Nos relations avec l’Angleterre (de 1914 à nos jours) | L’Histoire en citations
Édito de la semaine

De tous les pays européens, la France et l’Angleterre possèdent l’histoire la plus longue et la plus riche. Mais les relations entre ces deux puissances mondiales et rivales furent longtemps conflictuelles.

Pour résumer, après la brève aventure anglaise de Guillaume le Conquérant, l’Angleterre est notre principale ennemie pendant deux interminables “ guerres de Cent Ans ”, à la fin du Moyen Âge et entre 1688-1815.

L’« Entente cordiale » nous réconcilie (en 1843) et la Grande-Bretagne (Royaume-Uni) est la alliée de la France, dans les deux guerres mondiales du XXe siècle.

Quant à ses relations avec l’Europe, elles poseront toujours problème, jusqu’au Brexit…

Un épilogue qui donne étonnamment raison à de Gaulle.

Toutes les citations de cet édito sont à retrouver dans nos Chroniques de l’Histoire en citations : en 10 volumes, l’histoire de France de la Gaule à nos jours vous est contée, en 3 500 citations numérotées, sourcées, contextualisée, signées par près de 1 200 auteurs.

III. Deux Guerres Mondiales se jouent (et se gagnent) avec l’allié anglais. L’Angleterre fait encore l’actu de manière anecdotique, mais la « question européenne » divise tous les pays et les partis, jusqu’à l’épilogue du Brexit.

1. Grande Guerre de 1914-18 : l’Allemagne agresse l’Angleterre comme la France, d’où l’alliance qui permet de résister jusqu’à l’intervention des États-Unis d’Amérique venant enfin au secours des Alliés, en 1917.

« Dans la guerre qui s’engage, la France […] sera héroïquement défendue par tous ses fils dont rien ne brisera, devant l’ennemi, l’union sacrée. »2581

Raymond POINCARÉ (1860-1934), Message aux Chambres, 4 août 1914. La République souveraine : la vie politique en France, 1879-1939 (2002), René Rémond

L’Allemagne a déclaré la guerre à la France le 3 août, envahissant la Belgique pour arriver aux frontières françaises : selon le chancelier allemand Bethmann-Hollweg, le traité international garantissant la neutralité de ce pays n’était qu’un « chiffon de papier ».

À quelque chose, malheur est bon. La violation de la Belgique, en exposant directement les côtes anglaises, a pour effet de pousser notre alliée à entrer en guerre.

La guerre bouleverse l’échiquier politique en France. C’est l’« union sacrée ». Le gouvernement élargit sa base avec l’arrivée de ministres socialistes et tous les Français veulent servir la patrie : royalistes, princes d’Orléans et princes Bonaparte s’engagent, comme les militants d’extrême gauche, hier encore pacifistes et internationalistes.

« La méprisable petite armée du général French. »2587

GUILLAUME II (1859-1941), Ordre du jour à Aix-la-Chapelle, 19 août 1914. Pages d’histoire, 1914-1918, La Folie allemande (1914), Paul Verrier

L’empereur d’Allemagne a nié la paternité de ces mots. Mais le Times de Londres (2 octobre) cite la phrase complète, « l’Anglais félon » étant également menacé et obligé d’entrer en guerre aux côtés de la France. « C’est mon commandement impérial et royal, que vous concentriez vos énergies pour le présent vers la poursuite d’un but unique, à savoir que vous mettiez en œuvre votre habileté et toute la valeur de mes soldats pour exterminer tout d’abord l’Anglais félon et bousculer et annihiler la méprisable petite armée du général French. »

Grâce à son effort militaire, la France peut aligner presque autant de divisions que l’Allemagne (plus peuplée). Mais nos soldats sont moins entraînés, peu disciplinés, mal équipés (uniformes trop voyants, manque d’artillerie lourde). Le « bataille des frontières » est perdue. Joffre fait limoger plus de cent généraux nommés dans des villes de l’arrière, comme Limoges, et ordonne le repli stratégique au nord de Paris, pour éviter l’enveloppement.

« Nous romprons le front allemand quand nous voudrons. »2598

Général NIVELLE (1856-1924), promesse en date du 13 janvier 1917. 1917 en Europe : l’année impossible (1997), Jean-Jacques Becker

Note rédigée lors d’une réunion à Londres, pour gagner à sa cause le cabinet anglais. La phrase commence par une condition et se termine par une promesse : « À condition de ne pas nous attaquer au point le plus fort et de faire l’opération par surprise, nous romprons le front allemand quand nous voudrons. Il y aura alors une splendide moisson de gloire pour les armées britannique et française. »  On ne saurait mieux affirmer cette alliance si précieuse.

Malheureusement, cette offensive franco-anglaise sera très coûteuse en hommes et en matériel lourd, pour un résultat minime, comme Verdun. Nivelle se lance dans la bataille, sans prendre en compte les particularités du lieu, ni le repositionnement des lignes ennemies, ni le brouillard qui gêne le réglage des tirs d’artillerie. La bataille est perdue en une heure, mais il s’obstine à envoyer l’infanterie au front.

L’arrivée de Clemenceau au gouvernement et des États-Unis au secours des Alliés va heureusement changer le cours de la guerre en 1917.

« La France est la frontière de la liberté. »2601

Georges CLEMENCEAU (1841-1929) citant ce cri de l’Amérique tant espérée. Clemenceau journaliste (1841-1929) : les combats d’un républicain (2005), Gérard Minart

Lettre de Clemenceau au président américain Coolidge, datée de 1926 : « C’est le territoire français qui a été scientifiquement ravagé. Trois mortelles années, nous avons attendu cette parole américaine : « La France est la frontière de la liberté. » Trois années de sang et d’argent coulant par tous les pores. »

Le Congrès américain vote enfin la guerre contre les Empires centraux et l’Amérique vient au secours des Alliés en avril 1917, se rappelant sa dette historique à la France des Lumières et de La Fayette.

« L’armistice vient d’être signé par Lloyd George qui ressemble à un caniche, par Wilson qui ressemble à un colley et par Clemenceau qui ressemble à un dogue. »2614

Jean GIRAUDOUX (1882-1944), Suzanne et le Pacifique (1921)

Ce bestiaire humain vaut (bonne) caricature de presse. Diplomate et romancier, puis auteur dramatique, Giraudoux fera une longue carrière aux Affaires étrangères de 1910 à 1940, période particulièrement difficile !

L’armistice est donc signé le 11 novembre 1918, dans un wagon-salon près de la gare de Rethondes. Il impose à l’Allemagne l’évacuation des territoires envahis, de la rive gauche du Rhin, ainsi que d’une zone de 10 km sur la rive droite ; la livraison de matériel de guerre (canons, mitrailleuses, sous-marins, navires) pour prévenir toute reprise des hostilités ; la restitution immédiate des prisonniers de guerre. Signé pour 36 jours, l’armistice est reconduit jusqu’à la signature du traité de Versailles, le 28 juin 1919.

2. Seconde Guerre mondiale (1939-1945) : le général de Gaulle, très seul après la défaite (juin 1940), trouve un soutien indéfectible en Churchill, nouveau Premier ministre d’Angleterre, seul pays encore en guerre contre Hitler.

« La France et l’Angleterre doivent désormais résister à toute nouvelle exigence de Hitler. »2702

Avis de 70 % des Français, selon un sondage de décembre 1938. Histoire de la France au XXe siècle, volume II (2003), Serge Berstein, Pierre Milza

Premier fait, de nature politique : le revirement de l’opinion publique et l’association des deux nations sœurs. En septembre, 57 % des Français étaient encore favorables aux accords de Munich. Mais la montée de l’hitlérisme est mieux saisie et la bourgeoisie a moins peur de la révolution, après l’échec syndical de la CGT.

Autre fait, de société : l’apparition des sondages d’opinion publique. Ils sont nés aux USA, fin 1936, à l’initiative d’un journaliste et statisticien, George Horace Gallup, fondateur de l’institut portant son nom. D’août 1938 à juillet 1939, il y a près de trente sondages en France sur l’opinion face aux problèmes extérieurs : une source d’information devenue indispensable, voire addictive en certains cas.

« Elle [la France] n’est pas seule […] Elle peut faire bloc avec l’Empire britannique qui tient la mer et continue la lutte […] Quoi qu’il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas. »2713

Charles de GAULLE (1890-1970), Appel du 18 juin 1940, Mémoires de guerre, tome I, L’Appel, 1940-1942 (1954)

Seconde Guerre mondiale. Atout majeur de la France, la Grande-Bretagne qui a elle aussi trouvé son grand homme : Churchill, partenaire essentiel pour de Gaulle, toujours fidèle quoique pas toujours facile !

Au lendemain de la défaite française de juin 1940, la « bataille d’Angleterre » commence avec trois atouts : la marine empêche tout débarquement allemand, l’aviation met en échec la Luftwaffe et le Commonwealth permettra bientôt de tenir tête à Mussolini et à Hitler, dans la guerre méditerranéenne.

« Je n’ai rien à offrir que du sang, de la sueur et des larmes. »2739

Winston CHURCHILL (1874-1965), Chambre des Communes, 13 mai 1940. Du sang, de la sueur et des larmes (posthume), Discours de Winston Churchill

Premier discours du nouveau Premier ministre anglais : le 10 mai, il a pris la tête d’un vrai gouvernement de coalition (conservateurs, libéraux et travaillistes) et témoigne d’une volonté de fer qui, heureusement pour la France et la suite de l’histoire, ne faiblira jamais.

De Gaulle juge vite et bien l’homme qui sera son allié numéro un : « Winston Churchill m’apparut, d’un bout à l’autre du drame, comme le grand champion d’une grande entreprise et le grand artiste d’une grande Histoire » (Mémoires de guerre, L’Appel).

« Le gouvernement de Sa Majesté reconnaît le général de Gaulle comme chef de tous les Français libres, où qu’ils se trouvent, qui se rallient à lui pour la défense de la cause alliée. »2761

Winston CHURCHILL (1874-1965), Déclaration du 28 juin 1940, communiqué publié dans la presse anglaise le même jour. Histoire politique de la Troisième République : la course vers l’abîme, volume VII (1967), Georges Bonnefous

Seule nation encore en guerre, la Grande-Bretagne est la première à cautionner l’action de ce général, d’ailleurs ramené au grade de colonel et mis à la retraite par mesure disciplinaire le 24 juin, qui dit être la France, alors qu’il est encore bien seul !

hurchill, chef du gouvernement, force le destin avec lui, tandis que René Cassin, juriste qui a rejoint de Gaulle ce 28 juin, va l’aider à rédiger la Charte de la France libre.

Churchill aura une autre utilité à présent bien documentée. Roosevelt se méfiait personnellement du général de Gaulle qu’il assimilait un peu vite au général Boulanger (menace pour l’État sous la Troisième République). Il le soupçonnait de n’agir que pour prendre le pouvoir en France. Churchill qui a vite et bien jugé de Gaulle n’a eu de cesse de rassurer l’Américain – qui trouvait quand même un défaut inquiétant à l’Anglais. Il buvait trop et pouvait manquer de parole ou changer d’avis, selon son état… Roosevelt avait donc enquêté de son côté sur la fiabilité de ce partenaire européen. Rassuré, il considéra enfin les deux hommes comme des alliés dignes de ce nom, sur lesquels l’Amérique allait pouvoir engager toutes ses forces - en armes, en argent, en hommes !

« Seul, le maréchal peut réaliser l’union de la France, c’est un drapeau, un drapeau un peu taché, un peu souillé, mais c’est un drapeau tout de même. »2765

Général WEYGAND (1867-1965), à Stanislas Mangin venu lui demander de se rallier aux Forces françaises libres (FFL), été 1940. Tout est bien (1989), Roger Stéphane

Weygand daubait sur « Vichy qui se roule dans la défaite comme un chien dans la merde ». Pourtant, pas question pour l’ex-chef d’état-major français de se rallier à un mouvement né et entretenu à l’étranger avec de Gaulle.

La « perfide Albion » est encore plus haïe, par une France traditionnellement anglophobe, depuis le torpillage de la flotte française au mouillage dans la baie d’Oran, à Mers el-Kébir, le 3 juillet 1940 – pour éviter que la marine française passe à l’ennemi, plus de 1 300 marins étant tués dans l’attaque de la Royal Navy. Bien des Français passèrent alors à la collaboration, d’autant plus que le maréchal Pétain (le vainqueur de Verdun) rassure la France profonde.

« La France a perdu une bataille ! Mais la France n’a pas perdu la guerre ! »2767

Charles de GAULLE (1890-1970), Affiche placardée sur les murs de Londres le 3 août 1940. La France n’a pas perdu la guerre : discours et messages (1944), Charles de Gaulle

Cette phrase célèbre ne figure pas, comme on le dit souvent, dans l’Appel du 18 juin. Elle est l’attaque d’une proclamation rédigée sans doute le même jour, mais affichée le mois suivant à Londres, dans la capitale du seul pays qui continue la lutte. Signé par le général de Gaulle depuis son quartier général situé 4 Carlton Garden à Londres, ce nouvel appel s’adresse « À tous les Français », militaires et civils, quelles que soient leur profession, leur origine sociale, et où qu’ils se trouvent.

Tirée à 1 000 exemplaires, l’affiche est placardée sur les murs de Londres et des grandes villes anglaises. Le slogan, surmonté de deux petits drapeaux croisés, devient célèbre. Saint-Exupéry, dans ses Écrits de guerre, se permet de rectifier : « Dites la vérité, Général, la France a perdu la guerre. Mais ses alliés la gagneront. » L’auteur du célèbre Petit Prince mourra trop tôt (volontaire en mission, le 31 juillet 1944) pour voir à quel point il avait raison.

« Ici Londres ! Les Français parlent aux Français. »2770

Premiers mots des bulletins d’informations à la BBC, précédés des quatre premières notes de la Ve symphonie de Beethoven. Ici Londres, 1940-1944 : les voix de la liberté, volume V (1976), Jean-Louis Crémieux Brilhac

Rendez-vous biquotidiens depuis août 1940, à 12 h 25 et 20 h 25. Écouter la radio anglaise, interdite en zone occupée, se moquer de la censure, déjouer les brouillages, c’est déjà faire acte de résistance.

Les ondes anglaises apportent enfin quelques bonnes nouvelles à ceux qui les espèrent : le Tchad se rallie à de Gaulle (26 août 1940), puis le Cameroun, le Congo, l’Oubangui, Tahiti. En septembre, Établissements français d’Océanie, Inde et Nouvelle-Calédonie vont suivre. Mais pas l’AOF (Afrique occidentale française) où de Gaulle rate son débarquement à Dakar (fin septembre).

Pour la première fois, des Français (ralliés à de Gaulle, lui-même présent) se battent contre des Français (fidèles au gouvernement de Vichy). Les Britanniques, mal informés sur la présence de croiseurs ennemis, sont à leur tour repoussés. Cet échec personnel, grave aux points de vue stratégique et diplomatique, est très mal vécu par le général de Gaulle… qui poursuit malgré tout son action, toujours soutenu par l’allié anglais.

« L’Angleterre, comme Carthage, sera détruite. »2780

Jean HÉROLD-PAQUIS (1912-1945), animateur vedette et titulaire de la chronique militaire du Radio-Journal de Paris, à partir de janvier 1942. L’Épuration des intellectuels (1996), Pierre Assouline

Il termine ainsi ses éditoriaux, à Radio Paris. Désinformation et propagande font partie du jeu de la guerre. Pas dupes, les Français scandent : « Radio Paris ment, Radio Paris ment, Radio Paris est allemand. »

Hérold-Paquis, avant la guerre, a glissé de la droite catholique vers l’extrême droite. Engagé aux côtés des franquistes contre les républicains durant la guerre d’Espagne, puis sympathisant nazi, il s’illustre dans la collaboration, invoquant le torpillage de la flotte française par les Anglais à Mers el-Kébir.

Deux ans durant, après le journal du soir, il applaudit aux victoires de l’Axe (Berlin-Rome-Tokyo) et ridiculise l’action des Alliés. Son leitmotiv final rappelle une célèbre citation latine de Caton l’Ancien, sénateur romain terminant tous ses discours par : «  Carthago delenda est » (« Carthage doit être détruite »).

« Des Français, c’est un comble ! »2829

Wilhelm KEITEL (1882-1946), à la signature de la capitulation allemande, Berlin, 8 mai 1945

Maréchal allemand, chef de l’Oberkommando der Wehrmacht (OKW.), commandant suprême des forces armées (par ailleurs ministre de la Guerre d’Hitler), c’est à ce titre qu’il signe la capitulation. La présence du maréchal de Lattre de Tassigny, voulue par de Gaulle et signant pour la France, fait s’exclamer le vaincu.

La France s’est assez battue pour gagner sa place à la table des vainqueurs. Mais elle fut éliminée à la conférence de Yalta (4-11 février 1945) où les « trois grands » – Staline, Roosevelt, Churchill – ont réglé le sort du monde.

3. L’Angleterre est toujours en question de manière épisodique et anecdotique, mais la « question européenne » divise tous les pays et les partis : le prix Nobel de la paix attribué à l’Union européenne en 2012 relance le débat.

« La France est divisée en quarante-trois millions de Français. La France est le seul pays du monde où, si vous ajoutez dix citoyens à dix autres, vous ne faites pas une addition, mais vingt divisions. »2838

Pierre DANINOS (1913-2005), Les Carnets du major Thomson (1954)

Grand succès de librairie, pour ces Carnets présentés comme la traduction des pensées d’un major anglais et jouant sur le décalage (évident) entre les mentalités nationales.

Le procédé rappelle l’exotisme littéraire des Lettres persanes de Montesquieu. Quant à la division des Français, elle renvoie au mot de Rochefort : « La France compte 36 millions de sujets, sans compter les sujets de mécontentement. »

« Parlez-vous franglais ? »2958

René ÉTIEMBLE (1909-2002), titre d’un essai (1964)

Ce linguiste promeut le mondialisme littéraire comme traducteur, critique, directeur de collection et universitaire, encourageant les échanges avec les écrivains et intellectuels de tous les pays, et l’accueil des étudiants étrangers. Mais dans cet essai « best-seller » (n’en déplaise à son auteur), il lutte contre la colonisation langagière qui n’a pas fini de mettre en péril le français dans l’hexagone et la francophonie dans le monde.

L’anglais, porte-parole de la civilisation anglo-saxonne, gagne irrésistiblement du terrain. La révolution numérique et la mondialisation galopante accentuent naturellement le phénomène. Mais une langue vit aussi de ses emprunts à d’autres langues et l’anglais lui-même s’est nourri du français. Exemple étonnant : peuple, vieux mot français s’il en est, devient « people » en anglais et nous revient tel quel dans un sens différent, voire opposé, désignant les gens chics, riches ou à la mode.

« La moitié du nuage d’ozone qui sévit dans la région parisienne est d’importation anglaise et allemande. »3379

Roselyne BACHELOT (née en 1946), ministre de l’Écologie et du Développement durable, Le Parisien, 20 septembre 2003

Citation nommée en 2004 pour le prix de l’humour politique, décerné annuellement par le Press Club. Mais le plus « drôle », c’est que c’est vrai.

Un mois après la canicule meurtrière d’août 2003, un rapport du ministère dresse le bilan : « Les durées de vie des composés impliqués dans la pollution photochimique obligent à considérer le problème sur une grande échelle de temps (plusieurs jours) et d’espace (sur des distances de plusieurs milliers de kilomètres). La pollution par l’ozone peut ainsi affecter des territoires éloignés des sources : les émissions de polluants émis en Allemagne ou en Grande-Bretagne peuvent venir affecter la qualité de l’air en Alsace ou en Île-de-France ; la réciproque est bien entendu vraie. Cet impact à longue distance dépend des conditions météorologiques et géographiques : alors qu’il n’y a pas d’obstacle naturel au transfert de pollution entre la France, l’Allemagne et l’Angleterre, la barrière que constituent les Alpes isole l’Italie du Nord. »

A contrario et rétrospectivement, cela démontre le mensonge d’État selon lequel le nuage radioactif de Tchernobyl s’était prétendument arrêté à la frontière en avril-mai 1986, au prétexte que l’anticyclone des Açores protégeait la France.

Quant à la propagation du Coronavirus, cette pandémie mondiale n’a pas encore révélé tous ses secrets, en 2020. Seule certitude, elle « fait l’actu » depuis le début de l’année. Le Brexit va quand même s’imposer. D’où cet édito à la fois historique et d’actualité.

« Dans la tourmente, l’Europe reçoit le prix Nobel de la paix. »3494

Le Monde, dépêche AFP, 10 décembre 2012

L’Union européenne des 27 pays, représentée à Oslo par une vingtaine de chefs d’État et de gouvernement, dont le couple vedette franco-allemand Hollande et Merkel, a été couronnée deux mois plus tôt par le Nobel de la paix, pour son rôle dans la transformation « d’un continent de guerre en continent de paix ».

Selon la presse internationale, cette récompense intervient alors que l’UE affiche un « état d’effritement évident ». Le Premier ministre David Cameron est soucieux de ne pas heurter son propre parti, les conservateurs eurosceptiques déjà favorables au Brexit (sortie de l’Union) : il a donc envoyé son vice-premier ministre représenter la Grande-Bretagne.

Le président de la République tchèque, Vaclav Klaus, connu pour son hostilité personnelle à une Europe intégrée pourtant voulue par son peuple, qualifie la décision du comité Nobel de « farce tragique ». En Grèce, premier pays touché par la crise, les journaux rappellent l’amertume d’une population condamnée à une politique d’austérité sans précédent, favorisant l’extrémisme, l’insécurité et la peur. On évitera de peu le « Grexit » (exclusion de la Grèce). Des agences de presse et des sites internationaux voient dans ce prix une trahison du testament d’Alfred Nobel et regrettent qu’il n’ait pas récompensé Robert Schuman, père et prophète du projet pacifique pour le continent, il y a soixante ans.

Le président du Comité Nobel norvégien remet le prix et répond aux critiques et aux sceptiques en europhile convaincu, quoique conscient de la crise : « Nous ne sommes par rassemblés ici aujourd’hui avec la conviction que l’UE est parfaite. Nous sommes rassemblés avec la conviction que l’on doit résoudre nos problèmes ensemble. » La chancelière Angela Merkel réagit dans le même esprit, par la voix de son porte-parole : « Nous y voyons un encouragement au grand projet pacificateur qu’a représenté l’Union européenne pour le continent européen. »
En France, le personnel politique est partagé : majoritairement pro-européen, hormis aux extrêmes, gauche et droite.

« L’UE est l’ensemble régional le plus intégré du monde, et c’est aussi celui où ont eu lieu les conflits les plus sanglants. Les deux guerres mondiales ont été en réalité des guerres européennes, même si elles ont aussi enflammé la planète. »3495

Pierre MOSCOVICI (né en 1957), ministre de l’Économie et des Finances du gouvernement Ayrault, ex-ministre délégué chargé des Affaires européennes du gouvernement Jospin, ex-député européen, AFP, 12 octobre 2012 (jour de la proclamation du prix)

De Tokyo, où il participe à l’assemblée générale du FMI et de la Banque mondiale, le ministre a salué l’attribution du Nobel de la paix à l’Union européenne comme « la récompense d’un processus historique unique. »

Il souligne le chemin parcouru depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, évoquant « une Europe unie, vivant en paix et avec des institutions solides. » Ces progrès ont été accomplis « d’abord par la réconciliation franco-allemande, qui est aujourd’hui une évidence et le moteur de l’Europe. » Ils ont ensuite été permis « par les élargissements successifs qui ont fait que l’Europe se réunifie après la chute du mur de Berlin. » Pour conclure de manière positive : « S’il s’agissait de saluer cette œuvre historique, de la donner non comme un modèle, mais comme un exemple de ce que la volonté politique peut permettre en termes de dépassement des conflits, alors, cette récompense est bienvenue. »

« D’habitude, les rassemblements entre peuples ou entre pays sont le résultat de la guerre et en tout cas de la domination des plus puissants sur les plus faibles. C’est la première fois dans l’histoire que des peuples se rapprochent librement, et le font dans une perspective de paix. »3496

François Bayrou (né en 1951), président du MoDem, ex-député européen, ex-conseiller du président du Parlement européen, AFP, 12 octobre 2012 (jour de la proclamation du prix)

Même raisonnement que Moscovici, même réaction immédiate, même mise en perspective historique.

La construction européenne reste un thème politique majeur de sa politique - Bayrou le centriste n’a jamais changé de langage. Il salue « l’entreprise historique la plus pacifique de tous les temps […] En cela, le comité Nobel ne pouvait pas choisir plus justement. » Il convient de contrer les discours eurosceptiques ou critiques : « Parce qu’on a le nez sur l’événement et qu’on vit davantage les difficultés quotidiennes que la dimension historique, on perd de vue ce que cette œuvre a d’unique dans l’histoire des hommes […] Car l’UE - et c’est sans précédent - n’a développé aucune volonté de domination sur aucun autre peuple ou région. Son seul but est de défendre la liberté de ceux qui la forment et leurs valeurs. »

Jean-Louis Borloo, président de l’Union des démocrates et indépendants (UDI), nouveau parti de centre droit, fait chorus : « Le reste du monde nous rappelle que l’Europe est le plus grand projet politique de paix, de liberté et de démocratie. Nous devons être fiers de ce que ce modèle unique au monde a accompli en si peu de temps. Le reste du monde nous dit aussi : Souvenez-vous d’où vous venez, de ce que vous êtes et où vous voulez aller. »

Jean-François Copé, secrétaire général de l’UMP, s’inscrit également dans une perspective historique, à la fois indiscutable et nécessaire : « La paix est l’acquis majeur de la construction européenne, car pour la première fois de l’histoire, depuis plus de cinquante ans, l’Europe n’a pas connu la guerre. »

« On comprend qu’elle [l’Union européenne] n’ait pas reçu le prix Nobel d’économie, tant sa politique aggrave la crise et le chômage. »3497

Jean-Luc MÉLENCHON (né en 1951), coprésident du Parti de gauche et eurodéputé, AFP, 12 octobre 2012 (jour de la proclamation du prix)

L’ironie sied à l’ex-candidat à la présidence, qui reprend les arguments des partis à la gauche de la gauche socialiste : « Certes, l’Union européenne a garanti la paix aux marchés financiers, aux spéculateurs et aux profits bancaires […] Mais ne mène-t-elle pas une guerre contre les peuples qui la composent et leurs droits sociaux ? […] Dans ces conditions, autant lui accorder aussi le prix Nobel de littérature pour la qualité littéraire de ses traités. Le Comité Nobel mérite, quant à lui, le prix Nobel de l’humour noir. »

Présidente du FN, Marine Le Pen, humour en moins, pense pareil : « L’Union européenne est aujourd’hui le premier facteur de désunion et de montée des tensions entre les nations européennes, en organisant une concurrence féroce entre les peuples, en méprisant toute forme d’expression démocratique et en sacrifiant partout la prospérité sur le dogme de l’euro […] Les Grecs le savent déjà : l’Union européenne n’a pas encore de canons, mais ses divisions sont les puissances d’argent et les banques qui asservissent les peuples. »

Quoiqu’on dise et quoiqu’on pense en France et bien au-delà, l’Europe, quelle qu’en soit la forme et le destin, est l’un des enjeux économiques et géopolitiques du XXIe siècle.

4. Épilogue européen : le Brexit. Le Royaume-Uni qui a quitté l’UE suite au referendum de juin 2016 en sortira effectivement le 31 décembre 2020 à minuit : seul suspense, deal ou no deal.

De Gaulle, président de la République, a dit deux fois « non » à l’entrée de l’Angleterre dans le Marché Commun des Six - ancêtre de la CEE (Communauté économique européenne) devenue UE (Union européenne) de 27 pays.

Ce double veto de la France défraya la chronique ! Il tint à s’en expliquer : ses deux conférences de presse font date. Saluons au passage le talent oratoire du général, si loin de la langue de bois diplomatique, de la « com » médiatique ou de l’invective hystérique.

La cause semble si clairement entendue que le commentaire devient inutile. Rappelons simplement que le général, doué d’une intuition politique remarquable et riche d’une solide culture historique, a connu personnellement cette alliée de la France, entre 1940 et 1945.

« L’Angleterre est insulaire. Elle est maritime. Elle est liée par ses échanges, ses marchés, ses ravitaillements aux pays les plus divers, et souvent les plus lointains. Elle exerce une activité essentiellement industrielle et commerciale, et très peu agricole (…) Bref, la nature, la structure qui sont propres à l’Angleterre diffèrent profondément de celles des continentaux (…) Il est possible qu’un jour l’Angleterre parvienne à se transformer elle-même suffisamment pour faire partie de la Communauté européenne sans restriction (…) Il est possible aussi que l’Angleterre n’y soit pas encore disposée et c’est bien là ce qui paraît résulter des longues, si longues, si longues conversations de Bruxelles. »

Conférence de presse du 14 janvier 1963. INA (Institut national de l’audiovisuel)

« Faire entrer l’Angleterre, ce serait pour les Six donner d’avance leur consentement à tous les artifices, délais et faux-semblants, qui tendraient à dissimuler la destruction d’un édifice qui a été bâti au prix de tant de peine et au milieu de tant d’espoir (…) Sans doute les Anglais montrent-ils des dispositions nouvelles et sympathiques. Mais dès que l’on entre dans le sujet, dès que l’on parle de l’agriculture, dès que l’on parle de la livre sterling, on constate que les Anglais, s’ils forçaient la porte du Marché commun, en bouleverseraient la donne. Ils en deviendraient, pour mille raisons, l’élément dominant, et le tourneraient à leur façon. »

Conférence de presse du 27 novembre 1967

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