vers Paris / Le cœur joyeux, tout gonflé d’espérance / Ils ont suivi la gloire qui les conduit. »

La reddition est signée par Leclerc, von Choltitz et Rol-Tanguy au nom des FFI le 25 août 1944, grand jour de la Libération, œuvre des Français de l’intérieur et de l’extérieur, symbole dont toutes les radios du monde se font l’écho.

« Mon parti m’a rendu les couleurs de la France…
Mon parti mon parti, merci de tes leçons
Et depuis ce temps-là tout me vient en chansons
La colère et l’amour, la joie et la souffrance. »2819

Louis ARAGON (1897-1982), La Diane française. « Du poète à son parti » (1945). Littérature et politique : deux siècles de vie politique à travers les œuvres littéraires (1996), Michel Mopin, Robert Badinter

Si le poète communiste rend ici nommément et servilement hommage au PCF, les autres œuvres de l’époque ont le ton d’une grande poésie nationale et patriote, ouverte à toutes les familles d’esprit : martyrs de la Résistance, communistes ou chrétiens y sont évoqués avec la même chaleur.

« Et ceux que l’on mène au poteau
Dans le petit matin glacé,
Au front la pâleur des cachots,
Au cœur le dernier chant d’Orphée,
Tu leur tends la main sans un mot,
O mon frère au col dégrafé. »2822

Robert BRASILLACH (1909-1945), Poèmes de Fresnes, Chant pour André Chénier

Poésie et chanson se mêlent, dans cette référence à Chénier, poète exécuté en d’autres circonstances - sous la Révolution à la fin de la Terreur – mais presque au même âge. Le général de Gaulle a refusé sa grâce. « Dans les lettres, comme en tout, le talent est un titre de responsabilité. » Sur 2 071 recours présentés, de Gaulle en acceptera 1 303.

Condamné à mort pour intelligence avec les Allemands, Brasillach est fusillé le 6 février 1945. Ses convictions hitlériennes ne font aucun doute et son journal (Je suis partout) en témoigne abondamment. Le procès est bâclé, de nombreux confrères tentent de le sauver. Mais le PC voulait la tête de l’homme responsable de la mort de nombreux camarades et de Gaulle ne lui pardonnait pas celle de Georges Mandel, résistant exécuté par la Milice, après les appels au meurtre signés, entre autres, par Brasillach. Jean Luchaire (journaliste, directeur des Nouveaux Temps) et Jean Hérold-Paquis (de Radio-Paris) subiront le même sort, parmi quelque 3 000 condamnés.

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