Montesquieu : « On dit que l'homme est un animal sociable. Sur ce pied-là, il me paraît que le Français est plus homme qu'un autre... » | L’Histoire en citations
Chronique du jour

 

Siècle des Lumières.
Prologue (suite).

Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.

Mœurs et société

« On dit que l’homme est un animal sociable. Sur ce pied-là, il me paraît que le Français est plus homme qu’un autre, c’est l’homme par excellence ; car il semble fait uniquement pour la société. »975

MONTESQUIEU (1689-1755), Lettres Persanes (1721)

La sociabilité sera l’un des traits caractéristiques de ce siècle, porté à un point extrême et tantôt qualité, tantôt défaut. Le moraliste Chamfort confirme, à la veille de la Révolution : « Les gens du monde ne sont pas plutôt attroupés qu’ils se croient en société. »

« La société qui rapetisse beaucoup les hommes réduit les femmes à rien. »976

CHAMFORT (1740-1794), Pensées, maximes et anecdotes (posthume, 1803)

Les femmes furent souvent l’ornement de ce siècle raffiné : favorites, figurantes, élégantes, de la cour de Versailles aux jardins du Palais-Royal et de salons littéraires en boutiques de mode (…) De tous les philosophes du siècle, Jean-Jacques Rousseau est le seul asocial, à un point quasi maladif.

« Celui qui est à la cour, à Paris, dans les provinces, qui voit agir des ministres, des magistrats, des prélats, s’il ne connaît les femmes qui les gouvernent, est comme un homme qui voit bien une machine qui joue, mais qui n’en connaît point les ressorts. »977

MONTESQUIEU (1689-1755), Lettres Persanes (1721)

Au-delà des apparences futiles et brillantes, les femmes jouent leur rôle dans l’histoire. Et d’abord dans celle des idées. Elles ont soutenu les Modernes contre les Anciens dans les querelles du siècle dernier, on les voit maintenant aux côtés des philosophes. Influentes aussi dans l’économie (…) et dans la politique où les favorites royales jouent un rôle (…)

« On apprête le café de telle manière qu’il donne de l’esprit à ceux qui en prennent. »978

MONTESQUIEU (1689-1755), Lettres Persanes (1721)

La Régence, le Procope, Gradot, Laurent : c’est la grande mode des cafés où le café fait fureur – on en compte 300 à Paris, en 1715. Les clubs, plus fermés, institution typiquement anglaise, séduisent la France anglophile jusqu’à l’anglomanie. Et les salons se multiplient, à Paris et en province (…)

« La fureur de la plupart des Français, c’est d’avoir de l’esprit, et la fureur de ceux qui veulent avoir de l’esprit, c’est de faire des livres. »979

MONTESQUIEU (1689-1755), Lettres Persanes (1721)

Trait typique du siècle des Lumières, et qui ne fera que se renforcer, lui donnant son unité par-delà d’extrêmes diversités et complexités, contrastes et contradictions.

« Paris est un monde. Tout y est grand : beaucoup de mal et beaucoup de bien. Aller aux spectacles, aux promenades, aux endroits de plaisir, tout est plein. Aller aux églises, il y a foule partout. »980

Carlo GOLDONI (1707-1793), Mémoires (1787)

Italien de Paris, auteur dramatique adopté par la capitale, il profite du goût des Parisiens pour les spectacles (…) Le très français Montesquieu confirme : « Je hais Versailles parce que tout le monde y est petit ; j’aime Paris parce que tout le monde y est grand. »

« Les grandes fortunes se commencent souvent en province ; mais ce n’est qu’à Paris qu’elles s’achèvent et qu’on en jouit […] Paris est le centre de la dissipation. »981

Charles Pinot DUCLOS (1704-1772), Considérations sur les mœurs de ce siècle (1751)

Développement du négoce et de la banque et spéculation immobilière sont portés à leur comble dès la Régence, avec le système de Law qui donne la fièvre à Paris. Malgré l’échec retentissant, une nouvelle société est née, à la mentalité affairiste, éprise de luxe et de plaisirs, aux mœurs délibérément scandaleuses (…)

« Paris est peut-être la ville du monde la plus sensuelle et où l’on raffine le plus sur les plaisirs ; mais c’est peut-être celle où l’on mène une vie plus dure. Pour qu’un homme vive délicieusement, il faut que cent autres travaillent sans relâche. »982

MONTESQUIEU (1689-1755), Lettres Persanes (1721)

Contraste plus que jamais affiché, donc choquant pour l’un des premiers philosophes du siècle, entre la minorité de privilégiés et les autres. Rousseau, le moins parisien et le plus plébéien des philosophes, écrira : « Une vie dure est plus facile à supporter en province que la fortune à poursuivre à Paris. »

« L’intérêt est le plus grand monarque de la terre. Cette ardeur pour le travail, cette passion de s’enrichir, passe de condition en condition, depuis les artisans jusques aux grands. »983

MONTESQUIEU (1689-1755), Lettres Persanes (1721)

Ambivalence de cette civilisation d’un côté raffinée, charmante, luxueuse et philosophante, et de cette société affairiste où la course à l’argent devient la préoccupation permanente d’une noblesse descendue dans l’arène, aussi bien que de la bourgeoisie toujours soucieuse d’ascension sociale (…)

« La société est composée de deux grandes classes : ceux qui ont plus de dîners que d’appétit et ceux qui ont plus d’appétit que de dîners. »984

CHAMFORT (1740-1794), Pensées, maximes et anecdotes (posthume, 1803)

Cette vérité, valable sans doute en tout temps et tout lieu, s’impose plus cruellement à la fin de l’Ancien Régime où les riches (privilégiés) se sont enrichis, sans que les pauvres (surimposés) aient eu leur juste part de la prospérité économique du pays.

« On a tout avec de l’argent, hormis des mœurs et des citoyens. »985

Jean-Jacques ROUSSEAU (1712-1778), Discours sur les sciences et les arts (1750)

Réaction violente à mi-siècle contre la décadence des mœurs d’un pays grisé par sa propre civilisation. Rousseau juge en moraliste et philosophe, mais aussi en « pauvre » et « asocial », cette société où l’argent devient la mesure de tout, tandis que le plaisir, le luxe, la jouissance et parfois la débauche s’affichent (…)

« La feinte charité du riche n’est en lui qu’un luxe de plus ; il nourrit les pauvres comme des chiens et des chevaux. »986

Jean-Jacques ROUSSEAU (1712-1778), Correspondance, à M. Moulton

Humilié dans ses divers postes de laquais et de gouverneur auprès de maîtres orgueilleux, Rousseau parle de ce qu’il sait et que les autres philosophes ignorent – Diderot excepté, qui connut lui aussi la pauvreté, avant de vivre en courtisan.

« Le luxe absorbe tout : on le blâme, mais il faut l’imiter ; et le superflu finit par priver du nécessaire. »987

Choderlos de LACLOS (1741-1803), Les Liaisons dangereuses (1782)

Lettre de la marquise de Merteuil à Mme de Volanges. L’auteur est resté célèbre à juste titre, pour cette seule œuvre, sous-titrée : Lettres recueillies dans une société et publiées pour l’instruction de quelques autres.

« Il me semble au moins que c’est rendre un service aux mœurs que de dévoiler les moyens qu’emploient ceux qui en ont de mauvaises pour corrompre ceux qui en ont de bonnes. »988

Choderlos de LACLOS (1741-1803), Les Liaisons dangereuses, Préface (1782)

Véritable traité du mal qui donne à voir avec la même froideur et la même vérité les victimes et les corrupteurs. Cette description quasi clinique fascine encore le lecteur et le cinéma n’a pas manqué d’exploiter cette veine qui échappe à toute mode.

« Mon plus grand chagrin est qu’il n’existe réellement pas de Dieu et de me voir privé, par là, du plaisir de l’insulter plus positivement. »989

Marquis de SADE (1740-1814), L’Histoire de Juliette (1797)

Au-delà des philosophes vaguement déistes ou résolument athées, Sade se pose comme le plus irréligieux des grands marginaux du siècle. Jamais la perversion n’a été poussée si loin et deux siècles plus tard, elle demeure exemplaire et scandaleuse (…)

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