Louis XI : « Je suis France. » | L’Histoire en citations
Chronique du jour

 

Le Moyen Âge finit bien, sous un roi d’allure peu royale, mais qui redonne forme et force à la France.

Redressement spectaculaire du pays, sous le règne de Louis XI (1461-1483). Les campagnes se repeuplent, les foires se multiplient, les plantations de mûriers et les manufactures de soieries prospèrent, l’imprimerie se répand. Nouvel ennemi du roi de France, Charles le Téméraire, grand duc de Bourgogne, s’allie au roi d’Angleterre et se joint aux coalitions de féodaux, mais il meurt sous les murailles de Nancy (1477).

Louis XI est enfin libre d’agrandir le royaume sans plus de guerre, et de renforcer son autorité en même temps que l’unité nationale. Dernier grand roi du Moyen Âge, personnage complexe, très pieux et plus encore superstitieux, réaliste, rusé, sans scrupule, il préférait se faire craindre plutôt qu’aimer : réussite totale.

Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.

« Je suis France. »365

LOUIS XI (1423-1483). L’Âme de la France : une histoire de la nation, des origines à nos jours (2007), Max Gallo

À 38 ans, Louis XI est enfin roi. Et la France existe bel et bien, après la guerre de Cent Ans. Le roi la représente et l’incarne, contre les grands féodaux. Le général de Gaulle fera quasiment la même déclaration, pour exprimer qu’il défend l’intérêt général et n’est d’aucun clan, ni parti (…)

« Il me semble que je n’ai pas perdu mon écot. »366

LOUIS XI (1423-1483). Louis XI : un roi entre deux mondes (1976), Pierre Roger Gaussin

En avril 1462, Jean II d’Aragon et Louis XI concluent un accord d’assistance réciproque, mais celui qui obtiendra de l’autre des troupes en paiera la solde (…)

« Calais, après trois cent quarante jours de siège,
Fut sur Valois vaincu conquis par les Anglais ;
Quand le plomb flottera sur l’eau comme le liège
Les Valois reprendront sur les Anglais Calais. »367

Inscription placée par les Anglais sur la citadelle de Calais, 23 juin 1462

Le seul point du territoire resté aux Anglais, à la fin de la guerre de Cent Ans. La reine d’Angleterre, Marguerite d’Anjou, femme d’Henri VI devenu fou, se réfugie en France et Louis XI obtient d’elle que soit désigné comme gouverneur de Calais un homme à sa dévotion. Mais les Anglais (…) garderont cette ville jusqu’en 1558.

« Est-ce là un roi de France, le plus grand roi du monde ! Ce semble mieux être un valet qu’un chevalier. Tout ne vaut pas vingt francs, cheval et habillement de son corps. »368

Habitants d’Abbeville voyant entrer le roi Louis XI qui chevauche à côté de Philippe le Bon, 1463. Le Moyen Âge (1961), Michel Mollat, René van Stanbergen

Le duc de Bourgogne est aussi fastueusement vêtu que Louis XI l’est modestement. Le contraste est frappant même avec les autres rois de France, qui firent souvent assaut d’élégance, comme en témoigne toute la galerie des portraits royaux.

« Point n’est besoin d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer. »369

CHARLES le Téméraire (1433-1477)

Cet aphorisme convient bien au personnage, et à son parcours guerrier. Fils de Philippe III de Bourgogne (et membre de la dynastie des Valois), il va lui succéder à la tête de l’État bourguignon à sa mort (1467), mais il a déjà la réalité du pouvoir en 1465, quand il s’engage dans la première grande coalition contre Louis XI, la Ligue du Bien public (…)

« C’était là le moins de la question, car le bien public était converti en bien particulier. »370

Philippe de COMMYNES (1447-1511), Mémoires (1524)

Le « Bien public » n’est qu’un prétexte, dans cette vaste coalition des princes contre Louis XI, en 1465. On peut même dire que les grands féodaux ne pensent qu’à leur bien particulier, comme le dit Commynes. Louis XI cherche à les dépouiller de leurs fiefs, réduire leurs pensions, augmenter leurs impôts (…) Il affronte une vraie guerre civile (…)

« Il faut faire suer les écus. »371

Maxime sous Louis XI

Les marchands ont soif de profit et les hommes du XVe siècle sont surtout sensibles à l’aspect monétaire de l’économie. Pour eux, le vrai signe de la richesse est la possession du numéraire (…) Les grandes foires se multiplient. Des industries se créent ou se développent. Jean Gobelin laissera son nom à l’art de la tapisserie. L’imprimerie est introduite (…)

« Le royaume est paisible et tranquille au point que les marchandises peuvent librement circuler […] Les impôts sont lourds ? Je ne les emploie que pour le bien et honneur du royaume et les diminuerai dès que je le pourrai. N’y ai-je pas le plus grand intérêt, puisque je suis le chef et le père de la chose publique ! »372

LOUIS XI (1423-1483), 10 mars 1465. Histoire de la France et des Français (1972), André Castelot, Alain Decaux

Heureux effet de la paix, contraste saisissant avec la première moitié du siècle. Quant aux impôts, certes utilisés dans le cadre d’une bonne gestion, ils ne seront jamais diminués. La monarchie s’affirme et se centralise, assumant des tâches de police, justice, intervention économique (…) À quoi s’ajouteront les guerres toujours plus lourdes en hommes et matériel.

« Il n’est venu là que pour me trahir. »373

CHARLES le Téméraire (1433-1477), soupçonnant Louis XI à Péronne, octobre 1468. Mémoires (1524), Philippe de Commynes

L’ambitieux duc de Bourgogne succède à son père (…) Il prend la tête de la deuxième grande coalition féodale contre Louis XI, avec l’inévitable Monsieur Charles (frère du roi), François II duc de Bretagne et Jean d’Alençon. Louis XI propose de discuter les termes de la paix, à Péronne (…) Le Téméraire se méfie du roi qualifié d’« universelle aragne ».

« Profitez des circonstances pour tirer du roi ce qu’il vous plaira. »374

Avis des conseillers donné à Charles le Téméraire, Péronne, 11 octobre 1468

C’est ce que va faire le Téméraire, furieux de découvrir que Louis XI, qui discute avec lui, encourage en même temps les Liégeois à se révolter contre lui ! Il ordonne qu’on ferme les portes de la ville, il rompt les négociations. Et Louis XI se retrouve piégé, à la merci de son plus grand ennemi, prisonnier, humilié, obligé de céder à toutes les conditions (…)

« Pour en dire donc mon avis, je crois être certain que ces deux princes y allaient tous deux en intention de tromper chacun son compagnon, et que leurs fins étaient assez semblables comme vous verrez. »375

Philippe de COMMYNES (1447-1511), Mémoires (1524)

Le chroniqueur renvoie dos à dos Louis XI et Charles le Téméraire, que l’histoire mit face à face, lors de l’entrevue de Péronne. Originaire des Flandres, ce précieux chroniqueur sert d’abord le Téméraire, et s’entremet à Péronne (dont on lui doit le vivant récit) en faveur de Louis XI qui l’a acheté à cette fin (…)

« Le renard crotté a échappé au repaire du loup. »376

Philippe de COMMYNES (1447-1511), Mémoires (1524)

Louis XI le rusé est à peine de retour à Paris, début novembre 1468, qu’il s’empresse de renier tous les engagements pris à Péronne : plus question de rendre les villes de la Somme au Téméraire, ni de donner en apanage à Monsieur Charles la Champagne et la Brie. Il fait condamner le Téméraire pour félonie en décembre 1470 (…)

« Par saint Georges ! enfants, vous avez fait une belle boucherie. »377

CHARLES le Téméraire (1433-1477), à ses officiers, bataille de Nesle, 10 juin 1472. Histoire de France (1868), Victor Duruy

Troisième et dernière coalition contre Louis XI. Elle rassemble Charles le Téméraire duc de Bourgogne, Édouard IV d’Angleterre, Jean d’Armagnac, Jean d’Aragon, Jean d’Alençon, François de Bretagne et inévitablement Monsieur Charles. La mort de ce frère déclenche une explosion de joie chez Louis XI qui fera scandale – comme à la mort de son père (…)

Le Téméraire, qui attaque en Picardie, se réjouit après le massacre des habitants et défenseurs de la ville de Nesle, en juin. Mais il va échouer devant Beauvais (…)

« Car tel est notre plaisir. »378

LOUIS XI (1423-1483), édit du 31 octobre 1472, forme des placets royaux

Vers 1470, le pouvoir royal ne cesse de s’affermir et pèse de plus en plus lourd (…) Charles VIII, François Ier, Louis XIV reprendront la formule (…) Le mot « plaisir » a souvent été mal compris. Il ne renvoie pas à une forme d’arbitraire royal, ni de caprice du souverain. Il exprime la volonté, la détermination d’un homme d’État.

« Faites le gast [dégât] en manière qu’il n’y demeure un seul arbre portant fruit sur bout, ni vigne qui ne soit coupée. »379

LOUIS XI (1423-1483), Lettre à Ymbert de Batarnay, 10 mars 1475. Histoire de France depuis les origines jusqu’à la Révolution (1911), Ernest Lavisse, Paul Vidal de La Blache

Le roi charge son grand chambellan et très fidèle conseiller de reprendre le Roussillon (…) Perpignan vit un terrible siège de huit mois, d’où son titre de Fidelissima vila (Fidèle Ville) donné par Jean d’Aragon (…) La reconquête est si dure que la province est nommée « le cimetière aux Français » (…)

« Monseigneur mon cousin, soyez le très bien venu. Il n’est homme au monde que j’eusse désiré voir autant que vous. Et loué soit Dieu de ce que nous sommes ici assemblés à cette bonne intention. »380

LOUIS XI (1423-1483), à Édouard IV d’Angleterre, Picquigny, 29 août 1475. Mémoires (1524), Philippe de Commynes

Ainsi parle un roi décidé à faire la paix avec l’ennemi de cent ans ! (…) La trêve entre Louis XI et Édouard IV est enfin signée à Picquigny (département actuel de la Somme). La France achète à prix d’or le retrait anglais. C’est le dernier acte officiel de la guerre de Cent Ans – le traité de paix ne sera jamais signé.

« J’ai vu le roi d’Angleterre
Amener son grand ost [armée]
Pour la française terre
Conquérir bref et tost [vite].
Le roi, voyant l’affaire,
Si bon vin leur donna
Que l’autre, sans rien faire,
Content, s’en retourna. »381

Chanson qui met en scène Édouard IV et Louis XI, été 1475. Histoire de la France : dynasties et révolutions, de 1348 à 1852 (1971), Georges Duby

La joie des Français éclate et la chanson dit vrai : Louis XI régala « son cousin » Édouard IV de bonne chère, après avoir saoulé de bonnes barriques et gavé de bonnes viandes qui donnent envie de boire l’armée anglaise en attente de ravitaillement. Cela fait aussi partie de la diplomatie. Il n’en fallait pas plus, et pas moins, pour sceller la nouvelle entente.

« Car il faut tenir pour sûr que la grande prospérité des princes ou leur grande adversité procède de sa divine ordonnance. »382

Philippe de COMMYNES (1447-1511), Mémoires (1524)

Il médite sur deux épilogues dramatiques. Chute de la maison de Lancastre, après l’assassinat d’Henri VI, roi dément, mis à mort dans le secret de la Tour de Londres en 1471, sur ordre de son rival Édouard IV (…) Et fin de l’État bourguignon avec la défaite de Charles le Téméraire, perdu par ses ambitions (…) La maison France profite de ces événements (…)

« Chers et bien-aimés, Je vous ai écrit par deux fois d’élire maître Auger de Brie, mon conseiller. Vous n’en avez rien fait. Aussitôt ces lettres lues, élisez-le, car pour rien je ne souffrirais qu’un autre eût l’évêché que notre dit conseiller. Si l’un de vous s’y oppose, je lui ferai vider le royaume. »383

LOUIS XI (1423-1483), aux chanoines d’Angers, 13 mai 1479. Histoire de la France et des Français (1972), André Castelot, Alain Decaux

Bel exemple de pression du roi sur son clergé. Sous Charles VII (…) le roi contrôle l’Église de France et le pape lutte contre ce gallicanisme qui porte ombrage à son autorité. Louis XI (…) est assez retors pour vouloir à la fois se mettre en bons termes avec le pape Sixte IV et réduire son clergé à l’obéissance.

« Nous n’avons rien perdu de la couronne, mais au contraire avons icelle augmentée et accrue. »384

LOUIS XI (1423-1483), à ses conseillers, 21 septembre 1482. Mémoires (1524), Philippe de Commynes

(…) Il a si bien agrandi le Domaine royal qu’après vingt-deux ans de règne, sa France est à peu près la nôtre (…) Dernier grand roi du Moyen Âge, il a renforcé l’autorité royale contre les féodaux et l’unité nationale. Il a créé le premier État-nation moderne, ayant mission d’éduquer le peuple et d’élever son niveau de vie, au nom d’un « bien commun » à tous (…)

« Sire, c’en est fait de vous. »385

Jacques COITIER (vers 1430-1506), à Louis XI, verdict de son médecin, 25 août 1483. Mémoires (1524), Philippe de Commynes

Louis XI fut un malade perpétuel (…) Contrairement aux médecins royaux, Coitier ne dissimule pas la vérité. Commynes, témoin de la scène, ajoute : « Quel coup ce fut pour lui d’entendre cette nouvelle et cet arrêt ! Car jamais homme ne craignit autant la mort et ne prit autant de peine dans le vain espoir de s’en garantir. » Louis XI meurt cinq jours plus tard.

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