Mallet du Pan : « On crut que Robespierre allait fermer l'abîme de la Révolution. » | L’Histoire en citations
Chronique du jour

 

Révolution

Convention nationale (suite)

La loi de Prairial (10 juin 1794) organise la Grande Terreur, Robespierre dénonce les « fripons » à la tribune. Le métier de député devient trop risqué, d’où le coup d’État en projet.

Deux jours après la Fête de l’Être suprême, la loi de Prairial (10 juin 1794) renforce la dictature jacobine en énumérant tous les ennemis du peuple relevant de la guillotine. D’où la Grande Terreur : « Les têtes tombaient comme des ardoises », parole de Fouquier-Tinville, accusateur public. 1 300 victimes à Paris. Le poète André Chénier sera parmi les derniers condamnés.

Les députés qui se sentent menacés veulent arrêter la mécanique infernale, le 8 Thermidor An II (26 juillet 1794).

Robespierre, à la tribune, vient de dénoncer « la horde des fripons », sans donner de noms. Saint-Just prépare son discours du lendemain. La veille de leur chute, ils ignorent le danger.

Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.

« On crut que Robespierre allait fermer l’abîme de la Révolution. »1594

Jacques François MALLET du PAN (1749-1800), après la fête de l’Être suprême, juin 1794

La Révolution française, 1789-1799 (1948), Albert Soboul.

Réfugié à Berne, rapporteur pour les cours étrangères, il témoigne dans ses Mémoires. Après les fureurs de la déchristianisation (culte de la Raison) et de la Terreur révolutionnaire, cette manifestation nationale du 20 prairial an II impressionne et rassure les voisins de la France. Mais ça ne dure guère et la nouvelle religion n’adoucit pas les mœurs.

« Les têtes tombaient comme des ardoises. »1595

FOUQUIER-TINVILLE (1746-1795), après la loi du 22 prairial an II (10 juin 1794). Histoire de la Révolution française (1823-1827), Adolphe Thiers, Félix Bodin

Parole d’accusateur public, chargé de tous les grands procès sous la Terreur à Paris. Deux jours après la fête de l’Être suprême, la loi de Prairial énumère tous les ennemis du peuple promis à l’échafaud et justiciables du Tribunal révolutionnaire. Ce n’est plus qu’une parodie de justice (…) C’est la Grande Terreur : plus de 1 300 exécutions à Paris, du 10 juin au 27 juillet (9 thermidor) (…)

« Que parles-tu, Vallier, de faire des tragédies ? La Tragédie court les rues. »1596

Jean-François DUCIS (1733-1816), Correspondance, au plus fort de la Terreur (…)

Poète tragique et traducteur (très libre) de Shakespeare, il répond à l’un de ses amis. Et témoigne, dans cette lettre : « Si je mets les pieds hors de chez moi, j’ai du sang jusqu’à la cheville. » Le théâtre est florissant (hors les jours et les quartiers tragiques), on joue beaucoup d’œuvres « de circonstance », mais la Révolution n’inspire aucune œuvre jouable par la suite. Très vite, on se rabat sur les tragédies de Voltaire (…)

« Il faut raccourcir les géants
Et rendre les petits plus grands,
Tout à la même hauteur
Voilà le vrai bonheur. »1597

Portrait du sans-culotte, chanson anonyme. Les Sans-culottes parisiens en l’an II (1968), Albert Soboul

C’est l’homme nouveau, vu par la sans-culotterie. C’est le règne de l’égalité prise au pied de la lettre ! C’est aussi la négation du grand homme, du héros en tant qu’individu, au bénéfice du héros collectif, le peuple, incarné par le sans-culotte. Et c’est toujours l’histoire de France, contée par les chansons.

« Le saviez-vous, Républicains,
Quel sort était le sort du Nègre ?
Qu’à son rang, parmi les humains,
Un sage décret réintègre ;
Il était esclave en naissant,
Puni de mort pour un seul geste
On vendait jusqu’à son enfant. »1598

Pierre-Antoine-Augustin de PIIS (1755-1832), La Liberté des Nègres (1794), chanson

L’auteur est le fils naturel d’un officier de Saint-Domingue, territoire faisant partie de ce que l’on nommait les « îles d’Amérique », englobant la Guadeloupe et la Martinique. Le « citoyen Piis » est poète de circonstance, comme il y en a beaucoup à l’époque (…) Son opportunisme, supérieur à son talent, lui vaut l’honneur du Dictionnaire des girouettes (1815). Sous la Terreur, il a fait comme Sieyès, « la taupe ».

« Hélas ! je n’ai rien fait pour la postérité ; et pourtant, j’avais quelque chose là. »1599

André CHÉNIER (1762-1794), se frappant le front avant de monter à l’échafaud, 25 juillet 1794. Mot de la fin d’un poète. Dictionnaire de français Larousse, au mot « postérité »

Une des dernières victimes de la Terreur (…) Avec autant de courage que de talent, de son « cœur gros de haine, affamé de justice », il crie jusqu’à la fin sa révolte contre les exactions (…) Son frère cadet, Marie-Joseph, lui-même suspect, n’a rien pu faire pour le sauver. Le poète est passé à la postérité avec La Jeune Captive, ode écrite en prison, dédiée à Aimée de Coigny, prisonnière à Saint-Lazare, sauvée par la chute de Robespierre.

« Peuple, souviens-toi que si dans la République la justice ne règne pas avec un empire absolu, et si ce mot ne signifie pas l’amour de l’égalité et de la patrie, la liberté n’est qu’un vain nom ! »1600

ROBESPIERRE (1758-1794), Convention, Discours du 26 juillet 1794. Grands moments d’éloquences parlementaire, Assemblée nationale

8 thermidor an II, veille de sa chute. Robespierre s’est fait discret, depuis quelques jours, et on l’attend. Cette longue péroraison est son « discours testament ». Il termine en menaçant : « Je suis fait pour combattre le crime (…) les défenseurs de la liberté ne seront que des proscrits, tant que la horde des fripons dominera. » (…)

« Demain, de Robespierre ou de moi, l’un des deux sera mort. »1601

Joseph CAMBON (1756-1820), se croyant sur la liste des « fripons » dénoncés et condamnés par Robespierre, Convention, 26 juillet 1794

Député de la Plaine rallié aux Montagnards, membre du premier Comité de salut public, président du Comité des Finances, il est devenu l’un des opposants à Robespierre. Il n’est plus seul. La loi de Prairial fut la loi de trop. Elle menace pratiquement tout le personnel politique. Depuis la mi-juin, on cherche à ridiculiser Robespierre – une façon de tuer politiquement le dictateur (…) Lui ignore le danger.

« La masse de la Convention est pure ; rassure-toi ; je n’ai rien à craindre. »1602

ROBESPIERRE (1758-1794), à Duplay qui lui conseille la prudence, Convention, 26 juillet 1794 (…)

Maurice Duplay, au club des Jacobins, est un fidèle de Robespierre. Mais la masse de la Convention a compris le danger – la fonction de député se révèle de plus en plus périlleuse : sur 749 Conventionnels, 56 guillotinés, 27 morts violentes et 15 morts en état de folie (du 31 mai 1793 au 27 juillet 1794). Il faut arrêter la mécanique fatale.

« Quand on se vante d’avoir le courage de la vertu, il faut avoir le courage de la vérité. Nommez ceux que vous accusez ! »1603

Louis Joseph CHARLIER (1754-1797), à Robespierre, Convention, 26 juillet 1794 (…)

Robespierre a dénoncé la « horde des fripons », rejetant sur eux les excès de la Terreur. C’est bien dans sa manière de dire sans dire. Le nom des fripons est connu de tous (Tallien et sa femme, Carnot, Fouché, Barras), mais (…) des listes circulent, vraies ou fausses – une façon d’échauffer les esprits. Les « fripons » vont s’entendre pour renverser Robespierre, il faut faire vite. La Commune de Paris est avec lui, il a ses partisans aux Jacobins.

« Un abîme est ouvert sous nos pas. Il ne faut pas hésiter à le combler de nos cadavres ou à triompher des traîtres. »1604

Jean-Nicolas BILLAUD-VARENNE (1756-1819), Convention, 27 juillet 1794. Histoire socialiste, 1789-1900, volume 4, La Convention (1908), Jean Jaurès

Le député est conscient du danger. Certes, il est membre du Comité de salut public, il fut l’allié de Robespierre contre les factieux : hébertistes et dantonistes. Mais il est de ceux qui ont organisé le coup d’État du 9 thermidor an II. La veille au soir, le 26 (…) il s’est allié aux conventionnels modérés de la Plaine : on leur a promis la fin de la Terreur. Il faut seulement empêcher Robespierre et Saint-Just de parler à la Convention, ce 27 juillet 1794.

« Je ne suis d’aucune faction, je les combattrai toutes. »1605

SAINT-JUST (1767-1794), Convention, 27 juillet 1794 (…)

Dernier discours, déposé sur le bureau et imprimé le 30, par ordre de la Convention. Un très long discours (…) Mais Saint-Just n’a pas le temps d’argumenter. Au quatrième alinéa, il est violemment interrompu par Tallien et d’autres députés. Il a passé la nuit à écrire son texte, il n’est pas au courant du coup d’État préparé par les factions.

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