Mitterrand et le pouvoir. Plus qu’un duo, une passion !
Mais l’on parle ici du pouvoir présidentiel - sinon absolu. La plus haute marche du podium, ratée face à de Gaulle et VGE. Parvenu au but, il s’accrochera dans la cohabitation et jusqu’à la limite de ses forces physiques. C’est le dernier grand président de la France, le poste perdant peu à peu son prestige et ses pouvoirs, mais pas son attrait…
« Un physicien affirmera que l’oxygène se raréfie sur les hauteurs. Comparaison n’est pas raison. Le politique, le vrai, celui pour qui l’Histoire exige de grands horizons, ne respire qu’en altitude. »3207
(1916-1996), L’Abeille et l’Architecte (1978)
21 mai 1981. Mitterrand président, âgé de 65 ans et malade (un cancer, il le savait, on le saura plus tard), élu le 10 mai, s’installe enfin à l’Élysée, après un long parcours politique et une succession de revers et de succès. Il entame un « règne » de quatorze ans, comparable par sa durée à celui d’Henri IV, Louis-Philippe ou encore de… Napoléon.
Il prend ses fonctions. Journée ponctuée de cérémonies officielles et de manifestations publiques. Presque trop bien mis en scène, le président remonte la rue Soufflot au milieu de la foule et se retrouve seul, face au Panthéon, allant déposer une rose sur les tombes de Jaurès, Victor Schœlcher et Jean Moulin… Barbara chantera l’homme à la rose, « Quelque chose a changé », on y croit. Ce même jour, Mitterrand a étreint Mendès France : « Sans vous, rien de tout cela n’eut été possible. »
« Qu’appelez-vous pouvoir ? Un logement dans un palais ? Le grand cordon de la Légion d’honneur ? Le droit de grâce régalien ? La curiosité des foules ? La maîtrise des décrets ? Les hommes qui se courbent ? Les hommes qui se couchent ? La télévision à la botte ? La chasse au lièvre, au tigre, au pauvre ? […] Le doigt sur le bouton de la guerre atomique ? Un Président qui règne, qui gouverne, qui juge, qui légifère, qui commente lui-même les nouvelles qu’il inspire, monarque souverain d’un pouvoir absolu ? J’ai prononcé le mot qu’il fallait taire, l’absolu. »3102
François MITTERRAND (1916-1996), Ici et maintenant (1980)
Dans la perspective d’une troisième élection présidentielle (ayant perdu contre de Gaulle en 1965 et Giscard en 1974), il fournit ses clés pour (se) comprendre, savoir où il en est et où il veut aller. « Je fais partie, dit-il, du paysage de la France. » Il n’a pas l’intention d’en sortir ! Un an plus tard, il a enfin ce pouvoir « absolu », lui imprimant une marque personnelle qui l’oppose au giscardisme, plus qu’au gaullisme.
« Détenir à la fois les clefs du pouvoir présidentiel et donc du long terme sans pour autant avoir la responsabilité de la gestion gouvernementale directe, tout en ayant un pied dans l’opposition par l’intermédiaire du PS, c’est vraisemblablement pour lui la forme la plus achevée du bonheur politique, celle qui, de toute évidence, convient le mieux à son mode de pensée. »3103
Serge JULY (né en 1942), Sofres, Opinion publique 1986, Revue française de science politique, volume XXXVI, n° 2 (1986)
Mémoires du maréchal de Villars (posthume)
Le patron de Libération décrit cet équilibre instable de la cohabitation, héritage de la Constitution voulue par de Gaulle.
« Je ne suis pas homme à laisser la clef sous le paillasson. »3252
François MITTERRAND (1916-1996), Déclaration du 28 avril 1985
Une victoire de la droite se profile à l’horizon des législatives 1986 et le président ne perd pas une occasion de faire savoir à la France qu’il restera à l’Élysée, même si Matignon tombe aux mains de la droite. Dans le même ordre d’idée : « Je ne resterai pas inerte », ou encore : « Je ne renonce à aucun de mes droits, ni aujourd’hui, ni demain. »
« Vous y perdrez votre âme, donc votre gloire. »3260
Jacques ATTALI (né en 1943), à Mitterrand, après les législatives perdues de mars 1986
Les Sept Mitterrand (1988), Catherine Nay
Conseiller du président, il l’incite à démissionner, suite aux législatives gagnées par la droite : « Ils vont défaire tout ce que vous aurez construit. Votre maintien à l’Élysée sera interprété comme une caution donnée à l’adversaire. » Mais Mitterrand reste, comme annoncé. Pour Premier ministre, il pouvait choisir Simone Veil l’européenne, VGE l’apôtre de l’union, Chaban-Delmas le prophète d’une « nouvelle société » synonyme de réconciliation. Il prend Chirac, son adversaire le plus direct, optant pour une cohabitation de combat. « La cohabitation, c’est le jardin des supplices pour le futur Premier ministre, le jardin des malices pour le président, le jardin des délices pour les nostalgiques de la Quatrième République. » (François d’Aubert, député UDF)
« Comment fonctionneront les pouvoirs publics ? À cette question, je ne connais qu’une réponse : la Constitution, rien que la Constitution, toute la Constitution. »3263
François MITTERRAND (1916-1996), Message lu le 8 avril 1986, devant chacune des deux Assemblées par leur président
La gauche devenue minoritaire, voici une épreuve dont Mitterrand se tire mieux que Chirac, Premier ministre (mars 1986 à mai 1988). Loin de démissionner, il assume la situation. Le compromis, l’arrangement sont dans sa nature. La seconde fois, avec Édouard Balladur (mars 1993 à mai 1995), ce sera la « cohabitation de velours », plus consensuelle, vu la courtoisie du Premier ministre - qui perd ses chances à la présidentielle, d’où la victoire de Chirac. « Les institutions n’étaient pas faites à mon intention. Mais elles sont bien faites pour moi. » Mitterrand l’avait dit au Monde, 2 juillet 1981.
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