Septième jour de notre série de citations historiques sur le travail. Droit au travail, acquis social et révolutionnaire de la Deuxième République, salué par les socialistes. Mais on déchante vite, de la théorie à la pratique, il y a un abîme et beaucoup de casse, de déception, tandis que la misogynie du siècle s’aggrave. L’Empire autoritaire en naîtra, dans une France socialement et politiquement divisée.
« Le gouvernement provisoire s’engage à garantir l’existence de l’ouvrier par le travail. Il s’engage à garantir le travail à tous les citoyens. »2148
(1811-1882), parlant au nom du gouvernement provisoire, 25 février 1848
Histoire de France contemporaine depuis la Révolution jusqu’à la paix de 1919, volume VI (1921), Ernest Lavisse, Philippe Sagnac.
C’est l’affirmation du « droit au travail » – titre d’un livre de 1849, signé de ce grand socialiste français. L’intention est bonne. Mais la définition en reste confuse et l’application se révélera catastrophique. George Sand écrit en mars 1848 au poète ouvrier Charles Poncy : « Le gouvernement est composé d’hommes excellents pour la plupart, tous un peu incomplets et insuffisants à une tâche qui demanderait le génie de Napoléon et le cœur de Jésus. » C’est bien vu.
La crise économique de 1846-1847, aggravée par la Révolution de 1848, a provoqué tant de misère qu’il faut agir. Le lendemain de la Révolution, 26 février, on crée les Ateliers nationaux : chantiers de terrassement ouverts aux chômeurs, à Paris et dans plusieurs grandes villes de province. Salaire, deux francs par jour. 40 000 volontaires se précipitent, mais on ne sait à quoi les employer. Manifestations républicaines, émeutes en mai, la France modérée s’effraie. Bourgeois et rentiers refusent par ailleurs de financer ces « râteliers nationaux », où l’on pave, dépave et repave les rues pour rien. 21 juin, fermeture des Ateliers. 110 000 travailleurs jetés sur le pavé de Paris. Nouvelles journées d’émeutes, barricades dans les quartiers populaires, du 23 au 26 juin 1848. Pleins pouvoirs au général Cavaignac : 5 000 morts.
Flaubert témoigne à juste titre et rejette dos à dos le bourgeois et le peuple : « Le bonnet de coton ne se montra pas moins hideux que le bonnet rouge. »
Toutes les citations qui suivent
sont commentées dans nos Chroniques.
« Aujourd’hui que le droit du travail est le premier de tous les droits […] je viens, au nom du travail, affirmer les droits politiques des femmes, la moitié du peuple. »2161
Benjamin Olinde RODRIGUES, Discours à la Bourse, 30 avril 1848
Rattaché à l’école socialiste saint-simonienne qui accueille un courant féministe, il parle devant les travailleurs et ajoute : « La République fondée sur la liberté, l’égalité, la fraternité, doit reconnaître désormais au travail des femmes autant et plus de droits que l’ancien régime n’en reconnut autrefois à leur oisiveté féodale. »
« Une Assemblée législative, entièrement composée d’hommes, est aussi incompétente pour faire les lois qui régissent une société composée d’hommes et de femmes, que le serait une assemblée composée de privilégiés pour discuter les intérêts des travailleurs, ou une assemblée de capitalistes pour soutenir l’honneur du pays. »2195
Jeanne DEROIN. Histoire du féminisme français (1977), Maīté Albistur, Daniel Armogathe
Journaliste, elle fit placarder cette proclamation aux murs de Paris, durant la campagne pour les élections à la Législative - la Constituante d’avril 1848 a purement et simplement interdit aux femmes d’assister aux réunions politiques. Et Proudhon, député, écrit dans Le Peuple : « Nous ne comprenons pas plus une femme législatrice qu’un homme nourrice. »
« La Révolution de février a posé le droit au travail, c’est-à-dire la prépondérance du travail sur le capital. »2184
Pierre-Joseph PROUDHON, Toast à la révolution du 17 octobre 1848
Le droit au travail, proclamé en février, sera reconnu dans la Constitution de novembre. La question sociale est désormais à l’ordre du jour et Proudhon prend acte : « La Révolution, après avoir été tour à tour religieuse, philosophique, politique, est devenue économique ».
« L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes. »2289
Devise de l’Association internationale des travailleurs (AIT), 1864
L’AIT est la première Internationale, créée le 28 septembre 1864 par des militants français et anglais : « une grande âme dans un petit corps ». Elle tiendra congrès chaque année, de plus en plus hostile aux états bourgeois. Un autre socialisme se réveille, plus révolutionnaire : le blanquisme. Personne ne croit plus à l’extinction du paupérisme par Napoléon III, ni même au syndicalisme ouvrier selon Proudhon, qui meurt en janvier 1865.
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