Mitterrand : « L’homme de droite honnête parle de la liberté comme d’un axiome de droit public, et non comme d’une réalité vivante et quotidienne... » | L’Histoire en citations
Chronique du jour

 

Les années Pompidou, Giscard d’Estaing et Mitterrand

Personnage de François Mitterrand

Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.

« L’homme de droite honnête parle de la liberté comme d’un axiome de droit public, et non comme d’une réalité vivante et quotidienne. Il fait un beau discours, rentre chez lui et dort en paix. On devine qu’il sera très surpris le jour où la liberté, passant sous sa fenêtre, chantera le “Ça ira”. »3096

François MITTERRAND (1916-1996), La Paille et le Grain (1975)

A mi-parcours de sa vie politique, ayant échoué de peu à la présidentielle de 1974 contre Giscard d’Estaing, Mitterrand, Premier secrétaire du Parti socialiste, prépare déjà la revanche, lentement et sûrement (…)

« L’Europe abstraite, forme géométrique dessinée sur un papier blanc, c’est la caricature qu’en donnent ses détracteurs. La véritable Europe a besoin des patries comme un corps vivant de chair et de sang. Ses fondateurs l’ont souhaitée ainsi. Ses fidèles ne l’aimeraient pas autrement. »3097

François MITTERRAND (1916-1996), Le Coup d’État permanent (1964)

Dans ce pamphlet contre de Gaulle et « sa » Cinquième République, Mitterrand se révèle européen convaincu, ardent et militant pour cette cause d’avenir : « Une France nationaliste oblige ses partenaires ou bien à l’imiter et donc à s’isoler, ou bien a s’abolir dans un atlantisme qui, sous le couvert du “plus grand occident”, étouffera ce que la civilisation de l’Europe contient d’irremplaçable. » (…)

« J’aime la France d’une façon charnelle. Lorsqu’on me disait : “Est-ce que vous avez une certaine idée de la France ?” Je disais : “Non, ce n’est pas abstrait chez moi, je vis la France dans mes veines, je la sens avec mon odorat.” »3098

François MITTERRAND (1916-1996), émission « Bouillon de culture », France 2, 14 avril 1995

Un mois avant le terme de son second septennat, le président s’oppose encore à de Gaulle et à la première phrase des Mémoires : « Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France. » (…)

Quant aux idées politiques, Mitterrand est l’un des rares Français qui ne se sont jamais dits gaullistes.

Homme de gauche, il s’est choisi une filiation socialiste, mais pas marxiste : « Je préfère qu’on me situe dans la ligne de pensée de Jaurès et de Léon Blum », dira-t-il (…)

« Quand la France rencontre une grande idée, elles font ensemble le tour du monde. »3099

François MITTERRAND (1916-1996), Ici et maintenant (1980)

Document pour l’histoire, un an avant la présidentielle, ce livre dépeint l’État-Giscard, et la France malade, dans un monde esclave du couple dollar-pétrole (…)

« Être d’accord avec soi-même, je ne connais pas meilleur bulletin de santé. » Avare de confidences personnelles, l’homme se résume dans cette affirmation tranquille. Devenu leader de la gauche, il peaufine son image et sa « grande idée » : rester dans l’histoire comme l’homme du « socialisme a la française », voulu exemplaire pour le monde (…)

« Laissez la tyrannie régner sur un mètre carré, elle gagnera bientôt la surface de la Terre. »3100

François MITTERRAND (1916-1996), L’Abeille et l’Architecte (1978)

(…) Après La Paille et le Grain, le titre de cet essai nourri de ses méditations se réfère à la phrase de Marx : « Ce qui distingue dès l’abord le plus mauvais architecte de l’abeille la plus experte, c’est qu’il a construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans sa ruche. » Et Mitterrand construit ainsi la présidence a venir.

Droits de l’homme et libertés fondamentales : thème sensible au cœur comme à la raison du futur président. Le combat contre la peine de mort, et son abolition feront date au début du premier septennat ; et au début du second, il donnera un éclat particulier aux fêtes du bicentenaire de la Révolution française (…)

« Régime oblige : le pouvoir absolu a des raisons que la République ne connaît pas. »3101

François MITTERRAND (1916-1996), Le Coup d’État permanent (1964)

(…) Ce qu’il attaque ici, c’est la pratique de la Cinquième République par le pouvoir gaulliste : intervention directe du président dans les affaires de justice, centralisme excessif, bureaucratie, affairisme, décisions liberticides a l’égard de la presse, création de cours de justice ad hoc, lois d’exception, abus de la garde a vue, juges aux ordres, instauration progressive d’un régime policier, mépris du Parlement, ministres traités comme des exécutants et Premier ministre totalement soumis (…)

Cela dit (…) tous les pouvoirs ont un jour la tentation d’abuser du pouvoir. Mitterrand président deviendra le roi d’une petite cour, un monarque absolu, et pourquoi pas Dieu en personne, vu par les humoristes… (…)

« Qu’appelez-vous pouvoir ? Un logement dans un palais ? Le grand cordon de la Légion d’honneur ? Le droit de grâce régalien ? La curiosité des foules ? La maîtrise des décrets ? Les hommes qui se courbent ? Les hommes qui se couchent ? La télévision à la botte ? La chasse au lièvre, au tigre, au pauvre ? […] Le doigt sur le bouton de la guerre atomique ? Un Président qui règne, qui gouverne, qui juge, qui légifère, qui commente lui-même les nouvelles qu’il inspire, monarque souverain d’un pouvoir absolu ? J’ai prononcé le mot qu’il fallait taire, l’absolu. »3102

François MITTERRAND (1916-1996), Ici et maintenant (1980)

Trois ans après la rupture de l’Union de la gauche, dans la perspective d’une troisième élection présidentielle (ayant perdu contre de Gaulle en 1965 et contre Giscard en 1974), il fournit ses clés pour (se) comprendre, savoir ou il en est et où il veut aller. « Je fais partie, dit-il, du paysage de la France. » (…)

« Détenir à la fois les clefs du pouvoir présidentiel et donc du long terme sans pour autant avoir la responsabilité de la gestion gouvernementale directe, tout en ayant un pied dans l’opposition par l’intermédiaire du PS, c’est vraisemblablement pour lui la forme la plus achevée du bonheur politique, celle qui, de toute évidence, convient le mieux à son mode de pensée. »3103

Serge JULY (né en 1942), SOFRES, Opinion publique 1986, Revue française de science politique, volume XXXVI, n° 2 (1986)

Par ces lignes, le patron de Libération décrit en 1985 cet équilibre instable que serait la cohabitation, héritage de la Constitution voulue par de Gaulle.

Après les législatives ratées pour la gauche, voici une épreuve dont Mitterrand se tire mieux que son partenaire et Premier ministre, Jacques Chirac (mars 1986 à mai 1988). Au lieu de démissionner, comme ses proches le lui conseillent, il assume la situation (…)

« Je dissimule, je biaise, j’adoucis, j’accommode tout autant qu’il est possible. »3104

François MITTERRAND (1916-1996). Les Années Mitterrand (1986), Serge July

Autoportrait du président, lors de l’affaire du Rainbow Warrior en 1985 : un piège pour la DGSE (nos « services secrets ») qui a coulé le bateau, tuant un photographe portugais qui travaillait pour Greenpeace – organisation écologiste militant contre les essais nucléaires français en Nouvelle-Zélande. Mais cette stratégie dépasse l’événement (…)

Dissimuler, accommoder… La plus rude des coexistences au sommet de l’exécutif, sera le duel opposant Mitterrand et Rocard (Premier ministre), avec la haine, ou pire encore, le mépris entre ces deux hommes qui incarnent deux gauches, deux générations, deux sensibilités, deux intelligences (…)

« Outre son talent littéraire incontestable, ce qui m’a toujours frappé chez François Mitterrand, c’est l’extraordinaire patience qui lui a permis de rester vingt-trois ans dans l’opposition à attendre son heure, la capacité qu’il a de rebondir dans les situations les plus compliquées, son goût subtil pour les jeux les plus raffinés de la politique. Je l’ai qualifié, quand il était chef de l’opposition, de “Prince de l’Équivoque”, propos qui n’était point dépourvu d’une part d’admiration. »3105

Raymond BARRE (1924-2007), Questions de confiance. Entretiens avec Jean-Marie Colombani (1988)

« Laisser du temps au temps », précepte mitterrandien, d’ailleurs emprunté a Cervantes (« Dar tiempo al tiempo »).

La longue marche vers le pouvoir d’un grand professionnel de la politique a pu surprendre cet universitaire qui ne sera jamais rompu à ces jeux.

« Cet homme est un mystère, habité par mille personnages, du tacticien sceptique au socialiste saisi par la ferveur. On a beaucoup dit que François Mitterrand était insaisissable ; il n’est simple ni à déchiffrer ni à défricher. À la fois personnage authentique et artiste en représentation. »3106

Franz-Olivier GIESBERT (né en 1949), François Mitterrand ou la Tentation de l’histoire (1977)

Son biographe fait le portrait d’une personnalité affirmée (a 60 ans), mais pas encore président. Sphinx, Florentin, Machiavel et autres Prince de l’équivoque ou de l’esquive, ces surnoms reviennent sans fin sous la plume des observateurs. Ils qualifient ses volte-face idéologiques de « convictions moirées ». Le président au pouvoir ne fait rien pour lever le voile, cultivant un certain silence, usant d’un sens inné du secret, et n’abusant pas du petit écran qui finit par être fatal à son prédécesseur (…)

« Vous êtes purs, parce que vous n’avez pas eu l’occasion de ne pas l’être. »3107

François MITTERRAND (1916-1996), au Congrès des Jeunesses Socialistes (JS), Pau, 1975

(…) A 59 ans, Mitterrand a déjà un long parcours politique. Pour avoir été député, sénateur, et onze fois ministre sous la Quatrième République, que de compromis, que d’accommodements, que d’opportunisme !

Ce qui lui sera surtout reproché, c’est une jeunesse liée à l’extrême droite : en 1934, à 18 ans, il adhère au mouvement de jeunes des Croix-de-Feu, et devient volontaire national, dans la droite nationaliste du colonel de La Rocque. Il manifeste contre « l’invasion métèque » en février 1935. Il se lie avec des membres de La Cagoule. Il écrit dans le quotidien L’Écho de Paris d’Henry de Kérillis, proche du Parti social français. Enfin, au printemps 1943, il est décoré de l’ordre de la Francisque. Après quoi, il deviendra un authentique résistant (…)

« Si la jeunesse n’a pas toujours raison, la société qui la méconnaît et qui la frappe a toujours tort. »3108

François MITTERRAND (1916-1996), Discours à l’Assemblée nationale, 8 mai 1968

Mitterrand, qui s’est trompé avant-guerre et a vécu plus ou moins mal la Guerre mondiale de 1939 1945, a également affronté la guérilla civile de Mai 68. Marqué par les manifestations et les slogans hostiles à Mitterrand comme à de Gaulle, étant moins âgé, il a peut-être mieux compris, et surtout davantage réfléchi que le président alors au pouvoir.

La jeunesse du pays sera majoritairement avec lui en 1981, et elle le soutient quand l’opinion se détourne de lui : « Tonton, laisse pas béton » (…)

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