Trois dictatures prospèrent à nos frontières (Allemagne, Italie, Espagne), sans parler du Japon d’Hiro-Hito, impérialiste et expansionniste. Malraux s’engage aux côtés des Républicains espagnols (1937) et met en garde quant à l’imminence et l’ampleur des périls. Malgré tout, le pacifisme l’emporte dans les partis de gauche comme au sein de la droite bourgeoise, le PC est piégé dans ses contradictions et le fascisme fascine plus que jamais une extrême-droite sans complexe.
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« Les grandes manœuvres sanglantes du monde étaient commencées. »
L’écrivain aventurier s’est engagé aux côtés des républicains qui combattent au cri de « Viva la muerte » dans cette guerre civile qui va durer trois ans et servir de banc d’essai aux armées fascistes et nazies. Contrairement à ses confrères qui ont cru à la paix du monde, Malraux se fait l’écho prémonitoire de ce temps d’apocalypse.
« Les communistes […] sont des missionnaires historiques de la liberté. »2685
Paul VAILLANT-COUTURIER (1892-1937), Rapport du 16 octobre 1936 au Comité central du PCF
Rédacteur en chef de L’Humanité, député, il ne participe pas au gouvernement des gauches et critique Léon Blum pour sa passivité. Plus de pacifisme qui tienne, l’Espagne devient pour les communistes un terrain de bataille contre le fascisme. Ne pas intervenir massivement, c’est démissionner en tant que démocratie, face aux dictatures fascistes. Notons que le PC est devenu le premier parti de gauche, passant de 30 000 adhérents en 1933 à 300 000 en 1937.
« L’ennemi numéro un […] est l’Allemagne. Après Hitler, ou, qui sait ? avant lui, sur un tout autre plan, il y a un autre ennemi. C’est la République démocratique, le régime électif et parlementaire légalement superposé comme un masque grotesque et répugnant à l’être réel du pays français. »2687
Charles MAURRAS (1868-1952), L’Action Française, 11 janvier 1937
Front populaire et situation internationale exacerbent les divisions et renforcent les partis de droite : 2 millions d’adhérents au Parti social français, 200 000 membres au Parti populaire français, le PPF de Doriot (communiste repenti, devenu fasciste). Maurras influence une classe dont il est à la fois « l’enfant terrible et la mauvaise conscience ». Il n’est pas contre Hitler dictateur ni contre le fascisme en tant que doctrine – il serait plutôt pour un régime d’« ordre » et une puissance capable de contrer l’URSS. Mais il est contre Hitler menaçant la France et son terriroire : « Rien pour une guerre de doctrine, tout pour la défense de notre sol sacré. »
« Je veux pas faire la guerre pour Hitler, moi je le dis, mais je veux pas la faire contre lui, pour les Juifs… On a beau me salader à bloc, c’est bien les Juifs et eux seulement, qui nous poussent aux mitrailleuses… Il aime pas les Juifs Hitler, moi non plus… »2688
Louis-Ferdinand CÉLINE (1894-1961), Bagatelles pour un massacre (1937)
Ce pamphlet antisémite où la haine l’égare achève de faire l’unanimité contre lui. Céline s’est déjà créé des ennemis chez les bien-pensants avec son Voyage au bout de la nuit (1932) qui attaque le militarisme, le colonialisme, l’injustice sociale. Et ses impressions de retour d’URSS publiées dans Mea Culpa (1936) lui ont aliéné les sympathisants communistes.
« Il y a des guerres justes. Il n’y a pas d’armée juste. »2690
André MALRAUX (1901-1976), L’Espoir (1937)
Après un voyage à Berlin, il dénonce le nazisme en 1935, ses atteintes à la dignité humaine et ses prisons (Le Temps du mépris), puis le fascisme espagnol dans ce nouveau roman. Guerre civile d’Espagne, dernière « guerre juste » de notre temps, avec cet afflux de volontaires (40 000 hommes) unis pour une juste cause, dans les brigades internationales.
« Le fascisme, c’est la guerre. La lutte contre le fascisme, c’était la lutte contre la guerre. »2691
Maurice THOREZ (1900-1964), Fils du peuple (1937)
La gauche est prise à un piège terrible, s’étant unie « contre le fascisme et la guerre », dans une contradiction qui va bientôt éclater. La lutte contre le fascisme impliquait la guerre, alors que la défense de la paix admettait le fascisme.
Nous ferons la paix […] avec le diable s’il le faut.2695
Slogan des pacifistes. Notre Front populaire (1977), Claude Jamet
On trouve des pacifistes dans tous les partis, dans l’état-major comme au gouvernement. Un tel slogan reflète le pacifisme viscéral du pays et de l’opinion publique, né de la dernière guerre, des hécatombes qui ont touché la plupart des familles.
« [La bourgeoisie] ne voulait de la guerre en aucun cas, et elle n’avait pas peur de Hitler, parce que toute sa capacité de peur était accaparée par le Front populaire, et surtout par le communisme. »2696
Léon BLUM (1872-1950), À l’échelle humaine (1945)
Autre explication du pacifisme. La bourgeoisie accable le Front populaire, également critiqué par les communistes, quand des difficultés financières et des troubles sociaux obligent à faire une pause dans les réformes. Juin 1937. Blum quitte le gouvernement. Fin du Front populaire le 30 octobre 1938 - rupture avec les communistes.
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